Résurgences ou éloge de la désexcellence, par Anna Guilló

Carton HDR

Vous êtes cordialement invités à l’exposition et à la soutenance d’habilitation à diriger des recherches en Arts plastiques et sciences de l’art d’Anna Guilló, Université Paris I – Panthéon-Sorbonne, UFR 04

Résurgences – Éloge de la désexcellence

Le vendredi 15 janvier à 14h – Galerie Michel Journiac
47 rue de Bergers 75015 Paris

Composition du jury – Mesdames et Messieurs les Professeurs :
Christine Buignet, Université Toulouse – Jean Jaurès
Miguel Egaña, Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne
Pierre-Damien Huyghe (garant), Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne
Karen O’Rourke, Université Jean Monnet – St Étienne
Daniel Payot, Université Marc Bloch – Strasbourg

La soutenance sera suivie d’un pot au Bal du Pirate, juste en face.

Camille Schmoll – Compte rendu du colloque: The Art of Bordering

Camille Schmoll
Université Paris VII Denis Diderot, France
décembre 2014

Les artistes, chercheur.e.s et activistes réunis au Maxxi (Rome) du 24 au 26 octobre dernier ont contribué à bousculer les approches fixistes du territoire et de la géographie politique en nous proposant de nouveaux récits et imaginaires des frontières. Par leurs approches circulantes, multi-vocales et multi-situées, les travaux présentés ont montré qu’il n’y a en aucun cas une seule cartographie possible des frontières, mais bien de multiples visions et vécus. Ces visions ont souvent pour base un travail d’ethnographie, mais elles s’en émancipent, en prenant diverses voies de traverses pour nous restituer la diversité des pratiques et expériences des frontières. Elles insistent également sur le caractère évolutif et la relocalisation constante de ces frontières, à l’instar de la vidéo de de Simona Koch intitulée Borders, qui condense en quelques minutes l’évolution multi-séculaire des frontières européennes.

Du point de vue des études migratoires, les travaux qui ont été présentés lors de ce colloque-exposition témoignent d’un retournement critique du champ, dans la lignée des critical border studies. Lié au renforcement croissant des frontières et dispositifs de contrôle dans l’espace européen et en ses marges, ce renouveau critique se nourrit d’un certain nombre de catégories – humanitarisme  et raison humanitaire, encampement etc… – et d’auteurs, notamment Didier Fassin et Michel Agier.  Ces travaux mettent en scène des frontières certes parfois diluées et multilocalisées, mais également catégorisantes et hiérarchisantes, comme l’ont souligné tour à tour les travaux de Nick Mai autour de l’humanitarisme sexuel ou ceux de Barbara Sorgoni sur les « régimes de vérité » qui régissent la validation/invalidation des témoignages des demandeurs d’asile. On est probablement là face au plus criant paradoxe de la mondialisation néolibérale qui, tout en favorisant la circulation des objets et des capitaux, classe et contraint celles des individus, comme cela a été souligné à plusieurs reprises durant le colloque.

Ce qui est intéressant dans ce moment critique des études migratoires est qu’il coïncide avec ce qu’on pourrait appeler un tournant visuel et digital qui parcourt aussi bien les disciplines artistiques que les sciences sociales. Dans le contexte italien, on est face à un foisonnement de productions visuelles critiques, souvent participatives, mêlant collectivement activistes, journalistes, artistes, migrant.e .s et chercheur.e.s. Parmi ceux qui ont été mentionnés ou présentés lors du colloque, les travaux de Heidrun Friese, de Zalab, de l’Archivio Memorie Migranti contribuent à enrichir nos façons d’appréhender les trajectoires et expériences migratoires. La multiplication des visualisations et des rendus possibles accroit aussi l’espace de liberté des chercheur.e .s et artistes. Elle rend possible l’épanouissement de l’imaginaire socio-géographique autour d’une approche véritablement complexe, kaléidoscopique des frontières, qui hybride parfois fiction et réalité.

L’apport des positions post-structuralistes est ici central: alors que le réseau présenté dans Stones and Nodes par Cédric Parizot, Mathieu Coulon, Guillaume Stagnaro et Antoine Vion  évoquait l’acteur-réseau de Latour, c’est le cyborg et les multiple voices de Donna Haraway que m’évoque Samira de Nicola Mai. Les visualisations qui nous ont été présentées montrent que la frontière peut être contestée comme nous y engage le film Io sto con la sposa ou encore les travaux de cartographie critique et participative du groupe Migreurop Close the camps! présentés par Isabelle Arvers. C’est alors la dimension performative des frontières qui s’impose, permettant non seulement d’interroger les frontières mais de les retourner ; de ne pas montrer seulement comment elles agissent et se constituent, mais de les percer selon l’expression d’Antonio Augugliaro. Charles Heller et Lorenzo Pezzani subvertissent ainsi les dispositifs de surveillance des frontières en les utilisant pour produire de la preuve de leur caractère assassin, dans le documentaire Liquid Traces.

La frontière fédère des systèmes informels et informels, des réseaux technologiques et humains, elle fait dispositif. Les chercheur.e.s et les artistes mettent en œuvre de nombreuses tactiques d’appréhension des multiples situations qu’elle agrège. Une autre version du territoire et de la frontière s’impose alors, une frontière mobile, encorporée, rhizomatique, à l’image de la frontière-réseau décrite par Cédric Parizot, Mathieu Coulon, Guillaume Stagnaro et Antoine Vion. C’est aussi à une réflexion de fonds sur les rouages du pouvoir que nous ont conviés les intervenants, ouvrant la boîte noire de l’Etat pour en mettre en évidence ses multiples ressorts et acteurs, à l’instar du travail de Federica Infantino qui décortique les mécanismes de l’examen et du traitement par les consulats des demandes de visas.

Du point de vue de la géographie des frontières, ce ne sont plus des lignes que nous observons, mais bien des « lieux de fixation », qu’ils s’agissent de mers, de murs, de corps ou encore d’îles ; « lieux de fixation » technologiques, pour reprendre l’expression de Steve Wright ; mais également lieux de tous les imaginaires et transformations culturelles, comme nous l’ont rappelé Chiara Brambilla et Elena dell’Agnese, dans leur travaux menés à Lampedusa et à la frontière américano-mexicaine, autour de la notion de borderscape. Le positionnement, la subjectivité des chercheur.e.s et des artistes sont au cœur de la production de ces borderscapes, tout comme les dynamiques d’intersubjectivité qui se créent entre chercheur.e.s, artistes et migrant.e.s. Cédric Parizot est au cœur du réseau qu’il explore et Nicola Mai tient ainsi tout autant la vedette que Samira dans son ethnofiction.

Action de l’Etat et des institutions in the making, subjectivités des artistes et des chercheur-e-s, ce sont également les subjectivités encorporées des migrant-e-s qui sont au cœur de la réflexion, pour produire des subjectivités contre-hégémoniques de la frontière, pour reprendre l’expression de Chiara Brambilla, dans la lignée d’une approche phénoménologique. Le documentaire Les messagers d’Hélène Crouzillat et Laetitia Turall restitue ainsi les témoignages de migrants ayant traversé la frontière des migrant.e.s du Sahara à Melilla et leur intense côtoiement avec la mort de leurs proches et compagnons de route. Ces migrants mettent au cœur de leurs récits le sentiment de déshumanisation progressive qui préside à ces trajectoires.

Il est d’autant plus urgent de restituer ces expériences et individualités migrantes que nous sommes actuellement assaillis par les représentations médiatiques de la horde ou de la masse migratoire, y compris lorsque celles-ci s’articulent à un discours empathique et compassionnel. Cette focalisation sur les subjectivités migrantes permet également de tenter de comprendre ce qu’il reste aux migrant.e.s une fois que toutes les explications structurelles sur la migration sont épuisées. En d’autres termes, c’est l’autonomie migrante qui est ainsi mise au centre de la réflexion, une autonomie qui persiste parfois coûte que coûte, au péril de sa propre vie.

A plusieurs reprises durant ce colloque, le caractère critique du moment actuel dans le sud de l’Europe nous a été rappelé, à l’instar du témoignage de Virginie Baby Collin sur la situation migratoire espagnole. L’Europe et la Méditerranée traversent aujourd’hui une triple crise : économique (qui a conditionné la reprise des flux de départs en provenance d’Europe du Sud et les retours de migrants au pays) ; politique (crise des souverainetés nationales, montée de la xénophobie et des nationalismes en Europe, et dans certains contextes explosion des violences envers les étrangers et renforcement des frontières); politique encore, au sens de l’explosion des guerres civiles et du développement des révoltes à la suite des printemps arabes.

Il est probable par ailleurs que la perception du fossé existant entre l’immobilisation de certains et la connexion croissante des autres (connexions humaines, informationnelles) accentue le sentiment de crise et d’injustice parmi les indésirables, comme nous l’a rappelé Corrado Bonifazi. On sait également, suite aux travaux de Michel Agier,  à quel point les notions de crise et d’urgence peuvent elle-même être fonctionnelles à la production des frontières.

Du point de vue de l’Italie, ce colloque-exposition a certainement décloisonné les débats en élargissant la perspective vers le Sud de la Méditerranée et l’Est de l’Europe. Il a questionné la centralité de la situation italienne, notamment face à ce qui est perçu comme la menace d’une immigration massive de demandeurs d’asile.

Concernant la possibilité pour le moment actuel de se transformer en crise créative, plusieurs scénarios nous ont été proposés : des plus optimistes, pariant sur la capacité des activistes en réseau à s’approprier les dispositifs et à contrer la frontière-réseau ; aux plus sombres et dramatiques concernant les développements technologiques récents et la sophistication technologique extrême des formes de contrôle.  Ce qui est certain est que le colloque a permis de renouveler la définition des possibles, à réfléchir aux types de refus que nous souhaitons opposer à la frontiérisation, aux discours et alliances possibles, avec la certitude, renforcée à l’issue de ce colloque, que la focalisation sur une seule vision/version de la frontière est une stratégie vouée à l’échec.

Atelier 8 : Fictions de Frontières

13 et 14 juin 2013
Institut Méditerranéen de Recherches Avancées – IMéRA (AMU)
Maison des Astronomes, Marseille

Comité d’organisation: Nicola Mai (IMéRA, London Metropolitan University), Cédric Parizot (IMéRA, IREMAM, CNRS-AMU)

« Quelle est la relation entre la matérialité et la représentation des frontières? Est-ce que les technologies contemporaines ont fondamentalement modifié cette relation? Est-ce que les cartes représentent ou engendrent des territoires ? Ce séminaire évaluera l’impact des changements technologiques contemporains  sur la relation entre la représentation et l’expérience des frontières ainsi que sur les formes de conscience associées. Il mettra en œuvre une perspective transdisciplinaire en réunissant des chercheurs en sciences humaines (historiens, sociologues, anthropologues, géographes, philosophes, politologues), en sciences dures (intelligence artificielle, informatique) et des artistes (webart, hypermédia, arts plastiques). Dans le premier atelier sur les «Fictions de frontières», les conférenciers discuteront de la façon dont les récits fictifs et les interventions artistiques (films, installations artistiques, spectacles) sont impliqués dans les expériences incarnées des réalités et des territoires frontaliers. Dans le second atelier «Représentations frontiérisantes», les artistes et les chercheurs s’appuieront sur leur propre travail  pour discuter de l’impact des technologies actuelles sur la représentation et l’expérience des frontières. Enfin, le troisième atelier examinera comment l’introduction de nouvelles «Contre-Fictions Art-Science» offre la possibilité de revivre, re-conceptualiser et de redessiner les frontières entre l’art et la science ainsi que celles entre l’écriture, l’expérience et les territoires. »

Jorge Luis Borges, De la Rigueur des Sciences, 1946

« En cet empire, l’Art de la Cartographie fut poussé à une telle Perfection que la Carte d’une seule Province occupait toute une Ville et la Carte de l’Empire toute une Province. Avec le temps, ces Cartes Démesurées cessèrent de donner satisfaction et les Collèges de Cartographes levèrent une Carte de l’Empire, qui avait le Format de l’Empire et qui coïncidait avec lui, point par point. Moins passionnées pour l’Étude de la Cartographie, les Générations Suivantes réfléchirent que cette Carte Dilatée était inutile et, non sans impiété, elles l’abandonnèrent à l’Inclémence du Soleil et des Hivers. Dans les Déserts de l’Ouest, subsistent des Ruines très abîmées de la Carte. Des Animaux et des Mendiants les habitent. Dans tout le Pays, il n’y a plus d’autre trace des Disciplines Géographiques »

Suarez Miranda, Viajes de Varones Prudentes, Lib. IV, Cap. XIV, Lerida, 1658

« Aujourd’hui l’abstraction n’est plus celle de la carte, du double, du miroir ou du concept. La simulation n’est plus celle d’un territoire, d’un être référentiel, d’une substance. Elle est la génération par les modèles d’un réel sans origine ni réalité : hyperréel. Le territoire ne précède plus la carte, ni ne lui survit. C’est désormais la carte qui précède le territoire – précession des simulacres – c’est elle qui engendre le territoire et s’il fallait reprendre la fable, c’est aujourd’hui le territoire dont les lambeaux pourrissent lentement sur l’étendue de la carte. C’est le réel, et non la carte, dont les vestiges subsistent çà et là, dans les déserts qui ne sont plus ceux de l’Empire, mais le nôtre. Le désert du réel lui-même. »

Jean Baudrillard, Simulacres et Simulation, 1981

Border Fictions/Fictions de Frontières

Bernard Guelton (Arts, Paris, UMR ACTE, CNRS, Université Paris 1)
Fiction de Frontières : Dispositifs Fictionnels et Virtuels/ Border Fictions: Virtual and Fictional Mechanisms from antiAtlas of Borders

Michelle Stewart (Film Studies, Résidente IméRa, State University of New York)
Traveling Shots: Cinema, Migration and Borders/Cadrages Mobiles: Cinema, Migration et Frontières

Nicola Mai (Résident IMéRA, London Metropolitan University)
Re-assembling Samira: antiAtlas work in progress installation/Le Ré-assemblage de Samira : présentation du ‘travail en cours’  pour l’exposition antiAtlas

Re-Bordering Representations /Representations Frontièrisantes

Jean Cristofol (Philosophe, École Supérieure d’Art d’Aix en Provence)
Distance and Proximity in a Multidimensional Space/Distance et Proximité dans un Espace Multidimensionnel

Larisa Dryansky (Histoire de l’Art, Université Paris-Sorbonne, Paris IV)
Border and Utopia in the Work of Dennis Oppenheim/Frontière et Utopie chez Dennis Oppenheim

Philippe Rekacewicz (Journaliste et Cartographe, Le Monde Diplomatique ; MIT Program for Art, Culture and Technology)
Cartographie entre Art, Science et Politique/ Cartography between Art, Science and Politics

Art-Science Counter-fictions/Contre-Fictions Art-Science

Susan Ossman (Anthropology, University of California Riverside)
The Arts of the Border: A Transnational Creative Conversation/L’Art de Frontières : une Conversation Créative Transnationale

David Napier (Social Anthropology, University College London)
Undoing the Dichotomy of Self and Other across Immunology, Anthropology and Art/Problematiser la Dicotomie entre Soi et Autre à travers l’Immunologie, l’Anthropologie et l’Art

Maggie O’Neill (Critical and Cultural Criminology, University of Durham)
Transgressive Imaginations: Border Spaces, Ethnography and Performance Art/Les Imaginations Transgressives : Espaces Frontière, Ethnographie et Performance Art

Résumés / Abstracts

Bernard Guelton (Arts plastiques et sciences de l’art, Paris, UMR ACTE, CNRS, Université Paris 1)
Fictions de frontières : dispositifs fictionnels et virtuels

Que deviennent la recréation et l’exploration de l’espace fictionnel lorsque celui-ci ne se conçoit plus du point de vue d’un sujet immobile, mais à travers ses déplacements et ses actions dans les jeux en réalités alternées  ? Une part croissante d’artistes met en œuvre des situations en réalités alternées qui ménagent des confrontations entre univers réels, virtuels et fictionnels et simultanément celles du territoire et de ses frontières. Ici, l’espace physique devient le cadre pour déployer un engagement fictionnel où les actions, la mobilité du sujet et les interactions avec d’autres participants deviennent déterminantes. La cartographie dynamique peut constituer un élément essentiel pour structurer ces différents contextes sous le mode des interactions situées. Elle permet de coordonner la géolocalisation des participants, leurs interactions, et les contenus fictionnels associés à des emplacements réels dans un espace urbain avec les scénarios et les règles mises en jeu. Dans les jeux en réalités alternées, la mobilité des joueurs et les appareillages sollicités sont déterminants. Ils impliquent des situations d’immersion réelle, virtuelle et fictionnelle qui interrogent la construction et les limites des lieux qu’ils soient ludiques ou institutionnels. Ces questions seront exemplifiées à travers un ou deux dispositifs de jeux en réalités alternées. 

Border Fictions: Virtual and Fictional Mechanisms

What do the reproduction and exploration of fictional space become if the latter is not seen as an immobile subject but through its displacements and actions in alternated realities? An increasing number of artists create situations in alternated reality negotiating simultaneously confrontations between real, virtual and fictional universes, territories and their borders. Here physical space becomes the context for the deployment of a fictional engagement where actions, mobility of the subject and interactions with others become determinant. Dynamic cartography can constitute an essential element to structure these different contexts according to situated interactions. It coordinates the geolocalisation of participants, their interactions and the fictional contents that are associated with real places in urban settings by following the scenarios and rules of games. Within games taking place in virtual worlds the mobility of players and the required equipment are determinant. They imply situations of real, virtual and fictional immersions that interrogate the construction and limits of leisurely or institutional places. These issues will be exemplified through one or two games in virtual reality.

Michelle Stewart (Cinema Studies, Résidente IméRa, State University of New York)
Traveling Shots: Cinema, Migration and Borders

Borders became sites of security with the modern state’s consolidation of its monopoly on violence within mapped territories.  As such, the experience of the border and passage across has been a problem, both theoretical and material, for some time.  Yet now, with the increasing porousness of borders for the ever more rapid transfer of capital, we find that the physical experience and political discourse of the border have hardened exponentially.  Technological advances have permitted greater securitization and surveillance regimes for these sites of passage.  In recent cinema, a number of filmmakers have crafted parallel aesthetics in an attempt to visualize the phenomenological toll and the political consequences of this border regime.  Via close analysis and comparison of these works that traverse the borders of North America, Europe, and Africa, we see how border fictions intervene in the politics of fortification and exclusion.

Cadrages mobiles: cinéma, migration et frontières

Avec la consolidation du monopole de la violence par l’État moderne dans les territoires cartographiés, les frontières sont devenues des sites sécuritaires. À ce titre, l’expérience de la frontière et de sa traversée sont devenus un problème, théorique et matériel, pendant un certain temps. Cependant, aujourd’hui, avec la porosité croissante des frontières, notamment en raison du transfert de plus en plus rapide du capital, nous constatons que l’expérience physique et le discours politique de la frontière ont durci de façon exponentielle. Les progrès technologiques ont permis la mise en place de régimes de « sécuritisation » et de surveillance de ces sites de passage. Dans le cinéma contemporain, un certain nombre de cinéastes ont conçu des esthétiques parallèles dans le but de visualiser le coût phénoménologique et les conséquences politiques de ces régimes frontaliers. A travers une analyse approfondie et la comparaison de ces œuvres qui traversent les frontières de l’Amérique du Nord, de l’Europe et de l’Afrique, nous verrons comment les fictions de frontières contribuent à la politique de fortification et d’exclusion.

Nicola Mai (Résident IMéRA, London Metropolitan University)
Re-assembling Samira: antiAtlas work in progress installation

The humanitarian protection of vulnerable migrant groups has enforced new biographical borders. Fundamental rights are allocated on the basis of the performance of ‘true’ victimhood repertoires and scripts, reproducing the suffering of the migrant to obtain state benevolence and legal migration status. Gender and sexuality have become strategic narrative repertoires through which humanitarian and biographical borders are inscribed on the bodies of migrants. The Emborders filmmaking/research project reproduces the different performances and narratives of migrants targeted by humanitarian protection as they emerge in interviews with authorities, with social researchers and with peers and families. It draws on real stories and real people, which are performed by actors to protect the identities of the original interviewees and mirror the inherently fictional nature of any narration of the self. By using actors to reproduce real people and real life histories, the project ultimately challenges what constitutes a credible and acceptable reality in scientific, filmic and humanitarian terms.

Le Réassemblage de Samira : présentation du ‘travail en cours’ pour l’exposition antiAtlas

La protection humanitaire des groupes de migrants vulnérables a imposé de nouvelles frontières biographiques. Les droits fondamentaux sont attribués sur la base de la performance de «vrais» répertoires et scripts de victime, qui reproduisent la souffrance des migrants afin d’obtenir la bienveillance de l’Etat et le statut de migrants légaux. Genre et sexualité sont devenus des répertoires narratifs stratégiques à travers lesquels les frontières humanitaires et biographiques sont inscrites sur les corps des migrants. Le projet de film/recherche Emborders reproduit les différentes représentations et les récits des migrants visés par la protection humanitaire tels qu’ils ressortent des entretiens avec les autorités, avec des chercheurs en sciences sociales, avec leurs pairs et leurs familles. Il s’appuie sur des histoires réelles de gens réels, mais qui ont été performées par des acteurs afin de protéger l’identité des personnes interrogées et refléter la nature intrinsèquement fictive de toute narration de soi. En utilisant des acteurs pour reproduire ces vraies personnes et leurs histoires de vie, le projet remet en cause ce qui constitue finalement une réalité crédible et acceptable en termes scientifiques, filmiques et humanitaires.

Jean Cristofol (Philosophe, École Supérieure d’Art d’Aix en Provence)
Distance et Proximité dans un Espace Multidimensionnel

Les récits des fictions dont nous sommes héritiers mettent en œuvre un espace homogène qui s’articule sur les oppositions du proche et du lointain, de la distance et de la proximité, de l’ici et de l’ailleurs. La figure du voyage, celle de l’utopie, de l’ile ou du passage de la frontière en sont les incarnations. Mais ces figures ne sont pas seulement de libres constructions imaginaires, elles sont aussi générées par les médiums dans lesquels elles sont articulées et elles sont concrètement produites par la relation aux modes d’existence techniques et sociaux d’une époque. Quand les échanges et les déplacements sont déterminés par les flux informationnels et que des dispositifs autonomes ubiquitaires agissent sur nos modes de perception et nos capacités directes d’action, comment pouvons-nous les penser et les mettre en œuvre ? Que devient notre relation à l’espace quand celui-ci se construit dans une complexité qui vient bouleverser les façons de comprendre le sens même de ce qu’on appelle la distance ou la proximité ?

Distance and Proximity in a Multidimensional Space

The fictional accounts which we inherit produce a homogeneous space that is articulated by the oppositions between the near and the far, distance and proximity, here and elsewhere. Figurations of travel, utopia, of islands or of border crossings are the incarnations of such oppositions and dynamics. But these figurations are not simply free imaginary constructions. They are generated by the media and produced by the technological and social arrangements of each era. How can we think and enact exchanges and displacements that are currently determined by information flows, while ubiquitous and autonomous mechanisms influence our capacity to reflect and act? How does our relationship to space changes when space is framed by a complexity that overturns the way in which we understand distance or proximity?

Larisa Dryansky (Histoire de l’Art, Université Paris-Sorbonne, Paris IV)
Frontière et Utopie chez Dennis Oppenheim

Cette communication entend cerner les aspects fictionnels des travaux associés au Land Art en s’appuyant sur le cas exemplaire de l’œuvre de Dennis Oppenheim. Que ce soit avec ses Site Markers, ses inscriptions cartographiques sur le terrain, ou ses « transferts » et « transplantations », Oppenheim a fait de la réflexion sur la notion de site un axe majeur de sa production. En même temps, sa démarche, en articulant non-lieux de l’art et non-localisation, se détache fortement de l’idée de site-specificity. Pour préciser cette approche, nous nous attarderons en particulier sur les œuvres traitant de la frontière que nous envisagerons à la lumière des thèses de Louis Marin sur l’Utopie.

Border and Utopia in the Work of Dennis Oppenheim

This paper addresses the fictional nature of the works associated with Land Art using Dennis Oppenheim’s oeuvre as a case study. The notion of “site” is a cornerstone of Oppenheim’s Land Art pieces as demonstrated by his Site Markers, his works involving the scribing of maps on the ground, and his various operations of “transferring” and “transplanting” spaces. At the same time, his approach, which articulates artistic non-places and a strategy of non-localization, runs counter to the idea of site-specificity. This is particularly apparent in Oppenheim’s treatment of the concept of borders, which may be fruitfully compared with Louis Marin’s writings on Utopics.

Philippe Rekacewicz (Journaliste et Cartographe, Le Monde Diplomatique ; MIT Program for Art, Culture and Technology)
Cartographie entre Art, Science et Politique/ Cartography between Art, Science and Politics

Susan Ossman (Anthropology, University of California Riverside)
The Arts of the Border: A Transnational Creative Conversation

Borders have a special significance for people who have settled in several homelands. I have carried out extensive research on this topic. Recently, I published Moving Matters: Paths of Serial Migration. But it is not the book or my findings that will be the subject of this presentation: rather, I will describe and analyze the artistic project that has emerged in response to the book. In May in Riverside, California. “The Arts of Migration” brought together serial migrant visual artists, dancers, actors and writers, including several who figure in the book.  Some performances such as artist Beatriz Mejia-Krumbien’s “Mi Tiempo, Mein Raum, My Map” address the question of how borders become life chapters; others like Paulo Chagas’ musical composition “Einblick” addresses the accumulated experience of border crossings. Alexandru Balesescu’s story “Dark Green Fade to Black” fictionalizes encounters among serial migrants and “ordinary” migrants in Istanbul, while Natalie Zervou explores the way  “Gestural Landscapes” travel with bodies in her choreography. In a dialogue about their shared life in East Asia, north America, Europe and Central Asia over thirty years, Barbara and Stephen James offer a moving illustration of the idea of ‘the poetics of attachment.” By working through art to respond to my research on borders and their relationship to specific life paths and subject formations, the collaborative arts project offered a unique type of critique. Through art, much of what any book inevitably leaves out could be expressed and shared.  Thus, the project opened up the project to further forms of research and new audiences. It offers an original way of generating cross-disciplinary, transnational conversations that bridge the social sciences, the humanities, and the arts. The discussions after the performances led to the conception of a manner of generating a “transnational workshop,” creating a website and making a film based on this project. These discussions are themselves a fascinating moment in the research process which I will attempt to analyze in this presentation.

Les arts de la frontière : une conversation créative transnationale.

Les frontières ont une signification particulière pour les personnes qui se sont installées dans plusieurs pays. J’ai effectué des recherches approfondies sur ce sujet. Récemment, j’ai publié Moving Matters: Paths of Serial Migration. Mais ce n’est pas ce livre ou mes conclusions qui feront l’objet de cette présentation. Je décrirai et analyserai le projet artistique qui a émergé en réponse au livre. En mai à Riverside, en Californie, «Les Arts de la migration» a réuni une série d’artistes visuels migrants, danseurs, acteurs et écrivains, dont plusieurs qui figurent dans le livre. Certains spectacles comme ceux de l’artiste Beatriz Mejia-Krumbien « Mi Tiempo, Mein Raum, My Map » s’intéressent à la manière dont les frontières deviennent les chapitres de la vie ; d’autres comme la composition musicale « Einblick » de Paulo Chagas traitent de l’expérience accumulée des postes frontaliers. L’histoire de Alexandru Balesescu « Dark Green Fade to Black » fictionnalise les rencontres entre « migrants en série » et les migrants « ordinaires » à Istanbul ; tandis que Natalie Zervou explore la manière dont les « Paysages Gestuels » voyagent avec les corps dans sa chorégraphie. Dans un dialogue à propos de leur vie commune pendant plus de trente ans en Asie de l’Est, en Amérique du Nord, en Europe et en Asie centrale, Barbara et Stephen James offrent une illustration mouvante de l’idée de «la poétique de l’attachement ». L’art a permis de répondre à certaines de mes questions sur les frontières et sur les relations entre d’un côté, mes recherches et, de l’autre, les chemins de vie spécifiques et la formation du sujet. Ce faisant, le projet d’art collaboratif a offert un type de critique inédit. A travers l’art, beaucoup de ce que n’importe quel livre laisse inévitablement de côté pourrait être exprimé et partagé. Ainsi, le projet a ouvert des pistes vers d’autres formes de recherche et vers de nouveaux publics. Il propose une façon originale de générer des conversations interdisciplinaires et transnationales qui lient les domaines des sciences sociales, des sciences humaines et des arts. Les discussions après les représentations ont conduit à la conception d’un «atelier transnational » original, la création d’un site Web et la réalisation un film à partir du projet. Ces discussions ont elles-mêmes été un moment fascinant dans le processus de recherche que je vais essayer d’analyser dans cette présentation.

David Napier (Social Anthropology, University College London)
Changing Borders of Selves and Others: The Implications of Symbiosis for Boundary Construction and Maintenance

Aristotle famously said that “what makes the world one will also be what makes a person’. This talk focuses on the implications of new and emerging understandings of malleable boundaries for traditional constructions of borders and borderlands. Does what biology tells us about selfhood have major implications for ancient and time-honored notions of boundaries—that is, what they are and how they are maintained? Do we actually need radical categories to make sense of life as we now think we know it, or are there meaningful subaltern spaces emerging in which constructive difference can be ameliorated through various intellectual and artistic interventions? Are we now approaching, if unknowingly, a new threshold in our understanding of the limitations in our thinking about boundaries as base-line categorical imperatives? In this talk, the meaningfulness of such questioning is (playfully) examined.

Les frontières changeantes du Soi et des Autres: Les implications de la symbiose pour la construction et l’entretien des limites

Aristote disait que «ce qui fait le monde, est aussi ce qui fait une personne». Cette conférence se concentre sur les implications des formes nouvelles et émergentes de compréhension des limites malléables dans le processus des constructions traditionnelles des frontières et des régions limitrophes. Est-ce que ce que nous dit la biologie à propos du soi remet en cause les notions anciennes et séculaires que nous avons des frontières? Avons-nous réellement besoin de catégories radicales pour donner un sens à la vie telle que nous croyons la connaître, ou y a-t-il des espaces subalternes signifiants émergents où la différence constructive peut être améliorée grâce à diverses interventions intellectuelles et artistiques? Approchons-nous maintenant, même inconsciemment, un nouveau seuil dans notre compréhension des limites dans notre réflexion sur les frontières? Dans cette présentation, j’aborderai de manière ludique le caractère significatif de ce questionnement.

Maggie O’Neill (Critical and Cultural Criminology, University of Durham)
Transgressive Imaginations: Border Spaces, Ethnography and Performance Art

This paper discusses biographical and participatory research undertaken at the borders of ethnography and performance art and the imagination and re-imagination of the borders between deviance and normality. Key themes addressed include the tension between human rights, human dignity and humiliation in the lived experiences of migrants, many of whom exist at the margins of the margins, and the possibilities for a radical democratic imaginary in our cultural criminological work in this area.

Les Imaginations Transgressives : Espaces Frontière, Ethnographie et Performance Art

Cet article traite des recherches biographiques et participatives entreprises aux frontières de l’art, de l’ethnographie, de la performance, de l’imagination et de la ré-imagination de la frontière entre la déviance et la normalité. Les principaux thèmes abordés sont la tension entre les droits de l’homme, la dignité humaine et l’humiliation dans les expériences vécues par les migrants, dont beaucoup existent en marge de la marge, et les possibilités d’un imaginaire démocratique radical dans notre travail de criminologie culturelle dans ce domaine.

Partenariat

IMéRA (Aix-Marseille Université), Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM, CNRS-AMU), Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, CNRS-AMU), Aix-Marseille Université, Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées (RFIEA), Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS

Atelier 1 : Réseaux et frontières

26-27 janvier 2012
Maison des Astronomes,
IMéRA,
2 PLace Le verrier,
13004 Marseille

Organisation: Nicola Mai (London Metropolitan University), Cédric Parizot (IMéRA, IREMAM, Aix Marseille Université, CNRS)

Approche en réseau et étude de cas

In this session, through the presentation of three case studies we will discuss the relevance of different conceptualizations and theories of networks in understanding both state control mechanisms and circumvention processes deployed by actors on the ground. What kinds of boundaries do networks challenge and reproduce? How can they become controlled and manipulated by state powers? How can they in turn control and manipulate the mobility of people and the surveillance targeting them?

Olivier Clochard (Géographe, programme Terrferme / ADES / Univ. Bordeaux 3)
Construction de réseaux dans le contrôle frontalier de l’Union européenne

Francesca Sirna (Sociologue, ANSO-UCL) (Anthropologist, Reader in Migration Studies at London Metropolitan University)
Réseaux, espaces et mobilités : le cas des Piémontais et des Siciliens en Provence

Nicola Mai
Of trafficking and other networks: the moralist criminalisation of migrant networks supplying the sex industry

Conceptualiser, analyser et gérer les réseaux

The participants of this session will try to provide a general view of mechanisms, techniques and methodologies by which state authorities, smugglers and hard scientists conceptualize networks of data, mobilities and materialities. Whose interests do these technologies and governmentalities serve? What forms of political resistance and complicity can emerge in the process?

Lionel Pascal (expert douanier (OMD et FMI), Bordeaux IV-Montesquieu)
Réseaux et frontières : des contrôles deterritorialisés

Cédric Parizot (Anthropologue, IREMAM, CNRS, Aix Marseille Université)
Individualizing control, duplicating borders: Biosocial profiling, sponsorship and smuggling networks between Israel and the West Bank

Représenter des réseaux et les pratiques de réseaux

This third session will address the ways by which networks could be represented through different images and devices and the implications these representation have at different levels. How do we represent networks? Who do they represent? What are the differences and similarities emerging between the political and the scientific dimension of the representation of networks? Can we transcend subjectivity and politics in understanding and representing networks?

Wouter Van den Broeck, chercheur et designer (ISI Foundation, Turin, Italie; Addith.be)
The language of network representations

Christophe Bruno (artiste et commissaire d’expositions)
Art et réseau, cartographie de flux, cycles et échelles

Antoine Vion (Sociologue, LEST, AMU)
What does the representation of ‘transnational networks’ refer to ? Reconsidering data, contexts, and borders

Résumés

Olivier Clochard, géographe (programme Terrferme / ADES / Univ. Bordeaux 3)
Construction de réseaux pour renforcer le contrôle frontalier de l’Union européenne

Selon Claude Raffestin, les réseaux sont une forme d’inscription d’un pouvoir sur l’espace. Ainsi les évolutions techniques comme les bases de données informatiques et les centres de rétention administrative transforment la frontière plus qu’elles ne la suppriment, en la déplaçant de part et d’autre des limites internationales, en la dilatant à l’échelle d’une région frontalière et la connectant à d’autres lieux. Quelles relations peut-on alors établir entre les reconfigurations des frontières européennes entamées depuis les années quatre-vingt-dix, l’évolution des centres de rétention administrative européens et l’établissement des bases de données informatiques ? Comment la mise en réseau de ces différents dispositifs se rapporte-t-elle à l’établissement de frontières migratoires ?

Francesca Sirna (Sociologue, ANSO-UCL)
Réseaux, espaces et mobilités : le cas des Piémontais et des Siciliens en Provence

L’objectif de cette intervention est de reconstruire les séquences génératives de comportements migrants dans des contextes donnés, en essayant de détailler et d’expliquer les différences entre immigration « de proximité » (Piémontaise) et de « longue distance » (Sicilienne).

Le choix d’installation des Piémontais et des Siciliens en Provence relève également de questions d’ordre différent. Quel est leur rapport au territoire d’émigration et d’immigration ? Est-ce que l’ancienneté de la présence en pays d’immigration peut déterminer des modes d’insertion différents dans les pays d’accueil ? Est-ce que les Piémontais et les Siciliens, en partageant le même lieu d’immigration, se côtoient, s’aident, font partie du même réseau migratoire, du même groupe de «migrants italiens » ? Est-ce que le départ a le même rôle pour les deux groupes et pour leurs familles restées dans les villages d’origine ? Quel type de liens unit les migrants et les sédentaires ?

J’ai voulu privilégier la dimension processuelle, dynamique et historique du phénomène migratoire, afin de montrer les tâtonnements, les incertitudes et les revirements de trajectoires certes individuelles, mais insérées dans un entrecroisement de relations qui partent du village d’origine pour s’étendre au niveau international.

Nicola Mai (Anthropologist, Reader in Migration Studies at London Metropolitan University)
Of trafficking and other networks: the moralist criminalisation of migrant networks supplying the sex industry

The granting of asylum and the social protection of vulnerable migrant groups have become strategic borders between the West and those of the Rest of the world. In the process, state benevolence and fundamental rights are allocated on the basis of the performance of ‘true’ victimhood scripts according to well-rehearsed politics of compassion. Anti-trafficking moral panics and social interventions play a strategic role within the deployment of these neoliberal governmentalities. By criminalising the involvement of young female and male migrants in the sex industry and the personal and professional networks they use to migrate in terms of trafficking and exploitation, the anti-trafficking paradigm enforces new embodied borders and hierarchies of mobility. Paradoxically, these reinforced borders and the parallel criminalisation of the networks of migrants working in the sex industry produce the exploitative conditions that anti-trafficking rhetoric and social interventions aim to eradicate.

Lionel Pascal (Expert douanier OMD et FMI, Bordeaux IV-Montesquieu )
Des contrôles déterritorialisés

Le passage en frontière est un franchissement « à la carte » ! Tout est fait pour obtenir des informations (renseignements) sur les personnes, les moyens de transport et les marchandises  avant que ces éléments se présentent.  Pour cela, les services utilisent leurs réseaux pour recueillir les données permettant de choisir la forme de contrôle adaptée aux risques présumés par une analyse informatique obligeant les agents à suivre les directives résultant de cette analyse. Les données recueillies arrivent de tous les autres services en charge de la sécurité et du croisement avec d’autres éléments archivés. Les inconnus et les suspects feront l’objet d’un contrôle approfondi.

Cédric Parizot (Anthropologue, IREMAM-CNRS, IMéRA)
Individualizing control, duplicating borders: Biosocial profiling, sponsorship and smuggling networks between Israel and the West Bank

This presentation focuses on sponsorship that Palestinians need from an Israeli citizen in order to apply to an entry permit into Israel. It shows that this rule makes the belonging to a network often more relevant than the bio-social profile of an individual regarding mobility access. Yet, this study does not merely assess the impact of an administrative procedure on people practices and rights. Based on ethnographic investigations carried out since the mid 1990s between Israel and the West Bank, studies the ways by which Israeli, Palestinian and international actors have taken over these regulations, and the power relations they entail, in order to serve their own interests and develop new economic activities. Relying on the assumption that personal networks are constitutive of mobility access, this presentation will explore the ways these re-appropriations of local actors and these networks restructure people relationships to space, territory and borders.

Wouter Van Den Broeck (Designer, Data-driven Exploration of Dynamical Networks)
The language of network representations

In this presentation I will outline a bottom-up analysis of the applications, mechanisms and constraints of network representations. This analysis will lead us from the basic nature of data and information, over the mechanisms of visual representation of information in general, to the grammar and semantics of network representations in particular.  Its aim is to provide a common ground for reasoning about networks and their representations across disciplines.

Christophe Bruno (artiste et commissaire d’expositions)
Art et réseau, cartographie de flux, cycles et échelles

Ses travaux (détournements, installations, performances, œuvres conceptuelles…) proposent une réflexion critique sur les phénomènes de réseau et de globalisation dans les champs du langage et de l’image. Il présentera quelques-unes de ses œuvres, notamment divers détournements de structures globales du Web 2.0, comme le « Google Adwords Happening », performance au sujet du prix des mots sur le réseau. Il montrera également ses projets plus récents comme le Dadamètre (www.iterature.com/dadameter) qui traite de cartographie des concepts sur le Web, et Artwar(e) (en collaboration avec le philosophe Samuel Tronçon, www.artwar-e.biz). Ce dernier projet concerne la gestion des risques et l’analyse de tendances dans le champ de l’art. S’inspirant à la fois de méthodes marketing comme les « cycles de hype », des « cycles de Kondratiev » du système-monde à grande échelle, et de la théorie contemporaine des réseaux,  Artwar(e) a pour objectif de détecter les phénomènes d’émergence, d’obsolescence et d’import-export de concepts, en particulier sur les réseaux sociaux. Il parlera aussi des travaux qu’il poursuit actuellement en tant que commissaire de l’espace virtuel du Jeu de Paume, avec les expositions « identités précaires » et « blow-up ».

Antoine Vion (Sociologue, LEST, Aix Marseille Université)
What does the representation of ‘transnational networks’ refer to ? Reconsidering data, contexts, and borders

A growing set of network studies is applied to transnational networks. Ontologically, the transnationality of links which structure such networks often seems to be taken for granted. This first calls for a conceptuel framework of transnational dynamics. But even if it is provided, paying attention to transnational networks supposes a sharp examination of data. A first question in this field is thus the reliability of the data collected. A second problem is related to the meaning which is carried out by representing transnational networks. Following Goodman & Elgin, referring to any object cannot be separated to the context within which it may be understood. This poses problems for designers and readers of graphical representations of transnational networks used in comparative or longitudinal studies. Sharing common backgrounds on contexts especially requires common abilities to spot the evolving political or social borders showed out by the graphs. Making these borders more explicit and discernible remains a huge challenge in this field, and demands a complex integration of data properties, context shifting and of social ways of  border-making.

« A quoi réfère la représentation des réseaux transnationaux ? Pour un nouvel examen des données, des contextes, et des frontières »

Les études de réseaux sont marquées par l’émergence d’un pan de plus en plus important d’analyses traitant de réseaux transnationaux. Ontologiquement, la question de la transnationalité des liens qui structurent de tels réseaux semble souvent tenue pour acquise, alors même que le modèle conceptuel qui sous-tend l’idée de dynamique transnationale doit être précisé. Mais même lorsque cela est établi, l’attention aux réseaux transnationaux suppose un examen scrupuleux des données, et de leur fiabilité au regard des critères définis. Un deuxième problème est lié au sens que produit la représentation des réseaux transnationaux. En suivant Goodman & Elgin, on rappellera que toute forme de référence est difficilement séparable d’un contexte qui rend possible une compréhension de l’objet. Cela pose à ceux qui dessinent ou lisent une représentation graphique de réseaux transnationaux un défi particulier lorsque les graphes appuient une étude comparative ou longitudinale. Partager des connaissances d’arrière-plan est nécessaire pour repérer les frontières politiques ou sociales que font ressortir les graphes, ce qui suppose des dispositions que tout le monde n’a pas. Il y a donc un enjeu à outiller la représentation graphique de ces frontières pour les rendre plus explicites et discernables, ce qui suppose l’intégration complexe de propriétés propres aux données, de changement de contexte et des modes d’existence sociale de la frontière.

Partenariat

IMéRA (Aix-Marseille Université), Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM, CNRS-AMU), Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, CNRS-AMU), Aix-Marseille Université, Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées (RFIEA), Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS

Photo: Cédric Parizot, Le mur de séparation, Sud de la Cisjordanie, 2006