Recherche, arts et pratiques numériques #31: Nouvelles écritures indisciplinées

Lundi 8 février 2021
14h-17h
Maison des astronomes
IMéRA, 2 place Le Verrier

Le séminaire se tiendra en mode hybride, depuis la Maison des astronomes à l’IMéRA de Marseille qui accueillera les participants,
et via la plateforme ZOOM [Lien vers le séminaire]

Art, design et sciences sociales

Francesca Cozzolino, Enseignante-chercheure, EnsadLab, laboratoire de recherche en art et design de l’École des Arts Décoratifs de Paris. Chercheure affiliée au Laboratoire d’Ethnologie et Sociologie Comparative (LESC, UMR 7186 CNRS/Université de Paris Nanterre)

Lucile Haute, Maîtresse de conférences en design à l’Université de Nîmes, chercheuse associée à EnsadLab, École des Arts Décoratifs de Paris.

Lors de cette séance, Francesca Cozzolino, exposera les enjeux épistémologiques et méthodologiques des nouvelles formes d’écriture en sciences sociales lorsqu’elles croisent la recherche en art et en design à partir de projets de recherche et expérimentations éditoriales développées au sein d’EnsadLab (laboratoire de recherche en art et design de l’École des Arts Décoratifs, de Paris). Dans un deuxième temps, Lucile Haute étudiera les formes de publication de la recherche-création, abordant succinctement les enjeux institutionnels puis se concentrera sur des cas concrets. Le corpus présenté réunira des publications imprimées, numériques et hybrides. Il s’agira d’en étudier la conception éditoriale, graphique et interactive, et jusqu’à leurs écosystèmes techniques. Dans la troisième partie de la séance, les deux chercheuses rendrons compte d’une expérience de publication expérimentale issue d’un projet de recherche-création engagé à EnsadLab et ayant donné lieu à l’ouvrage numérique intitulé : La création en actes. Enquête autour d’une exposition de Pierre di Sciullo. Le parti pris de cet ouvrage est de proposer des agencements visuels et sonores et des modalités interactives permettant une narration qui témoigne de la création en train de se faire. Il s’agit dès lors de reproduire dans un livre numérique la manipulation des œuvres au moyen non seulement d’une documentation des pièces in situ mais également d’une remédiation des principes interactifs de l’œuvre originale. Comment restituer, remédier ou traduire les expériences sensibles de la visite de l’exposition ? Quelle forme éditoriale donner à ce matériau réunissant des éléments de différentes natures : texte, entretiens, essai, vidéo, photographie ? Quels nouveaux agencements pouvons-nous imaginer entre données textuelles, visuelles et sonores ?

Comité d’organisation

Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU), Jean Cristofol (ESAAix, PRISM AMU/CNRS), Jean-Paul Fourmentraux (Centre Norbert Elias, CNRS/AMU/EHESS), Anna Guillo (LESA, AMU/CNRS), Manoël Penicaud (IDEMEC, CNRS/AMU)
Recherche, art et pratiques numériques est un séminaire transdisciplinaire qui s’intéresse aux
perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières.
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Image: Francesca Cozzolino et Lucie Haute

Entre, une hétérographie circassienne

De la création à la recherche

Entre est un projet de création artistique à mi-chemin entre le cirque, le théâtre et l’anthropologie met en place un dispositif art-science dont le but est d’explorer les formes alternatives d’écriture que peut offrir le spectacle vivant, et notamment le cirque, à la recherche en sciences sociales.

Ce projet a été initié par Vincent Berhault, jongleur, auteur et metteur en scène de la compagnie Les singuliers, il s’appuie sur une écriture collaborative qui associe étroitement les interprètes (Barthélémy Goutet, Benjamin Colin, Grégory Kamoun, Toma Roche et Xavier Kim) au niveau de l’écriture au plateau.

Un autre format d’écriture

Hétérographie circassienne, Entre propose ainsi une autre forme d’écriture, au croisement d’une démarche de création et de recherche. Les langages du corps et du mouvement s’associent à la communication verbale, non pas pour tenter de transmettre un message ou une analyse à propos de l’expérience ou du contrôle aux frontières, mais davantage pour amener les spectateurs à s’interroger sur les cadres et les images à travers lesquels ils envisagent et construisent ces phénomènes.

La démarche consiste à rechercher des résonnances entre les sources nourrissant l’écriture et des images évidentes sur le plateau. Sans didactisme, la performance circassienne se fait écho d’une idée, d’un concept ou d’une théorie. Le travail de recherche au plateau est ainsi stimulé et la dimension circassienne de l’écriture apparait particulièrement dans la mise à l’épreuve des corps, de tous les objets (scénographiques ou accessoires) ainsi que dans le questionnement permanent de la relation acteurs – objets – spectateurs.

Grâce au détournement des objets la question des échappatoires dont dispose l’homme face à un grand système de surveillance et de contrôle est aussi abordée. En réinventant l’usage de ce qui les entoure, parfois de manière absurde, les interprètes renvoient autant aux dysfonctionnements des systèmes de contrôle qu’aux multiples façons dont ils sont réappropriés, instrumentalisés et détournés par les entrepreneurs formels et informels qui se saisissent des opportunités générées par les fermetures des frontières aux mobilités humaines.

Photo, Cédric Parizot. Filage, Théâtre d’Arles, novembre 2017

De la mise en scène de la frontière à la déshumanisation des migrants

Entre est une pièce bouleversante, perturbante qui vient remettre en jeu notre rapport aux migrants et aux frontières. A une époque où nos responsables politiques instrumentalisent, à des fins électoralistes, l’arrivée de migrants qui fuient la misère et les guerres, et appellent à la surenchère sécuritaire, cette pièce est d’une grande actualité.

Elle démarre avec une certaine pesanteur, autour d’un récit tragique, celui d’un homme, Merhan Karimi Nasseri, cet Iranien qui resté 16 ans enfermé dans le Terminal 1 de Roissy en attendant de voir dans l’attente d’un règlement de sa situation administrative. D’emblée, la lenteur de ses mouvements et de son rythme d’élocution tranchent avec le rythme effréné avec lequel se déplace quelques passagers en transit. Ce sentiment de déphasage ne cesse de croître, au fur et à mesure que la pièce superpose et mêle, aux prises de paroles de cet homme, enfermé dans la circulation, des scènes qui mettent successivement en jeu le contrôle des flux de passagers, le personnel chargé du nettoyage, la formation de futurs contrôleurs, des humanitaires interviewant des migrants, un chercheur en conférence, etc. La multiplication de ces fragments, l’accélération progressive du rythme du jeu viennent noyer le récit et la vie de cet homme pour leur donner un caractère presque anecdotiques. Et c’est là une des forces de Entre, celle d’insister sur la déshumanisation des migrants qu’entraine toute la dramaturgie autour des frontières contemporaines.

Mais la pièce va beaucoup plus loin. Oscillant entre nouveau cirque et théâtre, alternant entre tragique et burlesque, Entre mobilise une écriture et une mise en scène qui ne laissent jamais au spectateur le temps de s’installer confortablement dans un registre qu’il maîtrise. Entre nous interroge donc doublement : tout d’abord, sur le regard et l’attitude que nous devons adopter à l’égard de ces migrants et du contrôle aux frontières ; et ensuite, sur la légitimité des formes artistiques et scientifiques à travers lesquelles nous pouvons évoquer, penser et aborder les phénomènes qui touchent nos sociétés.

Photo, Cédric Parizot. Filage, Théâtre d’Arles, novembre 2017

Presse

Anaïs Heluin, « La frontière au risque de l’art« , Sceneweb.fr, 18 octobre 2018
Sarah Franck, « Entre. Une parabole sur les notions de frontière et de migration. Entre les mondes, entre les arts.« , Arts-chipels.fr, 19 octobre 2018
Mathieu Dochtermann, « ‘Entre’ Les frontières, ou les limbres du monde globalisé« , Toutelaculture.com, 17 octobre 2018
Valérie de Saint-Do, « De l’air!« , Débords, Media Part, 19 octobre 2018

Création

Auteur et metteur en scène: Vincent Berhault

Une partie de l’écriture du spectacle résulte d’une recherche au plateau, les interprètes sont donc tous également inscrits comme auteurs au répertoire.

Avec: Barthélémy Goutet, Benjamin Colin, Grégory Kamoun, Toma Roche et Xavier Kim.

Composition musicale: Benjamin Colin

Contribution à l’écriture : Cédric Parizot – Anthropologue du politque

Costumes: Barthélémy Goutet

Création lumière: Benoit Aubry

Construction décor : Plug In Circus

PARTENARIATS

Co-productions et accueil en résidence :

Théâtre d’Arles, scène conventionnée art et création – nouvelles écritures
Cie 36 du mois – Cirque 360
Pôle National des Arts du Cirque de la Verrerie, Alès
L’Espace Périphérique de la Villette, Paris

Accueils en résidence de recherche/labos :

L’échangeur à Bagnolet du 20 au 22 juillet 2015
2R2C Paris – laboratoire de recherche du 12 au 15 octobre 2015.
Centre des arts et du Mouvement (CIAM) Aix-en-Provence – laboratoire de recherche du 24 et 25 février 2016.
Le Point HauT, lieu du pOlau à St pierre des Corps – recherches scientifiques et typographiques du 4 et 11 mars 2016.
Le vent se lève Pantin – laboratoire de recherche du 7 au 8 mai 2016.
Atelier du plateau Paris – étape de recherche avec les interprètes du 30 mai au 4 juin 2016.

Accueils en résidence de création :

Académie Fratellini Saint-Denis – du 27 juin au 2 juillet 2016.
l’Espace Périphérique de la Villette Paris – du 20 au 24 février 2017.
Théâtre Sylvia Monfort Paris –du 27 février au 3 mars 2017.
Cie 36 du mois – Cirque 360 – du 10 au 21 avril 2017.
PNAC de la Verrerie Alès – du 22 mai au 2 juin 2017.
Ville du Plessis-Paté – du 15 au 22 septembre 2017
Théâtre d’Arles – du 23 octobre au 6 novembre 2017.

Soutiens et Subventions :

aide à la production dramatique de la DRAC Ile-de-France
aide à la création pour les Arts du Cirque de la DGCA
soutien de la SACD / Processus Cirque
aide au projet de la Région Ile-de-France
Institut de Recherche et d’Etude sur le Monde Arabe et Musulman (UMR7310, Aix Marseille Université, CNRS)
Institut d’Etudes Avancées (IMéRA) d’Aix Marseille Université
aides à la création de l’ADAMI et de la SPEDIDAM

Représentations antérieures

Théâtre d’Arles, 7 et 8 novembre 2017
La verrerie d’Alès, 10 novembre 2017
Théâtre Le Monfort, Paris, 15-18 mars 2018, Festival des illusions
Théâtre de l’Echangeur, 16-20 octobre 2018

Recherche, art et pratiques numériques #1: introduction

Mercredi 13 Janvier 2016,
IMéRA,
2 place Le verrier,
13004 Marseille

Comité d’organisation : Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU), Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence), Benoit Fliche (IDEMEC, CNRS/AMU), Jean-Paul Fourmentraux (LESA, AMU, Centre Norbert Elias, EHESS)

Introduction

Ce séminaire transdisciplinaire s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières. (Lire la suite)

Jean Cristofol, philosophe, Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence
Art, sciences et processus exploratoires

La vieille question des relations entre arts et sciences a pris, depuis quelques années, une nouvelle actualité. Elle s’est aussi transformée, élargie, renouvelée. Il est donc nécessaire de l’aborder autrement. Il faut s’interroger sur la diversité des formes de la connaissance scientifique elle-même et sur le rôle des sciences humaines et sociales. Il faut tenir compte de l’impact des technologies de l’information et du développement des techno-sciences. Mais il fait aussi prendre en compte l’évolution des pratiques artistiques elles-mêmes. On a encore tendance, quand on pense à l’art, et en particulier aux arts plastiques ou visuels, à faire référence aux pratiques traditionnelles de la peinture, de la sculpture, du dessin et aux différentes disciplines qui leurs sont associées. Pourtant, dès le XIX° siècle avec la photographie, puis de plus en plus largement au XX° siècle avec le cinéma, la vidéo, les pratiques artistiques se sont considérablement diversifiées. Les technologies numériques ont radicalement généralisé et prolongé ce déplacement, parce qu’elles ne constituent plus un médium ni même un média particulier, mais qu’elles se développent à l’échelle de la société toute entière. Elles en pénètrent, traversent et font muter l’ensemble des pratiques, qu’elles soient de conception, de communication ou de production. Les artistes se trouvent de plein pied dans ce qui constitue la matière même dans laquelle s’articulent les relations à la connaissance et à l’action. La diversification et la transversalité des pratiques artistiques contemporaines, qu’elles fassent usage ou non des technologies numériques, ne peuvent se comprendre sans prendre en compte le caractère fondamental de ces bouleversements, parce qu’ils touchent à la matière même dans laquelle la culture s’articule.

Jean-Paul Fourmentraux, sociologue, LESA, AMU, Centre Norbert Elias, EHESS
Créer à l’ère numérique : arts, sciences, technologies

Qu’est-ce que « créer » dans un contexte interdisciplinaire hybridant arts, sciences et technologies numériques ? Depuis une vingtaine d’années le numérique bouscule les frontières entre des domaines de l’activité artistique qui étaient jusque-là relativement cloisonnés : arts plastiques, littérature, spectacle vivant, musique et audiovisuel. Nombre de projets artistiques en lien avec les technologies informatiques et multimédias mettent en œuvre des partenariats pluridisciplinaires où cohabite le théâtre, la danse, le cinéma ou la vidéo et le son. La création artistique et la recherche technologique, qui constituaient autrefois des domaines nettement séparés et quasiment imperméables, sont aujourd’hui à ce point intriqués que toute innovation au sein de l’un intéresse (et infléchit) le développement de l’autre. Les œuvres hybrides qui résultent de leur interpénétration rendent irréversible le morcellement des anciennes frontières opposant art et science. La manière inédite dont celles-ci se recomposent amène à s’interroger d’une part sur l’articulation qui, désormais, permet à la recherche et à la création d’interagir, et d’autre part sur la redéfinition des figures de l’artiste ainsi que des modes de valorisation des œuvres spécifiques à ce contexte. Car plus que de transformer seulement les modalités du travail de création, un enjeu tout aussi important de ces partenariats réside dans la nécessaire redéfinition de la (ou des) finalité(s) de ce qui y est produit. La question cruciale devenant alors celle de la clôture de l’œuvre et de ses mises en valeurs entre logiques artistiques (qualité esthétique, projet d’exposition) et technologiques (recherche et développement, transfert industriel). Le suivi d’« affaires » de recherche-création en art numérique (Fourmentraux 2013) nous permettra d’éclairer en effet ces enjeux renouvelés qui entrainent une transformation des modes d’attribution et de valorisation des œuvres, partagées entre art, science et développement technologique.