antiAtlas Journal #6 : Lauren Lee McCarthy, You Can Say

La revue antiAtlas Journal invite pour son n°6 « Hétérographies » l’artiste Lauren Lee McCarthy, qui s’intéresse aux enjeux des relations sociales dans un contexte de surveillance, d’automatisation et de vie algorithmique, avec l’article You Can Say :

« Un logiciel est un ensemble d’instructions, un code ou un script. J’applique alors une logique similaire aux interactions sociales, en me comportant moi-même comme une interface pour les autres. Mais il y a toujours une part d’humanité dans un protocole social, alors qu’une machine exige une série précise d’instructions, faute de quoi elle échoue. Ainsi, au mesure que la technologie se rapproche de nous, les scripts commencent à se confondre. »

antiatlas-journal.net/06-lauren-lee-mccarthy-you-can-say (english)

La revue antiAtlas Journal est dédiée aux enjeux et aux formes contemporaines des frontières. Son n°6, Hétérographies, s’intéresse aux manières dont les humains s’écrivent eux-mêmes et écrivent « leurs autres ». Il s’origine dans une réflexion menée au sein de l’Institut d’ethnologie méditerranéenne européenne et comparative d’Aix-en-Provence (IDEMEC), à partir d’une relecture croisée des travaux de Michel de Certeau sur l’écriture et de ceux d’André Leroi-Gourhan sur le style. Il réunira des articles de Crys Aslanian & Ludmilia Postel, Claire Lapique & Ana Maria Lozano Rivera, Lauren Lee McCarthy, Manoël Pénicaud et Patrick Suter, qui seront publiés individuellement entre juin et septembre 2023. Coordination du numéro : Eléonore Armanet, Thierry Fournier, Cédric Parizot et Manoël Pénicaud.
Design de la revue et ds articles : Thierry Fournier.

Lauren Lee McCarthy

Lauren Lee McCarthy crée des pièces qui humanisent ou incarnent les rôles que jouent les appareils intelligents ou les technologies, pour questionner la manière dont elles infléchissent les relations sociales. Elle met en jeu un large spectre de médias comme les installations, la performance, l’intelligence artificielle et les œuvres interactives. En 2017, avec l’œuvre LAUREN, elle a invité des participant·es à installer un système d’assistance personnelle virtuelle à leur domicile, similaire à sur Amazon Alexa – la différence essentielle étant que le dispositif était animé 24/7 par l’artiste elle-même. Elle a ensuite renversé les rôles avec son projet SOMEONE, où des participant·es avaient accès et contrôle 24/7 au domicile de l’artiste. SOMEONE a reçu le Golden Nica d’Ars Electronica et le Japan Media Arts Social Impact Award, et LAUREN a reçu le prix DocLab de l’IDFA pour la non-fiction immersive.

Ses œuvres ont été exposées dans le monde entier, notamment au Barbican Centre, au Fotomuseum Winterthur, à la Haus der elektronischen Künste, au SIGGRAPH, au Onassis Cultural Center, à l’IDFA DocLab, à la Science Gallery Dublin, au Seoul Museum of Art et au Japan Media Arts Festival. Elle a bénéficié de bourses et de résidences de Creative Capital, United States Artists, LACMA, Sundance New Frontier, Eyebeam, Pioneer Works, Autodesk et Ars Electronica. Elle est également la créatrice de p5.js, une plateforme d’art et d’éducation open-source qui donne la priorité à l’accès et à la diversité dans l’apprentissage du code, et qui compte plus de 10 millions d’utilisateurs. Elle a développé ce travail dans son rôle de 2015 à 21 au sein du conseil d’administration de la Processing Foundation, dont la mission est de servir ceux qui n’ont historiquement pas eu accès aux domaines de la technologie, du code et de l’art dans l’apprentissage des logiciels et de l’alphabétisation visuelle. Lauren est professeur à l’UCLA Design Media Arts. Elle est titulaire d’une maîtrise en beaux-arts de l’UCLA, d’une licence en informatique et d’une licence en art et design du MIT.

Mots-clés : art, scripts, protocoles, code, communication, voix, rupture, présence

antiAtlas Journal

Directeur de la publication : Jean Cristofol
Directeur de rédaction : Cédric Parizot
Directeur artistique : Thierry Fournier
Comité de rédaction : Jean Cristofol, Thierry Fournier, Anna Guilló, Cédric Parizot, Manoël Penicaud
Production : IREMAM, Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (UMR7310, Aix Marseille Université/CNRS), Institut d’ethnologie méditerranéenne, européenne et comparative (Idemec)

Revue numérique annuelle, bilingue et gratuite, antiAtlas Journal est dédiée à la recherche sur les enjeux et les formes des frontières contemporaines. La revue prolonge les réflexions et les expérimentations menées par le groupe de recherche antiAtlas des frontières : colloques, publications, conférences, expositions… Reposant sur une collaboration entre chercheurs et artistes, elle expérimente de nouvelles pratiques d’édition et de modélisation de la recherche. Elle est consultable sur le web (desktop, tablettes et mobiles) et en PDF.

Conçue et dirigée par Thierry Fournier, la conception éditoriale et le design de la revue s’emparent des potentialités d’une publication numérique pour étendre l’expérience de lecture de textes de recherche. Son design en « articles-paysages » renouvelle radicalement l’approche des textes de recherche. En ouvrant des voisinages et de circulations multiples entre textes et images, il autorise des parcours transversaux et des échelles variables de perception, qu’une organisation linéaire ne permettrait pas – bien qu’elle soit toujours disponible dans la version PDF. Certaines très grandes images débordent largement des écrans : la circulation exclusive dans une image devient un des récits proposés, au même titre que la circulation dans un texte.

antiAtlas Journal #6 : Patrick Suter, Hétérographies et polyphonies littéraires

La revue antiAtlas Journal invite pour son n°6 Hétérographies l’écrivain, critique et traducteur suisse Patrick Suter, professeur extraordinaire de littératures de langue française contemporaines à l’Université de Berne, avec l’article Hétérographies et polyphonies littéraires :

« En mettant en relation deux œuvres monumentales (Le Parthénon des livres de Marta Minujín et Le Génie du lieu de Michel Butor), et tout en opérant un tournant qui mène de l’art contemporain aux littératures de langue française, cet article étudie les procédures d’exclusion dans l’espace politique ainsi que les moyens de rapprocher des voix appartenant à des espaces culturels ou sociaux différents.»

antiatlas-journal.net/06-patrick-suter-heterographies-et-polyphonies-litteraires

antiAtlas Journal est dédiée aux enjeux et aux formes contemporaines des frontières. Son n°6 Hétérographies s’intéresse aux manières dont les humains s’écrivent eux-mêmes et écrivent « leurs autres ». Il s’origine dans une réflexion menée au sein de l’Institut d’ethnologie méditerranéenne européenne et comparative d’Aix-en-Provence (IDEMEC), à partir d’une relecture croisée des travaux de Michel de Certeau sur l’écriture et de ceux d’André Leroi-Gourhan sur le style.

Il réunit des articles de : Crys Aslanian & Ludmilia Postel, Claire Lapique & Ana Maria Lozano Rivera, Lauren Lee McCarthy, Manoël Pénicaud et Patrick Suter, qui seront publiés individuellement entre juin et septembre 2023.

La coordination du numéro est assurée par Eléonore Armanet, Thierry Fournier, Cédric Parizot et Manoël Pénicaud. Le design de la revue et de chaque article est conçu par Thierry Fournier.

Patrick Suter

Patrick Suter est professeur de littératures de langue française contemporaines à l’Université de Berne (théorie et histoire de la culture). Il a interrogé les relations entre presse et littérature de Mallarmé à Rolin (Le journal et les Lettres, MētisPresses, 2 volumes). Ses champs de recherche embrassent les avant-gardes, la dramaturgie, la poésie, l’interculturalité et l’étude des frontières en littérature. Sur le plan littéraire, il a publié Le Contre-geste (La Dogana, 1999), Faille (MētisPresses, 2005), et Frontières (Passage d’encres, 2014). En tant que traducteur, il s’est consacré à la poétesse allemande Annette von Droste-Hülshoff (Tableaux de la lande et autres poèmes, La Dogana, 2014). Il a codirigé des publications collectives sur Pinget (Robert Pinget. Inédits, Revue des Sciences Humaines, 317, 2015), sur l’interculturalité (Regards sur l’interculturalité, MētisPresses, 2016), sur Goldschmidt (Georges-Arthur Goldschmidt – Überqueren, überleben, übersetzen, Wallstein,2018), sur Butor (Michel Butor et la radio, Komodo 21, 15, 2021 ; Cahier Butor 2 : Michel Butor et les peintres, 2022) et sur la poétique des frontières : Poétique des frontières. Une approche transversale des littératures de langue française, MētisPresses, 2021).

Ouvrages parus sur les frontières :

– Patrick Suter, Frontières, Guern, Passages d’encres, Trace(s), 2014.

« Elles sont l’impensé de la mondialisation. Plus actuelles que jamais. Elles n’ont jamais disparu, ne disparaîtront pas, ne peuvent disparaître. Elles ont produit, produisent, produiront des effets considérables. Elles déterminent l’organisation du monde. Frontières géographiques. Politiques. Culturelles. Sociales. Urbaines. Écologiques…
Patrick Suter a voulu les saisir de façon synthétique. Dans leur diversité. Par-delà les représentations partielles et subjectives qui abondent. Il fallait les faire éprouver au public. Inventer un appareil nouveau. Prendre en compte l’espace de façon inédite. Tresser une écriture polyphonique.
Les frontières devaient s’affronter. L’espace se fendre, se tendre. Le livre est comme un chœur, dissonant, divergent. Comme un labyrinthe moderne, offert à la méditation. Il insiste obstinément. Telle une prière – telles les frontières. À chacune d’elles, le lecteur peut être arrêté. Saisi de crainte. »

– Patrick Suter & Corinne Fournier Kiss (dir), Poétique des frontières. Une approche transversale des littératures de langue française (XXe-XXIe siècles), , Genève, MētisPresses, « Voltiges », 2021
ISBN : 978-2-940563-94-4 ; DOI: 10.37866/0563-94-4

Participant à l’organisation et à la mise en forme du monde, les frontières apparaissent également comme des lignes de forces dans de nombreuses œuvres littéraires. Périphériques ou centrales, statiques ou dynamiques, explicites ou implicites, pleines ou creuses, précaires ou tenaces, elles signalent des points de rupture ou des zones d’attraction dans les textes. Donnant lieu aux expériences les plus variées, elles engagent des formes et des esthétiques très différenciées.
À partir de cet objet commun, et en convoquant les débats récents sur la littérature mondiale, cet ouvrage invite à un voyage à travers les littératures de langue française. Il rejoint ainsi les préoccupations de la recherche contemporaine visant à décloisonner les différentes histoires littéraires nationales.

Mots-clés : Marta Minujín, Michel Butor, littératures de langue française, polyphonie, frontières.

antiAtlas Journal

Directeur de la publication : Jean Cristofol
Directeur de rédaction : Cédric Parizot
Directeur artistique et design des articles : Thierry Fournier
Comité de rédaction : Jean Cristofol, Thierry Fournier, Anna Guilló, Cédric Parizot, Manoël Penicaud

www.antiatlas-journal.net
contact@antiatlas-journal.net

Revue numérique annuelle, bilingue et gratuite, antiAtlas Journal est dédiée à la recherche sur les enjeux et les formes des frontières contemporaines. La revue prolonge les réflexions et les expérimentations menées par le groupe de recherche antiAtlas des frontières : colloques, publications, conférences, expositions… Reposant sur une collaboration entre chercheurs et artistes, elle expérimente de nouvelles pratiques d’édition et de modélisation de la recherche. Elle est consultable sur le web (desktop, tablettes et mobiles) et en PDF.

Conçue et dirigée par Thierry Fournier, la conception éditoriale et le design de la revue s’emparent des potentialités d’une publication numérique pour étendre l’expérience de lecture de textes de recherche. Son design en « articles-paysages » renouvelle radicalement l’approche des textes de recherche. En ouvrant des voisinages et de circulations multiples entre textes et images, il autorise des parcours transversaux et des échelles variables de perception, qu’une organisation linéaire ne permettrait pas – bien qu’elle soit toujours disponible dans la version PDF. Certaines très grandes images débordent largement des écrans : la circulation exclusive dans une image devient un des récits proposés, au même titre que la circulation dans un texte.

Production : IREMAM, Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (UMR7310, Aix Marseille Université/CNRS), Institut d’ethnologie méditerranéenne, européenne et comparative (Idemec)

Journées d’étude : MUCEM, « Warburg migrations : savoirs, images, personnes »

Journées d’étude, 30 et 31 mai 2023
MUCEM, Fort Saint-Jean – MucemLab
Entrée libre sur inscription à mucemlab@mucem.org
Mardi 30 mai 14h-18h30 et mercredi 31 mai 9h30-18h30

Avec : Lara Bonneau, Giovanni Careri, Emanuele Coccia, Philippe Despoix, Anna Dezeuze, Georges Didi-Huberman, Aude Fanlo, Camille Faucourt, Nicolas Feodoroff, Thierry Fournier, Sabine Guermouche, Anna Guilló, Axel Heil, Chourouk Hriech, Sarah Mekdjian, Robert Ohrt, Hélia Paukner, Mathieu Pernot, Simon Séguier-Faucher, Bill Sherman, Matteo Vallorani, Francesco Zucconi.

L’Atlas Mnémosyne est peut-être l’un des legs les plus puissants de l’anthropologue des images Aby Warburg (1866-1929), dont l’œuvre sera au cœur de ces journées d’étude. Avec plasticiens, théoriciens et conservateurs, il s’agira de réfléchir aux dimensions subjectives ou mémorielles que charrient les notions de migration ou d’exil (des personnes, des objets, de la culture), mais aussi d’envisager les enjeux méthodologiques et théoriques que ces usages soulèvent, ainsi que l’actualité de la forme atlas dans la création contemporaine.

Thierry Fournier et Anna Guilló présentent la revue antiAtlas-Journal et son projet.

Partenaires : Cehta-CRAL, EHESS-CNRS, MucemLab, INSEAMM, LESA, Aix-Marseille Université. Goethe Institut

Télécharger le programme complet des journées d’étude

Habiter le trouble avec un cyborg anthropolojonglique

1er et 2 Avril 2022
Atelier du plateau,
Paris 19ème

Juin 2021 Sylvain Pascal, jongleur du collectif Protocole, rencontre Cédric Parizot, anthropologue à l’Institut d’études et de recherche sur les mondes arabes et musulmans. A d’eux, ils s’embarquent pour une semaine dans le quartier de Rochebelle à Alès pour la 14ème errance du projet PERIPLE. Au terme d’une semaine de performances de jonglées, de rencontres avec les habitants et d’essais d’anthropologie urbaine, un cyborg anthropolojonglique monte sur scène. Avril 2022, près d’un an après cette première expérimentation, l’anthropologue et le jongleur s’invitent à l’atelier du plateau. Bien plus que la mise en scène d’une communication entre espèces compagnes, ils proposent d’expérimenter d’autres corporéités pour mettre en œuvre leurs pratiques et éprouver les frontières de leurs disciplines.

Colloque – No(s)Limites : Capter, penser, (re)transmettre les espaces et leurs frontières

13,14, 15 Décembre 2021
Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence
Rue Emile Tavan
13100 Aix-en-Provence

Rejoindre l’événement sur Zoom
ID de réunion : 919 7165 1990
Code secret : 695493

Journées Thématiques

Organisées par Anna Guilló, Cédric Parizot et Peter Sinclair avec le partenariat de l’Ecole Supérieure d’Art Félix Ciccolini d’Aix-en-Provence, de l’Institut de Recherche et d’Etudes sur les Mondes Arabes et Musulmans (Aix Marseille Université/CNRS), du Laboratoire d’études en sciences des arts (LESA, Aix-Marseille Université) avec le soutien de la Fondation Amidex.

Ces journées sont ouvertes au public sur inscription et dans la limite des places disponibles. Envoyer un mail à: cedric [.] parizot [at] gmail [.] com

Étalées sur trois jours, ces journées thématiques réuniront des chercheurs, des enseignants et des artistes pour s’interroger sur la manière dont les différents dispositifs de perception et de captation (médias) organisent notre manière d’être au monde. L’accent sera porté sur la question des limites et des espaces de nos sociétés contemporaines. Ces échanges permettront d’aborder les articulations étroites entre les processus de perception, de production, les technologies et les dynamiques politiques, économiques et culturelles qui traversent nos sociétés.

Au cours de ces trois jours, les participants évoqueront les collaborations qui se sont établies entre l’ESAAix et les laboratoires de la Maison méditerranéenne des sciences, ainsi que la convergence récente entre Locus Sonus et l’antiAtlas des frontières. De même, elles invitent d’autres artistes et d’autres chercheurs dont les pratiques expérimentales visent à prendre connaissance du monde à travers des démarches qui se démarquent également des pratiques académiques conventionnelles.

Ces journées thématiques s’inscrivent dans le programme “La recherche par l’écoute: expérimentations artistiques et dispositifs critiques” mis en oeuvre par Locus Sonus Locus Vitae LSLV (ESAAix), l’Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans (Aix Marseille Université/CNRS) soutenu par l’accord cadre entre le ministère de la Culture et le CNRS, et le Laboratoire d’études sur les arts (LESA, Aix Marseille Université/CNRS). Cet événement est également soutenu par la Fondation Amidex.

Lundi 13 décembre 2021

9h00 Introduction

Anna Guilló – LESA ; Cédric Parizot, anthropologue, IREMAM (Aix Marseille Université/CNRS) ; Peter Sinclair, artiste enseignant, Locus Sonus (École supérieure d’art d’Aix-en-Provence)

10h00-12h00 Session 01 : Réinventer le documentaire

Baptiste Buob – anthropologue, Lesc (Université Paris Nanterre/CNRS).

– Jean Rouch : des limites de la captation aux voies de la ciné-transe

Considéré, selon ses propres dires, comme un anthropologue par les cinéastes et un cinéaste par les anthropologues, Jean Rouch déborde allègrement les limites étroites du jeu des assignations disciplinaires. En présentant quelques-unes des facettes de cet homme pluriel, il s’agira plus particulièrement ici de traiter de sa « mystérieuse » ciné-transe, notion qui contribue à libérer la pratique filmique du vernis naturaliste que l’anthropologie tend encore, parfois, à lui appliquer.

Le laboratoire des hypothèses : collectif constitué de Nelly Catheland, Ce Soir (Hugo & Lise), Pauline Charpentier, Jocelyn Desmares, Fabrice Gallis, Eddy Godeberge, Charline Guyonnet, Romaric Hardy, Arthur James, Sophie Lapalu, Lou Lapalu Gallis, Émilie Launay, Margaux Lecoursonnois, Frédéric Leterrier, Théo Levillain, Virginie Levavasseur, Marthe Mauny et Sopi N’Guia

– Sommes-nous seul⋅es dans l’univers ?

La pluralité des mondes fascine les savants depuis des millénaires, de Démocrite jusqu’à Carl Sagan, en passant par Giordano Bruno. Aujourd’hui, pour la première fois dans l’histoire de notre espèce, nous possédons la science et la technologie requises pour éclairer cette question, notamment grâce à la découverte de milliers d’exoplanètes et d’une profusion de « super-Terres ». Reste à savoir si d’autres intelligences que la nôtre peuplent l’Univers et comment communiquer avec elles, voire les rejoindre. Le laboratoire développera ces hypothèses en regard de ces questions.

14h00-16h00 Session 02 : À l’écoute du monde

Peter Sinclair, ESAAIX, Locus Sonus

– Le son, quelles limites?

Cet exposé explore l’idée qu’une approche audio centrée peut changer la perception de nos limites en livrant une réflexion sur la perception de l’espace et du temps, entendus plutôt que vus. De quels a priori devons-nous nous débarrasser pour ce faire? Où commencent, où se terminent, quelles sont la direction, la perméabilité et la continuité de nos écoutes? Enfin, comment cette approche par l’écoute peut-elle être appliquée au quotidien aussi bien qu’à nos recherches puisqu’elles concernent, peut-être avant tout, nos façons d’aborder notre monde?

Roberto Barbanti, Professeur émérite au département Arts plastiques de l’Université Paris 8
– Penser l’akousis, une nouvelle façon d’entendre ?

En se basant sur l’observation visuelle du monde, la théorie – « théoria (au sens grec de “forme de connaissance” qui vient du regard) », comme écrit le géographe Eugenio Turri – a forgé l’histoire esthétique-épistémologique occidentale. Il s’agit d’une lecture du réel qui montre aujourd’hui des limites infranchissables. Un autre devenir esthétique-épistémologique fondé sur l’akousis, l’action d’entendre, pourrait être interrogé afin d’engendrer une forme de connaissance adéquate à notre temps.

Mardi 14 décembre 2021

10h00-12h00 Session 03 : Dérives

Ximena Alarcon, Independent Sound Artist. Résident à The Studio, Enterprise and Innovation Hub à l’université de Bath Spa.
– INTIMAL: a telematic « embodied » system for listening to our migrations

INTIMAL est un système incarné pour écouter nos voyages migratoires, pour sentir le lieu et la présence, se connecter avec les autres à travers des endroits éloignés. Dans cette conférence, je décrirai le processus créatif de l’application INTIMAL, qui détecte de manière synchrone les rythmes de marche des gens et les sonifie pour qu’ils soient perçus comme une respiration : une téléprésence incarnée. L’application révèle également des extraits d’histoires de migration qui pourraient déclencher une réponse de l’auditeur : construire un chemin au fur et à mesure que des relations émergent entre les voix et les fréquences sonores.

Carlos Casteleira, artiste/ enseignant ESAAix et François Parra, artiste/ enseignant ESAAIX

Walking the Data I Plotmap : un dispositif pour démarches pédagogiques situées

En 2015, nous entreprenons de développer une démarche et un dispositif conjoints, Walking-the-Data et Plotmap. Walking-the-Data est une démarche d’investigations des territoires qui s’efforce de mettre en lien propositions artistiques, engagements citoyens, savoirs et lieux patrimoniaux. Elle doit beaucoup aux diverses pratiques de la marche. Plotmap est un dispositif d’édition numérique de médias géo-localisés. L’articulation entre ces deux éléments est au coeur de ce projet de recherche. Il donne lieu en 2020 à une édition papier.

14h00-16h00 Session 04 : Dépasser les limites de la représentation

Jean Cristofol – Philosophe, antiAtlas des frontières.

Dans la trame

À l’ère de l’anthropocène, en pleine extinction du vivant et d’éclatement politique, la question de notre relation à l’espace est devenue critique. Les façons de produire « l’espace », de modeler notre milieu de vie, sont des enjeux à la fois politiques et écologiques, mais aussi théoriques et épistémologiques. Il faut donc re-penser les usages et les pratiques de l’espace, ce qui s’y tisse de liens visibles et invisibles, ce qui s’y articule de représentations.

Anna Guilló – Artiste, Enseignante, Chercheuse LESA AMU, et Cedric Parizot – anthropologue, IREMAM (Aix Marseille Université/CNRS).

– Israël Palestine: essais cartographiques

De nombreuses cartes ont été produites par des chercheurs, des organisations internationales ou des ONG afin de documenter l’évolution du conflit israélo-palestinien au cours des trente dernières années. En mettant cette cartographie en perspective avec quelques essais de cartographie expérimentale que nous avons réalisés, nous proposons une réflexion sur la manière dont ces formes conventionnées de représentation ont affecté de manière très spécifique les façons de penser et d’analyser les relations entre Israéliens et Palestiniens, ainsi que la nature des frontières qui les séparent.

16h30-17h30 Session 05 : Table Ronde

Compagnie Dodescaden et Baptiste Buob – Animé par Cédric Parizot

Laurence Maillot & Jeremy Demesmaeker — DODESCADEN : formé au théâtre et musicien professionnel, mû par le désir de créer un espace de transversalité artistique, Jeremy Demesmaeker fonde la compagnie Dodescaden en 2004. La compagnie devient progressivement un espace propice à la porosité des médiums et à l’expérimentation. En 2009, il s’associe avec Laurence Maillot, danseuse et chorégraphe. Après l’obtention du prix de la recherche 2013 du Centre de Développement Chorégraphique National les Hivernales, ils mettent en place un dispositif qui convie des chercheurs à venir nourrir et questionner leurs travaux au sein de la compagnie (Rues Intérieures 2014, Karoshi–Animal Laborans 2016, Les Maîtres fous 2017).

Mercredi 15 décembre 2021

9h00-12h30 Session 06 : Visualiser les espaces israélo-palestiniens et au-delà

Modérateur: Cédric Parizot, anthropologue, IREMAM, CNRS, Aix Marseille Université

Clémence Vendryes, doctorante en géographie et anthropologie, IREMAM, Aix-Marseille Université & Institut Français du Proche-Orient dans les Territoires Palestiniens

Le cimetière palestinien : du territoire à la ligne

Tout comme la tombe, le plan du cimetière localise et assigne le mort à résidence. Il rappelle la dimension fondamentalement et fixement territoriale du cimetière. Partant de cette proximité fonctionnelle apparente de la carte et du cimetière, j’ai dessiné des plans de tombes en Palestine — avant de me rendre compte que les morts s’éparpillent. Au-delà de la carte, le cimetière est entretenu par des signes matériels et éphémères des vivants qui prennent soin de leurs morts. Mes représentations spatiales se sont peu à peu défaites, puis fragmentées, à l’image de la terre palestinienne. Objet, geste, partage, palme, parole : le but à présent est de les relier. Dans le réseau ou le filet, le lien est ligne. Mais la ligne lisse l’espace relationnel et ses vécus. Comment quitter la flèche, sa dimension graphique et téléologique ?

Jérôme Courduriès, anthropologue, LISST, Université Toulouse Jean Jaurès

Ego et ses relations significatives dans les familles contemporaines : l’épreuve des schémas de parenté

Depuis les débuts de leur discipline, les anthropologues de la parenté ont élaboré des outils pour traduire de façon graphique l’écheveau des relations de parenté. Il s’est toujours agi pour eux de rendre compte de la manière dont les personnes sont reliées au groupe de leurs consanguins et au groupe de leurs alliés. Trois types de relations sont au fondement de ces schémas de parenté : la filiation, la germanité et l’alliance. Ces schémas étaient moins faits pour rendre compte avec précision de la réalité vécue des relations familiales que des règles et des structures sous-jacentes. Les changements intervenus dans les familles contemporaines dans de nombreuses sociétés ont compliqué singulièrement la tâche des anthropologues qui souhaitent schématiser les liens qui les caractérisent. C’est à cette difficulté et aux manières de la résoudre que je propose de réfléchir.

Théo Borel, doctorant en histoire, MESOPHLHIS/IREMAM, IEP Aix en Provence, Aix-Marseille Université.

Du réseau au filet : les migrations militaires entre la France et Israël

L’enrôlement francophone dans l’armée israélienne jalonne l’histoire de l’État d’Israël et correspond à un phénomène migratoire spécifique. Afin de réaliser une étude historique de ces circulations je mobilise une approche en termes de réseaux pour en révéler le caractère multi-situé et considérer l’importance des relations interpersonnelles. A partir d’une évaluation de l’influence de cette forme graphique sur ma démarche et dans la perspective d’envisager les apports de celle du filet (meshwork), cette présentation vise à interroger les retombées heuristiques qu’offre l’usage alternatif de ces deux modèles visuels.

14h00-16h00 Session 07 : Partager les espaces d’écoute virtuels

Caroline Boë, doctorante en pratique et théorie de la création artistique. Laboratoire PRISM UMR 7061, Aix-Marseille Université, CNRS, ministère de la Culture.

– Petit musée virtuel de la Pollution sonore : la sonothèque anthropohony.org

La sonothèque collaborative anthropophony.org archive des sons de pollution sonore de faible intensité pour les dénoncer. Ces sons infimes, filtrés par notre habituation auditive (Mosberg), sont inframinces (Duchamp) et s’y intéresser relève de l’endotique (Augoyard). Avec un système de commentaires d’utilisateurs de la sonothèque, le son physique archivé est augmenté d’une dimension perceptive-communicative (Barbanti). Les commentaires montrent que, malgré un souhait de dénonciation, nous esthétisons nos perceptions.

La Pulpe – Ludmila Postel, doctorante, Aix Marseille Université, PRISM-CNRS, ESAAix et Crys Aslanian, doctorante en recherche-création, Université Gustave Eiffel, EA LISAA, Artiste-Chercheuse, ESA Clermont-Ferrand Métropole, La Coopérative de Recherche.

– Le seuil entre mondes physique et virtuel comme espace relationnel

Lors de cette présentation à deux voix, Crys et Ludmila parleront de leurs recherche-créations respectives et de la manière dont elles ont fait naître un projet commun. Le collectif La Pulpe cherche la porosité des limites entre les mondes sonores physique et télématique en mélangeant plateau radio et monde 3D en ligne. En passant par la l’improvisation sonore et narrative, les frontières s’ouvrent pour créer de nouveaux espaces de partage, comme le projet de choeur trans*média « Chanson de Toile » qui vit actuellement ses premières expérimentations.

19h Session 8 : Les Maitres Fous – Un spectacle de danse par la compagnie Dodescaden présenté à 3bisF

– Les Maitres Fous

Les Maitres Fous nous parlent d’aujourd’hui. Ou plutôt, parlent de leurs préoccupations d’aujourd’hui : confusions du discours politique, commentaires et sur-commentaires de l’actualité, sur-présence des médias, les migrants, l’inertie, absurdité, le pouvoir, les réseaux sociaux….La performance Les Maitres Fous s’inspire d’un rituel de possession filmé par Jean Rouch en 1954. Les performeurs ne rejouent pas le film de Rouch mais s’approprient ce rituel pour créer leur propre espace de transgression, un espace avec leurs propres règles, leur espace exutoire dans lequel sont conviés les spectateurs. Les Maitres Fous, ce sont des bouffons, des clowns satiriques qui questionnent le présent en incarnant des figures monstrueusement contemporaines.

https://dodescaden.com/Les_Maitres_Fous.html

Image principale: Copyrigth US Navy – FA-18 Hornet breaking sound barrier (7 July 1999)

HDR: Israël Palestine, un antiAtlas

Cédric Parizot
Habilitation à diriger des recherches
soutenue le 27 septembre 2021
Aix-Marseille Université
Institut d’ethnologie et méditeranéenne, européenne et comparative
Sous le parainage scientifique de
Dionigi Albera, Directeur de recherche, IDEMEC (CNRS, Aix-Marseille Université)

Télécharger le Vol 1 Synthèse des travaux et les volumes annexes:
– Vol 2 Recueil de publications
– Vol 3 Expérimentations
– Vol 4 Au seuil de la frontière, replier les espaces israélo-palestiniens (Introduction et la table des matières)
– Vol 5 Jeu de cartes
– Vol 6 Jeu vidéo

JURY

Dionigi Albera, Directeur de recherche au CNRS, IDEMEC (Aix-Marseille Université, CNRS)
William Berthomière, Directeur de recherche au CNRS, PASSAGES (CNRS, Université Bordeaux Montaigne)
Riccardo Bocco, Professeur, IHEID, Genève
Lætitia Bucaille, Professeure des universités à l’INALCO, CESSMA (INALCO, IRD, Université de Paris)
Aline Caillet, Maîtresse de conférences (HDR), ACTE (Université Paris 1 — Panthéon-Sorbonne)
Frédérique Fogel, Directrice de recherche au CNRS, LESC (CNRS, Université Paris Nanterre)
Nicolas Puig, Directeur de recherche à l’IRD, URMIS (IRD, CNRS, Université de Paris)

antiAtlas #2, 2021 : On Countries and Hotels, Disassembling Narratives of Time and Place

Written by Beatrice Bottomley, and published into the antiAtlas Journal #2 this article focuses on a collection of short stories by the Palestinian writer Raji Bathish: On Countries and Hotels (2007). The stories take place in hotel rooms that are marked by the strong presence of media, or means of communication, allowing for a disassembling of linear time and place. To what extent does this enable the text to produce a space of movement? And what is the potential of such a space?

Read the article: https://www.antiatlas-journal.net/on-countries-and-hotels/

Beatrice Bottomley is a doctoral candidate at the Warburg Institute, University of London, supported by a studentship from the London Arts & Humanities Partnership. Her research interrogates the relationship between language and philosophy.

Mémoire: Le borderscape européen à l’épreuve du Covid-19

Les Îles Canaries comme décor du nouveau border play

Andrea Gallinal Arias
Mémoire de Master 2, Dynamique politiques et mutations des sociétés,
Institut d’études politiques, Aix-en-Provence, 2021

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Dans ce mémoire, je vise à explorer la convergence entre la pandémie de Covid-19 et l’événement migratoire survenu dans l’archipel des Canaries, en Espagne, au cours de l’année 2020, en me concentrant plus spécifiquement sur l’île de Gran Canaria. En ce sens, je questionne le développement de cet événement en tant que crise et les effets de la gestion de l’urgence qui en découle sur la reconfiguration des acteurs et la matérialité de la frontière européenne des îles Canaries. J’aborde également les transformations du paysage politique insulaire depuis cet événement et la montée de l’extrême droite. L’objectif de ce mémoire est de penser, à travers l’exemple des îles Canaries, l’effet que la pandémie de Coronavirus aura sur d’autres frontières européennes.

La route migratoire atlantique des îles Canaries, considérée comme quasiment obsolète depuis une dizaine d’années, est revenue sur le devant de la scène internationale au cours de l’année 2020. En effet, les autorités espagnoles ont signalé une augmentation de 881% du nombre de migrants arrivant sur ses côtes par rapport à 2019 (PE, 2021). Quelque 22 000 personnes ont atteint les îles en provenance de diverses enclaves du Maroc, du Sahara occidental et d’Afrique de l’Ouest, une tendance qui s’est poursuivie au cours de cette année 2021 (Bautista, 18 mai 2021). Si ce chiffre peut sembler relativement faible par rapport à d’autres zones frontalières d’Europe, l’archipel a été complètement dépassé par cette situation, principalement en raison du contexte déjà complexe généré par l’épidémie de Covid-19.

Photo Andrea Gallinal, 2021

J’aborde cette arrivée soudaine de migrants comme un événement au sens où Alain Badiou le définit, c’est-à-dire comme un processus par lequel le surgissement d’une situation met en échec les modes opératoires par lesquels nous composons avec notre environnement (Badiou, 2007). Ici, l’émergence soudaine et radicale de populations exclues sur la scène sociale, en l’occurrence les migrants irréguliers, est venue perturber l’apparence de normalité et a ouvert un processus de reconfiguration de la réalité. Bien que l’arrivée de migrants irréguliers dans l’archipel des Canaries soit un phénomène récurrent et, en ce sens, prévisible, son articulation avec la pandémie de Covid-19 a créé un événement sans précédent sur l’île qui a laissé cette partie de la frontière européenne sans les outils pour faire face à la situation. La gestion des frontières dans les îles dans le contexte épidémique actuel a dû être adaptée par le biais de nouveaux mécanismes et acteurs afin de garantir que les migrants soient gérés conformément aux restrictions sanitaires. Le manque de préparation logistique et stratégique de l’archipel pour répondre à cet événement a généré un bricolage institutionnel qui a été, comme j’ai pu le constater sur le terrain, une source de contradictions et de vulnérabilités à tous les niveaux : un système d’accueil des migrants complètement dépassé en termes de nombre ; des structures d’accueil médiocres qui ont dû être assistées par de nouvelles structures comme des hôtels ou des macro-camps ; des politiciens et des travailleurs sociaux épuisés ; des immigrants désespérés et confus ; et une population locale polarisée succombant aux théories conspirationnistes et aux manifestations xénophobes.

En ce sens, l’objectif de ce mémoire est d’analyser comment l’émergence du Covid-19 a conduit à l’effondrement du fragile système d’accueil des îles Canaries et a forcé une reconfiguration profonde de l’infrastructure et de la politique frontalière et, par conséquent, des collectifs impliqués dans son fonctionnement formel et informel. La question de l’impact de la pandémie sur les modes de gestion des frontières de l’Europe semble significative pour deux raisons. Premièrement, la diffusion des vaccins Covid-19 ne semble pas nécessairement garantir la fin de la pandémie, comme le montre déjà la tendance dans certains pays (Genoux, 11 avril 2021). Ensuite, le fait que les politiques de vaccination ne soient mises en œuvre que dans les pays les plus privilégiés peut conférer à la mobilité internationale un rôle clé dans l’évolution de la situation sanitaire (Héran, 2020), comme le montre la création du Programme mondial de l’OMS pour la santé et la migration (OMS, 2020). L’analyse de la reconfiguration du scénario de la frontière européenne aux Canaries pourrait, par effet de loupe, fournir une illustration des questions que la pandémie va soulever dans les années à venir en termes de gestion des frontières et de la mobilité en Europe.

Mon questionnement s’articule autour de trois axes principaux : la transformation d’un événement migratoire en crise ; les réponses des différents acteurs impliqués et l’impact de ces actions sur le paysage frontalier de l’île ; et l’articulation de l’événement migratoire avec la transformation de la composition politique de l’archipel.

Tout d’abord, j’aborde la manière dont l’événement migratoire sur l’île de Gran Canaria a été progressivement présenté comme une crise. Comme Cuttitta l’explique pour l’île de Lampedusa, les crises sont généralement créées et  » performées  » par des mesures et des pratiques politiques comme moyen de gouverner la migration (2014), ce qui permet la mise en œuvre de procédures de contrôle supplémentaires. En outre, les îles sont des lieux particuliers qui, en matière de migration, attirent une attention médiatique extraordinaire (Bernardie-Tahir et Schmoll, 2014 ; Cuttitta, 2014) et où la réalité et les implications de la migration irrégulière prennent des formes exacerbées (Bernardie-Tahir et Schmoll, 2014), ce qui facilite la mise en scène des crises migratoires. En ce sens, je suggère que les mesures d’urgence déployées pour la gestion de la pandémie de Coronavirus sur le territoire espagnol ont facilité la reconfiguration de cet événement migratoire en crise. Il semble alors approprié de s’interroger sur l’articulation entre la pandémie et l’événement migratoire, sur le devenir d’une crise perçue, ainsi que sur les acteurs impliqués dans ce processus.

Dans un deuxième temps, je traite de la manière dont les réactions des autorités et des acteurs locaux déployés afin de maîtriser la crise ont contribué à la transformation du borderscape canarien. Je privilégie la notion de borderscape à celle de frontière car, d’une part, elle me permet de mettre en évidence la nature fluide et changeante des frontières (Bernardie-Tahir & Schmoll, 2014 ; Brambilla, 2014) et de me concentrer sur les relations entre les différents collectifs qui la composent : les confrontations, contradictions, alliances et concessions à différents niveaux qui ont émergé dans ce contexte changeant. D’autre part, elle me permet de délocaliser la frontière à la fois dans l’espace et dans le temps (Brambilla, 2015 ; Perera, 2007), en appréhendant tous les acteurs -humains ou non- qui interviennent avant dans le temps et loin dans l’espace : c’est le cas des directives et lois européennes qui ont un rôle central en la matière sur le territoire des Canaries.

Dans ce sens, je me concentre sur la manière dont la réponse à la  » crise  » migratoire a reconfiguré les relations entre les différents acteurs présents dans cet espace, ainsi que sur l’émergence de nouveaux acteurs. Plusieurs auteurs ont étudié l’émergence d’organisations citoyennes et d’ONG comme réponse aux urgences migratoires (Cuttitta, 2018 ; Danese, 2001), cependant, au cours de mon travail de terrain, j’ai pu observer l’émergence d’acteurs privés acquérant un rôle central dans le système d’accueil. Dans le vide généré par le manque de moyens de l’État espagnol, des propriétaires de différents hôtels ont réussi à s’organiser dans le but d’offrir une réponse digne à l’urgence d’accueil sur l’île. D’autres acteurs, déjà existants, ont dû ajuster leurs modes de fonctionnement pour s’adapter à la situation sanitaire. J’évalue ainsi les changements provoqués par ces réactions au niveau des collectifs locaux : la redistribution des rôles, leurs compositions, leurs limites.

Enfin, j’aborde les transformations du tissu politique et social de l’île à travers la gestion de l’événement migratoire. Lors de mon séjour à Gran Canaria, j’ai pu clairement constater l’émergence et la recrudescence d’un discours xénophobe jusqu’alors inconnu ainsi que de nouvelles pratiques et formes de solidarité. Cela me permet de postuler que l’événement migratoire va au-delà de la gestion logistique et stratégique du phénomène, mais qu’il a également un impact sur la composition politique et l’imaginaire collectif d’une société. En ce sens, j’aborde les réactions de la population locale à la gestion de la situation migratoire, ainsi que l’instrumentalisation politique de cet événement par les partis politiques d’extrême droite.

Méthodologie, sources et terrains

Cette recherche est le résultat d’un travail de terrain de deux mois réalisé en janvier et février 2021 sur l’île de Gran Canaria. Mon étude se base sur trois types de matériaux d’analyse : un travail ethnographique dans différents milieux lors de mon séjour sur l’île, des entretiens avec différents représentants de collectifs impliqués dans le domaine de la gestion des migrations et des articles de presse à travers lesquels j’ai pu construire une chronologie des événements, aussi bien pendant mon séjour sur l’île qu’à distance avant et après mon travail de terrain.

En ce qui concerne mon travail ethnographique, j’ai pu obtenir des informations de première main grâce à l’observation participante pendant mon travail en tant que volontaire dans deux grandes associations qui géraient deux centres d’accueil pour immigrants. Après un peu moins de deux semaines sur l’île de Gran Canaria, j’ai pu commencer à travailler comme professeure d’espagnol bénévole dans l’un des centres pour femmes migrantes de la Fondation Croix Blanche. Ce premier contact avec l’organisation m’a permis, plus tard durant mon séjour, de visiter l’un des macro-camps construits pour répondre à la situation migratoire sur l’île, puisqu’il était géré par la même association. Quelque temps plus tard, j’ai également pu rejoindre l’équipe du Centre d’Accueil Intégral (CAI) de Tafira, dans la banlieue de la capitale Las Palmas, géré par la Croix Rouge. Ce centre, où j’ai également travaillé en tant que professeure d’espagnol, accueillait uniquement des familles originaires du Maroc et du Sahara occidental. Ces deux expériences ont été particulièrement enrichissantes sur le plan personnel, notamment en ce qui concerne les relations interpersonnelles que j’ai pu établir avec plusieurs des résidents. En outre, elles m’ont donné accès à des témoignages de première main sur les différentes phases du projet migratoire des migrants et sur l’attention reçue à leur arrivée sur les îles. Ce fut également une très bonne occasion de voir de l’intérieur comment fonctionne ce type de ressources d’accueil temporaire au niveau institutionnel et humain.

En plus de ce type d’observation participante, j’ai également utilisé l’observation flottante, très courante en anthropologie, pour décrire sur mon journal de terrain à la fois les lieux et les pratiques que j’ai observés dans ces différents environnements. Cette technique m’a été particulièrement utile lors des explorations dans les différents quartiers où les macro-camps s’étaient installés, ainsi que lors de mes différents déplacements dans le sud de l’île, où je me suis principalement concentrée sur l’observation des structures touristiques, vides en raison du Covid-19, et de la nouvelle forme que prenait le paysage avec la présence des centaines de migrants. Outre le travail ethnographique, j’ai également pu réaliser un total de six entretiens avec différents représentants d’organisations et d’acteurs impliqués d’une manière ou d’une autre dans la gestion de l’accueil des migrants sur l’île de Gran Canaria.

Lors de mes rencontres avec les migrants eux-mêmes, j’ai décidé de privilégier le format de la conversation informelle à celui de l’entretien arrangé car il me semblait plus approprié au contexte. Étant donné la situation dans laquelle beaucoup d’entre eux se sont trouvés à leur arrivée sur les îles – confus, ayant vécu des moments de grande tension, parfois traumatisants, et très méfiants quant au type de relation qu’ils établissaient – les conversations informelles m’ont semblé la meilleure option pour favoriser la construction d’une relation de confiance et aussi pour préserver et respecter la situation de vulnérabilité dans laquelle beaucoup d’entre eux se trouvaient.

Les relations que j’ai pu établir avec les migrants, à l’intérieur et à l’extérieur des structures d’accueil, ont été la partie la plus enrichissante de mon travail de terrain. Cependant, elles ont également été les plus complexes : étant donné que la plupart des migrants avec lesquels j’ai pu parler en dehors des centres d’accueil étaient dans des situations difficiles, où ils se sentaient désespérés et frustrés, j’ai rapidement compris que mes efforts pour leur tendre la main pouvaient rapidement se transformer en une relation de dépendance. Si je donnais mon numéro de téléphone pour un contact ultérieur, je recevais des messages et des appels à toute heure. En ce sens, j’ai dû prendre du temps pour comprendre où et comment fixer les limites dans ce type de relation. Après réflexion, j’ai décidé que j’étais effectivement intéressée à nouer des relations humaines au-delà de mon objet d’étude. Je ne voulais pas simplement obtenir des informations de ces personnes en ignorant leur situation personnelle. Mais pour ce faire, je devais être assez sélective quant aux personnes avec lesquelles je facilitais mon contact personnel et celles avec lesquelles je ne le faisais pas. Ainsi, bien que mes échanges aient été multiples et avec de nombreux immigrants différents, j’ai privilégié l’établissement d’une relation de confiance avec un total de quatre personnes que je voyais régulièrement et avec lesquelles j’étais aussi personnellement impliqué. Cette sélectivité m’a permis d’avoir un accès privilégié à des informations de première main sur la situation dans les différents hôtels et les expériences matérielles et psychologiques à l’intérieur de ceux-ci, sans devoir négliger les relations personnelles établies puisque j’avais le temps de répondre à tous les messages ou appels.

Enfin, depuis le début du mois d’octobre 2020, j’ai commencé à travailler sur une revue de presse avec différents articles publiés par différents médias numériques. Cela m’a permis d’avoir une chronologie exhaustive de tous les événements importants qui se produisaient au fur et à mesure de l’évolution de la situation. Cela m’a également permis de suivre la reproduction des faits dans les médias, ce qui a également facilité l’identification des discours positionnés contre et en faveur du séjour des migrants sur l’île. Travailler avec la presse écrite dans différentes langues (espagnol, anglais, français) m’a également permis d’analyser la façon dont les événements ont été perçus dans la sphère internationale.
Grâce à ces trois sources d’information, j’ai pu construire mon analyse de la situation aux Canaries avant, pendant et après mon travail de terrain sur l’île de Gran Canaria.

Photo Andrea Gallinal, 2021

Les défis de mon travail de terrain : réflexions sur le genre

Il y a un élément important qui s’est distingué au cours de mon travail de terrain et que je voudrais aborder séparément : le fait d’être une chercheuse en contact avec des interlocuteurs principalement masculins. Je n’aborderai ici que la partie de mon travail de terrain relative à mon contact avec les migrants eux-mêmes en dehors des centres d’accueil dans lesquels je donnais des cours d’espagnol.

Tous les migrants que j’ai pu voir et à qui j’ai pu parler, à l’exception des deux centres où j’ai travaillé comme bénévole, étaient de jeunes hommes. En ce sens, les comportements et commentaires sexistes ou sexualisés étaient assez récurrents. Gurney décrit l’intimidation sexuelle à laquelle les chercheuses sont souvent exposées comme  » une gamme allant du comportement de flirt et des remarques sexuellement suggestives à la proposition sexuelle ouverte  » (1985). L’une des plus grandes difficultés lors de mon approche des jeunes migrants masculins a été les tentatives constantes de drague qui discréditaient complètement la position de chercheur dans laquelle je voulais me maintenir. En général, trois réactions étaient possibles lorsque je m’approchais pour parler aux jeunes hommes : une réponse timide et respectueuse ; une tentative d’approche avec des compliments et des questions sur ma vie personnelle ; ou, très souvent, ils voulaient simplement prendre des photos de moi ou avec moi. Les deux dernières réactions étaient assez inconfortables et, bien que le comportement de harcèlement ne soit pas quelque chose de spécifique à ce contexte particulier, puisque j’y suis confrontée dans ma vie quotidienne, dans cette situation il y avait une difficulté supplémentaire : comment devais-je réagir ?

Gurney souligne qu’un « minimum de tolérance est nécessaire à l’égard de tout comportement que les répondants peuvent manifester, sinon très peu de recherches sur le terrain seraient accomplies », mais « la question de savoir où fixer la limite » et comment est plutôt difficile (1985). Il est évident que je ne pouvais pas réagir dans ce contexte comme je le ferais dans ma vie de tous les jours, car il était dans mon intérêt de me rapprocher de ces personnes. La capacité de parler français a grandement facilité mon approche des migrants que j’ai rencontrés sur l’île. Comme ils me l’ont dit, le fait d’être ignoré par la plupart de la population locale, voire relativement maltraité, faisait de mon approche un événement inhabituel. Cela a été très souvent interprété de leur part comme un intérêt de nature romantique ou sexuelle. Plusieurs des hommes avec lesquels j’ai établi un contact plus solide m’ont expliqué qu’ils ne comprenaient pas pourquoi j’étais si gentil avec eux par rapport au reste des personnes qu’ils rencontraient. Au début, j’ai été obligé de justifier constamment ma gentillesse à leur égard, non pas par intérêt romantique, mais simplement par respect. Les questions sur mon état civil, si j’avais un petit ami, si j’étais mariée, revenaient régulièrement.

Face aux compliments et aux commentaires concernant mon apparence physique, j’essayais de les ignorer ou de simplement sourire. Petit à petit, j’ai commencé à développer des mécanismes me permettant d’éviter les questions gênantes concernant ma vie personnelle. J’ai remarqué que, comme le fait remarquer Gurney,  » le harcèlement sexuel est plus susceptible de se produire lorsque la femme est perçue comme célibataire ou sans attache avec un homme  » (1985). J’ai donc commencé à répondre à chaque occasion que j’étais mariée, ce qui semblait être un prétexte suffisant pour combattre le harcèlement, du moins dans une certaine mesure. Malgré cela, je devais encore faire face à des situations dans lesquelles je me trouvais certainement mal à l’aise. Je citerai en particulier le moment où l’un de mes interlocuteurs a tenté à plusieurs reprises de m’embrasser, alors que je lui avais clairement fait comprendre que je n’étais pas du tout intéressée. À une autre occasion, une autre personne avec laquelle j’ai essayé d’établir un contact a insisté pour m’épouser, même lorsque je lui ai dit que j’avais un partenaire. Encore une fois, dans ces occasions, trouver la bonne réaction n’a pas été facile et, en y repensant, je pense que j’aurais dû réagir plus fortement. Cependant, la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvaient ces personnes m’a également incitée à ne pas générer d’autres conflits avec elles.
Le fait d’être une femme, dans ce contexte, a également été bénéfique car cela m’a permis d’approcher plus facilement mes interlocuteurs, même si cela a généré des situations non souhaitées. Il est clair que si j’avais été un homme, je n’aurais pas eu à subir bon nombre des commentaires, des regards ou des comportements auxquels j’ai dû faire face en tant que femme, mais il est également probable qu’une présence masculine et une éventuelle approche en tant qu’homme auraient généré plus de méfiance chez mes interlocuteurs. Être une jeune femme a été, en ce sens, à la fois un avantage et un inconvénient.

Photo Andrea Gallinal, 2021

Contenu

Ce mémoire se compose de trois parties et de huit chapitres. Le découpage des différentes parties correspond à la logique explicative qui guide l’analyse.
Dans la première partie, je contextualise la convergence de la pandémie et de l’événement migratoire dans les îles et je questionne son caractère supposé imprévisible. J’examine également la construction de ce double événement comme une crise et comment cette catégorisation a impacté l’évolution des différents mécanismes institutionnels d’urgence développés au cours des derniers mois. Enfin, j’établis une comparaison entre la situation migratoire des Canaries en 2020 et celle de l’île de Lampedusa à la même période, dans le but de contextualiser la situation de l’archipel espagnol dans un panorama européen plus large.

Dans la deuxième partie de ce mémoire, je me concentre sur les différentes phases de développement et de mise en œuvre des systèmes de gestion et d’accueil des migrants. J’entends présenter ici la reconfiguration du paysage frontalier canarien à travers la recomposition des différents collectifs qui le constituent. Après un premier moment où le manque de moyens et de ressources de la part du gouvernement central est devenu évident, ce dernier a lancé le Plan Canarias, une feuille de route qui visait à mettre fin à la situation d’urgence vécue jusqu’alors. En ce sens, je me concentre ici sur l’utilisation des hôtels comme centres d’accueil temporaires et toutes leurs implications, ainsi que sur la mise en œuvre et la gestion des différents macro-camps établis sur l’île de Gran Canaria grâce à ce nouveau plan.
Enfin, dans la troisième partie, je me concentre sur les implications de la nouvelle infrastructure migratoire qui émerge de la recomposition du paysage frontalier des îles. Ainsi, j’analyse les nouvelles pratiques de ce système, basées sur des mobilités contraintes et des temporalités en expansion pour les migrants. J’aborde également les conséquences sociales et politiques résultant de la gestion de l’urgence de ce double événement. En ce sens, je fais principalement référence à l’augmentation et à l’expansion du discours xénophobe sur l’île, ainsi qu’à l’instrumentalisation de cette agitation par diverses formations politiques, notamment d’extrême droite, afin d’obtenir un levier politique.

Photo Andrea Gallinal 2019

Références bibliographiques

Badiou, A. (2007). Being and event. A&C Black.
Bautista, L. (18 May 2021). La inmigración en Canarias ha aumentado un 133% en los primeros 4 meses de 2021. ABC, págs.[accéder au document].
Bernardie-Tahir, N., & Schmoll, C. (2014). « The uses of islands in the production of the southern European migration border ». Island Studies Journal, 3-6.
Brambilla, C. (2015). « Exploring the Critical Potential of the Borderscapes Concept ». Geopolitics, 20:1, 14-34.
Cuttitta, P. (2014). « Borderizing the island setting and narratives of the Lampedusa border play ». ACME: An international journal for critical geographies, 13(2), 196-219.
Cuttitta, P. (2018). « Repoliticization through search and rescue? Humanitarian NGOs and migration management in the Central Mediterranean ». Geopolitics, 23(3), 632-660.
Danese, G. (2001). « Participation beyond citizenship: migrants’ associations in Italy and Spain ». Patterns of prejudice, 35(1), 69-89.
EP. (2021, January 02). La llegada de inmigrantes a las costas canarias creció en 2020 un 881% respecto a 2019. ABC, pp. [accéder au document]
Genoux, F. (11 April 2021). « Covid-19 : malgré une vaccination massive, l’épidémie est hors de contrôle au Chili ». Le Monde, [accéder à l’article]
Gurney, J. N. (1985). « Not One of the Guys: The Female Researcher in a Male-Dominated Setting ». Qualitative Sociology, 42-62.
Héran, F. (2020). Voyageurs internationaux ou immigrants, le virus ne fait pas la différence. De facto, vol. 18, 38-41.
Perera, S. (2007). A pacific zone? (In)Security, Sovereignty, and stories of the Pacific borderscape. En P. K. Rajaram, & C. Grundy-Warr, Borderscapes: hidden geographies and politics at territory’s edge (págs. 201-227). University of Minessota Press.
WHO. (2020). ApartTogether survey: preliminary overview of refugees and migrants self-reported impact of COVID-19. World Health Organization.

antiAtlas Journal #4 : Marco Mogiani, Borderless Imaginaries, Divergent Mobilities

This article published on antiAtlas-Journal #4 explores the multifarious ways in which freight and migrant mobilities have rearticulated to one another in the port of Patras. It argues that, through the re-appropriation of urban and logistical empty spaces, migrants have elaborated alternative strategies of settlement and escape that have allowed them to navigate the border and create independent patterns of mobility.

Read the article: https://www.antiatlas-journal.net/borderless-imaginaries-divergent-mobilities/

Marco Mogiani obtained his PhD in Development Studies at SOAS and is currently University Assistant at the University of Vienna. His work looks at border management within capitalism; migrant mobilities across the EU; acts and practices of citizenship.

antiAtlas des épistémicides

Une proposition d’Anna Guilló pour le collectif de l’antiAtlas des frontières

antiAtlas des épistémicides est un projet artistique et scientifique collaboratif dont l’objectif est de réunir dans un ouvrage des notices et des articles synthétiques portant sur des épistémicides du passé ou du présent, quel que soit l’endroit de la planète concerné. Les articles seront accompagnés de la reproduction d’une œuvre sous forme de carte pensée expressément pour chaque exemple d’épistémicide donné.

La question étant aussi singulière qu’insondable, ce projet n’a pas de vocation encyclopédique et vise, au contraire, par les choix opérés, à établir un atlas non exhaustif et subjectif, assumé à la fois comme ouvrage scientifique et catalogue artistique.

La totalité des champs disciplinaires étant touchée par cette question, c’est à ce titre qu’antiAtlas des épistémicides ouvre son appel à contributions à une communauté d’auteurs sans distinction d’appartenance.

Contact : antiatlasdesepistemicides@gmail.com

Modalités de soumission et calendrier

Étape 1 :
Les propositions d’articles (3000 caractères environ, espaces non compris), idées, suggestions et intuitions seront envoyées pour le 30 avril 2022, pour un premier jet, puis au fur et à mesure du temps que chaque auteur voudra se donner jusqu’à ce que nous réunissions une cinquantaine de propositions.
Mail : antiatlasdesepistemicides@gmail.com

Étape 2 :
Lorsqu’une dizaine de propositions seront recueillies et cartographiées, une prémaquette du projet Atlas des épistémicides sera proposée à différents éditeurs (et partenaires pour le financement – labos, organismes publics etc.).

Étape 3 :
Une fois l’éditeur séduit et le budget trouvé (comprenant la rémunération des auteurs et des artistes), un appel à écriture des articles sera lancé.

L’article final pourra prendre la forme d’une notice ou préférablement d’un article plus détaillé qui ne dépassera cependant pas 15 000 signes. Il sera accompagné d’une carte réalisée en étroite collaboration avec l’auteur, selon la nature de son article.
Les propositions pourront également émaner d’un duo artiste/auteur sous couvert que l’œuvre proposée relève du large vocabulaire de la cartographie. Enfin, les contributions d’auteurs-cartographes-artistes sont également les bienvenues.
Les articles seront soumis à un comité de lecture qui, le cas échéant, proposera remarques et corrections. Les informations transmises seront rigoureuses et référencées par une bibliographie précise qui sera mise en commun en fin d’ouvrage.

Structure de l’ouvrage et premières pistes de recherche

I Introduction

1. Si les articles et images de l’ouvrage forment une constellation, cette dernière n’en est pas moins organisée selon différentes catégories et entrées thématiques, historiques, conceptuelles géographiques, etc. Par-delà le titre de l’ouvrage, il s’agira de distinguer les exemples qui relèvent des savoirs détruits, des savoirs confisqués et des savoirs occultés, tout en tenant compte du fait que ces catégories sont souvent poreuses.

2. Qu’est-ce qu’un atlas ?
3. Qu’est-ce qu’un épistémicide ?
4. Présentation des parties de l’ouvrage :
a) Savoirs détruits
b) Savoirs confisqués
c) Savoirs occultés
5. Esprit général et méthodologie du projet

Ce projet artistique trouve son origine dans une pratique du dessin cartographique élargi visant à répertorier graphiquement des pratiques invisibles. Le paradoxe un peu éculé de la représentation de l’invisible a très vite fait place à une nécessité de documenter scientifiquement ce projet et à l’ouvrir aux épistémicides ; c’est en cela qu’il se pense sous forme d’atlas. Après un long temps consacré aux lectures concernant cette question, le projet transversal s’est imposé puisque, même si le terme est issu du champ de la sociologie des émergences de Boaventura de Sousa Santos, il est, de fait, travaillé, dans le monde entier, par tous les champs disciplinaires (à tel point que cet ouvrage se passera même, peut-être, de les distinguer).

Le travail collectif s’est alors très simplement organisé autour d’un appel à contributions pour établir une première prévisualisation du projet de façon à ce que de ces articles à venir portant sur des savoirs détruits, confisqués et occultés, émerge non plus un savoir mais une forme de connaissance commune dont seul le résultat final finirait de nous donner la clé. Un projet comme une bouteille à la mer, en somme, à l’exact opposé de la forme des projets « clé en main » que le monde académique et culturel tente de nous imposer, nous confisquant notre temps de recherche et de création entre le moment où il faudrait « monter un dossier », puis, à peine ce dernier accepté, déjà penser à le « valoriser ». La méthode, ici, est autre et repose sur une dynamique régie par la curiosité et le plaisir de porter à la connaissance du public une autre façon de dessiner le monde.

C’est dans ce même esprit, que nous voudrions réaliser ce premier tome de l’antiAtlas des épistémicides comme un objet à partir duquel pourront émerger différentes formes : expositions, séminaires, rencontres, programmations etc. Ainsi, là où généralement les livres viennent restituer les expériences et parcours de recherche (publications de thèses, actes de colloque, catalogue d’exposition, etc.), celui-ci viendrait plutôt les provoquer puisque ses contenus, non figés, nécessiteront un prolongement dans le débat public et sans doute l’avènement d’autre tomes…

II Savoirs détruits (épistémicides)

Étymologiquement, un épistémicide est le meurtre d’une science entendue dans son sens propre de connaissance. On attribue ce terme au sociologue portugais Boaventura de Sousa Santos qui a publié en 2014 son ouvrage Epistemologies of the South. Justice against Epistemicide , traduit en français par Épistémologies du Sud. Mouvements citoyens et polémique sur les sciences , sous-titre dans lequel le terme « épistémicide » a disparu. Le terme se trouve depuis 1994 dans son œuvre, ainsi défini :

Le nouveau paradigme constitue une alternative à chacun de ces traits. En premier lieu, il n’y a pas une forme unique de connaissance valide. Il y a beaucoup de formes de connaissances, autant que les pratiques sociales qui les génèrent et les soutiennent. La science moderne s’appuie sur une pratique de division technique professionnelle et sociale du travail et sur le développement technologique infini des forces productives dont le capitalisme est aujourd’hui l’unique exemple. Les pratiques sociales alternatives génèrent des formes alternatives de connaissance. Ne pas reconnaître ces formes de connaissance, implique de délégitimer les pratiques sociales qui les appuient et, dans ce sens, de promouvoir l’exclusion sociale de ceux qui les promeuvent. Le génocide qui caractérise tant de fois l’expansion européenne fut également un épistémicide : on a éliminé des peuples étranges parce qu’ils avaient également des formes de connaissances étranges et l’on a éliminé ces formes de connaissances étranges parce qu’elle se fondaient sur des pratiques sociales et des peuples étranges. Mais l’épistémicide a été beaucoup plus étendu que le génocide parce qu’il a toujours prétendu subalterniser, subordonner, marginaliser ou illégaliser des pratiques et des groupes sociaux qui pourraient constituer une menace pour l’expansion capitaliste, ou durant une bonne partie de notre siècle pour l’expansion communiste (sur ce point aussi moderne que le capitalisme), et aussi parce que cela est arrivé aussi bien dans l’espace périphérique et extra- nord-américain du système monde que dans l’espace central européen et nord-américain, contre les travailleurs, les indigènes, les noirs, les femmes et les minorités en général (ethniques, religieuses, sexuelles).
Le nouveau paradigme considère l’épistémicide comme un des grands crimes contre l’humanité .

Cette première partie réunira des articles sur des pratiques et des savoirs définitivement détruits, perdus à tout jamais. On pourra par exemple penser au contexte des 4 grands épistémicides du XVIe siècle ainsi répertoriés par Ramón Grosfoguel :

1) La conquête d’Al Andalus et son génocide/épistémicide des juifs et musulmans.
(Incendie de la bibliothèque de Cordoue ainsi que celles de Séville et Grenade (1 million de livres détruits en tout)
2) La conquête de l’Amérique et l’extermination des Amérindiens
3) La mise en esclavage des Africains
4) Les femmes (sorcellerie)

Mais on ne résumera pas cette partie aux seuls effets de la colonisation au XVIe siècle. Elle s’ouvrira également sur tout épistémicide répertorié de la préhistoire à nos jours selon l’entrée thématique choisie par les auteurs. On pourra, par exemple, penser à la disparition des langues et, avec elles, des noms propres et communs, tout comme les toponymes. La question de la traduction au sens large du terme se pose également ici.
Ces destructions sont également liées à l’annulation des panthéons et cultes religieux de toutes sortes, les épistémicides sont également des spiriticides.
On pourra encore penser à toutes sortes de savoirs vernaculaires « remplacés » par d’autres jugés plus efficaces (la cartographie et, plus généralement, les pratique de l’orientation, en sont un bon exemple).
Enfin, la question de la destruction des œuvres d’art sera également abordée (voir l’exemple du cinéma khmer).
D’une manière générale, c’est l’ensemble des épistémicides à travers l’histoire et le monde qui est ici interrogée, bien au-delà de ce que l’on nomme les épistémologies du Sud.
(À compléter selon les bonnes idées de auteurs !)

III Savoirs confisqués

Les savoirs confisqués sont souvent associés aux savoirs détruits puisqu’ils sont le fait de l’action d’un dominant sur un dominé ce qui signifie, d’une certaine manière, de déposséder ce dernier d’un savoir lorsqu’il ne s’agit pas tout simplement de l’éliminer. C’est en cela que tout génocide implique aussi un épistémicide.
Mais un savoir confisqué n’est pas à proprement parler détruit sinon déplacé, réutilisé, interprété (même s’il peut parfois, aussi être détruit par omission ou manque de maîtrise).
À ce titre, l’histoire de la connaissance des plantes médicinales est particulièrement éloquente.
Voir, par exemple, Samir Boumédienne, La Colonisation du Savoir : Une histoire des plantes médicinales du « Nouveau Monde » (1492-1750).
Dans la droite lignée des questions liées à l’herboristerie, il y a également celle de la médecine et de ses pratiques et de diverses pensées qui s’opposent, entre prévention, guérison, soin etc.
Aujourd’hui, on peut également penser à la suprématie de l’industrie agroalimentaire soutenue par les gouvernements et qui empêche, par exemple, les paysans de resemer leurs propres récoltes ou encore interdit la culture de certains fruits et légumes, tout comme elle impose l’administration d’antibiotiques au bétail. (Voir le manifeste des 1052 éleveurs et éleveuses hors-la-loi). De ces différentes confiscations naissent des pratiques clandestines, hors-la-loi dont il pourrait être question dans la conclusion.
(À compléter selon les bonnes idées de auteurs !)

IV Savoirs occultés

Si les savoirs peuvent être détruits ou confisqués, ils sont également occultés (ce qui peut, à terme, les précipiter vers l’oubli donc vers leur destruction s’ils ne sont pas conservés).
Les manuels scolaires et, plus généralement, les pédagogies opérées dans les différents pays du monde sont éloquentes. Comme dans cet antiatlas, les manuels scolaires toutes disciplines confondues sont concernés entre pans de l’histoire non enseignés ou carrément niés, organes non représentés (voir l’exemple récent de la réhabilitation de la représentation du clitoris), auteurs censurés etc.
On pensera ici particulièrement aux femmes occultées, non mentionnées ou tout simplement dépossédées de leurs propres découvertes ou inventions dans l’histoire de l’art, des sciences, de la politique.
Plus généralement, on pensera à la censure qui, parfois, a donné lieu à la perte réelle de connaissances (car œuvres et documents occultés sont perdus in fine).
(À compléter selon les bonnes idées de auteurs !)

V Post-face en guise de conclusion ? Vers des savoir mutants.

Samir Boumediene conclut son ouvrage en montrant que certains savoirs sont des savoirs résistants (exemple des plantes abortives utilisées en situation d’esclavage pour ne pas fournir de main d’œuvre supplémentaire aux maîtres).
Cet ouvrage veut échapper à la dualité dominant/dominé pour montrer, aussi, comment les savoirs ne sont pas nécessairement conservés ou détruits mais aussi « mutants », osmotiques.
Il étend sa critique des savoirs dominants aux mouvement sociaux et politiques occidentaux dits de gauche dans la mesure où ils reproduisent également de façon irréfléchie, certains modes de domination (Cf. Ramón Grosfoguel et de Sousa Santos).
(À compléter post-partum selon les bonnes idées de auteurs !)

Quelques pistes bibliographiques et liens pour commencer

(une « vraie » bibliographie serait infinie, elle se constituera en fonction des contributions).

BOUMEDIENE Samir,Une histoire des plantes médicinales du « Nouveau Monde » (1492-1750), Vaulx-en-Velin, Les éditions des mondes à faire, 2021.

COMITÉ INVISIBLE, À nos amis, Paris, La Fabrique, 2014.

CRAWFORD Matthew B., Éloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail, trad. (Etats-Unis) Marc Saint-Upéry, Paris, La Découverte, 2010.

DEUTINGER Théo, Handbook of Tiranny, Zürich, Lars Müller Publishers, 2017

FEDERICI Silvia, Une guerre mondiale contre les femmes. Des chasses aux sorcières au féminicide, Paris, éd. La Fabrique, 2021
_________, Le Capitalisme patriarcal, Paris, éd. La Fabrique, 2019
_________, Caliban et la sorcière. Femmes, corps et accumulation primitive, Paris/Genève/Marseille, éd. Entremonde/Senonevero, 2014

MAUVAISE TROUPE (collectif), Constellations. Trajectoires révolutionnaires du jeune 21e siècle, Paris, éd. de l’éclat, « premiers secours », 2014.

LUSTE BOULBINA Seloua, Les miroirs vagabonds ou la décolonisation des savoirs (arts, littérature, philosophie), Paris/Dijon, éd. Les Presses du réel, coll. « Figures », 2018.

SANTOS Boaventura de Sousa, Épistémologies du Sud. Mouvements citoyens et polémique sur les sciences, trad. de l’anglais au français par Alain Montalvão Lantoine, Séverine Laffon et Alexis-Michel Gauvrit. Traduction remaniée et adaptée par Aline Chabot et Jean-Louis Laville, Paris, éd. Desclée de Brouwer, coll. « Solidarité et société », 2016.

SPIVAK Gayatri C., Les subalternes peuvent-elles parler ? trad. de l’anglais par Jérôme Vidal, Paris, éd. Amsterdam, 2006

Liens vers articles scientifiques et généralistes :

COLLIGNON Béatrice, « Que sait-on des savoirs géographiques vernaculaires ?» https://www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_2005_num_82_3_2467

DELL’OMODARME Marco Renzo, « Pour une épistémologie des savoirs situés : de l’épistémologie génétique de Jean Piaget aux savoirs critiques » (Thèse)
https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01233068/

GOURGUES Jean-Michel, « Les manuels scolaires : courroie de transmission des connaissances de la colonialité dans les pays périphérisés ».
https://www.researchgate.net/publication/287206803_Analyse_Les_manuels_scolaires_courroie_de_transmission_des_connaissances_de_la_colonialite_dans_les_pays_peripherises

GROSFOGUEL, Ramón, « Un dialogue décolonial sur les savoirs critiques entre Frantz Fanon
et Boaventura de Sousa Santos »
https://www.cairn.info/revue-mouvements-2012-4-page-42.htm

LEFEBVRE, Camille et SURUN, Isabelle, « Exploration et transferts de savoir : deux cartes produites par des Africains au début du XIXe siècle » https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00682112

LEFEBVRE, Camille, « Itinéraires de sable : Paroles, gestes et écrits au Soudan Central au XIXe siècle. » https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00676325/

RENOULT, Yann, « L’éthnomathématique, un outil de lutte contre les épistémicides » https://pedaradicale.hypotheses.org/2375

Qui sommes-nous ?

https://www.antiatlas.net/
https://www.antiatlas-journal.net/
https://www.annaguillo.org/

Image: Anna Guilló, Vers un antiAtlas des épistémicides, 2021. Photographie, dimensions variables.

Palestine Israël #2: De l’Inde à Israël (reporté)

Mardi 18 mai 2021
10h-12h
Compte tenu de la situation en Israël Palestine, nous avons choisi de reporter la tenue de ce séminaire.

L’appropriation du judaïsme par les Bnei Menashe

Cécile Guillaume Pey, anthropologue, chargée de recherche au CNRS, Centre d’Études de l’Inde et de l’Asie du Sud (EHESS/CNRS, Paris)

Chez les Kuki et les Mizo, groupes tribaux parlant des langues tibéto-birmanes qui résident de part et d’autre des frontières entre l’Inde, la Birmanie et le Bangladesh, émergent des revendications d’une identité juive à partir des années 1930. De nos jours, plusieurs ‘‘mouvements judaïsant’’ se côtoient au sein de ces groupes. Parmi eux, je m’intéresserai plus particulièrement aux Bnei Menashe, qui se présentent comme les descendants d’une tribu perdue d’Israël. Depuis le début des années 1980, plusieurs milliers d’entre eux ont quitté leur pays natal pour s’installer en Israël avec l’aide d’organisations qui se donnent pour mission de faciliter l’aliyah de juifs « perdus » ou « cachés » disséminés à travers le monde. Il s’agira d’analyser les modes d’appropriation du judaïsme au sein de ce groupe en suivant le parcours de Bnei Menashe originaires du nord-est de l’Inde et devenus citoyens israéliens.

Organisation

Cédric Parizot, anthropologue, chargé de recherche au CNRS, IREMAM (CNRS/Aix Marseille Univ) et Julien Loiseau, historien, Professeur des universités, IREMAM (CNRS/Aix Marseille Univ)

Photo: Cécile Guillaume Pey

Recherche, arts et pratiques numériques #31: Nouvelles écritures indisciplinées

Lundi 8 février 2021
14h-17h
Maison des astronomes
IMéRA, 2 place Le Verrier

Le séminaire se tiendra en mode hybride, depuis la Maison des astronomes à l’IMéRA de Marseille qui accueillera les participants,
et via la plateforme ZOOM [Lien vers le séminaire]

Art, design et sciences sociales

Francesca Cozzolino, Enseignante-chercheure, EnsadLab, laboratoire de recherche en art et design de l’École des Arts Décoratifs de Paris. Chercheure affiliée au Laboratoire d’Ethnologie et Sociologie Comparative (LESC, UMR 7186 CNRS/Université de Paris Nanterre)

Lucile Haute, Maîtresse de conférences en design à l’Université de Nîmes, chercheuse associée à EnsadLab, École des Arts Décoratifs de Paris.

Lors de cette séance, Francesca Cozzolino, exposera les enjeux épistémologiques et méthodologiques des nouvelles formes d’écriture en sciences sociales lorsqu’elles croisent la recherche en art et en design à partir de projets de recherche et expérimentations éditoriales développées au sein d’EnsadLab (laboratoire de recherche en art et design de l’École des Arts Décoratifs, de Paris). Dans un deuxième temps, Lucile Haute étudiera les formes de publication de la recherche-création, abordant succinctement les enjeux institutionnels puis se concentrera sur des cas concrets. Le corpus présenté réunira des publications imprimées, numériques et hybrides. Il s’agira d’en étudier la conception éditoriale, graphique et interactive, et jusqu’à leurs écosystèmes techniques. Dans la troisième partie de la séance, les deux chercheuses rendrons compte d’une expérience de publication expérimentale issue d’un projet de recherche-création engagé à EnsadLab et ayant donné lieu à l’ouvrage numérique intitulé : La création en actes. Enquête autour d’une exposition de Pierre di Sciullo. Le parti pris de cet ouvrage est de proposer des agencements visuels et sonores et des modalités interactives permettant une narration qui témoigne de la création en train de se faire. Il s’agit dès lors de reproduire dans un livre numérique la manipulation des œuvres au moyen non seulement d’une documentation des pièces in situ mais également d’une remédiation des principes interactifs de l’œuvre originale. Comment restituer, remédier ou traduire les expériences sensibles de la visite de l’exposition ? Quelle forme éditoriale donner à ce matériau réunissant des éléments de différentes natures : texte, entretiens, essai, vidéo, photographie ? Quels nouveaux agencements pouvons-nous imaginer entre données textuelles, visuelles et sonores ?

Comité d’organisation

Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU), Jean Cristofol (ESAAix, PRISM AMU/CNRS), Jean-Paul Fourmentraux (Centre Norbert Elias, CNRS/AMU/EHESS), Anna Guillo (LESA, AMU/CNRS), Manoël Penicaud (IDEMEC, CNRS/AMU)
Recherche, art et pratiques numériques est un séminaire transdisciplinaire qui s’intéresse aux
perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières.
[Lire la suite]

Image: Francesca Cozzolino et Lucie Haute

Palestine Israel : Spatial Relationality and the Fallacies of Methodological Nationalism

Jeudi 17 décembre 2020
10h-12h00
En visio-conférence,
Pour vous inscrire et recevoir le lien de la visioconférence envoyer un mail à cedric.parizot [at] gmail.com

Theorizing Urban Space and Binational Sociality in Jewish-Arab “Mixed Towns”

Daniel Monterescu, Associate Professor of urban anthropology at the Department of Sociology and Social Anthropolog, Central European University, IMéRA (Aix Marseille université), Leader of the Gerda Henkel Stiftung project « Cities Lost and Found »

This presentation develops the analytic vocabulary needed to examine how urban space, Jewish-Arab sociality and local/national identities have been both represented and produced in ethnically mixed towns since the establishment of the state of Israel to the present. A bi-national borderland in which Arabs and Jews live together, these cities bring to the fore, on the one hand, the paradox of Palestinian citizens in a fundamentally Jewish state, while simultaneously suggesting, by the very spatial and social realization of “mixed-ness,” the potential imaginary of its solution. Through ethnographic and historical research centered in Jaffa, the argument posits mixed towns as a political and theoretical challenge to the hegemonic ethno-nationalist guiding principles of the Israeli state, which fails to maintain homogeneous, segregated and ethnically-stable spaces. This failure, I argue, results in the parallel existence of heteronomous spaces in these towns, which operate through multiple and often contradictory logics of space, class and nation. Analyzed relationally, these spaces produce peculiar forms of quotidian social relations between Palestinians and Israelis, enacting circumstantial coalitions and local identities that challenge both Palestinian and Jewish nationalisms. Overcoming the limitations of methodological nationalism, which can only describe such spaces as historical anomalies, the paper outlines the contours of a dialectic theory of socio-spatial relations in contested cities.

Organisation: Julien Loiseau, historien (IREMAM, CNRS/Aix Marseille Université) et Cédric Parizot, anthropologue (IREMAM, CNRS/Aix Marseille Université)

Livre: Sur les murs de Palestine. Filmer les graffitis aux frontières de Dheisheh, Clémence Lehec

Sur les murs de Palestine. Filmer les graffitis aux frontières de Dheisheh
Metis Presses, collection «vues d’ensemble Essais», 2020
Clémence Lehec

Le graffiti palestinien a une histoire et des spécificités aussi particulières que méconnues. Né dans les camps de réfugiés à la fin des années 1960, le graffiti y est encore largement répandu aujourd’hui. Il est pratiqué par des graffeurs ne se revendiquant pas tous comme artistes et mobilisant des thèmes éminemment politiques. Sur les murs de Palestine nous emmène au sein du camp de Dheisheh pour nous révéler les dessous de ce mouvement aux prises avec les multiples enjeux de la frontière, dans un espace où celle-ci est systématiquement contestée.

Ce livre nous raconte également l’histoire de la création d’un film documentaire, coréalisé avec la cinéaste palestinienne Tamara Abu Laban, qui explore les rues du camp et fait entendre ses voix. À travers le récit et le parcours d’une chercheure au plus près de son terrain d’étude, cet ouvrage fait l’éloge du travail en collectif et contribue au renouvellement de la méthodologie d’enquête, en décortiquant la dimension politique qui s’y cache.

Un dispositif transmédia

Préface et carte de Philippe Rekacewicz.
Cet ouvrage inclut l’accès à une version numérique enrichie, et au film coréalisé par Clémence Lehec et Tamara Abu Laban Les murs de Dheisheh.
(Sélection 2019: Karama Beirut Human Rights Film Festival, Beyrouth; 19e festival Cinéma Méditerranéen, Bruxelles; Red Carpet Human Rights Film Festival, Gaza et Jérusalem et 2020 : Al Ard Film Festival, Sardaigne où il a été primé). Pour plus d’information sur le film

Clémence Lehec

Clémence Lehec est docteure en Sciences de la société, mention géographie et environnement. Ses recherches dans l’espace israélo-palestinien ont débuté en 2013 et se sont concentrées sur le graffiti palestinien dans les camps de réfugiés de Cisjordanie. Le concept de frontière est un élément clef de son travail, tout comme l’échelle du corps et l’expérimentation en géographie. Cultivant une approche collective et extradisciplinaire, ses recherches sont une hybridation entre production scientifique et cinéma documentaire.

Image: Clémence Lehec

Territoire

Elément ou pratique de l’espace ?

Cédric Parizot, Chargé de recherche au CNRS, anthropologue, Institut de Recherche et d’Études sur le Monde Arabe et Musulman

Présentation dans le cadre du webinaire « Habiter et Participer: La place des territoires dans la recherche culturelle participative », 20 novembre 2020, 14h30-16h30, organisé par le réseau Paricip-Arc. Particip-Arc est un réseau d’acteurs engagés dans la recherche culturelle participative. Ce réseau est coordonné par le Muséum national d’Histoire naturelle et soutenu par le Ministère de la Culture.

Bibliographie

ANDERSON, John, 2012, « Relational Places: The Surfed Wave as Assemblage and Convergence ». Environment and Planning D: Society and Space. 2012;30(4):570-587. doi:10.1068/d17910

CHARTIER, Denis, and Estienne RODARY, 2007, « Géographie de l’environnement, écologie politique et cosmopolitiques. » L’Espace Politique. Revue en ligne de géographie politique et de géopolitique 1

CORTES, Geneviève, et Denis Pesche, 2013, « Territoire multisitué », L’Espace géographique, vol. tome 42, no. 4, pp. 289-292. [En ligne]

GIRAUT, Frédéric, 2008, « Conceptualiser le territoire », Historiens et Géographes, 2008, no. 403, p.
57-68 [En ligne]

LEFEBVRE, Henri, 2000, La production de l’espace. Paris: Anthropos.

LEVY Jacques, 2003, “Territoire” in Dictionnaire de la géographie
et de l’espace des sociétés
, J. Lévy & M. Lussault (eds.),
Paris : Belin, 907-910.

LUSSAULT Michel, 2007, L’homme spatial. La construction sociale
de l’espace humain
, Paris: Le Seuil.

MOINE, Alexandre, 2006, « Le territoire comme un système complexe : un concept opératoire pour l’aménagement et la géographie », L’Espace géographique, vol. tome 35, no. 2 pp. 115-132. [En ligne]

MORIZOT, Baptiste, 2020, Manières d’être vivant. Arles: Actes Sud.

PECQUEUR, Bernard, 2009, « De l’exténuation à la sublimation : la notion de territoire est-elle encore utile ? », Géographie, économie, société, vol. vol. 11, no. 1, pp. 55-62.

Image: White nigths, Anna Guilló.

antiDATA. La désobéissance numérique

Art et Hacktivisme technocritique
Jean Paul FOURMENTRAUX
Editions Les Presses du réel, Coll. Perceptions, 2020
ISBN : 978-2-37896-185-5
Format : 15 x 21 cm – 232 pages (51 ill. coul.)
Présentation / Commande

Une analyse des actes technocritiques d’artistes, hackers et activistes de l’ère (post-)numérique

Contre l’hégémonie de l’innovation, ces derniers invitent à « mordre la machine », ré-ouvrir les boîtes noires, reprendre la main, transformer l’imaginaire technique. Leurs différentes approches – sous-veillance, médias tactiques, design spéculatif, statactivisme, archéologie des médias – explorent et expérimentent le hardware des machines, les coulisses de l’intelligence artificielle, les algorithmes de surveillance, la reconnaissance faciale, la visualisation des données.

Ces actes de désobéissance numérique prennent le contre-pied de la gouvernementalité et souveraineté des plateformes (GAFAM). Ils réinscrivent l’histoire du code, du cryptage et du calcul dans une critique de la culture contemporaine et ré-ouvrent des voies d’émancipation citoyenne. « Faire œuvre de hacking » recouvre ici des enjeux sociaux et politiques autant qu’esthétiques : réflexivité (critique), autonomie, indépendance, réappropriation des cultures matérielles (contre l’obsolescence et contre l’opacité des systèmes). La question du détournement y est centrale, l’humour et la parodie y occupent une place de choix.

En proposant de « penser par l’art », l’ouvrage aborde différentes figures de cette désobéissance numérique à travers les œuvres de plusieurs artistes internationaux : Trevor Paglen (USA), Paolo Cirio (Italie, USA), Julien Prévieux, Benjamin Gaulon, Christophe Bruno, Samuel Bianchini (France), Bill Vorn (Canada), Disnovation (France, Pologne, Russie), HeHe (France, Allemagne, Royaume-Uni).

Jean-Paul Fourmentraux, socio-anthropologue (PhD) et critique d’art (AICA), est professeur à l’Université d’Aix-Marseille et membre du Centre Norbert Elias (UMR-CNRS 8562) à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les (contre-)cultures numériques, dont Art et Internet (CNRS éd., 2010), L’Ère Post-media (Hermann, 2012), L’œuvre Virale. Net art et culture Hacker (La lettre volée, 2013), Identités numériques (CNRS éd. 2015).

Appel à communication : « Paysages inouïs écouter | résonner | habiter »

8 au 10 avril 2021, Blois

Le 10e symposium international FKL (Klanglandschaft Forum – Forum pour le paysage sonore) est organisé avec l’Ecole de la nature et du paysage (INSA Centre Val de Loire), AAU-CRESSON et le Réseau International Ambiances.
Ce partenariat inédit s’inscrit dans une démarche prospective pour imaginer de nouvelles façons de considérer l’apport de la question sonore dans nos existences. Les situations expérimentales seront privilégier.

Pourquoi Paysages inouïs ?

La métaphore ouvre un champ libre pour l’imagination, l’impensé ou l’inconnu, mais aussi pour le passé et le futur, pour des scénarios sonores encore inexplorés. Cette image touche aussi au domaine multiforme de la perception auditive. Par l’intermédiaire des qualités auditives, des phénomènes acoustiques, des pratiques de conception spatiale, des créations artistiques et des expériences d’écoute, le son constitue une entrée transversale inspirante sur les paysages et les ambiances.

Cinq thématiques

– Dans quels paysages sonores aimerions-nous vivre ?
– Que pouvons-nous apprendre en écoutant le monde à venir ?
– Utopique / dystopique / hétérotopique ;
– Des écoutes différentes à travers les formes et les rythmes de la vie ;
– Quelles voies pour les actions collectives ?

Les auteurs, musiciens, scientifiques, artistes, étudiants, pourront envoyer des propositions scientifiques ou des compositions sonores, qui peuvent être soit des enregistrements audio, soit des compositions instrumentales écrites, soit des installations sonores, ou encore des propositions vidéo.
Parmi les propositions créatives il y a aussi la possibilité d’inventer et de proposer des jeux qui comportent, dans les modalités de déroulement ou comme objet même, une référence au son et à l’écoute. Des photos, des cartes, des enregistrements des lieux prévus pour les installations seront disponibles en ligne à partir du 30 septembre 2020.

Calendrier

Date limite de soumission des propositions : 30 novembre 2020
Télécharger l’appel à communication
Les informations

Contact AAU-CRESSON : Nicolas Tixier

Comité d’organisation :

FKL : Giuseppe Furghieri, Francesco Michi, Stefano Zorzanello
Ecole de la nature et du paysage INSA Centre Val de Loire, CNRS CITERES : Olivier Gaudin, Lolita Voisin
AAU- CRESSON ENSA Grenoble : Jean-Paul Thibaud, Nicolas Tixier.

antiAtlas Journal 04, Cartographies alternatives, 2020

Sous la direction de Jean Cristofol et Anna Guilló

Le numéro 4 de antiAtlas Journal s’intéresse aux cartes considérées comme des dispositifs qui participent à des démarches artistiques, militantes ou scientifiques. Elles ne sont plus les représentations immobiles d’une réalité objective, mais plutôt des moments constitutifs de démarches productives et réalisatrices, prises dans les enjeux d’une réalité en mouvement. Pour la première fois, ce numéro est multilingue, comprenant des articles seulement en français ou en anglais.

Sommaire

– Jean Cristofol et Anna Guilló, Éditorial antiAtlas journal #4 : cartographies alternatives [FR + EN]
– Françoise Bahoken et Nicolas Lambert, Méfiez-vous des cartes, pas des migrants ! [FR]
– Sarah Bédard-Goulet, Itinéraires échenoziens : dispositifs cartographiques et roman contemporain [FR]
– Flore Grassiot et Leïla Hida, Les Faux Guides [FR]
– Karen O’Rourke, Remapping the Neighborhood [EN]
– Tara Plath, From Threat to Promise: Mapping Disappearance and the Production of Deterrence in the Sonora-Arizona Borderland [EN]

Image: Anna Guillo

Aires de jeux: workshop de création de jeux

Un workshop de création de jeux à la frontière entre arts et sciences humaines

18 au 22 septembre 2019

L’atelier

Aires de jeux est un atelier d’expérimentation pratique au croisement de la recherche et de la création artistique centré autour du thème des frontières et de la production de l’espace. Proposé sur cinq jours (18 au 22 septembre septembre 2019), il a été conçu à destination de chercheurs et de jeunes artistes désirant explorer de nouvelles formes d’écritures. L’atelier a été envisagé comme un espace de collaboration entre des participantes d’horizons divers cherchant à construire des espaces à mettre en jeu, des lieux de dialogue partageables.

Encadré par deux artistes, Leslie Astier et Théo Godert,Leslie Astier et Théo Godert et un chercheur, Cédric Parizot, les participantes se sont confrontées en binômes à d’autres modes narratifs ainsi qu’à d’autres conditions de production dans le but de matérialiser leurs savoirs respectifs. En se basant sur les matériaux et recherches apportés par le chercheur et l’artiste, l’enjeu pour chaque binôme était de trouver leur propre mode de construire et rendre jouable leurs propositions respectives.

Lorsque nous jouons, nous ne manions pas simplement des objets, des gestes, de la parole : nous nous engageons avec les règles qui organisent leurs modes d’interaction. À la recherche d’autres espaces et conditions d’élaboration de la recherche, l’atelier avait pour but de mettre en crise les relations entre les participantes et leurs objets d’étude, permettant de faire émerger de nouvelles zones de compréhension.

Philosophie

Aires de Jeux flirte avec différents domaines, à la bordure du jeu lui-même. Sur le mode de la navigation et de la dérive, nous avons cherché à baliser ensemble ce que pouvait être un jeu et quelles étaient les idées préconçues que les participantes pouvaient avaient à propos de sa pratique.

Le jeu est un médium sensible qui se dévoile par l’expérience qu’en font les joueurs. En parcourant aussi bien des formes, des idées, des sensibilités, des concepts, que des systèmes interactifs, ensemble nous nous sommes questionnés sur ce que sont, et ce que pouvaient être, des jeux qui parlent du réel. Il nous a été important de remettre cette question en perspective d’un point de vue de créateur et non seulement dans une optique pédagogique.

Dix participantes ont été amenées à penser les sensibilités permises par le jeu et la position que leur prototype allait prendre par rapport au réel.

Photo: Valérie Caraguel

Les jeux fabriqués

Collaboration entre chercheurs en sciences humaines et étudiants en école d’art :
5 binômes – 5 prototypes

Raconte moi une légende inuit…

Photo: Leslie Astier/Théo Godert

Dans ce jeu de cartes, des joueurs incarnent des anthropologues à la recherche d’une légende Inuit au Nunavik (dans le Grand nord québécois). Chaque anthropologue doit faenquête ire des rencontres et des expéditions pour récolter des données dans son carnet de notes. Mais attention, ils ne savent pas toujours de quoi parle leur légende !

Natacha Roudeix
Inès Lamalchi

KHNata

Photo: Leslie Astier/Théo Godert

Expérience narrative entre matériel et immatériel, KHNata est une immersion progressive dans deux consciences du livre manuscrit. Il trouve son origine dans l’expérience d’un chercheur codicologue et paléographe ainsi que dans la démarche de questionnement d’une artiste autour de l’identité multiple. À l’ère de la numérisation des données, KHNata opère un parcours sensible entre différents états de la matière.

Laurie-Anne Jaubert
Élodie Attia

A Place in The City

Photo: Sara Scatà/Aline Lugo

A Place in the City est une narration interactive. Le joueur est plongé dans la ville de Magma et il assiste à une conversation : qui sont-ces personnages ? Pourquoi sont-ils réunis ? Le joueur se balade à la découverte du destin d’un quartier. Dans cet univers imaginaire il reconnaît des choses, dans un jeu entre fiction et réalité, il fait des allers-retours entre poétique et politique, entre Magma et Beyrouth.

Sara Scatà
Aline Lugo

Parcours d’enfant

Photo: Leslie Astier/Théo Godert

Incarner trois acteurs dans la vie d’un enfant placé. En communiquant, vous opérez à trois des décisions qui constitueront le parcours d’une vie jusqu’à l’âge adulte. Chaque message, son code et sa réception auront un impact sur le jeu et ainsi sur la vie de l’enfant.

Nathalie Chapon

GFBA

Velvet Aubry/Estelle Tzotzis

Gay Family Builder Agency (GFBA) est un jeu collaboratif entre deux joueurs. Il met en scène un couple gay qui décide d’avoir un enfant. Situé dans un futur proche, le jeu présente la GFBA : une agence fictive qui offre des services pour aider les couples de même sexe dans leur projet d’enfant.

Vous incarnez Noah et Basil et devez répondre à un questionnaire qui décidera, ou non, de votre droit d’accès à la parentalité.

Velvet Aubry
Estelle Tzotzis

Processus de création

Tout au long de l’atelier les participantes ont visité différents paysages ludiques et théoriques suivant un rythme soutenu. En trois jours, les chercheures et artistes devaient se prêter à différents excercices de déterritorialisation de leurs recherches menant à la construction d’un prototype de jeu. Pour les accompagner, un programme sur-mesure a été mis en place visant quelques points clefs d’expérimention, de réflexion et de conception.

Introduire

Peignant un paysage de possibles en alternant entre des œuvres jouables par des supports physiques et des œuvres numériques, Aires de Jeux a débuté sur la présentation d’un inventaire non exhaustif de ce que peut-être un jeu qui a trait au réel. Traversant à grandes enjambées un domaine très vaste, du jeu textuel au jeu de plateau, les participantes ont pu faire une première rencontre avec le paysage ludique actuel, un paysage qui déjoue souvent les attentes lorsqu’on parle de jeu ou de jeu-vidéo.

Contextualiser

Ponctuant les premières journées de réflexion, deux présentations sont venues accompagner les participantes dans leurs réflexions.

Jean Cristofol, professeur d’épistémologie à l’ESAAix, a mené une discussion sur les chevauchements territoriaux entre le jeu, la fiction et les pratiques de groupes sociaux différents.
Embrassant des questionnements sur la distanciation brechtienne aussi bien que l’oulipisme, Jean a questionné cette pratique du plateau comme lieu de production d’espaces sociaux et créatifs.
Douglas E. Stanley, artiste et professeur à l’ESAAix, et Cédric Parizot, anthropologue (Iremam, Aix-Marseille Univ/CNRS), ont quant à eux fait un retour d’expérience sur le processus d’élaboration qui les a mené depuis 2013 à la co-construction du jeu vidéo A Crossing Industry. Ils ont ainsi présenté un exemple de pratique concrète à travers laquelle un chercheur et un artiste peuvent articuler une démarche artistique avec ses enjeux esthétiques et poétique avec une démarche scientifique.

Familiariser

L’atelier a également été un temps d’apprentissage de deux outils numériques, selon le support choisi par les participantes : Cardpen / Twine – outils de création de cartes et de récit hypertextuel. Tous deux en ligne gratuitement, ces outils permettent d’obtenir rapidement des jeux en apprenant quelques bases de programmation et de graphisme.
Avec ces outils peuvent se développer de nouvelles écritures, de nouvelles manières de raconter portées par les envies de récits des participantes.

Dialoguer

Les temps de travaux étaient aussi des moments d’accompagnement, nous nous déplacions dans le but d’aider à la conceptualisation ou réalisation des prototypes.

Photo: Valérie Caraguel

Formuler

Formuler un pitch permet de trouver l’objectif et l’atmosphère d’un jeu en une présentation ne dépassant pas les 2 minutes. Régulièrement, les participantes ont été invitées à pitcher le jeu qu’ils projetaient de faire. Ces présentations collectives ont permis de faire rapidement surgir les endroits de tensions où quelque chose peut se déployer mais aussi les endroits d’incompréhension. Les pitchs ont été formulés au cours de sessions collectives où chaque groupe a pu discuter, échanger et reformuler les ébauches de jeu des autres groupes.

Orienter

Pour faciliter certaines étapes d’idéations, nous avons mis au point un outil qui permet aux participantes de tirer des questions et d’y répondre rapidement.
Cadres est un jeu de cartes s’inspirant du Water Yam de Georges Brecht couplé avec les Stratégies Obliques de Brian Eno. Le jeu est utilisé à la manière d’un oracle et s’adresse au joueur-créateur afin de l’aider à aller plus loin dans sa démarche créative, l’amenant à envisager les choses sous un jour nouveau ou demandant un positionnement face à une question non encore résolue.

Jouer

Durant les cinq jours, les participantes ont pu jouer à des jeux créés dans une optique artistique, mais ils ont également, tout au long de l’atelier, joué aux jeux qu’ils étaient en train de créer. Ces étapes de mise à l’épreuve ont été essentielles et ont souvent révélé les fragilités ou les forces expressives d’une idée. Le workshop s’est terminé par une session de jeu mutuelle dans un espace prévu à cet effet.

Conclusion

Aires de Jeux est un atelier visant à faire émerger des zones de frictions entre la recherche artistique et la recherche académique. Le jeu y est utilisé comme espace de rencontres modulable : il permet de régler les relations entre les participantes et de les faire concourir ensemble vers un objectif commun. Tout au long de l’atelier nous avons cherché à désigner certaines de ces zones d’interaction et à donner aux participantes des points d’entrée.

Les contraintes ont permis de délimiter un plateau d’interaction destiné à accélérer un processus de collaboration qui peut prendre des mois avant de donner naissance à des pistes de jeu. Le programme, qui a été conçu lors d’un premier atelier ayant eu lieu en 2018, a été perfectionné pour cette session afin d’inviter les participantes à ne se soucier que du développement de leurs idées et de leur première réalisation. Ce processus créatif accéléré peut être déroutant pour les participantes qui entrent en contact avec une nouvelle manière d’organiser leurs connaissances et qui doivent s’approprier un médium inconnu. Il est important d’accompagner et de soutenir les participantes dans ces zones d’émergence.

Photo: Leslie Astier/Théo Godert

Aires de Jeux a pour but d’amener à la création d’un objet dont l’expérience, le jeu, ne peut être substituée à une simple explication. Se départissant des narrations proprement scientifiques et de la forme socialement construite de ce que devrait être un jeu, les participantes ont formulé des expériences liées à des observations faites sur le réel.

Photo: Leslie Astier/Théo Godert

Leslie Astier et Théo Godert, Aix-en-Provence, 31 août 2020

Image principale: Leslie Astier/Théo Godert

Recherche, arts et pratiques numériques #32: Robots, miroirs fragiles ?

Mercredi 08 avril 2020
09h30-12h
Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence Felix Ciccolini,
Amphithéâtre
Rue Émile Tavan
13100 Aix-en-Provence

Entrée libre

Robots, miroirs fragiles ?

Une proposition organisée en collaboration avec France Cadet, artiste, professeure à l’école d’art d’Aix en Provence

Zaven Paré, chercheur en robotique et artiste, résident à l’IMéRA

Robots, miroirs fragiles ?

Lorsqu’on roule en voiture, on se déplace dans un espace bidimensionnel de A à B, lorsqu’on se déplace en avion il s’agit d’un espace tridimensionnel et sans doute qu’avec les robots, il serait possible d’émettre l’hypothèse de nouveaux véhicules qui donneraient la possibilité de se déplacer non plus simplement dans un espace géométrique, mais dans une autre dimension, telle celle qu’on expérimente lorsqu’on se regarde dans un miroir. L’ubiquité proposée par certains dispositifs robotisés permettrait par exemple de se télérobotiser dans des corps mécaniques plus ou moins éloignés. Les robots anthropomorphiques ne seraient plus simplement une imitation, mais pourraient bien être des sortes de véhicules, en tant qu’agents de dédoublement des hommes dans le cas de la communication par téléprésence. Les robots sont des facettes de ce jeu de miroir entre l’homme et son univers, proposant des modes d’interopérabilité nouveaux.
Considérer certains objets comme nos alter ego, nos compagnons ou ces sortes de miroirs ne serait donc pas exclu. Ainsi, dans un très grand nombre de cultures, les marionnettes constituent phylogénétiquement et ontologiquement des projections d’alter ego et, aujourd’hui, cette familiarité séculaire avec ces figures anthropomorphiques animées entraîne les robots dans leur filiation.

Extrait d’un dialogue avec le professeur Ishiguro Hiroshi à l’Advanced Telecommunication Research International Institute en 2013 (« The Art of Being Together with Robots : A Conversation with Professor Ishiguro Hiroshi », International Journal of Social Robotics, numéro hors-série, Londres, Springer, 2014, p. 129-136) :

Z.P. : Notre relation à nous-même se fait généralement à travers notre image dans les miroirs, les photos et le regard des autres. Quelle est la différence une fois que vous avez une copie de vous-même ?
I.H. : […] L’image dans le miroir n’est pas nous-même, au contraire, c’est une illusion […]. Si je compare une photo de moi à mon reflet dans le miroir, il s’agit de deux choses différentes.
Z.P. : Est-ce que le fait que vous vous êtes dupliqué change votre connaissance de vous-même ?
I.H. : Non, pas du tout, mais le geminoid est plus qu’une simple image. Généralement personne ne connaît sa propre apparence et son propre comportement. Ma secrétaire connaît mon comportement mieux que moi-même. Le geminoid est comme un frère jumeau, mais je ne peux pas me reconnaître en lui. Logiquement le geminoid est ma copie, et c’est tout.
Z.P. : Qu’est-ce qui va changer avec vos deux copies de vous-même ?
I.H. : Que voulez-vous dire ? Il se pourrait que je n’aie plus besoin de venir ici ou d’aller à l’université d’Ôsaka, par exemple.
Z.P. : Vous allez rester à la maison et contrôler les deux en même temps ?
I.H. : Oui, je pourrais le faire.

Les robots sont souvent présentés comme de nouvelles frontières de nos corps. Avec le théâtre des robots, il fut remarquable de pouvoir découvrir comment il était aussi possible de transformer une créature artificielle en être moral et fragile. Dans la première pièce avec l’andréide Geminoid F, à défaut d’un véritable dialogue, la poésie habitait la machine, elle grandissait le robot et le transformait en véritable « fable » humaine, un miroir d’Orphée, un rêve providentiel renvoyant l’image du miroir de notre impuissance.

Agnes Giard, anthroplogue, chercheuse au sein du projet EMTECH, Freie Universität Berlin et au laboratoire Sophiapol, Paris Nanterre

Robots faibles et poupées stupides : les créatures alternatives au Japon

Depuis le début du XXIe siècle, le gouvernement japonais qui refuse d’ouvrir les frontières mène une politique pro-robot afin que le travail soit confié à des machines « pour pallier au manque de bras ». Dopée par cette politique pro-robot, les ersatz d’humains se multiplient au Japon, notamment dans le domaine des relations sociales et émotionnelles. De façon très révélatrice, la plupart d’entre eux sont développés sur des modèles conceptuels très proches de ceux qui président à la fabrication des poupées de silicone. Ainsi que j’aimerais le démontrer, ces robots ne visent en effet pas à reproduire l’humain « en mieux », mais au contraire à en fournir une version « pathétique », sous des formes marquées par l’immaturité, la déficience ou l’infirmité. Pour le dire plus clairement : ces robots, en apparence, ne servent pas à grand-chose. Comment comprendre que les laboratoires japonais accouchent de prototypes qui s’inscrivent à rebours des attendus habituels en matière de robotique ? En comparant la fabrique des love dolls avec celle des robots sociaux, j’espère apporter un éclairage inédit sur ce phénomène.

Comité d’organisation

Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU), Jean Cristofol (ESAAix, PRISM AMU/CNRS), Jean-Paul Fourmentraux (Centre Norbert Elias, CNRS/AMU/EHESS), Anna Guillo (LESA, AMU/CNRS), Manoël Penicaud (IDEMEC, CNRS/AMU)

Recherche, art et pratiques numériques est un séminaire transdisciplinaire qui s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières. (lire la suite)

Photo: Zaven Paré, c5 bleu.