Oligoptik, frontières intelligentes?

Une pièce inspirée d’une recherche ethnographique

Dans Oligoptik, frontières intelligentes ? (2018), Vincent Berhault et Cédric Parizot mettent en scène un comédien (Barthélémy Goutet) et un danseur (Grégory Kamoun). Alternant les rôles de guide, de garde-frontière, ou encore de clandestin, mobilisant les registres comiques, dramatiques et de l’absurde, ces deux artistes interrogent les dysfonctionnements, la fragilité et l’aberration de ces frontières « intelligentes ».

Inspirée d’une recherche ethnographique réalisée par Cédric Parizot en Israël Palestine, cette pièce revient sur un événement intervenu en 2007 : le découpage par des Palestiniens de 1,5 km de clôture au nord-est de Jérusalem. Chargées dans des camions les portions de la barrière avaient été revendues au plus offrant. L’information à propos de cet évènement n’avait pas du tout circulé, ni du côté israélien, ni du côté palestinien. L’événement posait donc deux questions : d’une part, comment un tel dispositif de surveillance de surveillance, doté de capteurs extrêmement sophistiqués, n’avait pas permis aux autorités israéliennes de voir et d’arrêter les Palestiniens en train de découper le grillage, et d’autre part, pourquoi un événement de cette nature n’avait pas été médiatisé. Plutôt que de fournir une vision panoptique, la frontière intelligente et les médias locaux, semblaient offrir une vision « oligoptique » du terrain.

Oligoptik, frontières intelligentes? from antiAtlas on Vimeo.

Une expérimentation art-science

L’enjeu de cette pièce n’est pas de mobiliser des artistes pour communiquer avec plus de facilité un propos scientifique préalablement construit par un chercheur. Oligoptik n’est ni un exercice de valorisation, ni une tentative de vulgarisation du savoir. Elle doit être davantage envisagée comme une expérimentation art-science, à deux niveaux.

Tout d’abord, dans le cadre de sa préparation, cette pièce a conduit le chercheur à appréhender un objet de recherche sur lequel il avait déjà travaillé à travers de nouvelles formes; des formes qui ont été élaborées avec les artistes en s’appuyant sur des vocabulaires et des écritures provenant du théâtre physique, de la danse contemporaine, de la Capoeira et du cirque. Ce processus l’a conduit à des déplacements, des frustrations et des perturbations. Loin d’être des échecs, ceux-ci ont stimulé un retour critique sur la relation qu’il entretenait avec son objet d’étude, sur ses modes d’écritures et sur les dispositifs qu’il mobilise pour assurer la circulation et la diffusion de son savoir.

Ensuite, les restitutions de cette pièce ont également constitué des expérimentations. Que ce soit à l’Abbaye de Sylvacane ou au MUCEM, ses auteurs ont testé et mis à l’épreuve des types de mise en scène, des formes et différents types de registres. Il s’agit donc encore d’une écriture en devenir. En outre, plutôt que de mobiliser ces formes pour représenter le fonctionnement ou les dysfonctionnement des frontières intelligentes, ils s’en servent pour produire un dispositif artistique et scientifique critique, c’est-à-dire, un dispositif qui propose de remettre en jeu la relation qu’entretiennent les spectateurs avec les murs. En bref, plutôt que d’informer, Oligoptik propose de nous interroger sur les manières dont nous nous engageons, nous pensons et communiquons à propos de la multiplication des barrières et des murs le long des frontières des États au 21ème siècle.

Genèse du projet

A l’origine Oligoptik avait été créée conçue pour le Festival Jours et [nuits] de Cirque(s) 2018 organisé par le CIAM. Grâce au soutien du projet LabexMed et de la Maison méditerranéenne des Sciences de l’Homme, l’équipe se réunit à nouveau entre Aix en Provence et Marseille pour poursuivre ce travail d’écriture. La nouvelle version est présentée le 10 octobre 2019 lors de la célébration des 80 ans du CNRS à l’auditorium du MUCEM à Marseille.

Représentations

10 octobre 2019, 80 ans du CNRS, MUCEM, Marseille
16 septembre 2018, Abbaye de Silvacane, La Roque d’Anthéron

Partenariats

Compagnie Les Singuliers
antiAtlas des frontières
Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans
Projet LabexMed
Centre international des arts en mouvements, Aix en Provence
Maison méditerranéenne des sciences de l’Homme
Aix Marseille université
CNRS

Photos: Christophe Raynaud de Lage, 2018