ECOUTER: DU CORPS A L’ENVIRONNEMENT

18-19 mars 2024
Ecole supérieure d’art
Rue Emile Tavan
13100 Aix-en-Provence

La recherche par l’écoute

Ces journées réunissent des artistes et des anthropologues qui mettent le son au coeur de leurs recherches. Ils exploreront les sensibilités particulières liées à l’utilisation de médiums sonores et interrogeront les particularités d’une approche du monde à travers l’écoute et la production sonore. Ces journées s’inscrivent dans le cadre du programme La recherche par l’écoute en partenariat avec l’Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence et l’institut de recherche et d’étude sur les mondes arabes et musulmans (Aix Marseille Univ/CNRS).

Programme du 18 mars 2024

9h Introduction

Cédric Parizot, anthropologue, IREMAM (CNRS/Aix-Marseille Univ) et Peter Sinclair, artiste et enseignant, Locus Sonus Vitae (Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence)

9h30-11h: Session 1

François Parra, artiste et enseignant, laboratoire Locus Sonus Vitae (Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence)

La voix sans corps – de l’acousmatique au streaming

Partant de la définition de l’acousmatique employée par Pythagore pour qualifier l’enseignement qu’il donnait caché de ses disciples par un rideau, afin que ceux-ci se concentrent sur ses phrases et non sur ses gestes, nous essaierons de faire un historique des inventions techniques et esthétiques, qui ont conduit à des modes d’écoute au sein desquels les corps et les sons ont été progressivement dissociés.

Photo: Adrian Korte, 2016

François Parra travaille le son dans son rapport à l’espace, au langage et au geste. Le son est pour lui un matériau restructurant indéfiniment l’espace donc modifiant le rapport social, la voix en étant un matériau central. Formé au GMEM ses rencontres avec certains compositeurs l’amènent à des questions d’écriture temporelle avec un vocabulaire de plasticien. Membre de plusieurs collectifs d’artistes, Daisychain, NøDJ/NøVJ, Cap15, Choeur Tac-til, PACE. Il enseigne à l’ESAAix travaille régulièrement pour le spectacle vivant la radio la vidéo.

Jérémie Nicolas, artiste-chercheur, Musidanse/CICM, Université Paris 8

Chœur/Cohorte : Mise en œuvre pour une surprise de l’écoute

Replacé dans la lecture nietzschéenne du tragique, le musical est l’impossible écoute de l’irreprésentabilité de la musique. À partir d’une installation, la surprise est envisagée comme moyen de création, en vue de penser aux conditions de possibilité d’une interruption de la représentation. Chœur/Cohorte est l’image d’une écoute appelée à se rassembler au moment de sa métamorphose.

Image: Jérémie Nicolas et Makoto C. Friedmann

Artiste-chercheur, doctorant en recherche-création à Paris 8 (Musidanse/CICM), Jérémie Nicolas vit et travaille à Marseille. Sa thèse débutée en 2019, Écho d’affect d’effroi (codir. Anne Sèdes et Joseph Delaplace)bénéficie d’un contrat doctoral de l’EDESTA. Ses recherches prennent pour objet l’écho compris comme potentiel audible et le silence comme sonorité de composition.

Diane Schuh, compositrice et chercheuse, CICM/MUSIDANSE/EDESTA MSH Paris Nord UAR 3258, Saint-Denis

Mycélium Garden : écouter et composer avec l’inframonde

Le sol abrite un réseau complexe de vie, dont le mycélium qui interconnecte diverses espèces. Le projet « Mycelium Garden » explore ces dimensions invisibles, en cherchant à rendre audibles les expressions électriques de ces réseaux. Cette installation aborde l’importance de la reconnaissance de l’altérité des êtres non-humains et la nécessité d’élaborer des protocoles guidés par la recherche d’une « connaissance objective » dans le projet écologique d’attention au vivant.

Diane Schuh est paysagiste, compositrice et chercheuse. Sa thèse, sous contrat doctoral à l’EDESTA Paris 8 intitulée « symbioses, milieux, jardins en mouvement : ce que le jardinier fait à la musique » étudie les transferts des modèles et méthodes du jardin à la composition. Sa recherche explore notamment le potentiel pédagogique et opératoire du modèle de la symbiose dans l’élaboration de dispositifs de composition et d’écoute invitant à porter attention au vivant.

Photo: Diane Schuh, 2024

11h15-12h15: Discussion de la session 1

Ateliers 12h30-13h30

Les ateliers seront tenus en parallèle dans des lieux différents
Formulaire d’inscription : https://forms.office.com/e/t1UxZm0u0R

Atelier 1

Virginie DUBOIS, artiste sonore et chercheuse indépendante, actuellement résidente au laboratoire Locus Sonus Vitae, ESAAix, Aix-en-Provence

L’écoute somatique

Au-delà des mots, l’humain communique un vaste répertoire d’informations par les sons, les intonations, les inflexions et les modulations de sa voix, le silence, les soupirs etc. Entrer en communication avec cet espace subtil c’est entrer en relation avec le “ressentir”. C’est apprendre à écouter, et à utiliser son corps -et ses sensations- comme un espace de perception et de connexion avec soi, autrui et le monde. La démarche proposée dans cet atelier est expérimentale. Nous vous proposons de comprendre et de ressentir la dimension physique, émotionnelle et relationnelle de la voix, et du son, à travers des exercices individuels et en groupe.

Photo: Antonio Sanna, 2017

Virginie Dubois est artiste, chercheuse et enseignante dans le domaine du son et de l’écoute. Passionnée par la dimension physique et architecturale du son, Virginie explore les différentes manières de composer avec l’espace. Ce travail l’a amené à développer une pratique d’écoute sensible et active des phénomènes sonores, et de l’audible en général. Elle partage et enseigne désormais cette pratique – et ses méthodes – à travers divers ateliers et parcours sonores en France et à l’international.

Atelier 2

Rrrrrose Azerty, compositeurice/game designer, Paris, actuellement résident•e au laboratoire Locus Sonus Vitae, ESAAix, Aix-en-Provence

Atelier de Jeux Musicaux International de Aix En Provence (AJMIAEP)

Les ateliers de jeux musicaux sont des espaces ludiques et créatifs d’écoutes et d’actions sonores inspirés des pratiques Fluxus, anarchistes et situationnistes de la musique. Accessible à toustes.

Rrrrrose Azerty est compositeurice de musique dans le domaine public vivant et game designer de règles de jeux pour la désalienation capitaliste et fasciste de la créativité musicale.

14h-14h30: Session 2

Caroline Boë,compositrice, artiste sonore et chercheuse, PRISM (Aix-Marseille-Univ/CNRS/ministère de la Culture)

Le projet Anthropophony : une recherche-création à l’écoute des nuisances sonores de faible intensité

Le projet Anthropophony cherche à développer une écoute dé-filtrante du paysage sonore lorsqu’il est pollué par des sons de fréquences stables de faible intensité. Il s’agit d’un art sonore éco-artiviste dénonçant les sons qui nous envahissent à notre insu, imprégné d’une logique relevant de l’écosophie sonore.

Caroline Boë est compositrice, artiste sonore et chercheuse associée au laboratoire PRISM (Aix-Marseille-Université / CNRS / Ministère de la Culture). Son engagement écologique associé à une pensée écosophique guattarienne oriente ses travaux vers la perception du paysage sonore.

Photo: Caroline Boë

15h-17h Session 3: Intervention et performance

Atau Tanaka, compositeur, Goldsmiths University of London, London; Robin “Cicanoise” Dussurget, musicien, Marseille; Cécile Babiole, artiste, Marseille/Paris; Pierre “BonÏpso” Bonizec, APHM, Marseille

BBDMI: Brain-Body Digital Musical Instrument

Interfaces sensorielles, synthétiseurs modulaires, microscope numérique : Atau Tanaka, Cicanoise et Cécile Babiole prend scène au festival Sonic Protest 2021 comme trio. Captant signal électrique et imagerie du corps, ils créent de l’audiovisuel viscéral de neuro-diversité. Ils présentent leur travail individuel avant de jouer en trio. Atau présentera le projet BBDMI. Robin son approche aux synthés. Cécile son œuvre vidéo Disfluences sur les hésitations, répétitions, discontinuités de la parole. Ils invitent Pierre Bonizet aka Bonïpso à faire une présentation sur l’ergothérapie et la musique électronique.

Festival Sonic Protest 2021

Atau Tanaka joue depuis 1990 un système de capteurs électromyogramme transformant le corps en instrument de musique. Il mène des recherches en interaction homme machine (IHM) musicale à l’IRCAM, Sony, Goldsmiths London et Bristol Interaction Group. Il participe au projet ANR Brain Body Digital Musical Instrument à la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord.

Robin Dussurget, aka Cicanoise est un talent précoce en musique expérimentale depuis tout jeune âge en explorant la musique électronique dans toutes ses formes. Il est conférencier aux Rencontres autour des pratiques brutes de la musique 2018. Il représente l’association Simon de Cyrène en tant que membre du jury du Festival du film social de Nice 2022.

Cécile est active dans le champ musical d’abord, puis dans les arts électroniques et numériques. Elle s’intéresse à la langue (écrite et orale), à sa transmission, ses dysfonctionnements, sa lecture, sa traduction, ses manipulations algorithmiques. Elle co-fonde le collectif Roberte la Rousse, groupe cyberféministe qui travaille sur les thématiques croisées langue, genre et technologie sous la forme de performances et de publications.

Pierre Bonizec est ergothérapeute en médecine physique et réadaptation à l’Assistance Publique-Hopitaux de Marseille (APHM). Pour lui, l’ergothérapie est une matière, souple et malléable, qui s’intéresse en permanence à l’autre dans ses mouvements mais aussi ses arrêts et inerties. Il est aussi musicien électronique qui se produise sur le nom de plume BonÏpso.

Programme du 19 mars 2024

9h-11h Session 4

Elena Biserna, historienne de l’art, autrice et commissaire, Marseille

Pas féministes. Corps sexisés, voix et bruits en espace public

Cette présentation aborde les pratiques féministes à l’intersection de la marche, de l’écoute et de la production sonore pour faire dialoguer (et promouvoir) un éventail d’approches critiques générant d’autres récits de la promenade sonore et de l’espace public à partir d’expériences fondées sur le genre et la sexualité.

Elena Biserna est historienne de l’art, commissaire et autrice. Ses recherches portent sur l’écoute, les pratiques artistiques « situées » et leurs relations aux dynamiques urbaines, aux processus socio-culturels, à la sphère publique et politique. Elle a récemment publié les livres Walking from Scores et Going Out. Walking, Listening, Soundmaking. Elle est directrice artistique de l’association LABgamerz et co-dirige la rubrique féministe wi watt’heure de Revue & Corrigée avec Carole Rieussec.

Elena Biserna, Feminist Steps, LUFF, Lausanne 2023. Photo: Caroline Gex.

Nicolas Puig, anthropologue, URMIS, IRD, Beyrouth

Sabra/Chatila : investigation par le sonore

L’enregistrement de terrain (field recording) est la méthode privilégiée permettant de revisiter à nouveau frais des problématiques d’anthropologie urbaine, politique et, plus récemment d’ethnoécologie. Ces recherches systématiquement collaboratives se déroulent au Liban, en Égypte et de façon plus ponctuelle au Sénégal. Elles cherchent à rendre compte de la dimension écologique de la vie urbaine, en se concentrant sur les façons d’habiter l’espace sonore et de produire le sien propre dans un environnement donné. Dans cette présentation, j’insisterai sur les travaux menés dans un espaces historique de la présence palestinienne au Liban, le camp de Chatila (géré par l’UNRWA) et la zone commerciale et résidentielle de Sabra peuplés en majorité de Palestiniens mais insérés dans le maillage administratif et urbain libanais. Ces deux espaces sont à la fois indépendants et connectés, et j’essaierai de montrer la spécificité de chacun à partir de leurs dynamiques acoustiques, en insistant sur les différentes méthodes déployées.

Nicolas Puig est chercheur en anthropologie à l’IRD (Université Paris Cité). Il travaille en Tunisie (terrain non actualisé), en Égypte et au Liban sur la fabrique des environnements urbains et les relations entre musiques, pratiques et perceptions sonores, cultures urbaines et politiques. Il explore depuis quelques années des anthropologies du sonore et du sensible par lesquelles il s’intéresse aux insertions des migrants et réfugiés dans les villes libanaises et développe des enquêtes en écologie humaine (circulations virales au Liban, savoirs écologiques locaux des pêcheurs apnéistes au Sénégal).

Photo: Nicolas Puig, 2019

Marie Baltazar, Anthropologue, Héritages : Culture/s, Patrimoine/s, Création/s (UMR 9022), Paris.

« Allo allo », entendez-vous dans les campagnes ? Pour une approche de la vie sociale par les sons

Ethnographie d’une tradition sonore propre aux villages du Languedoc méridional: les publications. Au quotidien, la vie sociale est sonorisée par des haut-parleurs annonçant aussi bien les décès que les commerçants du marché, le passage du camion pizza, le loto organisé par le comité des fêtes, les chats (et même les trousseaux de clés) perdus…

En tant qu’anthropologue, Marie Baltazar s’intéresse aux approches sensibles et sonores des communautés qu’elle étudie, tant en France qu’au Japon. Elle a travaillé sur les apprentissages de l’orgue et de la musique, avant d’orienter ses recherches sur les processus de patrimonialisation impliquant des artefacts sonores.

Photo: Marie Baltazar, 2021.

11h15-12h15 : Discussion de la Session 4

12h45-13h45 Atelier 1

Les ateliers seront tenus en parallèle dans des lieux différents

Virginie DUBOIS, artiste sonore et chercheuse indépendante, Aix-en-Provence

L’écoute somatique

Atelier 2

Rrrrrose Azerty, compositrice/game designer, résident•e à l’Esaaix, Paris

Atelier de Jeux Musicaux International de Aix En Provence (AJMIAEP)

14h15-16h15: Session 5: Plateau radio

Cédric Parizot, anthropologue, IREMAM (CNRS/Aix Marseille Univ) et Peter Sinclair, artiste et enseignant, laboratoire Locus Sonus Vitae, s’entretiennent avec les intervenants pour approfondirent les points et les questions soulevées au cours de ces deux journées d’études.

Les discussions retransmises en direct à travers une radio web ont été enregistrées et sont accessibles via ce lien [Plateau radio – Ecouter, du corps à l’environnement] sur le site Locus Sonus Vitae.

Comité d’organisation

Cédric Parizot, IREMAM (CNRS/Aix Marseille Université)
Peter Sinclair, Locus Sonus Vitae (Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence)
Pénélope Patrix, Responsable des relations internationales et de la recherche (Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence), chercheure associée au CEComp, U. Lisbonne

Partenariat

Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence
Institut de recherche et d’études sur les mondes arabes et musulmans
Ministère de la Culture et de la Communication
Centre national de la recherche scientifique
Aix Marseille Université

Image principale: Cédric Parizot, Alès, 2021

Recherche, arts et pratiques numériques #32: Robots, miroirs fragiles ?

Mercredi 08 avril 2020
09h30-12h
Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence Felix Ciccolini,
Amphithéâtre
Rue Émile Tavan
13100 Aix-en-Provence

Entrée libre

Robots, miroirs fragiles ?

Une proposition organisée en collaboration avec France Cadet, artiste, professeure à l’école d’art d’Aix en Provence

Zaven Paré, chercheur en robotique et artiste, résident à l’IMéRA

Robots, miroirs fragiles ?

Lorsqu’on roule en voiture, on se déplace dans un espace bidimensionnel de A à B, lorsqu’on se déplace en avion il s’agit d’un espace tridimensionnel et sans doute qu’avec les robots, il serait possible d’émettre l’hypothèse de nouveaux véhicules qui donneraient la possibilité de se déplacer non plus simplement dans un espace géométrique, mais dans une autre dimension, telle celle qu’on expérimente lorsqu’on se regarde dans un miroir. L’ubiquité proposée par certains dispositifs robotisés permettrait par exemple de se télérobotiser dans des corps mécaniques plus ou moins éloignés. Les robots anthropomorphiques ne seraient plus simplement une imitation, mais pourraient bien être des sortes de véhicules, en tant qu’agents de dédoublement des hommes dans le cas de la communication par téléprésence. Les robots sont des facettes de ce jeu de miroir entre l’homme et son univers, proposant des modes d’interopérabilité nouveaux.
Considérer certains objets comme nos alter ego, nos compagnons ou ces sortes de miroirs ne serait donc pas exclu. Ainsi, dans un très grand nombre de cultures, les marionnettes constituent phylogénétiquement et ontologiquement des projections d’alter ego et, aujourd’hui, cette familiarité séculaire avec ces figures anthropomorphiques animées entraîne les robots dans leur filiation.

Extrait d’un dialogue avec le professeur Ishiguro Hiroshi à l’Advanced Telecommunication Research International Institute en 2013 (« The Art of Being Together with Robots : A Conversation with Professor Ishiguro Hiroshi », International Journal of Social Robotics, numéro hors-série, Londres, Springer, 2014, p. 129-136) :

Z.P. : Notre relation à nous-même se fait généralement à travers notre image dans les miroirs, les photos et le regard des autres. Quelle est la différence une fois que vous avez une copie de vous-même ?
I.H. : […] L’image dans le miroir n’est pas nous-même, au contraire, c’est une illusion […]. Si je compare une photo de moi à mon reflet dans le miroir, il s’agit de deux choses différentes.
Z.P. : Est-ce que le fait que vous vous êtes dupliqué change votre connaissance de vous-même ?
I.H. : Non, pas du tout, mais le geminoid est plus qu’une simple image. Généralement personne ne connaît sa propre apparence et son propre comportement. Ma secrétaire connaît mon comportement mieux que moi-même. Le geminoid est comme un frère jumeau, mais je ne peux pas me reconnaître en lui. Logiquement le geminoid est ma copie, et c’est tout.
Z.P. : Qu’est-ce qui va changer avec vos deux copies de vous-même ?
I.H. : Que voulez-vous dire ? Il se pourrait que je n’aie plus besoin de venir ici ou d’aller à l’université d’Ôsaka, par exemple.
Z.P. : Vous allez rester à la maison et contrôler les deux en même temps ?
I.H. : Oui, je pourrais le faire.

Les robots sont souvent présentés comme de nouvelles frontières de nos corps. Avec le théâtre des robots, il fut remarquable de pouvoir découvrir comment il était aussi possible de transformer une créature artificielle en être moral et fragile. Dans la première pièce avec l’andréide Geminoid F, à défaut d’un véritable dialogue, la poésie habitait la machine, elle grandissait le robot et le transformait en véritable « fable » humaine, un miroir d’Orphée, un rêve providentiel renvoyant l’image du miroir de notre impuissance.

Agnes Giard, anthroplogue, chercheuse au sein du projet EMTECH, Freie Universität Berlin et au laboratoire Sophiapol, Paris Nanterre

Robots faibles et poupées stupides : les créatures alternatives au Japon

Depuis le début du XXIe siècle, le gouvernement japonais qui refuse d’ouvrir les frontières mène une politique pro-robot afin que le travail soit confié à des machines « pour pallier au manque de bras ». Dopée par cette politique pro-robot, les ersatz d’humains se multiplient au Japon, notamment dans le domaine des relations sociales et émotionnelles. De façon très révélatrice, la plupart d’entre eux sont développés sur des modèles conceptuels très proches de ceux qui président à la fabrication des poupées de silicone. Ainsi que j’aimerais le démontrer, ces robots ne visent en effet pas à reproduire l’humain « en mieux », mais au contraire à en fournir une version « pathétique », sous des formes marquées par l’immaturité, la déficience ou l’infirmité. Pour le dire plus clairement : ces robots, en apparence, ne servent pas à grand-chose. Comment comprendre que les laboratoires japonais accouchent de prototypes qui s’inscrivent à rebours des attendus habituels en matière de robotique ? En comparant la fabrique des love dolls avec celle des robots sociaux, j’espère apporter un éclairage inédit sur ce phénomène.

Comité d’organisation

Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU), Jean Cristofol (ESAAix, PRISM AMU/CNRS), Jean-Paul Fourmentraux (Centre Norbert Elias, CNRS/AMU/EHESS), Anna Guillo (LESA, AMU/CNRS), Manoël Penicaud (IDEMEC, CNRS/AMU)

Recherche, art et pratiques numériques est un séminaire transdisciplinaire qui s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières. (lire la suite)

Photo: Zaven Paré, c5 bleu.