Atelier 0 : Journée Art-Science de l’IMéRA, les frontières du 21e siècle

29-30 Septembre 2011
IMéRA,
2 place Le verrier,
13004 Marseille

Organisation: Cédric Parizot (IMéRA, IREMAM, CNRS/AMU), Roger Malina (Observatoire astronomique Marseille-Provence
Samuel Bordreuil, sociologue (Laboratoire méditerranéen de sociologie)

Les deux journées Art-sciences permettront un premier éclairage transdisciplinaire des frontières par des artistes, des chercheurs en sciences sociales et des spécialistes des sciences dures, en s’inspirant le cas échant des quatre chantiers d’interdisciplinarité identifiés dans le programme exploratoire de l’IMéRA  :

Thème 1. Flux et réseaux, les dynamiques des frontières. Les participants discuteront des nouvelles techniques déployées par les Etats pour aménager l’espace, contrôler les mobilités et les flux, et de la manière dont les acteurs (populations frontalières et mobiles) développent de nouvelles stratégies de contournement ou de réappropriation de ces dispositifs. L’attention sera également portée sur la structuration des réseaux et leurs articulations à l’interface entre acteurs étatiques/non-étatiques, formel/informel.

Thème 2 : Contrôles et biométrie. L’accent est mis ici sur les techniques de contrôle qui travaillent directement sur les corps. Il s’agira d’abord d’étudier les conditions techniques autant que les conditions sociales, économiques et politiques de la diffusion de la biométrie. Ensuite, tout en tenant compte des limites de l’application pratique de cette technique, les participants envisageront ses effets sur la transformation du fonctionnement des frontières, leurs structures, leurs manifestations.

Thème 3 : Frontières physiques, frontières virtuelles. L’objectif de cette thématique est d’aborder et d’analyser les processus en apparence contradictoires qui entraînent d’un côté une sur-matérialisation (construction de murs, mise en scène du renforcement des frontières aux marges des territoires) et de l’autre, la déterritorialisation (éclatement, flexibilisation, frontières ponctiformes) et la dématérialisation des frontières et leur inscription dans le monde virtuel (internet, etc.). Nous analyserons ici tout à la fois les modalités de virtualisation du contrôle déployées par l’Etat, ainsi que les nouvelles méthodes de contournement ou de détournement que développent les acteurs qui y sont confrontés ou qui sont impliqués dans sa gestion.

Thème 4 : Représentations des frontières et de leurs vécus. L’objectif de ce thème est d’ouvrir un chantier de réflexion sur les modalités de représentation des frontières dans leur complexité (éclatement, flexibilisation, frontières ponctiformes, virtualisation, etc.), de leurs vécus de plus en plus asymétriques et de leurs nouveaux modes de contournement.

L’Art et les frontières

Scott Gresham-Lancaster, compositeur, spécialiste des nouveaux medias ; résident de l’IMéRA
Boundaries between music and sound

Pierre Paliard, historien d’art, Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence
Ritournelles

Jean Cristofol, philosophe, Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence
La frontière comme catalyseur sensible ou Une zone de fractures politique et poétique

Sciences dures et frontières

Roger Malina, astrophysicien (OAMP), co-responsable du pôle Art-Sciences de l’IMéRA
Frontières du Réel : Les Terrains Art-Sciences

Bruno Giorgini, physicien (Laboratoire de Physique de la Ville, Bologna University and Istituto Nazionale di Fisica Nucleare), résident de l’IMéRA
Venice network and the bridges

Frontières, art et sciences humaines

Cédric Parizot, anthropologue du politique, IREMAM (Aix Marseille Université, CNRS)
Présentation du programme exploratoire transdisciplinaire de l’IMéRA

Nick Mai, anthropologue, Institute for the Study of European Transformations (ISET) – London Metropolitan University
The border between filmaking, migration and social research : exploring embodied boundaries

Anne-Laure Amilhat-Szary, géographe, Institut de Géographie Alpine, Université Joseph Fourier, Laboratoire PACTE-Territoires, Membre de l’Institut Universitaire de France
L’art au temps du boycott : culture et politique autour du mur de séparation entre Israël et les territoires palestiniens

Dynamical Networks

Equipe “Dynamical Networks”, anciens résidents de l’IMéRA : Ciro Cattuto et Marco Quaggiotto, chercheurs en sciences des réseaux complexes (ISI Torino), et Wouter Van den Broeck, chercheur et designer
Drawing borders from behavioral patterns

Résumés

Scott Gresham-Lancaster, compositeur, spécialiste des nouveaux medias ; résident de l’IMéRA

Boundaries between music and sound

I will bring to the new boundary between sound that is generated directly from data and music that is generated and/or perturb more conventional musical forms. This includes the problematic perceptual and cultural problems of distinction between solid information and the implication of information that might be more a part of the structural integrity of the style or form of the music that is being used as a « carrier » of information. This is why the concept of « exformation » is so primary to what I am working on. Without user familiarity with the music (carrier) that is actively being changed by the time domain information there is no point of reference for the information to be discerned.

Pierre Paliard, historien d’art, Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence

Ritournelles

Les frontières existent. Elles sont l’expression des mouvements d’une communauté vivante dans ses aspects matériels et immatériels. Faisant suite à un temps de religion et d’utopies où le régime symbolique de l’art organisait un récit tournant autour de l’origine (religion) ou de la fin (idéologie) nous connaissons aujourd’hui le développement d’un art engagé dans les dimensions concrètes de l’expérience contemporaine. Limites et frontières, tant dans les champs du savoir que des pratiques sociales,  sont ainsi interrogées dans des stratégies conscientes de débordements et d’appropriations visant des recompositions dépassant les dimensions identitaires fermées. Je tenterai de montrer, en particulier, qu’entre mondialisation et repli identitaire, il existe dans l’art contemporain des tentatives ouvertes et créatives qui proposent des formes nouvelles brassant des échelles différentes et des objets d’origines très diverses. Laissant de côté le concept d’influence j’insisterai sur la dynamique volontariste des emprunts faits à l’autre.
 
Jean Cristofol, philosophe, Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence

Frontière comme catalyseur sensible ou zone de fractures politique et poétique

Dans sa forme classique, la frontière comme séparation linéaire n’est pas seulement un phénomène politique et économique, mais culturel et esthétique. Or c’est à partir du moment où cet effet cumulatif de la superposition n’opère plus que les artistes ont commencé à s’intéresser à la frontière devenue une zone de fractures politique et poétique. La question de la frontière d’un point de vie artistique est donc d’abord à comprendre dans le jeu des décalages et des déplacements qui s’y opèrent, comme un espace complexe et traversé de contradictions. Le geste artistique est une activation de la non congruence des dimensions constitutives de la frontière. C’est la mise en jeu poétique et symbolique de ce que cette situation de condensation critique permet de faire jouer dans l’espace social. Curieusement, c’est en perdant sa dimension culturelle et esthétique que la frontière devient un opérateur artistique.

Roger Malina, astrophysicien, directeur de l’OAMP ; membre du comité de pilotage de l’IMéRA

Frontières du Réel : Les Terrains Art-Sciences

Bruno Giorgini, physicien, spécialiste de la Physique de la ville (CIG Bologna University and Istituto Nazionale di Fisica Nucleare) ; résident de l’IMéRA

Venice network and the bridges

From the Einstein-Rosen to the Rialto Bridge: a travel of images, words, measures and equations in order to suggest a possible free human dynamics and mobility connecting cultures, territories, populations on this side and beyond the borders.

Cédric Parizot, anthropologue du politique, chercheur à l’IREMAM ; membre du comité de pilotage de l’IMéRA

Présentation du programme exploratoire transdisciplinaire Frontières

En tant qu’institut interdisciplinaire, l’IMéRA propose d’organiser un programme de séminaires transdisciplinaires sur deux ans pour étudier de manière inédite les évolutions des frontières en Europe et en Méditerranée aux 20e et 21e siècles, ainsi que l’économie des relations qu’elles génèrent. Ces séminaires associeront sur cette thématique propre aux sciences sociales des chercheurs en SHS mais aussi en sciences dures, ainsi que des architectes et des artistes. Amorcé par l’IMéRA, le programme de séminaires s’appuiera sur des partenariats scientifiques avec des laboratoires de sciences humaines et de sciences dures de la Région PACA, ainsi qu’avec des institutions internationales.

Le projet vise d’abord à mettre en place une méthode de recherche transdisciplinaire pour décloisonner les différents domaines du savoir impliqués. Ce décloisonnement permettra d’approfondir et de renouveler la réflexion sur les transformations des frontières en Europe et en Méditerranée au 21e siècle, et sur les cadres de leur interprétation. Il permettra ensuite de penser et d’élaborer de nouveaux modes de communication des résultats, entre chercheurs et à destination du grand public sous forme d’un Atlas critique des frontières à l’aube du 21e.

Nick Mai, anthropologue, Institute for the Study of European Transformations (ISET) – London Metropolitan University

The border between filmaking, migration and social research : exploring embodied boundaries

In neoliberal times, the granting of asylum and the social protection of vulnerable migrant groups (minors, victims of trafficking) became strategic borders between the rights of the West and those of the Rest of the world. The entitlement to rights and protection is increasingly articulated by politics of compassions inscribing hegemonic moralities and social hierarchies on migrant bodies. To understand and portray these deep socio-economic and cultural transformations, it is important to engage the subjectivities of the people involved. Methodological approaches encompassing the arts and the social sciences, and film-making in particular, offer innovative ways to research and portray these dynamics.

Anne-Laure Almihat, géographe, Institut de Géographie Alpine, Université Joseph Fourier, Laboratoire PACTE-Territoires, Membre de l’Institut Universitaire de France

L’art au temps du boycott : culture et politique autour du mur de séparation entre Israël et les territoires palestiniens

On peut comprendre le mur comme une projection d’intentionnalité politique qui est de l’ordre de l’imposition d’une transformation des repères spatiaux, concernant à la fois ceux qui doivent vivre dans ce paysage, mais aussi (et surtout ?) ceux qui doivent en recevoir les images. Cela implique de considérer les frontières fermées comme des artefacts matériels dont le pouvoir performatif est extrêmement puissant. Cette idée complexe peut être mise en évidence par l’analyse des interventions que les artistes font sur les frontières murées, qui tentent de transformer l’image imposée. En devenant un support de productions artistiques qui développent différentes figures de contestation, le mur permet une prise de paroles par les populations avec lesquelles on refuse de communiquer. Le mur de Berlin en est l’exemple caractéristique, même s’il n’a été peint que d’un côté. La frontière USA / Mexique constitue l’un des meilleurs exemples d’activisme politique frontalier. Nous avons fait l’hypothèse que l’érection de la barrière de sécurité par les Israéliens face aux Palestiniens pouvait avoir été accompagnée d’une telle recrudescence artistique. Deux campagnes d’entretiens nous ont révélé une prolifération créatrice extrêmement contrastée. Nous avons mis en parallèle deux corpus, celui des œuvres d’art répertoriées par nos soins, celui des récits faits par les artistes rencontrés de leur rapport au « mur ». Trois points seront développés dans la présentation : l’omniprésence du discours sur la raison nationale chez les artistes de tous les côtés de la barrière ;  l’ irruption du mur dans la production visuelle dans des démarches artistiques très variées ; la mise en évidence d’une chronologie fine qui va de quelques tentatives de projets communs à leur rejet récent, accompagné de l’affirmation forte de la séparation, du refus de la coopération – même culturelle –, qui font de l’art un véritable support de la résistance, dans les deux communautés concernées.

Walls can be understood as a projected political intentionality which imposes the transformation of spatial bearings which touch both those who live in the landscape and (above all ?) those for whom these images are intended. This implies to consider closed borders as material artifacts with a very strong performative power. This complex idea can be evidenced by analyzing artists’ interventions on walled borders, trying to transform the imposed image. By becoming the support for artistic productions which develop various contestation figures, the wall allows for communication with populations which had been denied a voice to the political debate. The Berlin wall often appears as the characteristic example, even if it was only painted on one side. The USA / Mexico border constitutes the best example of border activism. We put up the hypothesis that the erection of a security barrier by Israelis facing Palestinians could have been accompanied by such an artistic upsurge. Two interview campaigns allowed us to witness a very contrasted creative proliferation. We have built to parallel corpuses, one composed of the works of art which we have identified, the second made of the artists’ narratives, related to their relationship to the “wall”. Three points will be developed here: the omnipresence of a narrative on the national imperative amongst artists on both sides of the barrier; the bursting out of the wall in visual production (within very diverse artistic approaches); the evidencing of a micro-chronology which lead from scarce attempts at common projects to a recent rejection of them, together with the claim for separation, the refusal of cooperation – even cultural cooperation –, which make art stand a real support for resistance, in both of the concerned communities.

Equipe “Dynamical Networks”, chercheurs en science des réseaux complexes et designers ; anciens résidents de l’IMéRA

Drawing borders from behavioral patterns

Digital traces of human activity allow to gain insight into the interplay of geographical space – or built space – and the behaviors of the individuals who inhabit that space. In the first part of this talk we review recent literature in the domain of complex systems science where access to traces of human behaviors (for example, by means of mobile phones) exposes invisible borders in our societies.  Conversely, the analysis of virtual worlds reveals that people connect to one another in a way that is shaped by the geography and borders of the physical world they live in. The second part of the talk will explore issues related with the representation of borders. Discussing the issues of geopolitical boundaries visualization addressed by traditional cartography, we will explore recent experiments in the representation of the new kind of borders defined by our digital traces. Flexible, temporary and indistinct borders find their place in the new cartographies of digital and human territories.

Image: Fingerprint Maze, Amy Franschescini, photo, Myriam Boyer 2013