Out.of.the.blue.map

Programme de recherche et de commissariat itinérant

Out.of.the.blue.map est un programme de recherche et de commissariat itinérant, explorant la liminalité permanente des territoires [fluides+solides] méditerranéens. Ancré entre le Maroc, la France, et les Pays-Bas, le programme porte un regard collectif critique sur les systèmes de gouvernance qui façonnent ces paysages frontaliers. De 2019 à 2020, cet effort collaboratif rassemble artistes, chercheuses.eurs, designers, architectes et activistes française.s, marocain.es et néerlandais.es dont le travail conteste, questionne ou convoque les paysages frontaliers [fluides+solides] méditerranéens. Le programme se structure autour d’une série de haltes au Maroc, en France et aux Pays-Bas, autour desquelles s’organiseront un cycle d’expositions et d’ateliers, prévus de mars à décembre 2020 [International Community of Arts Rotterdam + Mahal Art Space Tanger + Les Parallèles du Sud Manifesta 13 Marseille + Jan Van Eyck Academie Maastricht].

Un lexique

Résultat de 2 ans de recherche, un lexique sera développé, édité et exposé tout au long du programme. Ce dernier constitue un objet éditorial évolutif, composé de fragments tirés des juridictions maritimes et terrestres, de rapports, de paroles d’activistes, d’oeuvres artistiques, de discours politiques et médiatiques, de récits et d’imaginaires informels ainsi que d’éléments visuels. Cet ouvrage constitue en lui-même une carte alternative aux espaces liminaux méditerranéens. Il se développera au fil des expositions, des ateliers et des rencontres organisés dans le cadre du programme. Il sera traduit en arabe, en anglais et en français.

Out.of.the.blue.map rassemble des récits méditerranéens dépassant les hiérarchies et les fictions coloniales pour composer des paysages frontaliers alternatifs, et expérimenter de nouvelles façons de percevoir et de donner sens aux frontières. A la fois lieu de passage et de rupture, la mer Méditerranée constitue un territoire liminal pour certain.e.s de ceux.celles qui la traversent. Cet effort collectif s’attache à déconstruire son territoire, et s’affranchit des narrations imposées en explorant leurs angles-morts.

Pour plus d’informations: https://calypso3621.com/

On line: une manifestation de la frontière humaine

6, 9 juin 2018

Le 9 juin 2018 l’artiste Clio Van Aerde commencera son expédition à la recherche de la frontière physique du Grand-duché du Luxembourg. Le départ et l’arrivée se feront à Schengen et le projet durera environ quatre semaines. L’artiste marchera le plus précisément possible le long du tracé de la frontière. Dans le cadre d’une collaboration avec le MUDAM, il sera possible pour le public d’observer l’évolution en temps réel, sur place, et en ligne online.cliovanaerde.com, de cette dé-marche.

Ce projet cherche à mettre en lumière les privilèges et les barrières qu’entraînent, par exemple, la possession d’un passeport ou d’un autre. Plus largement, à une époque où certaines personnes vivent de façon de plus en plus nomade et pour lesquelles les frontières semblent avoir disparu, d’autres perçoivent ces mêmes frontières comme une barrière infranchissable. Le corps se voit limité dans ses déplacements alors que l’utilisation de la technologie, plus indispensable que jamais et inépuisable dépasse toutes les limites physiques. La démarche de on line est volontairement naïve, car c’est une façon de remettre en cause les évidences de notre société.

Le 6 Juin au MUDAM, juste avant et le 11 juillet (lieu communiqué ultérieurement), juste après cette performance, Clio Van Aerde ainsi que Estelle Evrard et Cyril Blondel, membres de l’Institut de géographie et d’aménagement de l’université du Luxembourg tiendront une discussion publique à propos de on line.

Clio Van Aerde, née à Luxembourg, est artiste et scénographe, elle vit à Luxembourg et à Vienne. Elle a étudié à Madrid, Paris et Vienne et est diplômée en scénographie de l’Akademie der Bildenden Künste à Vienne. Sa pratique artistique questionne la relation triviale entre le corps, le temps et l’espace à travers des performances qui explorent la répétition et l’endurance. À côté de ses propres projets, Van Aerde travaille comme scénographe pour le théâtre et le cinéma et est impliquée dans l’organisation et le développement de la résidence de recherche Antropical dans le cadre du Kolla Festival.

Cyril Blondel est chercheur en géographie et en aménagement à l’Université du Luxembourg (Unité de Recherche IPSE). Il est titulaire d’une thèse en aménagement de l’Université de Tours, soutenue en 2016. Il a été titulaire d’une bourse Marie Skłodowska-Curie en 2015-2016 pour un séjour de recherche à l’Université de Tartu en Estonie dans le cadre du projet européen FP7 RegPol2. Il a été chercheur invité à Graz et à Leipzig. Il participe actuellement au projet de recherche H2020 RELOCAL, qui vise à « resituer le local dans la cohésion européenne ». Il s’intéresse également aux interactions entre art et recherche. Ses principaux terrains sont le Portugal, la Serbie, la Croatie, l’Estonie et la France. Il est au premier semestre 2018 une semaine par mois en résidence partagée avec l’auteure de théâtre Magali Mougel dans le bassin minier du Pas-de-Calais.

Estelle Evrard est chercheuse en géographie politique à l’Université du Luxembourg. Titulaire d’un Master en droit européen (2006) de l’Institut d’Etudes Européennes de Bruxelles et d’un doctorat en géographie de l’Université du Luxembourg (2013), la construction européenne constitue le fil conducteur de son parcours. Ses travaux portent sur la place et le rôle des territoires dans la construction européenne en termes de gouvernance, d’autonomie et de territorialité. En ce sens, les espaces frontaliers constituent pour elle des terrains de recherche privilégiés. Elle s’intéresse aussi en particulier à l’interface recherche/pratique/politique (e.g. ESPON, INTERREG) ainsi qu’à l’interface art/recherche. Elle est actuellement impliquée dans le projet H2020 qui vise à « resituer le local dans la cohésion européenne » ainsi que dans le projet INTERREG VA Grande Région « UniGR- Center for Border Studies” (2018-2020).

Avec le soutien de : L’Œuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte
En collaboration avec : Mudam Luxembourg – Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean et de l’Université du Luxembourg
Équipement technologique : Motion-S
Équipement technique : Saturn
Mise à disposition de données cartographiques : Administration du Cadastre et de la Topographie, Luxembourg
Documentaire : Catherine Dauphin
Conseil artistique : Camille Chanel

Al Amakine, une cartographie des vies invisibles, Abdessamad El Montassir

Une microhistoire du Sahara

« Qu’est-ce qu’une Trace-mémoires ?  C’est un espace oublié par l’Histoire et par la Mémoire-une car elle témoigne des histoires dominées, des mémoires écrasées et tend à les préserver. »[1]

Al Amakine[2] est un projet d’art et de recherche qui prend forme par la mise en lumière de lieux porteurs d’événements politiques et sociaux qui ne figurent pas sur les cartes officielles.
Ainsi, Al Amakine suit les micro-histoires du Sahara au sud du Maroc rendues invisibles par l’Histoire officielle.

Très attentif aux micro-histoires, ce projet explore dans les petits récits et les événements imperceptibles, les signes apparemment dépourvus de valeur ou de signification aux yeux des « Grands Événements » de l’Histoire. Il ne s’agit pas seulement de lutter contre un effacement ou une disparition, mais bien d’ouvrir un interstice inédit pour l’émergence de ces témoignages latents, tout en revendiquant une parole située, contextualisée et ancrée dans l’expérience.

Ces micro-histoires, relayées oralement par les populations locales, relatent des événements politiques, culturels et sociaux importants qui se sont déroulés dans cet espace géographique. Transmises dans un langage poétique, elles constituent un riche patrimoine immatériel, et déploient une histoire endogène et alternative de ce territoire. Or il n’existe aucune trace écrite connue de ces récits, ni aucune cartographie de ces lieux, et leur existence reste méconnue. De ce fait, cet espace géographique apparaît comme un espace vide aux yeux des autres. Il représente ainsi le temps despotique tel que l’a décrit Althusser, c’est-à-dire « un espace sans lieux, un temps sans durée[3] ».

Dans un besoin de ré-élaborer culturellement ce silence et ce vide, Abdessamad El Montassir travaille sur place en collaboration avec des poètes et des citoyens-témoins afin de rechercher minutieusement ces lieux imperceptibles restés vivants dans les récits. À la faveur d’un ensemble de photographies et d’une pièces sonore, Al Amakine révèle ces espaces porteurs de récits et événements latents et tend, à une plus grande échelle, à créer une nouvelle cartographie de ce territoire.

Une cartographie des vies invisibles

Par ce geste, le projet dessine ce que Françoise Vergès nomme une « cartographie des vies invisibles[4] » : une mise en lumière des espaces qui échappent à l’Histoire officielle et de ceux qui se constituent pour y résister. Car au-delà des axes de circulation et des localités reconnus existe une cartographie alternative, tracée par les vies sociales locales, qui bouleverse la logique et suit les routes et les sentiers empruntés par des hommes et des femmes « anonymes »[5]. En étant attentive aux chuchotements, cette  cartographie de l’imprévisible[6] offre un espace de reconnaissance et d’action aux micro-histoires.

Ainsi, en convoquant les témoignages et poèmes des sahraouis, Al Amakine permet la mise valeur d’une histoire renouvelée, ré-inventée de ce territoire, et met en lumière les récits alternatifs de cet espace qui se construisent dans la résilience. Les lieux et micro-histoires dont il est question racontent, témoignent, révèlent les espaces du possible[7] en germe dans les réalités contemporaines.  Ils dessinent des verticalités dans l’horizontalité de l’Histoire qui créent une ouverture vers d’autres possibles.

Conscient de la fragilité de ces narrations, l’artiste souhaite, avec Al Amakine, décentrer le récit globalisant des discours hégémoniques en s’exprimant depuis et à travers un espace supplémentaire, singulier, situé « en dehors » des cartes traditionnelles. Cette place laissée à la narration de la communauté suggère ainsi que les cartographies officielles ne sont pas les seuls territoires du vivant[8] et que des choses adviennent aux confins des logiques admises.

La transmission de ces récits crée des formes de résistance non conventionnelles, peu évidentes, qui peuvent sembler dérisoires. Mais comme le souligne Sonia Dayan-Herzbrun, « c’est souvent dans les petites choses, dans ces minima moralia auxquelles Adorno attache tant d’importance, qu’une possibilité nouvelle, l’invention de quelque chose qui n’a pas encore été, se fait jour[9] ». Ces luttes tracent donc, à l’intérieur d’une configuration sur laquelle nous n’avons pas de prise, l’espace d’une invention.

Des traces mémoires contre le monument

De cette manière, ce projet convoque des faits appartenant à l’histoire silencieuse, présente ou passée, afin de se les approprier, de les transmettre, et de fournir les ingrédients nécessaires à la production d’une contre-phrase[10].

Si Al Amakine se penche sur un espace spécifique du continent, ce travail souhaite, à une plus grande échelle, être un porte-parole pour tous les récits et espaces géographiques situés en-dehors des cartes et des Histoires officielles.

« Je chante les mémoires contre la Mémoire. Je chante les Traces-mémoires contre le Monument. »[11]

Ce texte a été écrit par Gabrielle Camuset et Alice Orefice, 2018.

Al Amakine a été présenté à la Villa Soudan du 2 décembre 2017 au 31 janvier 2018 dans le cadre de la programmation OFF des 11e Rencontres de Bamako, curaté par Gabrielle Camuset et Alice Orefice

Biographie

Abdessamad El Montassir – Né en 1989, vit et travaille entre Boujdour et Rabat. Dans l’ensemble de son travail et de ses recherches, Abdessamad El Montassir ouvre des espaces de négociation convoquant les micro-histoires, rendues invisibles par l’Histoire officielle, et vise à explorer leur place et leurs enjeux dans les sociétés contemporaines. Originaire de Boujdour, dans le Sahara au sud-ouest du Maroc, l’artiste analyse et utilise comme point de départ à son travail la zone géographique où il a grandi. Sa démarche artistique prend forme dans des processus réflexifs qui invitent à repenser l’Histoire et les cartographies à travers les récits collectifs et les archives non-matérielles.

[1] Patrick Chamoiseau in Guyane, Traces-mémoires du bagne, 1994[2]

Al Amakine signifie les lieux en arabe. Ce titre est tiré d’un texte éponyme de Françoise Vergès.

[3] L. Althusser, Montesquieu, la politique et l’histoire, PUF, Paris, 2003. Cité par Homi K. Bhabha, Les lieux de la culture : Une théorie postcoloniale, Payot, Paris, 2007, p. 371.

[4] Françoise Vergès, « Cartographie des  »vies invisibles » », in État des Lieux : Symposium sur la création d’institutions d’art en Afrique, Hatje Cantz, Ostfildern, 2013, p. 37-45.

[5] Ibid, p. 37.

[6]   Ibid, p. 39.

[7]   Felwine Sarr, Afrotopia, Philippe Rey, Paris, 2016.

[8]   Françoise Vergès, « Cartographie des  »vies invisibles » », op. cit., p. 39.

[9]   Sonia Dayan-Herzbrun et al., « Présentation », in Tumultes  , Paris, n° 27, décembre 2006, p. 7.

[10] Voir Gayatri Chakravorty Spivak, Les subalternes peuvent-elles parler ?, Editions Amsterdam, Paris, 2006.

[11]  Patrick Chamoiseau, op. cit.

Photos: Abdessamad El Montassir

Thierry Fournier – En Vigie

Série de vidéos génératives, format 16/9e, 20’, sonore, en boucle
écran LCD, clé usb, diffusion sonore, 2018

En vigie est une série de vidéos génératives, qui instaure une relation paradoxale entre le regard et l’attente. Un paysage choisi au bord de la mer ou d’un fleuve est filmé en plan fixe. L’image est ensuite interprétée par un programme : chaque mouvement est mis en évidence par une surbrillance, comme une luciole. L’ensemble de ces mouvements commande le déplacement d’une tête de lecture dans un crescendo d’orchestre, qui ne cesse de varier et dont le climax ne se produit jamais.

À travers cette situation de suspens cinématographique artificiel, le paysage et l’horizon deviennent l’objet d’un regard partagé entre humain et machine, qui interroge nos limites mais également les formes contemporaines d’une surveillance augmentée – dont le territoire de la Méditerranée est particulièrement investi.

La série comprend trois vidéos autonomes : En Vigie / Strasbourg en 2017, En Vigie / Nice et En Vigie / Venise (2018), chaque fois d’une durée de 20’ environ, en boucle. En Vigie / Nice est présentée dans le cadre de l’exposition personnelle de Thierry Fournier Machinal, Villa Henry, Nice, du 25 mars au 28 avril 2018, accompagnée d’un catalogue, avec un texte de Céline Flécheux et un entretien avec Isabelle Pellegrini.

Martin De Wulf – Migrations Map

Martin De Wulf
Migrations Map
Cartographie interactive
Voir le projet

La carte de MigrationsMap.net vous permet de voir les flux de migrants pour chaque pays dans le monde, qu’il s’agisse par exemple  des dix premiers pays fournisseurs de migrants à vie à un autre pays X ou les dix premiers pays bénéficiaires des migrants à vie venant d’un pays X. En plus de cela, lorsque vous laissez votre souris planer sur un pays , vous pouvez voir la population totale, le PIB par habitant, les prévalences du VIH et la tuberculose et le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans.

Martin De Wulf, né en 1978, a programmé cette carte pour apprendre et s’amuser avec les technologies HTML5. En plus de l’apprentissage, son seul objectif est de créer un site Web qui peut faire réfléchir les gens.

Addie Wagenknecht – Data and Dragons: Cloud farming

Data and Dragons: Cloud Farming, 2014 custom designed printed circuit boards, ethernet patch cables, 80/20 aluminum installation: 31 x 87 x 35 in / 78.7 x 221 x 88.9 cm, Photo by John Berens for bitforms gallery, New York City, USA
placesiveneverbeen.com

Cloud Farming questions the sacred nature of technology by re-contextualizing system hierarchy as a portrait of data. It manifests the cloud, social networks, data, leaks and what forms social capital into a single object. Ultimately its a creative experiment about contemporary power structures as a type of group consciousness, becoming a 3-dimensional map of post-Wikileaks information culture.

Addie Wagenknecht

b.1981, Portland, OR
Lives and works in Innsbruck, Austria

Addie Wagenknecht is an American artist based in Austria whose work explores the tension between expression and technology. Blending conceptually-driven painting, sculpture, and installation with the ethos of hacker culture, Wagenknecht constructs spaces between art object and lived experience. Here, the darker side of systems that constitute lived reality emerge, revealing alternative yet parallel realities. In the context of post-Snowden information culture, Wagenknecht’s work contemplates power, networked consciousness, and the incessant beauty of everyday life despite the anxiety of being surveilled.

A member of Free Art & Technology (F.A.T.) Lab, Wagenknecht was the recipient of a 2014 Warhol Foundation Grant, which she used to found Deep Lab, a collaborative group of researchers, artists, writers, engineers, and cultural producers interested in privacy, surveillance, code, art, social hacking, and anonymity. As an active leader in the open source hardware movement, she also co-founded NORTD Labs, an international research and development collaborative with Stefan Hechenberger, which produces open source projects that have been used and built by millions worldwide. Wagenknecht’s work has been exhibited internationally, including the Museum of Modern Art, New York; Phillips, New York; LEAP, Berlin; Haus der elektronischen Künste (HeK), Basel; MU, Eindhoven; the Istanbul Biennial, Turkey; MuseumsQuartier, Vienna; Grey Area Foundation for the Arts, San Francisco; Gaîté Lyrique, Paris; Beit Ha’ir Museum, Tel Aviv; and many festivals such a GLI.TC/H and the Nooderlicht Photography Festival. Her work has been featured in TIME, The Wall Street Journal, the New York Times, Art in America, Vanity Fair, BUST, Vice, and The Economist. Past residencies have included Eyebeam Art + Technology Center, New York; Culture Lab at Newcastle University, UK; Hyperwerk Institute for PostIndustrial Design, Switzerland; and the Frank-Ratchye STUDIO for Creative Inquiry at Carnegie Mellon University.

Presently chair of the MIT Open Hardware Summit, Wagenknecht holds a Masters from the Interactive Telecommunications Program at New York University and a BS in Computer Science from the University of Oregon. Wagenknecht’s first solo exhibition in the United States, Shellshock, opened November 2014 at bitforms gallery in New York. Upcoming solo exhibitions will be presented at MU, Eindhoven and HeK, Basel. bitforms

Anne Zeitz & Carolina Sanchez Boe – Cartographies of Fear #2

Anne Zeitz & Carolina Sanchez Boe
Cartographies of Fear #2
Installation, 2016

L’accessibilité des migrants aux nouvelles technologies joue un rôle important dans leur traversée des frontières et le long de leurs trajectoires. Cartographies of Fear #2 visualise l’expérience d’un syrien à Paris. Ces vidéos présentent des lieux et des frontières visibles et invisibles dans lesquels il a vécu des moments heureux avec sa femme, ainsi que des lieux qu’il a découvert en tant que demandeur d’asile, dans lesquels il se sent vulnérable.

Carolina Sanchez Boe est docteure en anthropologie sociale de l’Université d’Aarhus au Danemark. Ses recherches portent sur les migrations internationales, le contrôle migratoire et le confinement.

Anne Zeitz est docteure en Esthétique, Sciences et Technologies des Arts de l’Université Paris 8. Ses recherches portent sur les notions d’observation et d’images opératoires, ainsi que sur les théories de la surveillance, de la « sousveillance » et de la « gouvernementalité algorithmique » dans l’art, la littérature et le cinéma.

Michel Couturier – Calais 1

Michel Couturier
Calais 1
Photographie

Cette pièce fait partie d’un travail plus large sur les ports européens (Calais, Douvres Catane,…). L’artiste se focalise sur les aménagements, les dispositifs de contrôle et de régulation des flux de marchandises et surtout des flux humains : barrières, postes de contrôle, portillons,… Ce travail se décline sur divers supports : photo, dessin, vidéo.

Depuis 2001, Michel Couturier questionne les villes et ses périphéries, souvent en relation à la mythologie et à ses survivances dans le paysage contemporain. Son travail qui s’exprime à travers la photographie, la vidéo ou le dessin explore les étrangetés produites par l’homme ingénieur et examine notre relation avec l’espace public. Après les périphéries des villes, son travail récent aborde les lieux de transit et de contrôle en tant que lieux emblématiques de notre espace de vie.

Larbits Sisters – eu4you

Larbits Sisters (Bénédicte et Laure-Anne Jacobs)
eu4you
Installation interactive, 2016
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Le point de départ de eu4you est la crise migratoire qui secoue l’Europe, amenant le président Juncker à plaider pour un système de quotas de répartition des réfugiés. Partant d’un crédit de 50% de chances égales de liberté, d’égalité et de prospérité, et prenant en compte différentes variables, l’algorithme eu4you performe une équation qui reconstitue l’ADN computationnel du visiteur. Il statue alors sur le destin de ce dernier : promis ou non à un avenir doré sur le sol européen.

Bénédicte et Laure-Anne Jacobs forment les Larbit Sisters. La majeure partie de leur travail se concentre sur l’exploration des technologies digitales. Le point de départ de leur approche artistique est l’avènement d’Internet et les questions que cela soulève dans des domaines tels que la vie privée, l’identité numérique et les nouvelles pratiques 2.0.

CoRS (Codesign Research Studio) – Body and borders

CoRS (Codesign Research Studio)
Body and borders
Installation, 2016
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Body and Border questionne les objectifs et les effets des constructions frontalières en Europe à travers leurs manifestations physiques et le contexte de leur apparition. Afin d’y parvenir les chercheurs utilisent des outils et méthodes empruntés à l’architecture tels que des visites de terrain, des dessins et des modèles, mais aussi la récolte de données pour essayer de comprendre et documenter la construction de frontières. Mais ils souhaitent avant tout étudier ces frontières en relation avec les personnes qui cherchent à les traverser et la manière dont ces constructions impactent le corps humain.

Codesign Research Studio, CoRS, est une branche du cabinet d’architecture Codesign. CoRS travaille à l’intersection entre la théorie et l’action entre la recherche académique et la pratique, ils questionnent le rôle et la responsabilité de l’architecte. CoRS explore ainsi des questions architecturales rarement discutées.

Nicolas Lambert – The migratory red mound

Nicolas Lambert
The migratory red mound
Cartographies, 2015
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En 25 ans, plus de 35 000 migrants ont perdu la vie en essayant d’atteindre l’Europe. Les cartes 1 à 4 racontent l’histoire de la géographie des morts et impliquent la responsabilité de l’Europe dans ces drames. De 1995 à 1999, le sud de l’Espagne apparait comme le point d’entrée favori des migrants dans l’Union Européenne. Progressivement sécurisée, les flux d’immigrations ont déviés vers le Sud en direction des îles Canaries et du Sénégal. Afin d’endiguer ces mouvements humains en direction de l’Europe, Frontex a mis au point en 2006 des opérations de contrôle loin des frontières européennes. Depuis 2010 avec les instabilités politiques grandissantes suite au printemps Arabe, à la guerre en Libye et en Syrie la majorité des drames sont recentrés sur la méditerranée orientale. Finalement, dès que l’Europe bouge ou renforce ces contrôles frontaliers, le voyage vers l’Europe devient de plus en plus dangereux pour les migrants.

La butte rouge migratoire (carte 5) propose une vision globale et métaphorique de cette tragédie. Cette carte ne fait pas apparaître la frontière européenne sous la forme d’une ligne, mais comme un champ de bataille. Un nouveau territoire prend forme, la hauteur de la butte illustre l’échelle de l’hécatombe. Avant de devenir une carte, la butte rouge est une chanson écrite par Gaston Montéhus (1872-1952). Cette chanson contre la guerre fait référence à la butte Bapaume qui a connu l’une des batailles les plus sanglantes de la première guerre mondiale. Ce chant révolutionnaire fait aussi référence aux évènements de la commune de Paris en 1871. Ainsi, cette butte rouge migratoire s’ancre dans une longue histoire du pacifisme : le refus de la première guerre mondiale et le rejet de la guerre invisible contre les migrants par l’Union européenne aujourd’hui.

Nicolas Lambert est cartographe au sein du réseau interdisciplinaire pour l’aménagement du territoire européen (CNRS). Impliqué dans le programme de recherche européen ESPON, ses travaux portent principalement sur la représentation graphique de l’information spatiale, activité dans laquelle il développe une dimension critique et radicale. Membre du réseau Migreurop et du comité français de cartographie, il a notamment participé à la réalisation de plusieurs ouvrages comme l’Atlas de l’Europe dans le monde (2008) ou l’Atlas des migrants en Europe (2009 et 2012). Il enseigne la cartographie à l’université Paris-Diderot.

Martin Grandjean – Refugee’s trajectories

Martin Grandjean
Refugee’s trajectories
2015
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Cette carte est une réponse à plusieurs carte de migrations publiées dans des médias internationaux. Celles-ci présentent en effet très souvent les flux migratoires sous la forme de traits reliant les pays d’origine aux pays d’asile, mais ne pondèrent souvent pas l’épaisseur de ces flux proportionnellement au nombre d’individus concernés. Conséquence : comme l’Europe est la destination de beaucoup de trajectoires, elle est saturée de traits, donnant l’impression que les migrants s’y rendent massivement.

Or, si ces flux sont pondérés, compilés, on se rend compte que ces trajectoires vers l’Europe sont largement minoritaires : la majorité des réfugiés sont en effet généralement accueillis dans les pays limitrophes (Turquie ou Liban pour les Syriens, par ex.). Cette carte, si elle ne se veut pas aussi esthétisante que les cartes journalistiques traditionnelles, est un exercice de style qui veut montrer notre responsabilité de médiateurs face à ces données. Les visualiser, c’est rendre compte d’une réalité humaine – souvent tragique – à destination d’un public qui ne doit pas être trompé par une décision esthétique simplificatrice. Les données proviennent du UNHCR et concernent les 14 millions de personnes identifiées comme « réfugiés » pendant l’année 2014.

Martin Grandjean est chercheur en histoire contemporaine à l’Université de Lausanne. Ses recherches portent sur l’analyse de réseau de grands corpus d’archives. Porte-parole d’Humanistica, l’association francophone des humanités numériques, il mène également des projets dans le champ de la visualisation de données et de l’Open Data. On retrouve ses questionnements liés à la mise en données de l’histoire et à la visualisation statistique et data-journalistique sur son blog.

Isabelle Arvers – Heroic Makers vs Heroic Land

Isabelle Arvers
Heroic Makers vs Heroic Land
Vidéos Machinimas, 2016

Comment vivre dans la Jungle de Calais? Comment créer des espaces de vie et de partage ? Comment faire le travail du gouvernement qui refuse de voir l’urgence de la situation et qui se focalise sur la réduction du nombre de réfugiés à Calais? En moins d’un an, avec l’aide de nombreuses ONG, les réfugiés ont construit une ville-monde, peuplées de cafés, restaurants, cuisines, écoles, galeries d’art et espaces culturels…

Voir l’article sur Makery qui publie en exclusivité les deux interviews réalisées par Isabelle Arvers

Isabelle Arvers est auteur, critique et commissaire d’exposition indépendante. Son champ d’investigation est l’immatériel, au travers de la relation entre l’Art, les Jeux Vidéo, Internet et les nouvelles formes d’images liées au réseau et à l’imagerie numérique.

Zimako, de la jungle de Calais au machinima d’Isabelle Arvers:

Marko, de la jungle de Calais au machinima d’Isabelle Arvers :

Stéphane Rosière et Sébastien Piantoni – Planisphère des barrières frontalières

Stéphane Rosière et Sébastien Piantoni
Planisphère des barrières frontalières

Les barrières frontalières sont des dispositifs de natures différentes incluant des « lignes de front » séparant des forces armées (Corée) ou des murs ou clôtures visant à interdire le passage clandestin sur des frontières qui ne sont pas contestées ; les détroits ou bras de mer font aussi l’objet d’un contrôle des flux (Mer Egée).

La quasi-totalité de ces dispositifs n’a pas pour objectif de fermer complétement une frontière (autarcie) mais d’obliger les flux à emprunter les points de passages frontaliers et donc de rendre impossible l’entrée clandestine sur un territoire. Le check-point est le corollaire systématique de la barrière, relié à des banques de données ils visent à un contrôle rapide et approfondi des flux. Les migrants sont la cible essentielle de ces dispositifs parfois spectaculaires et fort potentiel symbolique et politique.

L’ensemble de ces dispositifs représente un linéaire d’environ 20 000 km (8% des frontières mondiales). Ces artefacts sont inégalement répartis, ils sont rares dans certaines régions : le continent américain (exception notable de la frontière sud des États-Unis) et nombreux ailleurs comme au Proche-orient (Israël entièrement ceinturée, mais aussi l’Arabie saoudite, le Qatar) ou dans les Balkans ; le Maroc et l’Inde sont d’autres exemples de pays ceinturés par des barrières de grande ampleur.

Stéphane Rosière est géographe et spécialiste de géographie politique et géopolitique. Il est professeur des universités depuis 2006 au département de Géographie de l’université de Reims et professeur à la faculté de Relations internationales et sciences politiques de l’Université Matej Bel (Banska Bystrica, Slovaquie) depuis 2010. Il est aussi directeur de publication de la revue en ligne L’Espace Politique, revue de géographie politique et géopolitique en ligne1 référencée par l’AERES. Membre du conseil du Comité national français de géographie (URL : http://www.cnfg.fr/), il a dirigé de 2004 à 2010 la commission de géographie politique et géopolitique au sein de cette instance. Il représente la France dans le cadre de la Commission de géographie politique de l’Union géographique internationale. Il est actuellement directeur du Master de Géopolitique conjoint aux universités de Reims et Matej Bel.

Après une première expérience professionnelle dans le domaine de la conception graphique (1997-2003), suivie d’études universitaires en géographie et en Aménagement du territoire (2004-2009), Sébastien Piantoni est, depuis 2009, Ingénieur d’Études cartographe au sein de l’Équipe Habiter (EA 2076) de l’Université de Reims. Il participe aux travaux de recherche de cette équipe et conçoit les cartes permettant d’illustrer les travaux des chercheurs de cette unité. Il contribue notamment à la réalisation des cartes portant sur les barrières frontalières (en collaboration avec Stéphane Rosière) et sur la réalisation d’un atlas des zones franches dans le monde (avec François Bost).

Joana Moll & Cedric Parizot – The Virtual Watchers

Joana Moll & Cedric Parizot
The Virtual Watchers
Installation numérique interactive, 2016

Virtual Watchers est un projet de recherche art-science qui s’intéresse aux processus à travers lesquels les états contemporains mobilisent les citoyens pour participer à la surveillance des frontières. Cette installation interactive donne accès aux échanges qui ont eu lieu dans un groupe Facebook, que nous appelons ici RedServants pour conserver leur anonymat. Il a rassemblé des volontaires qui ont surveillé pendant quelques années la frontière Etats-Unis/Mexique, grâce à une plateforme en ligne projetant en direct les images de caméras de vidéosurveillance. En se plongeant dans les conversations, les blagues et les doutes des RedServants, cette oeuvre montre comment l’investissement émotionnel joue comme un mécanisme essentiel dans la construction et la légitimation d’un système post-panoptique. Elle met aussi en évidence les disfonctionnements de ce système.

Joana Moll est une artiste et chercheuse basée à Barcelone. Ces sujets de recherches principaux sont les technologies de la communication et les émissions de CO2 ainsi que la surveillance civile virtuelle et le langage. http://www.janavirgin.com

Cédric Parizot est anthropologue du politique. Chercheur au CNRS, il travaille à l’Institut d’études et de recherche sur le monde arabe et musulman (Aix-Marseille Université). Ses recherches portent sur les mobilités et les frontières dans les espaces israélo-palestiniens, ainsi que sur l’articulation entre art, science et technologie numérique. Depuis 2011, il coordonne l’antiAtlas des frontières

Technical Development:
Ramin Soleymani est un développeur et artiste numérique. Il a travaillé un temps comme informaticien avant de se plonger dans l’open education qui a pour but d’élargir l’accès à l’apprentissage et à la formation.

Emerging Futures Lab – Borderland Biashara

Emerging Futures Lab (EFL)
Borderland Biashara
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Borderland Biashara est un projet ethnographique qui étudie le rôle du téléphone mobile dans le biashara («commerce» en Swahili) à la frontière le Kenya de l’Ouganda. Les frontières créent souvent des complications pour le commerce informel (restrictions de mobilité, de postes de contrôles douaniers, d’échange de devises). Les téléphones mobiles jouent aolors un rôle vital pour les surmonter. Le cas de la région est-africaine est particulier en raison de l’omniprésence de plates-formes de transferts d’argent mobiles et la prédominance des abonnements prépayés. Ces photos capturent quelques histoires de transactions transfrontalières et de communications observées sur place.

Emerging Futures Lab (EFL) est un collectif interdisciplinaire se livrant principalement à des recherches sur les pratiques prenant place dans les marchés émergeants de consommateurs en Afrique Sub-Saharienne.

Bill Rankin – One World II

Bill Rankin
One World II
Cartographie, 2015
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One World II est une carte inspirée de la carte stratégique de Richard Edes Harrisson, réalisée en août 1941 : elle montre le monde selon une projection azimutale équidistante centrée sur le pôle Nord, ce qui permettait d’embrasser le globe, et donc la guerre, d’un seul coup d’œil.

La carte de Bill Rankin reprends l’idée d’Harrison et l’applique au monde actuel, sa version utilise les routes maritimes et les chemins de fer pour représenter le capitalisme mondialisé : on y voit la circulation frénétique à travers l’océan pacifique et Nord-atlantique, les flux épais entre le canal de suez et le détroit de Malacca et les ramifications partant vers l’Amérique du Sud, l’Afrique et l’Asie Australe. Il décentre ainsi également les Etats-Unis et transforme les 7 continents séparés en un réseau unique et sans frontières.

Bill Rankin est historien et cartographe à l’Université de Yale. Sa cartographie réinvente la géographie traditionnelle comme des paysages complexes fait de statistiques, de droit et d’histoire.

www.radicalcartography.netwww.afterthemap.info.

RYBN – ADM8

RYBN
ADM8
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ADM8 est un robot de trading, conçu pour investir et spéculer sur les marchés financiers. Ce programme anticipe des tendances au sein des oscillations financières chaotiques, achète et vend des actions quotidiennement, et poursuivra cette activité jusqu’à la banqueroute. L’activité du robot – au travers de ses calculs et de ses performances – est surveillée, enregistrée et visualisée par une cartographie dynamique.

Avec le soutien du CNC – DICRéAM, du ZKM (Zentrum für Kunst und  Medientechnologies, Karlsruhe), et de l’Institut fur Bildmedien.

RYBN.ORG est une plateforme de recherche artistique expérimentale et extra-disciplinaire fondée en 1999. RYBN.ORG s’intéresse au couplage, au détournement et à la perversion des outils d’écriture et de formalisation liés aux technologies de l’information et des communications, et du sensoriel (algorithmes, réseaux, robots, flux de données, captation, surveillance, audiovisuel, temps-réel), réinscrits dans le champ des arts plastiques.

Les travaux de RYBN.ORG ont été présentés dans de nombreuses institutions dédiées à l’art contemporain ainsi que dans des festivals dont le Centre Pompidou, Paris ; la Gaîté lyrique, Paris ; Nemo, Paris ; ZKM, Karlsruhe ; LABoral, Gijón ; le HMKV, Dortmund ; Ars Electronica, Linz ; Pixelache, Helsinki ; HEK, Bâle ; Kunsthalle, Kiel ; Transmediale, Berlin ; ISEA, San José ; Elektra, Montréal ; Cellsbutton, Yogyakarta ; etc. Certaines de leurs œuvres ont fait l’objet d’acquisition au sein de collections nationales, et ont reçu des prix et distinctions dans des concours internationaux.

Nicola Mai – Travel

Nicola Mai
Travel
2016

Le projet art-science Emborders de Nicola Mai met a nu et en scène la question des frontières biographiques et les récits de souffrance qui permettent aux demandeurs d’asile d’obtenir la protection humanitaire. Ce projet se compose de deux ethnofictions : Samira et Travel.

L’ethnofiction Travel est le second volet d’Emborders. Travel présente l’histoire de Joy, une femme nigériane se prostituant au Bois de Vincennes à Paris. Joy a quité le Niger pour aider sa famille après la mort de son père. Elle savait avant de partir qu’elle aurait à se prostituer mais n’avait aucune idée des difficultés des conditions de vie et de travail qu’elle aurait à surmonter en France. Après avoir enduré plusieurs mois d’exploitation, Joy décide de réinventer son histoire de migration et de la transformer en histoire de trafic. Avec l’aide d’une association elle obtient la protection humanitaire, mais pour continuer à aider sa famille et à vivre sa vie, elle continue de vendre son corps.

Nicola Mai est ethnologue et réalisateur, Professeur de Sociologie et Etudes migratoires au Working Lives Research Institute de l’Université Metropolitaine de Londres. Ses publications universitaires et ses films ont pour objet les expériences et perspectives des migrants qui vendent leur corps et leur amour, insérés dans l’industrie globalisée du sexe pour vivre leurs vies. A travers des ethno-fictions expérimentales et des résultats de recherches inédites, Nicola Mai met en cause les politiques qui lisent forcément la migration liée au travail sexuel en termes de trafics, tout en portant l’accent sur la complexité ambivalente des dynamiques d’exploitation et d’auto-affirmation qui sont en jeu. Dans sa Sex Work Trilogy, il explore différentes expériences de rencontres entre la migration et l’industrie sexuelle.

Antoine D’Agata – Odysseia

Antoine D’Agata
Odysseia
2011-2013
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« Migrant », un nom générique pour des vies pourtant distinctes. Ils sont là accroupis devant le feu, à proximité d’un abri précaire, attendant un hypothétique passage. Rejetés au plus loin du regard de Dieu, ils retournent à une vie archaïque, subie. « Ils se contentent de tuer le temps en attendant que le temps les tue. » (Simone de Beauvoir). Le temps de l’attente, qui voit toute chose, n’est pas un moment photographiable. Saisir le vide, courir après des fantômes, chercher l’homme dans l’absence. Nul œil humain n’arrivera jamais à découvrir la vérité, la tourmente, de chaque individu. Antoine d’Agata ne cesse de nous prévenir. Il ne se passe rien de spectaculaire dans ces films dépourvus de toute agitation. Les scènes s’accommodent de paysages dénués d’intérêt. Le sublime et le sordide se retirent au profit d’une attente interminable sans à-coups. Ce qui devrait être l’enjeu des images est la connaissance de ce qui manque, de ce que nous ne pourrons jamais savoir.

Les images de ces films ressemblent à leur auteur. Elles sont envahies par les mots, par des phrases hachées et syncopées. On ne devrait jamais succomber à la beauté d’une image. L’objet, qu’on ne peut appeler œuvre, refuse l’esthétique au profit du doute et de la fragilité. On aurait tort de supposer que cette posture est opportuniste. La croyance dans le pouvoir des mots éclaire l’activité du photographe. L’écriture ne recouvre pas, elle irrigue les images. Elle les éclaire. Le verbe est une assurance contre la tromperie. Elle régénère le bloc inerte de l’image et contrecarre les effets pernicieux de cette dernière.

Les voix omniprésentes, dans une sorte de déclamation ni chantée, ni parlée, ne sont pas sans rappeler le dispositif scénique de la tragédie grecque. La parole, le chant, les sons amplifient le caractère primitif des scènes. Chœur antique dont on ne perçoit pas l’ensemble du discours, il participe à l’action. Il imprime le rythme des séquences par la forme spécifique de la langue et du dialecte. Des liens subtils se tissent ainsi entre l’ordre visuel, le récitatif et les « bruits ». Le récitant, personnage anonyme dans ce drame, est, de tous les protagonistes des films, celui dont l’oraison est la plus belle, la plus remarquable par ses intonations et ses vibrations.

Le photographe amasse et consigne des remarques et des notes sur ce qu’il voit et sur ce qu’il pense. La frontière est étroite entre exhiber des images et afficher un égotisme d’auteur. Ces films étranges n’en sont pas pour autant complaisants. Comment les caractériser ? Exigeants sûrement, envahis par le doute, conscients de leur insuffisance, ils sont lucides et obstinés.

Les détails ennuient Antoine d’Agata. Le réel, c’est les hommes et leurs épreuves. On ne trouve pas ici d’obsédant souci documentaire, ni de construction complexe. Il s’agit de rendre compte simplement d’activités comme marcher, se nourrir, se chauffer et dormir. Le quotidien d’un monde entre-deux, entre le nomadisme et l’inertie. Saisis par la fatigue et le découragement, rigides, les hommes forment de rudimentaires groupes sculptés. Seul, recroquevillé, à la recherche d’une hypothétique protection, d’une dernière consolation, le fugitif est un gisant, un presque mort.

(Texte de François Cheval)

Antoine d’Agata est né à Marseille en 1961 et quitte la France en 1983 pour une dizaine d’années. Alors qu’il séjourne à New York en 1990, il s’inscrit à l’International Centre of Photography où il suit notamment les cours de Larry Clark et de Nan Goldin. En 1993, il revient en France et interrompt son travail de photographe durant quatre ans. En 1998 paraissent ses premiers ouvrages, De Mala Muerte et De Mala Noche. L’année suivante, il rejoint la galerie Vu à peine créée par Christian Caujolle. En 2001, il reçoit le prix Niépce. En septembre 2003 est inaugurée à Paris l’exposition 1001 Nuits, qu’accompagne la sortie de deux ouvrages, Vortex et Insomnia. En 2004, il intègre l’agence Magnum, publie son cinquième livre, Stigma, et tourne son premier court-métrage, El Cielo del muerto. L’année suivante paraît Manifeste. En 2006, le photographe tourne son deuxième film, Aka Ana, à Tokyo. Depuis 2005, sans port d’attaches, Antoine D’Agata photographie à travers le monde. Le BAL lui a consacré une exposition de janvier à avril 2013, il vient de finir son premier long-métrage, Atlas et son livre Anticorps, édité chez Xavier Barral a reçu le prix du Livre d’Auteur aux Rencontres d’Arles 2013.