Claude Chuzel – X-ray

Claude Chuzel
X-Ray
2006

Dans X-ray, la peinture vient interroger l’image photographique et devient le signe même du regard. Une photo de passagers clandestins dans un camion de bananes destinée à la promotion d’un matériel sophistiqué de détection aux rayons X devient le canevas sur lequel vont s’inscrire des formes peintes, provoquant des intentions de regard, de la compassion à la mise à distance. Cette peinture sur photo interroge les frontières du visible, à travers l’utilisation des rayons X, le contexte de mondialisation économique et le champ artistique, par la confrontation des médiums.

Claude Chuzel artiste protéiforme, montre le monde du doigt, par la vidéo, la photo ou la peinture. Plasticienne, agrégée de lettres, elle vit et travaille à Paris. Ses travaux traversent la photo, l’écriture, la vidéo, la peinture comme un voilà des choses. Un mode de production par mutations. À travers différents états et traitements de l’image se produit un dérèglement des codes de la représentation, une effraction.

Hackitectura – Cartographie Critique de Gibraltar

Hackitectura
Cartographie Critique de Gibraltar
2004

En 2004, une équipe de collaborateurs a développé le projet d’une cartographie des territoires géopolitiques du détroit de Gibraltar. Deux cartes papier présentent des lectures alternatives de ce territoire unique. Parallèlement aux flux migratoires passant les frontières, Hackitectura propose une cartographie des réseaux qui se déploient dans le détroit: ceux liés au complexe militaro-industriel, les réseaux financiers, de communication et de surveillance.

Hackitectura (2001 – 2012) est un groupe d’architectes, de programmeurs, d’artistes et d’activistes qui se consacrent à l’étude théorique et pratique des corps en mouvement et des flux électroniques, dans les territoires émergents qui incluent un espace physique. Se déplaçant en douceur entre l’espace numérique et physique, utilisant des logiciels libres, et explorant de nouvelles formes de grille de production, le noyau se compose de Pablo Soto, Sergio Moreno et Jose Perez de Lama, alias osfa. Ces derniers travaillent régulièrement avec des personnes de réseaux différents et à géométrie variable, locale et globale. Parmi les projets auxquels ils ont collaboré, on retrouve le GISS (Stream Global Support indépendant, 2005-2007), Indymedia Détroit (2003-2007), Fadaiat (Tarifa – Tanger, 2004-2005), Emerging Géographies TCS2, Estrémadure (2007) ou Libertés Plaza, Sevilla (2005-2007).

Ken Rinaldo – Paparazzi Bots

Ken Rinaldo
Paparazzi Bots
Série de robots autonomes

Les Paparazzi Bots sont une série de cinq robots autonomes à taille humaine. Composés de plusieurs caméras, de capteurs et d’actionneurs robotiques sur une plate-forme à roulement, ils se déplacent à la vitesse de marche d’un être humain, en évitant les murs et les obstacles grâce à des capteurs infrarouges. Ils cherchent une seule chose, prendre des photos de personnes et rendre ces images publiques. Chaque robot prend de façon autonome la décision de photographier certaines personnes, tout en en ignorant d’autres. Les technologies de surveillance reposent sur un équilibre délicat dans notre culture contemporaine entre protection et intrusion, où nous sommes tous photographiés à notre insu par les téléphones cellulaires, les caméras cachées.

Ken Rinaldo est un artiste et théoricien qui crée des installations multimédias interactives qui brouillent les frontières entre l’organique et l’inorganique. Il a travaillé à l’intersection de l’art et de la biologie depuis plus de deux décennies en robotique interactive, art biologique, vie artificielle, communication inter espèces, imagerie numérique et prototypage rapide. Ses œuvres ont été commandées et exposées dans divers musées, galeries et festivals (Perth, Madrid, Linz, Kiasma, Sydney, Chicago, Séoul, Rotterdam, Los Angeles, San Francisco).

Amy Franceschini – Finger Print Maze

Amy Franceschini
Finger Print Maze

Fingerprint Maze est une installation artistique qui utilise le langage des jeux vidéo pour nous laisser errer dans un labyrinthe en 3D construit à partir de notre propre empreinte digitale scannée. En jouant un jour aux jeux vidéo avec des amis, Amy Franceschini a imaginé pénétrer à l’intérieur de sa propre empreinte et chercher son chemin à l’intérieur de gorges tortueuses comme on le ferait à l’intérieur d’un labyrinthe. Un scanner prend l’empreinte digitale d’un participant, la modélise en un labyrinthe virtuel en trois dimensions et l’image est ensuite projetée sur un mur. Le participant peut alors entrer dans le labyrinthe de son empreinte digitale comme s’il s’agissait d’un labyrinthe topiaire.

Amy Franceschini est une pionnière dans le domaine du net art, une forme d’art qui est créé, distribué et vécu au travers d’Internet. Elle est la fondatrice de Futurefarmers, un groupe collaboratif entre art et design consacré à l’expression des intérêts environnementaux et communautaires au travers des médias numériques. Amy Franceschini a également contribué en 1995 au démarrage d’Atlas, un magazine en ligne et a enseigné l’art et le design dans différentes écoles, ainsi qu’à l’université de Stanford. Elle a exposé au Yerba Buena Center for the Arts, au Cooper-Hewitt, au National Design Museum et à la Transmediale de Berlin. Elle a été invitée, avec Futurefarmers à participer à la Whitney Biennal 2000.

Cédric Parizot & Douglas Edric Stanley – A Crossing Industry

A Crossing Industry est un jeu vidéo en cours d’élaboration qui plonge le joueur dans le monde de l’industrie informelle du passage qui prospère au 21ème siècle le long des frontières séparant les pays pauvres des pays riches de la planète. Fondé sur la recherche de terrain d’un ethnographe (Cédric Parizot), en Israël/Palestine, il explore de nouvelles formes d’interaction entre la recherche et la création artistique. Sa réalisation implique les étudiants de l’Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, sous la direction de Douglas Edric Stanley, artiste et enseignant. Ensemble, ils s’emparent de la recherche et des réflexions de Cédric Parizot sur l’industrie de passage frontalier pour développer une démarche artistique avec ses propres enjeux esthétiques et narratifs.

Auteurs : Cédric Parizot – anthropologue, chargé de recherche au CNRS (Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (AMU, Aix en Provence) et Douglas Edric Stanley – artiste et enseignant (Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence)

Etudiants de l’Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence : Tristan Fraipont, Emilie Gervais, Matthieu Gonella, Martin Greffe, Bastien Hude

Iconographie : Matthieu Gonella

Pour plus d’éléments sur cette expérimentation, voir A Crossing Industry, un jeu vidéo documentaire et artistique

Atelier 8 : Fictions de Frontières

13 et 14 juin 2013
Institut Méditerranéen de Recherches Avancées – IMéRA (AMU)
Maison des Astronomes, Marseille

Comité d’organisation: Nicola Mai (IMéRA, London Metropolitan University), Cédric Parizot (IMéRA, IREMAM, CNRS-AMU)

« Quelle est la relation entre la matérialité et la représentation des frontières? Est-ce que les technologies contemporaines ont fondamentalement modifié cette relation? Est-ce que les cartes représentent ou engendrent des territoires ? Ce séminaire évaluera l’impact des changements technologiques contemporains  sur la relation entre la représentation et l’expérience des frontières ainsi que sur les formes de conscience associées. Il mettra en œuvre une perspective transdisciplinaire en réunissant des chercheurs en sciences humaines (historiens, sociologues, anthropologues, géographes, philosophes, politologues), en sciences dures (intelligence artificielle, informatique) et des artistes (webart, hypermédia, arts plastiques). Dans le premier atelier sur les «Fictions de frontières», les conférenciers discuteront de la façon dont les récits fictifs et les interventions artistiques (films, installations artistiques, spectacles) sont impliqués dans les expériences incarnées des réalités et des territoires frontaliers. Dans le second atelier «Représentations frontiérisantes», les artistes et les chercheurs s’appuieront sur leur propre travail  pour discuter de l’impact des technologies actuelles sur la représentation et l’expérience des frontières. Enfin, le troisième atelier examinera comment l’introduction de nouvelles «Contre-Fictions Art-Science» offre la possibilité de revivre, re-conceptualiser et de redessiner les frontières entre l’art et la science ainsi que celles entre l’écriture, l’expérience et les territoires. »

Jorge Luis Borges, De la Rigueur des Sciences, 1946

« En cet empire, l’Art de la Cartographie fut poussé à une telle Perfection que la Carte d’une seule Province occupait toute une Ville et la Carte de l’Empire toute une Province. Avec le temps, ces Cartes Démesurées cessèrent de donner satisfaction et les Collèges de Cartographes levèrent une Carte de l’Empire, qui avait le Format de l’Empire et qui coïncidait avec lui, point par point. Moins passionnées pour l’Étude de la Cartographie, les Générations Suivantes réfléchirent que cette Carte Dilatée était inutile et, non sans impiété, elles l’abandonnèrent à l’Inclémence du Soleil et des Hivers. Dans les Déserts de l’Ouest, subsistent des Ruines très abîmées de la Carte. Des Animaux et des Mendiants les habitent. Dans tout le Pays, il n’y a plus d’autre trace des Disciplines Géographiques »

Suarez Miranda, Viajes de Varones Prudentes, Lib. IV, Cap. XIV, Lerida, 1658

« Aujourd’hui l’abstraction n’est plus celle de la carte, du double, du miroir ou du concept. La simulation n’est plus celle d’un territoire, d’un être référentiel, d’une substance. Elle est la génération par les modèles d’un réel sans origine ni réalité : hyperréel. Le territoire ne précède plus la carte, ni ne lui survit. C’est désormais la carte qui précède le territoire – précession des simulacres – c’est elle qui engendre le territoire et s’il fallait reprendre la fable, c’est aujourd’hui le territoire dont les lambeaux pourrissent lentement sur l’étendue de la carte. C’est le réel, et non la carte, dont les vestiges subsistent çà et là, dans les déserts qui ne sont plus ceux de l’Empire, mais le nôtre. Le désert du réel lui-même. »

Jean Baudrillard, Simulacres et Simulation, 1981

Border Fictions/Fictions de Frontières

Bernard Guelton (Arts, Paris, UMR ACTE, CNRS, Université Paris 1)
Fiction de Frontières : Dispositifs Fictionnels et Virtuels/ Border Fictions: Virtual and Fictional Mechanisms from antiAtlas of Borders

Michelle Stewart (Film Studies, Résidente IméRa, State University of New York)
Traveling Shots: Cinema, Migration and Borders/Cadrages Mobiles: Cinema, Migration et Frontières

Nicola Mai (Résident IMéRA, London Metropolitan University)
Re-assembling Samira: antiAtlas work in progress installation/Le Ré-assemblage de Samira : présentation du ‘travail en cours’  pour l’exposition antiAtlas

Re-Bordering Representations /Representations Frontièrisantes

Jean Cristofol (Philosophe, École Supérieure d’Art d’Aix en Provence)
Distance and Proximity in a Multidimensional Space/Distance et Proximité dans un Espace Multidimensionnel

Larisa Dryansky (Histoire de l’Art, Université Paris-Sorbonne, Paris IV)
Border and Utopia in the Work of Dennis Oppenheim/Frontière et Utopie chez Dennis Oppenheim

Philippe Rekacewicz (Journaliste et Cartographe, Le Monde Diplomatique ; MIT Program for Art, Culture and Technology)
Cartographie entre Art, Science et Politique/ Cartography between Art, Science and Politics

Art-Science Counter-fictions/Contre-Fictions Art-Science

Susan Ossman (Anthropology, University of California Riverside)
The Arts of the Border: A Transnational Creative Conversation/L’Art de Frontières : une Conversation Créative Transnationale

David Napier (Social Anthropology, University College London)
Undoing the Dichotomy of Self and Other across Immunology, Anthropology and Art/Problematiser la Dicotomie entre Soi et Autre à travers l’Immunologie, l’Anthropologie et l’Art

Maggie O’Neill (Critical and Cultural Criminology, University of Durham)
Transgressive Imaginations: Border Spaces, Ethnography and Performance Art/Les Imaginations Transgressives : Espaces Frontière, Ethnographie et Performance Art

Résumés / Abstracts

Bernard Guelton (Arts plastiques et sciences de l’art, Paris, UMR ACTE, CNRS, Université Paris 1)
Fictions de frontières : dispositifs fictionnels et virtuels

Que deviennent la recréation et l’exploration de l’espace fictionnel lorsque celui-ci ne se conçoit plus du point de vue d’un sujet immobile, mais à travers ses déplacements et ses actions dans les jeux en réalités alternées  ? Une part croissante d’artistes met en œuvre des situations en réalités alternées qui ménagent des confrontations entre univers réels, virtuels et fictionnels et simultanément celles du territoire et de ses frontières. Ici, l’espace physique devient le cadre pour déployer un engagement fictionnel où les actions, la mobilité du sujet et les interactions avec d’autres participants deviennent déterminantes. La cartographie dynamique peut constituer un élément essentiel pour structurer ces différents contextes sous le mode des interactions situées. Elle permet de coordonner la géolocalisation des participants, leurs interactions, et les contenus fictionnels associés à des emplacements réels dans un espace urbain avec les scénarios et les règles mises en jeu. Dans les jeux en réalités alternées, la mobilité des joueurs et les appareillages sollicités sont déterminants. Ils impliquent des situations d’immersion réelle, virtuelle et fictionnelle qui interrogent la construction et les limites des lieux qu’ils soient ludiques ou institutionnels. Ces questions seront exemplifiées à travers un ou deux dispositifs de jeux en réalités alternées. 

Border Fictions: Virtual and Fictional Mechanisms

What do the reproduction and exploration of fictional space become if the latter is not seen as an immobile subject but through its displacements and actions in alternated realities? An increasing number of artists create situations in alternated reality negotiating simultaneously confrontations between real, virtual and fictional universes, territories and their borders. Here physical space becomes the context for the deployment of a fictional engagement where actions, mobility of the subject and interactions with others become determinant. Dynamic cartography can constitute an essential element to structure these different contexts according to situated interactions. It coordinates the geolocalisation of participants, their interactions and the fictional contents that are associated with real places in urban settings by following the scenarios and rules of games. Within games taking place in virtual worlds the mobility of players and the required equipment are determinant. They imply situations of real, virtual and fictional immersions that interrogate the construction and limits of leisurely or institutional places. These issues will be exemplified through one or two games in virtual reality.

Michelle Stewart (Cinema Studies, Résidente IméRa, State University of New York)
Traveling Shots: Cinema, Migration and Borders

Borders became sites of security with the modern state’s consolidation of its monopoly on violence within mapped territories.  As such, the experience of the border and passage across has been a problem, both theoretical and material, for some time.  Yet now, with the increasing porousness of borders for the ever more rapid transfer of capital, we find that the physical experience and political discourse of the border have hardened exponentially.  Technological advances have permitted greater securitization and surveillance regimes for these sites of passage.  In recent cinema, a number of filmmakers have crafted parallel aesthetics in an attempt to visualize the phenomenological toll and the political consequences of this border regime.  Via close analysis and comparison of these works that traverse the borders of North America, Europe, and Africa, we see how border fictions intervene in the politics of fortification and exclusion.

Cadrages mobiles: cinéma, migration et frontières

Avec la consolidation du monopole de la violence par l’État moderne dans les territoires cartographiés, les frontières sont devenues des sites sécuritaires. À ce titre, l’expérience de la frontière et de sa traversée sont devenus un problème, théorique et matériel, pendant un certain temps. Cependant, aujourd’hui, avec la porosité croissante des frontières, notamment en raison du transfert de plus en plus rapide du capital, nous constatons que l’expérience physique et le discours politique de la frontière ont durci de façon exponentielle. Les progrès technologiques ont permis la mise en place de régimes de « sécuritisation » et de surveillance de ces sites de passage. Dans le cinéma contemporain, un certain nombre de cinéastes ont conçu des esthétiques parallèles dans le but de visualiser le coût phénoménologique et les conséquences politiques de ces régimes frontaliers. A travers une analyse approfondie et la comparaison de ces œuvres qui traversent les frontières de l’Amérique du Nord, de l’Europe et de l’Afrique, nous verrons comment les fictions de frontières contribuent à la politique de fortification et d’exclusion.

Nicola Mai (Résident IMéRA, London Metropolitan University)
Re-assembling Samira: antiAtlas work in progress installation

The humanitarian protection of vulnerable migrant groups has enforced new biographical borders. Fundamental rights are allocated on the basis of the performance of ‘true’ victimhood repertoires and scripts, reproducing the suffering of the migrant to obtain state benevolence and legal migration status. Gender and sexuality have become strategic narrative repertoires through which humanitarian and biographical borders are inscribed on the bodies of migrants. The Emborders filmmaking/research project reproduces the different performances and narratives of migrants targeted by humanitarian protection as they emerge in interviews with authorities, with social researchers and with peers and families. It draws on real stories and real people, which are performed by actors to protect the identities of the original interviewees and mirror the inherently fictional nature of any narration of the self. By using actors to reproduce real people and real life histories, the project ultimately challenges what constitutes a credible and acceptable reality in scientific, filmic and humanitarian terms.

Le Réassemblage de Samira : présentation du ‘travail en cours’ pour l’exposition antiAtlas

La protection humanitaire des groupes de migrants vulnérables a imposé de nouvelles frontières biographiques. Les droits fondamentaux sont attribués sur la base de la performance de «vrais» répertoires et scripts de victime, qui reproduisent la souffrance des migrants afin d’obtenir la bienveillance de l’Etat et le statut de migrants légaux. Genre et sexualité sont devenus des répertoires narratifs stratégiques à travers lesquels les frontières humanitaires et biographiques sont inscrites sur les corps des migrants. Le projet de film/recherche Emborders reproduit les différentes représentations et les récits des migrants visés par la protection humanitaire tels qu’ils ressortent des entretiens avec les autorités, avec des chercheurs en sciences sociales, avec leurs pairs et leurs familles. Il s’appuie sur des histoires réelles de gens réels, mais qui ont été performées par des acteurs afin de protéger l’identité des personnes interrogées et refléter la nature intrinsèquement fictive de toute narration de soi. En utilisant des acteurs pour reproduire ces vraies personnes et leurs histoires de vie, le projet remet en cause ce qui constitue finalement une réalité crédible et acceptable en termes scientifiques, filmiques et humanitaires.

Jean Cristofol (Philosophe, École Supérieure d’Art d’Aix en Provence)
Distance et Proximité dans un Espace Multidimensionnel

Les récits des fictions dont nous sommes héritiers mettent en œuvre un espace homogène qui s’articule sur les oppositions du proche et du lointain, de la distance et de la proximité, de l’ici et de l’ailleurs. La figure du voyage, celle de l’utopie, de l’ile ou du passage de la frontière en sont les incarnations. Mais ces figures ne sont pas seulement de libres constructions imaginaires, elles sont aussi générées par les médiums dans lesquels elles sont articulées et elles sont concrètement produites par la relation aux modes d’existence techniques et sociaux d’une époque. Quand les échanges et les déplacements sont déterminés par les flux informationnels et que des dispositifs autonomes ubiquitaires agissent sur nos modes de perception et nos capacités directes d’action, comment pouvons-nous les penser et les mettre en œuvre ? Que devient notre relation à l’espace quand celui-ci se construit dans une complexité qui vient bouleverser les façons de comprendre le sens même de ce qu’on appelle la distance ou la proximité ?

Distance and Proximity in a Multidimensional Space

The fictional accounts which we inherit produce a homogeneous space that is articulated by the oppositions between the near and the far, distance and proximity, here and elsewhere. Figurations of travel, utopia, of islands or of border crossings are the incarnations of such oppositions and dynamics. But these figurations are not simply free imaginary constructions. They are generated by the media and produced by the technological and social arrangements of each era. How can we think and enact exchanges and displacements that are currently determined by information flows, while ubiquitous and autonomous mechanisms influence our capacity to reflect and act? How does our relationship to space changes when space is framed by a complexity that overturns the way in which we understand distance or proximity?

Larisa Dryansky (Histoire de l’Art, Université Paris-Sorbonne, Paris IV)
Frontière et Utopie chez Dennis Oppenheim

Cette communication entend cerner les aspects fictionnels des travaux associés au Land Art en s’appuyant sur le cas exemplaire de l’œuvre de Dennis Oppenheim. Que ce soit avec ses Site Markers, ses inscriptions cartographiques sur le terrain, ou ses « transferts » et « transplantations », Oppenheim a fait de la réflexion sur la notion de site un axe majeur de sa production. En même temps, sa démarche, en articulant non-lieux de l’art et non-localisation, se détache fortement de l’idée de site-specificity. Pour préciser cette approche, nous nous attarderons en particulier sur les œuvres traitant de la frontière que nous envisagerons à la lumière des thèses de Louis Marin sur l’Utopie.

Border and Utopia in the Work of Dennis Oppenheim

This paper addresses the fictional nature of the works associated with Land Art using Dennis Oppenheim’s oeuvre as a case study. The notion of “site” is a cornerstone of Oppenheim’s Land Art pieces as demonstrated by his Site Markers, his works involving the scribing of maps on the ground, and his various operations of “transferring” and “transplanting” spaces. At the same time, his approach, which articulates artistic non-places and a strategy of non-localization, runs counter to the idea of site-specificity. This is particularly apparent in Oppenheim’s treatment of the concept of borders, which may be fruitfully compared with Louis Marin’s writings on Utopics.

Philippe Rekacewicz (Journaliste et Cartographe, Le Monde Diplomatique ; MIT Program for Art, Culture and Technology)
Cartographie entre Art, Science et Politique/ Cartography between Art, Science and Politics

Susan Ossman (Anthropology, University of California Riverside)
The Arts of the Border: A Transnational Creative Conversation

Borders have a special significance for people who have settled in several homelands. I have carried out extensive research on this topic. Recently, I published Moving Matters: Paths of Serial Migration. But it is not the book or my findings that will be the subject of this presentation: rather, I will describe and analyze the artistic project that has emerged in response to the book. In May in Riverside, California. “The Arts of Migration” brought together serial migrant visual artists, dancers, actors and writers, including several who figure in the book.  Some performances such as artist Beatriz Mejia-Krumbien’s “Mi Tiempo, Mein Raum, My Map” address the question of how borders become life chapters; others like Paulo Chagas’ musical composition “Einblick” addresses the accumulated experience of border crossings. Alexandru Balesescu’s story “Dark Green Fade to Black” fictionalizes encounters among serial migrants and “ordinary” migrants in Istanbul, while Natalie Zervou explores the way  “Gestural Landscapes” travel with bodies in her choreography. In a dialogue about their shared life in East Asia, north America, Europe and Central Asia over thirty years, Barbara and Stephen James offer a moving illustration of the idea of ‘the poetics of attachment.” By working through art to respond to my research on borders and their relationship to specific life paths and subject formations, the collaborative arts project offered a unique type of critique. Through art, much of what any book inevitably leaves out could be expressed and shared.  Thus, the project opened up the project to further forms of research and new audiences. It offers an original way of generating cross-disciplinary, transnational conversations that bridge the social sciences, the humanities, and the arts. The discussions after the performances led to the conception of a manner of generating a “transnational workshop,” creating a website and making a film based on this project. These discussions are themselves a fascinating moment in the research process which I will attempt to analyze in this presentation.

Les arts de la frontière : une conversation créative transnationale.

Les frontières ont une signification particulière pour les personnes qui se sont installées dans plusieurs pays. J’ai effectué des recherches approfondies sur ce sujet. Récemment, j’ai publié Moving Matters: Paths of Serial Migration. Mais ce n’est pas ce livre ou mes conclusions qui feront l’objet de cette présentation. Je décrirai et analyserai le projet artistique qui a émergé en réponse au livre. En mai à Riverside, en Californie, «Les Arts de la migration» a réuni une série d’artistes visuels migrants, danseurs, acteurs et écrivains, dont plusieurs qui figurent dans le livre. Certains spectacles comme ceux de l’artiste Beatriz Mejia-Krumbien « Mi Tiempo, Mein Raum, My Map » s’intéressent à la manière dont les frontières deviennent les chapitres de la vie ; d’autres comme la composition musicale « Einblick » de Paulo Chagas traitent de l’expérience accumulée des postes frontaliers. L’histoire de Alexandru Balesescu « Dark Green Fade to Black » fictionnalise les rencontres entre « migrants en série » et les migrants « ordinaires » à Istanbul ; tandis que Natalie Zervou explore la manière dont les « Paysages Gestuels » voyagent avec les corps dans sa chorégraphie. Dans un dialogue à propos de leur vie commune pendant plus de trente ans en Asie de l’Est, en Amérique du Nord, en Europe et en Asie centrale, Barbara et Stephen James offrent une illustration mouvante de l’idée de «la poétique de l’attachement ». L’art a permis de répondre à certaines de mes questions sur les frontières et sur les relations entre d’un côté, mes recherches et, de l’autre, les chemins de vie spécifiques et la formation du sujet. Ce faisant, le projet d’art collaboratif a offert un type de critique inédit. A travers l’art, beaucoup de ce que n’importe quel livre laisse inévitablement de côté pourrait être exprimé et partagé. Ainsi, le projet a ouvert des pistes vers d’autres formes de recherche et vers de nouveaux publics. Il propose une façon originale de générer des conversations interdisciplinaires et transnationales qui lient les domaines des sciences sociales, des sciences humaines et des arts. Les discussions après les représentations ont conduit à la conception d’un «atelier transnational » original, la création d’un site Web et la réalisation un film à partir du projet. Ces discussions ont elles-mêmes été un moment fascinant dans le processus de recherche que je vais essayer d’analyser dans cette présentation.

David Napier (Social Anthropology, University College London)
Changing Borders of Selves and Others: The Implications of Symbiosis for Boundary Construction and Maintenance

Aristotle famously said that “what makes the world one will also be what makes a person’. This talk focuses on the implications of new and emerging understandings of malleable boundaries for traditional constructions of borders and borderlands. Does what biology tells us about selfhood have major implications for ancient and time-honored notions of boundaries—that is, what they are and how they are maintained? Do we actually need radical categories to make sense of life as we now think we know it, or are there meaningful subaltern spaces emerging in which constructive difference can be ameliorated through various intellectual and artistic interventions? Are we now approaching, if unknowingly, a new threshold in our understanding of the limitations in our thinking about boundaries as base-line categorical imperatives? In this talk, the meaningfulness of such questioning is (playfully) examined.

Les frontières changeantes du Soi et des Autres: Les implications de la symbiose pour la construction et l’entretien des limites

Aristote disait que «ce qui fait le monde, est aussi ce qui fait une personne». Cette conférence se concentre sur les implications des formes nouvelles et émergentes de compréhension des limites malléables dans le processus des constructions traditionnelles des frontières et des régions limitrophes. Est-ce que ce que nous dit la biologie à propos du soi remet en cause les notions anciennes et séculaires que nous avons des frontières? Avons-nous réellement besoin de catégories radicales pour donner un sens à la vie telle que nous croyons la connaître, ou y a-t-il des espaces subalternes signifiants émergents où la différence constructive peut être améliorée grâce à diverses interventions intellectuelles et artistiques? Approchons-nous maintenant, même inconsciemment, un nouveau seuil dans notre compréhension des limites dans notre réflexion sur les frontières? Dans cette présentation, j’aborderai de manière ludique le caractère significatif de ce questionnement.

Maggie O’Neill (Critical and Cultural Criminology, University of Durham)
Transgressive Imaginations: Border Spaces, Ethnography and Performance Art

This paper discusses biographical and participatory research undertaken at the borders of ethnography and performance art and the imagination and re-imagination of the borders between deviance and normality. Key themes addressed include the tension between human rights, human dignity and humiliation in the lived experiences of migrants, many of whom exist at the margins of the margins, and the possibilities for a radical democratic imaginary in our cultural criminological work in this area.

Les Imaginations Transgressives : Espaces Frontière, Ethnographie et Performance Art

Cet article traite des recherches biographiques et participatives entreprises aux frontières de l’art, de l’ethnographie, de la performance, de l’imagination et de la ré-imagination de la frontière entre la déviance et la normalité. Les principaux thèmes abordés sont la tension entre les droits de l’homme, la dignité humaine et l’humiliation dans les expériences vécues par les migrants, dont beaucoup existent en marge de la marge, et les possibilités d’un imaginaire démocratique radical dans notre travail de criminologie culturelle dans ce domaine.

Partenariat

IMéRA (Aix-Marseille Université), Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM, CNRS-AMU), Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, CNRS-AMU), Aix-Marseille Université, Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées (RFIEA), Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS

Crossing Maps, cartographies transverses

Cette cartographie alternative se situe à la croisée des sciences humaines et de l’art. Elle est issue d’un atelier de cartographie expérimental et participatif, qui a engagé des voyageurs, des artistes et des chercheurs. La cartographie est abordée comme une technique créative de relevés d’expériences. Les cartes produites avec et par les voyageurs évoquent des souvenirs de parcours et d’épopées migratoires.

Débuté en 2013 à Grenoble, en France, ce projet a réuni deux chercheuses en géographie, trois artistes, et douze habitant·e·s grenoblois·e·s, en situation présente ou passée de demande d’asile. Alors que les administrations exigent des récits de vie « vérifiables » pour délivrer ou non le droit d’asile, le projet de recherche-création Cartographies traverses/Crossing Maps ne répond à aucune injonction de vérité, ni de référentialité.

Depuis le champ de l’art et depuis le champ de la science, nous avons travaillé à mettre en crise la notion de « vérité » narrative, utilisée par les administrations pour juger les récits migratoires des personnes demandant l’asile, en co-produisant des cartes d’expériences migratoires, ni vraies, ni fausses, autant référentielles qu’imaginaires. Nous avons donc invité des personnes en situation de demande d’asile à travailler à des formes d’expression, qui tentent de ne pas reconduire la violence générée par les interactions avec les administrations. Dans les dispositifs de mise en relation que nous avons proposés, nous n’avons posé aucune question. Plutôt que de proposer de « raconter leur histoire », nous avons invité les participant∙e∙s à dessiner des cartes à main levée, sur papier et sur tissu, à partir des thèmes du déplacement, du voyage, de la vie à Grenoble. Point de fond de carte référencé, ni vrai, ni faux. Principe d’Équivalence : bien fait = mal fait = pas fait (Filliou, 1968). Ce travail pose également les enjeux d’une co-production élaborée entre des personnes aux statuts très différents et inégaux (« artiste », « chercheuse », « demandeur∙se d’asile ») : nous relevons des asymétries, des impensés, des complémentarités, et des tentatives de subversion.

Pour plus d’éléments sur ce projet voir l’article de Mekdjian Sarah et Moreau Marie, « Redessiner l’expérience : Art, sciences et conditions migratoires », antiAtlas Journal, 01 | 2016, En ligne, publié le 13 avril 2016.

Atelier 7 : Économie de la frontière

25 et 26 avril 2013
Institut Méditerranéen de Recherches Avancées – IMéRA (AMU)
Maison des Astronomes, Marseille

Organisation: Cédric Parizot (IMéRA, IREMAM, CNRS-AMU)

Économie politique et art

Antoine Vion (Sociologue, LEST, AMU)
Échanges licites et illicites : le rôle des cartels. Synthèse des travaux de l’Observatoire économique des structures du capitalisme

Heidrun Freise (Social Anthropology, Ruhr-Universität, Bochum)
L’industrie migratoire naissante. Lampedusa et l’Etat d’exception

Georg Hobmeier (Artist, Gold extra)
Playing Politics – an attempt in serious game development

Flux de marchandises/Flows of goods

Robert Ireland (Political Analyst, Head of the Research and Strategies Unit, WCO)
New Perspectives on the Customs Supply Chain Security Paradigm from antiAtlas of Borders

Mariya Polner (Political Scientist, Research analyst, WCO Research and Strategies Unit) et Thomas Cantens (Anthropologue, Administrateur à l’Unité Recherche et Stratégies de l’OMD et membre du Centre Norbert Elias EHESS-Marseille)
Le temps et l’argent en frontière

Emmanuel Brunet-Jailly (Science politique, University of Victoria, Bristish Columbia)
Intégration économique, flux marchands et frontières en Amérique du Nord et dans l’Union européenne

Flux des personnes/ Flows of people

Swanie Potot (Sociologue, URMIS, CNRS)
Des migrants au service de l’économie monde ?

Laurence Pillant (Géographe, AMU)
Du formel à l’informel : la continuité du système de contrôle migratoire à la frontière gréco-turque from antiAtlas of Borders

Cédric Parizot (anthropologue, IMéRA, IREMAM, CNRS)
Trafiquants et gardes frontières : confusion ou synchronisation ? Le cas israélo-palestinien

Résumés / Abstracts

Antoine Vion (Sociologue, LEST, AMU)
Échanges licites et illicites : le rôle des cartels. Synthèse des travaux de l’Observatoire économique des structures du capitalisme (OPESC)

Les travaux de l’OPESC s’intéressent notamment à la structuration des cartels internationaux au XXe siècle. La présentation abordera d’abord la structuration du cartel pétrolier pour souligner son rôle dans la délimitation des activités légitimes et illégitimes en matière d’industries pétrolières. Elle prendra comme point de comparaison la structuration du cartel international de la production d’opiacées et son rôle dans la structuration de l’industrie du médicament. L’existence d’oligopoles mondiaux très structurés dessine très clairement les frontières entre les espaces d’échanges licites et illicites à travers le monde. La comparaison de ces deux cas invite à s’interroger sur l’émergence de nouveaux acteurs industriels, qui marquent peut-être la fin d’un cycle historique de contrôle occidental de ces industries. Celle-ci entrainerait une forte réorganisation des activités douanières, notamment en Asie et en Afrique.

Heidrun Freise (Social Anthropology, Ruhr-Universität, Bochum)
The Nascent Migration Industry. Lampedusa and the State of Exception

Given extensive media coverage, the island of Lampedusa became a prominent symbol of undocumented mobility in the Mediterranean. The intensification of border controls, the role of the Schengen treaty and the externalization of borders to the European ex-colonies in (North) Africa have been critically scrutinized. Similarly, the border-regimes and new forms of gouvernementalité that have fostered these processes have largely been addressed. Yet, institutionalized border economies and their massive interests have largely escaped attention. The paper therefore, addresses this nascent migration industry and various actors and stakeholders.

Georg Hobmeier (artist, Gold extra)                         
Jouer à la politique-une tentative de développement de « serious game »

Georg Hobmeier, membre du collectif artistique interdisciplinaire Gold extra, présentera Frontiers, un jeu qui conduit aux frontières de l’Europe. Ce jeu en ligne multi-joueurs présente le voyage d’un réfugié des régions subsahariennes vers l’Europe. Les joueurs peuvent aussi jouer le rôle d’un garde-frontières, dans les deux cas ils prendront connaissance des frontières et des luttes qu’implique leur traversée du Sahara, leur arrivée sur les plages du sud de l’Espagne ou dans le port de containers de Rotterdam. Le jeu repose sur des enquêtes extensives conduites en Ukraine, en Slovaquie, en Espagne et au Maroc, ainsi que sur des interviews avec des réfugiés, des organisations non-gouvernementales et avec les autorités en charge des frontières.

Robert Ireland (Political Analyst, Head of the Research and Strategies Unit, WCO)
Nouvelles perspectives sur le paradigme de la sécurité de la chaine logistique en douane

Cette présentation retrace la genèse du paradigme de la sécurité de la chaîne logistique en douane, né de la participation des administrations douanières au contre-terrorisme suite aux attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Ces  nouvelles perspectives sont le fruit d’une réflexion sur l’évolution de ce modèle, question politique de moins en moins prioritaire pour les douanes, même aux États-Unis. À la suite des attentats du 11 septembre, il s’est incarné dans un ensemble de régulations douanières nationales et de nouveaux standards internationaux élaborés par l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD). Celles-ci avaient pour but de dissuader l’utilisation des navires de fret international pour transporter des terroristes ou accomplir des actes terroristes. La communication examinera la mise en œuvre du paradigme par l’étude de deux programmes-clefs des douanes américaines, C-TPAT et CSI, puis son internationalisation par l’adoption du « WCO SAFE Framework of Standards to Secure and Facilitate Global Trade » à l’OMD et sa traduction politique dans la loi du « 100% container scanning ». Puis seront discutés les principaux thèmes politiques défendus par le gouvernement américain : la communication à l’avance des données de cargaison, la gestion du risque douanier, les équipements de contrôle non-intrusif (scanners) et les programmes d’opérateur agréé à vocation sécuritaire. Enfin, la communication s’intéressera au déclin actuel de ces dispositifs, avec l’abandon, de facto, du 100% scanning, dans un contexte de crise budgétaire qui laisse présager une réduction des moyens consacrés aux programmes en cours.

Mariya Polner  (Political Scientist, Research analyst, WCO Research and Strategies Unit) et Thomas Cantens (Anthropologue, Administrateur à l’Unité Recherche et Stratégies de l’OMD et membre du Centre Norbert Elias EHESS-Marseille)
Le temps et l’argent de la frontière : le cas des corridors de transport en Afrique de l’Ouest

A partir d’une réflexion sur les projets d’aide publique au développement et les travaux de normalisation et de régulation du commerce menés dans les institutions internationales, la communication étudiera le passage des marchandises en frontière, en particulier dans les pays en développement. Bien que souvent présentée dans le cadre contemporain de la globalisation et attachée aux paradigmes du développement, la flexibilité accordée au passage des marchandises est ancienne, liée à la circulation et l’accumulation de richesses et la représentation de l’abondance au-delà du territoire ou de la communauté.

Emmanuel Brunet-Jailly (Science politique, University of Victoria, Bristish Columbia)
Intégration économique, flux marchands et frontières en Amérique du Nord et dans l’Union européenne

La globalisation et l’intégration économique en Europe et en Amérique du Nord ont fourni aux chercheurs de nombreux éléments suggérant que ces processus devaient conduire à la fin de l’État-nation. Certains chercheurs ont défendu l’idée que les « espaces lieux » sont remplacés/déplacés par des « espaces flux ». Par exemple, Manuel Castell écrit que « dépassé par les réseaux de richesses, de pouvoir et d’information propres à la globalisation, l’État-nation a perdu une bonne part de sa souveraineté. » Cependant, des économistes, tels Loesch ou Helliwell, continuent d’insister sur le fait que les frontières accroissent les coûts et constituent des barrières au commerce. Dans ce papier, je montrerai que, compte-tenu du lien étroit entre que  les frontières établissent entre les marchés et le politique, les flux marchands jouent un rôle majeur dans la définition et la structuration des frontières ; les frontières sont ainsi pliées, tordues et remodelées par les forces et les flux marchands.

Swanie Potot (Sociologue, URMIS, CNRS)
Des migrants au service de l’économie monde ?

La frontière est rendue visible par les barrières érigées autour des Etats, pour protéger leur territoire de l’entrée d’indésirables. Cependant,  elle s’exprime au-delà en continuant à distinguer, à l’intérieur même de l’espace national, ceux dont la présence est pleinement légitime de ceux qui ne sont que tolérés, acceptés sous certaines conditions mais toujours maintenus en dehors de la communauté nationale. L’intervention proposée portera sur les travailleurs migrants contemporains.  De plus en plus mobiles, ils éprouvent cette limite au quotidien, non seulement lors de leur multiples déplacements mais également lorsqu’en France, leurs conditions de travail et les lois supposées les protéger relèvent de mesures dérogatoires, les distinguant encore du reste des travailleurs. Après être revenue sur les profondes mutations apparues dans les migrations de travail en Europe depuis une vingtaine d’années, je présenterai trois figures de travailleurs dont le statut d’étranger crée les conditions d’une exploitation particulière mise au service de l’économie mondialisée. Je m’arrêterai ainsi sur les étrangers recrutés en contrat temporaire (saisonniers, CDD, Stagiaires), les travailleurs dits sans-papiers et les salariés détachés dans le cadre de la prestation de service internationale, afin d’explorer ainsi la frontière « de l’intérieur » et ses usages par divers acteurs.

Laurence Pillant (Géographe, TELEMME, AMU)
Du formel à l’informel : la continuité du système de contrôle migratoire à la frontière gréco-turque

L’étude de l’économie frontalière s’est avérée être un outil méthodologique majeur dans l’approche et la compréhension du contrôle migratoire à la frontière gréco-turque. Mais au-delà de ce seul aspect, son analyse montre que les différentes activités formelles et informelles qui constituent le contrôle migratoire et gravitent autour, sont étroitement liées et participent ensemble de la mise à l’écart des migrants de la société locale.

Cédric Parizot (Anthropologue, IMéRA, IREMAM, CNRS/AMU)       
Trafiquants et gardes frontières : confusion ou synchronisation ? Le cas israélo-palestinien

Cette présentation propose une ethnographie des réseaux informels assurant le passage clandestin des ouvriers palestiniens de Cisjordanie vers Israël entre 2007 et 2010. Les travaux qui ont documenté ce phénomène se sont essentiellement concentrés sur le vécu et les perceptions des ouvriers condamnés à la clandestinité. Ils insistent sur leur souffrance ou, au contraire, valorisent leur capacité à résister et à survivre dans un contexte de précarité et d’injustices accrues. Sans négliger la souffrance des Palestiniens, je m’efforcerai de dépasser ces approches : comme le soulignait Lila Abu Lughod (1990), l’idée de résistance tend à surestimer le pouvoir des populations opprimées. Elle favorise, par ailleurs, une construction binaire du conflit. Opposant, terme à terme, les Israéliens aux Palestiniens, elle évacue de multiples acteurs et interactions intermédiaires jouant pourtant des rôles significatifs. Enfin, en se concentrant uniquement sur la souffrance des Palestiniens, on prend le risque de se limiter à une sociologie du pouvoir israélien. Déplaçant le regard des ouvriers vers les passeurs, je propose une ethnographie du trafic d’ouvriers prenant en compte l’ensemble de ces acteurs. Je montrerai ainsi comment des Palestiniens, des Israéliens interviennent au quotidien, formellement et informellement, pour faciliter le passage des Palestiniens de Cisjordanie vers Israël. S’étant appropriés les failles et les opportunités créées par le régime de contrôle israélien, ils entretiennent une « économie du passage » ; ils participent ainsi au fonctionnement et aux réajustements du régime de mobilité israélien aux côté des autorités israéliennes.

Partenaires

IMéRA (Aix-Marseille Université), Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM, CNRS-AMU), Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, CNRS-AMU), Aix-Marseille Université, Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées (RFIEA), Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS

Image: Heidrun Friese, Partire 2, 2009

Atelier 6b : Le temps et l’argent de la frontière

7 mars 2014
Maison méditerranéenne des sciences de l’Homme, Aix en Provence

Organisation: Cédric Parizot(IREMAM, IMéRA, CNRS, AMU)

Le temps et l’argent de la frontière

Mariya Polner (political scientist, research analyst, WCO Research and Strategies Unit) et Thomas Cantens (anthropologue, administrateur à l’Unité Recherche et Stratégies de l’OMD et membre du Centre Norbert Elias EHESS-Marseille)

A partir d’une réflexion sur les projets d’aide publique au développement et les travaux de normalisation et de régulation du commerce menés dans les institutions internationales, la communication étudiera le passage des marchandises en frontière, en particulier dans les pays en développement. Bien que présentée souvent dans le cadre contemporain de la globalisation et attachée aux paradigmes du développement, la flexibilité accordée au passage des marchandises est ancienne, liée à la circulation et l’accumulation de richesses et la représentation de l’abondance au-delà du territoire ou de la communauté.

Partenariat

IMéRA (Aix-Marseille Université), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman, Laboratoire Méditerranéen de Sociologie, Ecole supérieure d’Art,
Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées, Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS

Photo: Thomas Cantens, Limani, Cameroun, 2013

Atelier 6 : Décoder la frontière

13 et 14 février 2013,
Ecole supérieur d’art d’Aix en Provence,
Rue Emile Tavan, Aix en Provence

Organisation: Cédric Parizot (IMéRA, IREMAM, CNRS-AMU), Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence)

Ce séminaire porte sur l’impact de l’escalade sécuritaire et technologique sur le fonctionnement et les manifestations des frontières des Etats au cours des 20 dernières années. Cette réflexion s’opérera dans un cadre transdisciplinaire associant des chercheurs en sciences humaines (historiens, sociologues, anthropologues, géographes, philosophes, politologues), des chercheurs en sciences dures (intelligence artificielle, informatique) et des artistes (webart, hypermedia, etc.). Dans le premier atelier, chercheurs, architectes et artistes discuteront des technologies de plus en plus sophistiquées (robots, drones, technoscience, biométrie) qui sont déployées le long des frontières mais aussi en deçà et au-delà de ces espaces. La perspective socio-historique adoptée dans le second atelier permettra de mieux comprendre dans quels processus s’inscrit l’émergence de ces technologies. Enfin, le troisième atelier présentera à travers deux œuvres transdisciplinaires et une intervention le caractère profondément envahissant et diffus des contrôles aux frontières. Entre biographies et codes, la frontière semble s’immiscer jusque dans les corps des individus, les images et les flux de données numériques.

Drones, robots & technoscience

Noël Sharkey (artificial intelligence, University of Sheffield)
Les robots à la frontière: nouvelles armes, nouveaux problèmes?

RYBN.ORG (collectif artistique, Paris)
Antidatamining : frontières à l’épreuve de l’économie financiarisée

Charles Heller (filmmaker and writer, Center for Research Architecture, Goldsmiths, University of London)
Forensic Oceanography: subverting surveillance, demanding accountability

Klaus-Gerd Giesen (science politique, Université d’Auvergne, Clermont Ferrand)
The biopolitical normalization of the human: a fractal regulation beyond and below borders” from antiAtlas of Borders

De l’identification à la biométrie / From Identification to Biometry

Martine Kaluszynski, (socio-historienne, PACTE, CNRS, Grenoble)
Du carnet anthropométrique au passeport biométrique : l’identification, une pratique constructrice de l’Etat (19e-21e siècle)

Hidefumi Nishiyama (politics and International Studies, University of Warwick)
« Corps frontières » dans le Japon impérial et au-delà

Gabriel Popescu (geographer, Indiana University, South Bend)
Border bodyscapes and precarious life from antiAtlas of Borders

Emmanuel Brunet-Jailly (science politique, University of Victoria, Bristish Columbia)
Frontières, théorie et sécurité: la frontière, ici, là et partout

Frontières intrusives/Pervasive borders

Joana Moll (new media artist, Barcelone)
Move and get shot: la surveillance par les réseaux sociaux le long de la frontière américano mexicaine

Nick Mai (anthropologist, London Metropolitan University)
Emborder: la biographisation de la frontière

Jean Cristofol (philosophe, Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence)
Flux, images et frontières

Résumés

Noël Sharkey (artificial intelligence, University of Sheffield)
Les robots à la frontière: nouvelles armes, nouveaux problèmes?

Les premières décennies du 21e siècle seront considérées comme l’âge des véhicules sans pilote. Depuis 2002, l’utilisation des drones dans les zones de guerre a considérablement augmenté. Beaucoup d’entre eux sont armés et contrôlés à des milliers de kilomètres de leurs zones d’action. La technologie a proliféré au point qu’ils sont utilisés dans au moins 76 pays. Les drones représentent un énorme marché international. Les développements se sont étendus aux navires, aux sous-marins sans pilote, aux voitures et aux robots terrestres, qui commencent à faire leur apparition dans le civil au sein de la police et des organismes de protection des frontières. Cette présentation examinera l’évolution de la technologie et ouvrira une discussion sur la façon dont les drones pourraient être appliqués à la surveillance future des frontières pour garder, exclure ou enfermer les populations.

RYBN.ORG (collectif artistique, Paris)
Antidatamining : frontières à l’épreuve de l’économie financiarisée

Le modèle de gouvernance de l’État-Nation est aujourd’hui mis en concurrence par les méthodes de gestion des flux issues du capitalisme financiarisé. Nombre d’événements récents en témoignent : nomination de Mario Monti en Italie, de Loukas Papadimos en Grèce, crise des dettes souveraines, etc. Ce déplacement du pouvoir nécessite de redéfinir et de retracer les cartes du conflit en cours, en réévaluant les notions d’état, de  sécurité, de frontière, de législation, de suffrage, de droit du travail, d’impôt, de marchés. Le workshop propose de répertorier les lignes de fracture entre capitalisme financiarisé et État-Nation, et de dresser l’inventaire des techniques et technologies qui participent de cette reconfiguration.

Charles Heller (filmmaker and writer, Center for Research Architecture, Goldsmiths, University of London)
Forensic Oceanography: subverting surveillance, demanding accountability

Je présenterai ici une partie du travail que nous avons développé sur les incidents touchant les migrants en mer et les outils que nous avons développés pour en rendre compte dans le projet de recherche Océanographie médico-légale. Je commencerai par contextualiser ce projet en esquissant dans les grandes lignes la tension entre la gouvernance des flux et le partitionnement des mers qui caractérise la gouvernance maritime, l’importance géopolitique de la Méditerranée et les conditions dans lesquelles sont mises en oeuvre les tentatives de contrôle des frontières maritimes de l’UE. J’aborderai ensuite plus en détail les systèmes de détection -radars, données automatisées de suivi des navires, images satellites – qui sont au cœur du “triage des mobilités” aux frontières dans les zones à forte densité de circulation. Je montrerai que, malgré leur sophistication, ces technologies de détection atteignent leurs limites lorsqu’elles sont appliquées au contrôle des flux de migrants illégaux. De fait, la militarisation et la technologisation du contrôle de la migration en mer ont été particulièrement meurtrières – plus de 13.000 cas de migrants morts ont été dénombrés par les ONG. Enfin, je décrirai notre enquête sur un incident en mer qui nous a permis d’aller au-delà du simple comptage des décès de migrants en mer pour les dénoncer et demander des comptes.

Klaus-Gerd Giesen (science politique, Université d’Auvergne, Clermont Ferrand)
The biopolitical normalization of the human: a fractal regulation beyond and below borders” from antiAtlas of Borders

La communication tente d’appréhender les tentatives de régulation, à l’échelle mondiale, de la technoscience génétique appliquée à l’humain. Partant du constat de la crise de l’humanisme dominant, elle examine le basculement dans l’ère du « tout génétique » biologisant, et ses justifications idéologiques. On observe notamment l’instrumentalisation des nombreux comités de bioéthique et d’évaluation technologique (aux niveaux nationaux, supranationaux ou internationaux) au service d’une normalisation de l’humain qui joue précisément sur les frontières pour créer de multiples réseaux institutionnels publics, agencés sous forme de configurations polymorphes, discontinues et complémentaires, se constituant ou se défaisant au gré des nécessités et des besoins concrets de légitimation politique.

Martine Kaluszynski, (socio-historienne, PACTE, CNRS, Grenoble)
Du carnet anthropométrique au passeport biométrique : l’identification, une pratique constructrice de l’Etat (19e-21e siècles) 

Les technologies du contrôle social, les instruments d’identification sont de véritables techniques de gouvernement qui vont contribuer à construire l’Etat Nation. La méthode anthropométrique permit pour la première fois d’établir scientifiquement l’identité des délinquants et de sanctionner les récidivistes. L’établissement rigoureux des signalements des prévenus, juxtaposé à une technique rationnelle de classement, aboutit à l’instauration d’un fichier judiciaire élaboré et efficace. Ces éléments forment la clef de voûte du système anthropométrique. Le cheminement de cette méthode, son application, ses résultats et ses conséquences vont nous montrer à quel point elle fut une pratique permettant d’établir dans un premier temps le maintien de l’ordre et la répression, et dans un second temps l’instauration d’une technique (et « politique ») républicaine de gouvernement fondée sur l’identité. Ce processus général de rationalisation des techniques policières d’identification des individus (Bertillonnage, dactyloscopie,…) connaît une profonde mutation en France à partir du dernier tiers du XIXe siècle. Elle aboutit notamment à l’élaboration et la proposition du projet INES (Identité nationale électronique sécurisée) par le ministère de l’Intérieur en 2005. Cette intensification des technologies traduit une réorganisation des formes d’expression de la puissance publique. Elle conduit à s’interroger sur les conséquences de sa recherche d’une nouvelle efficacité et légitimité qui la conduit à s’ancrer de plus en plus dans la société elle-même et à s’appuyer sur les développements technologiques qui brouillent les frontières, pourtant classiques, entre sécurité et liberté, entre police et justice ou entre répression et surveillance.

Hidefumi Nishiyama (politics and International Studies, University of Warwick)
« Corps frontières » dans le Japon impérial et au-delà

En 1926, des scientifiques japonais menés par Furuhata Tanemoto, un professeur de science médico-légale et plus tard le chef de l’Institut national de recherches scientifiques de police, ont commencé à classifier des groupes raciaux et ethniques à partir de leurs empreintes digitales. Cette recherche, ou ce que Furuhata appelle “l’index des empreintes digitales”, a servi de support pour établir une corrélation entre des modèles d’empreintes digitales et des groupes raciaux et ethniques catégorisés en fonction de la hiérarchie des civilisations définie par  l’Empire : de ceux assimilés à des “civilisé” et “de type japonais” aux “primitifs” considérés comme “dangereux”. A partir de cette étude de cas historique sur le traitement des empreintes digitales entre les années 1920 et les années 1930, ce papier montre que les corps sont devenus des espaces de confinement et de délimitation, où l’on distingue les individus en fonction de leurs prédispositions à la criminalité. La spatialisation du corps est double: d’une part, ils sont spatialisés parce que les attributs corporels deviennent la sphère de production d’une identité particulière; d’autre part, ils sont territorialisés dans des lieux géographiques et dans le spectre de pouvoirs politiques. En historicisant l’identification biométrique, cet article s’attache à mettre en lumière les liens entre identité et identification dans le cadre des contrôles frontaliers contemporains, au sein desquels l’in/désirabilité des corps est continuellement calculée de manière à la fois similaire et distincte.

Gabriel Popescu (geographer, Indiana University, South Bend)
Border bodyscapes and precarious life from antiAtlas of Borders

Les stratégies de gestion des risques associées à la sécurisation de la mobilité transnationale ont déclenché une course technologique favorisant un processus d’intégration des frontières dans le corps humain. La croyance dominante est que les risques mobiles peuvent être évalués et éliminés dans le processus même de mobilité afin que les flux et le trafics ne soient pas perturbés à la frontière. Ainsi, les corps sont imaginés comme des espaces d’inscription de la frontière. Cette logique du pouvoir repose sur un point de vue prédominant dans les sciences naturelles selon lequel le corps est perçu comme un objet matériel pouvant être identifié numériquement à l’aide de la technologie. Les technologies biométriques, entre autres, sont utilisées pour acquérir des connaissances complètes sur les corps mobiles avant même qu’ils ne traversent les frontières étatiques. Ces données corporelles sont utilisées pour classer les individus en termes de bonnes et de mauvaises mobilités. L’objectif est de produire des catégories qui se prêtent au calcul de risques. Cette connaissance du corps génère inévitablement de nouvelles formes de pouvoir qui agissent sur des espaces à la fois intimes et mobiles. Cette logique de contrôle spatial a tendance à imaginer l’automatisation des frontières comme une panacée permettant de concilier la mobilité sans entrave et la sécurité du territoire. Pourtant, contrairement aux affirmations selon lesquelles les technologies numériques aux frontières aideraient à la prise de décision humaine, la manière dont elles sont mises en œuvre suggère que l’automatisation des frontières cherche à générer de nouveaux automatismes dans la prise de décision qui réduiraient l’intervention humaine. Il s’agira ici de comprendre si la biométrie peut effectivement réduire l’incertitude pour rendre la vie plus sûre ou si au contraire elle crée plus d’incertitude, rendant les vies des individus encore plus précaires.

Emmanuel Brunet-Jailly (science politique, University of Victoria, Bristish Columbia)
Frontières, théorie et sécurité: la frontière, ici, là et partout

Les 18e et 19e siècles ont été des époques où les sociétés disciplinaires ont mis en place un type de pouvoir, un ensemble d’instruments, de techniques, de procédures, des niveaux d’application et des technologies qui étaient anti nomade. L’ère d’aujourd’hui est celle du contrôle. Il s’agit d’un moment où un type de pouvoir et de technique permet au corps de devenir un mot de passe dans un flux codé, permettant l’accès à la mobilité et au statut. Parallèlement, la sécurité qui a été traditionnellement conçue comme mono-sectorielle et axée sur l’armée, devient multi-sectorielle. Ceci suggère l’importance de penser clairement l’équilibre entre les secteurs, les types de menaces, les acteurs et les éléments qui, ensemble, ont des implications importantes pour les politiques de sécurité. Les politiques de sécurité sont plus complexes, car les problèmes identifiés comme des menaces sécuritaires sont également plus diversifiés: ils sont pluriels et multiformes. Les politiques de contrôle aux frontières sont aux prises avec ces nouvelles dimensions complexes de la sécurité. En effet, cette nouvelle complexité se traduit de façons diverses et inégales aux frontières des États et aux niveaux des politiques frontalières ; elle affecte d’ailleurs leurs relations de voisinage et les relations internationales. Cette complexité accrue en matière de sécurité a également des conséquences pour la définition des frontières et des régions frontalières – c’est la frontière ici, là, partout.

Joana Moll (new media artist, Barcelone)
Move and get shot: la surveillance par les réseaux sociaux le long de la frontière américano mexicaine

The Texas Border et AZ: move and get shot sont deux œuvres d’art numérique qui explorent le phénomène de la surveillance sur Internet effectué par des civils à la frontière entre le Mexique et les États-Unis à partir de plateformes mises en place par les autorités américaines. Beaucoup de ces plateformes en ligne sont apparues lors du développement des réseaux sociaux dont la structure a été adoptée comme une alternative moins chère et plus efficace pour surveiller la frontière. Ainsi, l’activité de loisir est devenue un outil pour la militarisation de la société civile. Cette présentation exposera le processus de recherche derrière les deux œuvres d’art et analysera l’évolution de certaines de ces plateformes internet depuis leur création jusqu’à nos jours.

Nick Mai (anthropologist, London Metropolitan University)
Emborders: la biographisation de la frontière

En raison des politiques plus restrictives encadrant les migrations mondiales, l’octroi de l’asile et la protection sociale des groupes de migrants vulnérables ont généré de nouvelles frontières biographiques entre l’Occident et le reste du monde. Au sein de la gouvernance humanitaire de la migration, le genre et la sexualité sont devenus des répertoires narratifs stratégiques à travers lesquels les hiérarchies d’appartenance et les obstacles à la mobilité sont renforcés. L’accent mis sur la dimension sexuelle pour construire et pour contrôler des groupes de migrants définis comme vulnérables peut être définie comme un «humanitarisme sexuel». Le projet de recherche cinématographique Emborders (l’incorporations de frontières biographiques) problématise l’efficacité et la portée de l’humanitarisme sexuel en comparant les expériences de deux groupes de migrants qui sont abordées comme de potentielles «victimes cibles »: des migrants qui travaillent dans l’industrie du sexe et des migrants appartenant à des minorités sexuelles. Emborders rassemble les récits de victimisation et d’émancipation développés par les migrants dans le cadre d’entretiens de recherche originaux et d’observations ethnographiques.

Jean Cristofol (philosophe, Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence)
Flux, images et frontières 

Les images sont des moments saisis, partagés, modifiés dans la circulation des flux d’information. De ce fait elles contribuent à constituer la matière même de notre expérience quotidienne, non seulement comme des objets que nous rencontrons et qui véhiculent du sens, mais comme la réalité mouvante de l’environnement dans lequel nous nous trouvons. La place et le lieu des images a donc changé, comme la relation des images aux lieux. Il ne s’agit plus seulement de parler de l’image du monde, ni du monde des images, mais des modes par lesquels s’effectue l’interpénétration du monde et de l’image. Cette nouvelle place de l’image est en relation avec la façon dont on peut penser l’espace des flux informationnels. Longtemps, on a pensé la relation au cyberespace comme à une sphère seconde, un autre monde dans le monde dans lequel il était devenu possible de s’immerger. Un monde sans frontière qui se déploierait au delà de l’espace géographique, ou dans lequel les formes de séparation et de clôture seraient d’une autre nature. Il faut bien constater que ce qui se passe est sensiblement différent et que l’immersion a pris une toute autre forme, celle de l’intrusion ou de ce qu’on peut appeler par emprunt à l’anglais la « pervasion ». C’est de la relation entre image, immersion et pervasion qu’il va donc être question.

Partenariats

IMéRA (Aix-Marseille Université), Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM, CNRS-AMU), Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, CNRS-AMU), Aix-Marseille Université, Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées (RFIEA), Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS

Affiche et photographies : Myriam Boyer, 2013

Interview Noël Sharkey


Noel Sharkey, artificial intelligence, Sheffield University, UK

Traduction : Cecile Cottenet, LERMA (AMU). Sous titres : Myriam Boyer. Sources : Delair-Tech – The DT-18 system, Victoria Police consider Unmanned drones, CNN.com news Drones silently patrol U.S.borders – Predator B UAV (unmanned aerial vehicle), RAFAEL’s Protector USV, Israel G-Nius UGV – Avantguard UGCV, Guardium LS UGV & Guardium UGV

ISPABEMA: Israel Palestine below Maps

Une cartographie alternative des espaces israélo-palestiniens

Fin 2012, afin de renouveler le traitement de ses données de terrain récoltées entre 2005 et 2010 dans les espaces israélo-palestiniens, Cédric Parizot (anthropologue) s’associe avec une équipe transdisciplinaire composée d’un artiste numérique, spécialisé dans la visualisation des données complexes, Wouter Van Den Broeck, et un sociologue des réseaux, Antoine Vion (LEST, Aix Marseille Université/CNRS). L’objectif est d’élaborer une première base de données pour saisir et visualiser les interactions que l’anthropologue a observées pendant ses enquêtes sur les réseaux de passeurs facilitant le passage des ouvriers palestiniens en Israël.

Les premiers tests de ce système de visualisation ont été présentés lors du colloque de l’antiAtlas des frontières (octobre 2013) à Aix en Provence et en juin 2014 au Congrès Mondial de l’Association for Borderlands Studies de Joensuu (Finlande). Les graphes réalisés avaient permis d’exposer et d’analyser près de 1000 interactions observées au cours de deux mois de terrain en 2005. Le fait de passer de l’observation fine et riche fournie par l’ethnographie à une abstraction graphique permettant de visualiser simultanément plusieurs centaines d’interactions, avait permis de valider un certain nombre d’hypothèses de recherche mais surtout de visualiser des agencements dont le chercheur n’avait pas pris conscience à la seule lecture de ses carnets de notes.

De la carte à un outil de visualisation sur mesure

Compte tenu de l’intérêt de ces premiers résultats, nous avons décidé de poursuivre le projet entre le printemps 2014 et 2015. Nous avions trois objectifs : (1) créer un outil sur mesure pour renouveler l’analyse des données consignées dans mes carnets de notes ; (2) mettre en image une cartographie alternative des espaces israélo-palestiniens et de leurs frontières ; (2) et enfin, (3) proposer un logiciel mobilisable par d’autres chercheurs en sciences humaines dans le traitement des données réseaux.

Wouter Van Den Broeck n’ayant pu poursuivre, l’équipe s’est recomposée autour de Cédric Parizot, Antoine Vion, un autre artiste numérique et programmeur, Guillaume Stagnaro (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence) ainsi qu’un géomaticien, Mathieu Coulon (LAMES, CNRS/Aix Marseille Université).

Intitulé ISPABEMA (Israel Palestine below Maps), ce projet a permis de constituer un premier prototype de ce logiciel en novembre 2014 au salon de la valorisation en sciences humaines et sociales porté par le LabexMed à Marseille ; puis nous avons fait un dépôt d’invention auprès de la SATT sud-est et Aix Marseille université en janvier 2015. Enfin en juin 2015, nous avons présenté un prototype plus abouti au salon Innovative SHS qui s’est tenu à la Villette à Paris.

Toutefois, faute de financements, nous n’avons pu mener le projet jusqu’au bout. Le projet reste pour l’instant en suspens.

Equipe

Cédric Parizot, anthropologue ; Mathieu Coulon, géomaticien ; Guillaume Stagnaro, artiste numérique et programmeur ; Wouter Van Den Broeck; Antoine Vion, sociologue

Partenariat

Institut d’Etudes et de Recherche sur le Monde Arabe et Musulman
Laboratoire Méditerranéen de Sociologie
Laboratoire d’Economie et de Sociologie du Travail
Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence
Projet LabexMed (Fondation A*MIDEX)
Aix Marseille Université
Centre National de la Recherche Scientifique

Atelier 5 : Bilan de l’année 2011-2012

6 et 7 décembre 2012
Maison des Astronomes, IMéRA,
2, place Le Verrier
13004 Marseille

Organisation: Cédric Parizot (IMéRA/CNRS-IREMAM)

Ce séminaire de recherche s’articulera autour de trois axes : un bilan des réflexions développées dans notre programme au cours de l’année 2011-2012 ; la présentation d’approches transdisciplinaires de la frontière ; et enfin, la préparation de l’exposition l’Anti Atlas des frontières qui se tiendra au Musée des Tapisseries d’Aix-en-Provence en octobre 2013.

Retour sur les ateliers de la première année

Antoine Vion (sociologue, LEST, AMU)
Réseaux et frontières

Stéphane Rosière (géographe, HABITER, Université de Reims)
Matérialisation, dématérialisation des frontières

Anne Laure Amilhat-Szary (PACTE, Université Joseph Fournier, Grenoble)
Aux frontières de l’art et de la science

Explorations transdisciplinaires

Cédric Parizot (IMéRA, IREMAM, CNRS), Antoine Vion (Sociologue, LEST, AMU), Wouter Van den Broeck (Data visualization, ISI Foundation, Turin, Italie; Addith.be)
De la contrebande à la visualisation des réseaux: Cartographier un parcours anthropologique entre Israël et les Territoires occupés palestiniens (2005-2010)

Douglas Edric Stanley (Hypemédia, Game-Art, Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence)
Vous avez été mangé par une grue ! Navigation spatiale et jeux vidéos

Olivier Clochard (Géographe, MIGRINTER, CNRS, ADES/Terre Ferme)
Où est la frontière?

Frontières, images, exposition

Jean Cristofol (Philosophe, Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence)
Art et représentation

Isabelle Arvers (commissaire de l’exposition l’antiAtlas des Frontières)
Présentation du scénario de l’exposition l’antiAtlas des Frontières (octobre- novembre 2013)

Partenariats

IMéRA (Aix-Marseille Université), Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM, CNRS-AMU), Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, CNRS-AMU), Aix-Marseille Université, Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées (RFIEA), Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS

Photo: Myriam Boyer, 2012