10h30-12h30
Mardi 23 avril 2019
Salle André Raymond
IREMAM
Maison méditerranéenne des sciences de l’homme
5 rue du château de l’horloge
13094 Aix en Provence
Spatialités et temporalités palestiniennes
Organisation: Julien Loiseau, Cédric Parizot et Sbeih Sbeih
Ce séminaire interrogera les modalités de construction de la Palestine comme objet d’étude et leurs effets sur la structuration du champ de la recherche. Cette démarche est nécessaire dans un contexte où le conflit israélo-palestinien continue de structurer fortement les cadres à travers lesquels nous pensons, nous analysons et nous représentons la Palestine. En confrontant des travaux récents d’historiens, d’anthropologues, de politistes, de sociologues, de géographes ou de littéraires nous fixons deux objectifs principaux. D’une part, il s’agira de mettre en évidence les multiples constructions spatiales et temporelles auxquelles renvoie la Palestine et les dépayser. D’autre part, nous nous efforcerons de développer une réflexion critique sur nos propres approches, méthodes et objets de recherche.
La littérature palestinienne en Israël
Sadia Agsous, Langues et littératures comparées, Fondation pour la mémoire de la Shoah, Centre de recherche français à Jérusalem
– Rashed Hussein : « L’amour et le Ghetto » (الحب ….والجيتو). Yaffa-Yafo, une rencontre spatio-temporelle entre Shoah et Nakba.
La littérature palestinienne en Israël est une littérature de l’espace et du temps qui traduit une identité palestinienne en relation étroite avec la Nakba de 1948, une catastrophe qu’Anton Shammas nomme Sanat al-Ihtilal (l’année de l’occupation). Ses problématiques convoquent à la fois le temps hégémonique (juif-israélien) et l’espace minoritaire (palestinien) pour l’engager dans la notion « nomade » deleuzienne et l’enraciner comme une littérature de résistance marquée par un exil métaphorique. Il s’agit dans notre présentation de lire et d’analyser le poème « L’amour et le Ghetto » (الحب ….والجيتو) écrit en 1963 par Rashed Hussein dans lequel le poète évoque les ruines de Yaffa, la ville palestinienne tout en dialoguant avec « Yaffo », une jeune femme juive, survivante de la Shoah. Il s’agit ici de souligner cet espace littéraire palestinien qui a permis de convoquer à la fois la Shoah et la Nakba pour un entrecroisement mémoriel entre Juifs et Palestiniens que seule la littérature permet et admet à l’heure actuelle, sans pour autant provoquer une concurrence entre ces dernières. Par ailleurs, cet entrecroisement Shoah-Nakba, propre à la littérature palestinienne, met en lumière un espace de mémoire, celui de Yaffa, Jérusalem, Deir Yacine, Haïfa, Lydda qui est porté par des auteurs tels qu’Émile Habibi, Mahmoud Darwich, Ibtissem Azem, Rabai al-Madhoun ou Rashed Hussein. Nous soulignerons, par notre lecture de « L’amour et le Ghetto » l’espace et le temps du poème d’une part,. D’autre part, nous mettrons en exergue ce processus particulier d’appropriation de la Shoah par le poète Palestinien qui traduit une double perspective : atteindre à la fois le lecteur arabe et israélien et valider les arguments d’Amos Goldberg lorsqu’il suggère que la rencontre de ces deux traumas encourage « une pensée binationale » (Goldberg, 2015). Ainsi, le poème de Hussein et la littérature palestinienne en Israël nous permet de faire rencontrer deux espaces, deux traumas, deux temporalités pour narrer la destruction de Yaffa la palestinienne tout en suggérant la possibilité d’une vie commune.
Photo: Zahara Agsous, 2017, Bureau de Mahmoud Darwich, Ramallah, Palestine