Nicola Mai – Samira – Emborders #1

Nicola Mai
Samira – Emborders #1
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Karim est un immigrant algérien vendant son corps comme Samira, la nuit à Marseille. Il a quitté l’Algérie adolescent et s’est enfuit en Italie quand ses seins commencèrent à se développer suite à la prise d’hormones. Dix ans plus tard Karim obtient l’asile politique en France grâce à ses seins qui lui permettent de défendre son cas comme celui d’une femme transgenre risquant le meurtre si on la rapatrie en Algérie.

Vingt ans plus tard, Karim se fait chirurgicalement enlever les seins pour recevoir de son père mourant le statut de chef de famille. Il se marie alors avec une femme pour avoir un nouveau passeport lui permettant de retourner en Algérie pour assumer son nouveau rôle.

Samira la première de quatre installations formées de deux écrans qui constituent le projet de réalisation cinématographique / de recherche Emborders, qui sera finalisé entre 2014 et 2015. Au cours des trentre dernières années, les flux migratoires se sont accrus et diversifiés. Les politiques néolibérales ont inclus le genre et la sexualité parmi les critères d’éligibilité à la protection humanitaire, tout en restreignant l’accès aux marchés du travail dans le Nord. C’est pourquoi la protection humanitaire et le droit d’asile sont devenues des frontières stratégiques, donnant (ou refusant souvent) l’accès aux droits de l’homme et au marché du travail. Emborders questionne la façon dont les frontières humanitaires sont inscrites dans le corps et la subjectivité des migrants grâce à réalisation, l’incorporation et l’internalisation de discours standardisés et européo-centrés de victimisation, vulnérabilité et de caractérisation du genre / sexe. En utilisant des acteurs professionnels pour mettre en scène des vraies personnes, ainsi qu’en juxtaposant les différentes versions du soi qui sont mises en évidence par l’analyse ethnographique et les frontières humanitaires, le projet questionne également les revendications d’authenticité, d’objectivité et de crédibilité qui sous-tendent à la fois l’action humanitaire et la recherche scientifique.

Samira été produit par l’IMéRA et SATIS (respectivement l’Institut Méditerranéen d’Etudes Avancées et leDépartement Sciences Arts et Techniques de l’Image et du Son de l’Université Aix-Marseille) .

Nicola Mai est ethnologue et réalisateur, Professeur de Sociologie et Etudes migratoires au Working Lives Research Institute de l’Université Metropolitaine de Londres. Ses publications universitaires et ses films ont pour objet les expériences et perspectives des migrants qui vendent leur corps et leur amour, insérés dans l’industrie globalisée du sexe pour vivre leurs vies. A travers  des ethno-fictions expérimentales et des résultats de recherches inédites, Nicola Mai met en cause les politiques qui lisent forcément la migration liée au travail sexuel en termes de trafics, tout en portant l’accent sur la complexité ambivalente des dynamiques d’exploitation et d’auto-affirmation qui sont en jeu. Dans sa (Sex Work Trilogy), il explore différentes expériences de renontres entre la migration et l’industrie du sexe.

En 2014 et 0215, Nick sera basé au Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, MMSH/Aix -Marseille University), de façon à y réaliser le projet « Queering Sexual Humanitarianism », comparant l’impact des interventions humanitaires ciblant les migrants travailleurs sexuels et les minorités sexuelles en demande d’asile au Royaume-Uni (Londres) et en France (Marseille/Paris) grâce à des protocoles de recherche ciblée et de la réalisation de films expérimentaux.

Crossing Maps, cartographies transverses

Cette cartographie alternative se situe à la croisée des sciences humaines et de l’art. Elle est issue d’un atelier de cartographie expérimental et participatif, qui a engagé des voyageurs, des artistes et des chercheurs. La cartographie est abordée comme une technique créative de relevés d’expériences. Les cartes produites avec et par les voyageurs évoquent des souvenirs de parcours et d’épopées migratoires.

Débuté en 2013 à Grenoble, en France, ce projet a réuni deux chercheuses en géographie, trois artistes, et douze habitant·e·s grenoblois·e·s, en situation présente ou passée de demande d’asile. Alors que les administrations exigent des récits de vie « vérifiables » pour délivrer ou non le droit d’asile, le projet de recherche-création Cartographies traverses/Crossing Maps ne répond à aucune injonction de vérité, ni de référentialité.

Depuis le champ de l’art et depuis le champ de la science, nous avons travaillé à mettre en crise la notion de « vérité » narrative, utilisée par les administrations pour juger les récits migratoires des personnes demandant l’asile, en co-produisant des cartes d’expériences migratoires, ni vraies, ni fausses, autant référentielles qu’imaginaires. Nous avons donc invité des personnes en situation de demande d’asile à travailler à des formes d’expression, qui tentent de ne pas reconduire la violence générée par les interactions avec les administrations. Dans les dispositifs de mise en relation que nous avons proposés, nous n’avons posé aucune question. Plutôt que de proposer de « raconter leur histoire », nous avons invité les participant∙e∙s à dessiner des cartes à main levée, sur papier et sur tissu, à partir des thèmes du déplacement, du voyage, de la vie à Grenoble. Point de fond de carte référencé, ni vrai, ni faux. Principe d’Équivalence : bien fait = mal fait = pas fait (Filliou, 1968). Ce travail pose également les enjeux d’une co-production élaborée entre des personnes aux statuts très différents et inégaux (« artiste », « chercheuse », « demandeur∙se d’asile ») : nous relevons des asymétries, des impensés, des complémentarités, et des tentatives de subversion.

Pour plus d’éléments sur ce projet voir l’article de Mekdjian Sarah et Moreau Marie, « Redessiner l’expérience : Art, sciences et conditions migratoires », antiAtlas Journal, 01 | 2016, En ligne, publié le 13 avril 2016.

ISPABEMA: Israel Palestine below Maps

Une cartographie alternative des espaces israélo-palestiniens

Fin 2012, afin de renouveler le traitement de ses données de terrain récoltées entre 2005 et 2010 dans les espaces israélo-palestiniens, Cédric Parizot (anthropologue) s’associe avec une équipe transdisciplinaire composée d’un artiste numérique, spécialisé dans la visualisation des données complexes, Wouter Van Den Broeck, et un sociologue des réseaux, Antoine Vion (LEST, Aix Marseille Université/CNRS). L’objectif est d’élaborer une première base de données pour saisir et visualiser les interactions que l’anthropologue a observées pendant ses enquêtes sur les réseaux de passeurs facilitant le passage des ouvriers palestiniens en Israël.

Les premiers tests de ce système de visualisation ont été présentés lors du colloque de l’antiAtlas des frontières (octobre 2013) à Aix en Provence et en juin 2014 au Congrès Mondial de l’Association for Borderlands Studies de Joensuu (Finlande). Les graphes réalisés avaient permis d’exposer et d’analyser près de 1000 interactions observées au cours de deux mois de terrain en 2005. Le fait de passer de l’observation fine et riche fournie par l’ethnographie à une abstraction graphique permettant de visualiser simultanément plusieurs centaines d’interactions, avait permis de valider un certain nombre d’hypothèses de recherche mais surtout de visualiser des agencements dont le chercheur n’avait pas pris conscience à la seule lecture de ses carnets de notes.

De la carte à un outil de visualisation sur mesure

Compte tenu de l’intérêt de ces premiers résultats, nous avons décidé de poursuivre le projet entre le printemps 2014 et 2015. Nous avions trois objectifs : (1) créer un outil sur mesure pour renouveler l’analyse des données consignées dans mes carnets de notes ; (2) mettre en image une cartographie alternative des espaces israélo-palestiniens et de leurs frontières ; (2) et enfin, (3) proposer un logiciel mobilisable par d’autres chercheurs en sciences humaines dans le traitement des données réseaux.

Wouter Van Den Broeck n’ayant pu poursuivre, l’équipe s’est recomposée autour de Cédric Parizot, Antoine Vion, un autre artiste numérique et programmeur, Guillaume Stagnaro (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence) ainsi qu’un géomaticien, Mathieu Coulon (LAMES, CNRS/Aix Marseille Université).

Intitulé ISPABEMA (Israel Palestine below Maps), ce projet a permis de constituer un premier prototype de ce logiciel en novembre 2014 au salon de la valorisation en sciences humaines et sociales porté par le LabexMed à Marseille ; puis nous avons fait un dépôt d’invention auprès de la SATT sud-est et Aix Marseille université en janvier 2015. Enfin en juin 2015, nous avons présenté un prototype plus abouti au salon Innovative SHS qui s’est tenu à la Villette à Paris.

Toutefois, faute de financements, nous n’avons pu mener le projet jusqu’au bout. Le projet reste pour l’instant en suspens.

Equipe

Cédric Parizot, anthropologue ; Mathieu Coulon, géomaticien ; Guillaume Stagnaro, artiste numérique et programmeur ; Wouter Van Den Broeck; Antoine Vion, sociologue

Partenariat

Institut d’Etudes et de Recherche sur le Monde Arabe et Musulman
Laboratoire Méditerranéen de Sociologie
Laboratoire d’Economie et de Sociologie du Travail
Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence
Projet LabexMed (Fondation A*MIDEX)
Aix Marseille Université
Centre National de la Recherche Scientifique