Ken Rinaldo – Paparazzi Bots

Ken Rinaldo
Paparazzi Bots
Série de robots autonomes

Les Paparazzi Bots sont une série de cinq robots autonomes à taille humaine. Composés de plusieurs caméras, de capteurs et d’actionneurs robotiques sur une plate-forme à roulement, ils se déplacent à la vitesse de marche d’un être humain, en évitant les murs et les obstacles grâce à des capteurs infrarouges. Ils cherchent une seule chose, prendre des photos de personnes et rendre ces images publiques. Chaque robot prend de façon autonome la décision de photographier certaines personnes, tout en en ignorant d’autres. Les technologies de surveillance reposent sur un équilibre délicat dans notre culture contemporaine entre protection et intrusion, où nous sommes tous photographiés à notre insu par les téléphones cellulaires, les caméras cachées.

Ken Rinaldo est un artiste et théoricien qui crée des installations multimédias interactives qui brouillent les frontières entre l’organique et l’inorganique. Il a travaillé à l’intersection de l’art et de la biologie depuis plus de deux décennies en robotique interactive, art biologique, vie artificielle, communication inter espèces, imagerie numérique et prototypage rapide. Ses œuvres ont été commandées et exposées dans divers musées, galeries et festivals (Perth, Madrid, Linz, Kiasma, Sydney, Chicago, Séoul, Rotterdam, Los Angeles, San Francisco).

Amy Franceschini – Finger Print Maze

Amy Franceschini
Finger Print Maze

Fingerprint Maze est une installation artistique qui utilise le langage des jeux vidéo pour nous laisser errer dans un labyrinthe en 3D construit à partir de notre propre empreinte digitale scannée. En jouant un jour aux jeux vidéo avec des amis, Amy Franceschini a imaginé pénétrer à l’intérieur de sa propre empreinte et chercher son chemin à l’intérieur de gorges tortueuses comme on le ferait à l’intérieur d’un labyrinthe. Un scanner prend l’empreinte digitale d’un participant, la modélise en un labyrinthe virtuel en trois dimensions et l’image est ensuite projetée sur un mur. Le participant peut alors entrer dans le labyrinthe de son empreinte digitale comme s’il s’agissait d’un labyrinthe topiaire.

Amy Franceschini est une pionnière dans le domaine du net art, une forme d’art qui est créé, distribué et vécu au travers d’Internet. Elle est la fondatrice de Futurefarmers, un groupe collaboratif entre art et design consacré à l’expression des intérêts environnementaux et communautaires au travers des médias numériques. Amy Franceschini a également contribué en 1995 au démarrage d’Atlas, un magazine en ligne et a enseigné l’art et le design dans différentes écoles, ainsi qu’à l’université de Stanford. Elle a exposé au Yerba Buena Center for the Arts, au Cooper-Hewitt, au National Design Museum et à la Transmediale de Berlin. Elle a été invitée, avec Futurefarmers à participer à la Whitney Biennal 2000.

Cédric Parizot & Douglas Edric Stanley – A Crossing Industry

A Crossing Industry est un jeu vidéo en cours d’élaboration qui plonge le joueur dans le monde de l’industrie informelle du passage qui prospère au 21ème siècle le long des frontières séparant les pays pauvres des pays riches de la planète. Fondé sur la recherche de terrain d’un ethnographe (Cédric Parizot), en Israël/Palestine, il explore de nouvelles formes d’interaction entre la recherche et la création artistique. Sa réalisation implique les étudiants de l’Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, sous la direction de Douglas Edric Stanley, artiste et enseignant. Ensemble, ils s’emparent de la recherche et des réflexions de Cédric Parizot sur l’industrie de passage frontalier pour développer une démarche artistique avec ses propres enjeux esthétiques et narratifs.

Auteurs : Cédric Parizot – anthropologue, chargé de recherche au CNRS (Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (AMU, Aix en Provence) et Douglas Edric Stanley – artiste et enseignant (Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence)

Etudiants de l’Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence : Tristan Fraipont, Emilie Gervais, Matthieu Gonella, Martin Greffe, Bastien Hude

Iconographie : Matthieu Gonella

Pour plus d’éléments sur cette expérimentation, voir A Crossing Industry, un jeu vidéo documentaire et artistique

Atelier 8 : Fictions de Frontières

13 et 14 juin 2013
Institut Méditerranéen de Recherches Avancées – IMéRA (AMU)
Maison des Astronomes, Marseille

Comité d’organisation: Nicola Mai (IMéRA, London Metropolitan University), Cédric Parizot (IMéRA, IREMAM, CNRS-AMU)

« Quelle est la relation entre la matérialité et la représentation des frontières? Est-ce que les technologies contemporaines ont fondamentalement modifié cette relation? Est-ce que les cartes représentent ou engendrent des territoires ? Ce séminaire évaluera l’impact des changements technologiques contemporains  sur la relation entre la représentation et l’expérience des frontières ainsi que sur les formes de conscience associées. Il mettra en œuvre une perspective transdisciplinaire en réunissant des chercheurs en sciences humaines (historiens, sociologues, anthropologues, géographes, philosophes, politologues), en sciences dures (intelligence artificielle, informatique) et des artistes (webart, hypermédia, arts plastiques). Dans le premier atelier sur les «Fictions de frontières», les conférenciers discuteront de la façon dont les récits fictifs et les interventions artistiques (films, installations artistiques, spectacles) sont impliqués dans les expériences incarnées des réalités et des territoires frontaliers. Dans le second atelier «Représentations frontiérisantes», les artistes et les chercheurs s’appuieront sur leur propre travail  pour discuter de l’impact des technologies actuelles sur la représentation et l’expérience des frontières. Enfin, le troisième atelier examinera comment l’introduction de nouvelles «Contre-Fictions Art-Science» offre la possibilité de revivre, re-conceptualiser et de redessiner les frontières entre l’art et la science ainsi que celles entre l’écriture, l’expérience et les territoires. »

Jorge Luis Borges, De la Rigueur des Sciences, 1946

« En cet empire, l’Art de la Cartographie fut poussé à une telle Perfection que la Carte d’une seule Province occupait toute une Ville et la Carte de l’Empire toute une Province. Avec le temps, ces Cartes Démesurées cessèrent de donner satisfaction et les Collèges de Cartographes levèrent une Carte de l’Empire, qui avait le Format de l’Empire et qui coïncidait avec lui, point par point. Moins passionnées pour l’Étude de la Cartographie, les Générations Suivantes réfléchirent que cette Carte Dilatée était inutile et, non sans impiété, elles l’abandonnèrent à l’Inclémence du Soleil et des Hivers. Dans les Déserts de l’Ouest, subsistent des Ruines très abîmées de la Carte. Des Animaux et des Mendiants les habitent. Dans tout le Pays, il n’y a plus d’autre trace des Disciplines Géographiques »

Suarez Miranda, Viajes de Varones Prudentes, Lib. IV, Cap. XIV, Lerida, 1658

« Aujourd’hui l’abstraction n’est plus celle de la carte, du double, du miroir ou du concept. La simulation n’est plus celle d’un territoire, d’un être référentiel, d’une substance. Elle est la génération par les modèles d’un réel sans origine ni réalité : hyperréel. Le territoire ne précède plus la carte, ni ne lui survit. C’est désormais la carte qui précède le territoire – précession des simulacres – c’est elle qui engendre le territoire et s’il fallait reprendre la fable, c’est aujourd’hui le territoire dont les lambeaux pourrissent lentement sur l’étendue de la carte. C’est le réel, et non la carte, dont les vestiges subsistent çà et là, dans les déserts qui ne sont plus ceux de l’Empire, mais le nôtre. Le désert du réel lui-même. »

Jean Baudrillard, Simulacres et Simulation, 1981

Border Fictions/Fictions de Frontières

Bernard Guelton (Arts, Paris, UMR ACTE, CNRS, Université Paris 1)
Fiction de Frontières : Dispositifs Fictionnels et Virtuels/ Border Fictions: Virtual and Fictional Mechanisms from antiAtlas of Borders

Michelle Stewart (Film Studies, Résidente IméRa, State University of New York)
Traveling Shots: Cinema, Migration and Borders/Cadrages Mobiles: Cinema, Migration et Frontières

Nicola Mai (Résident IMéRA, London Metropolitan University)
Re-assembling Samira: antiAtlas work in progress installation/Le Ré-assemblage de Samira : présentation du ‘travail en cours’  pour l’exposition antiAtlas

Re-Bordering Representations /Representations Frontièrisantes

Jean Cristofol (Philosophe, École Supérieure d’Art d’Aix en Provence)
Distance and Proximity in a Multidimensional Space/Distance et Proximité dans un Espace Multidimensionnel

Larisa Dryansky (Histoire de l’Art, Université Paris-Sorbonne, Paris IV)
Border and Utopia in the Work of Dennis Oppenheim/Frontière et Utopie chez Dennis Oppenheim

Philippe Rekacewicz (Journaliste et Cartographe, Le Monde Diplomatique ; MIT Program for Art, Culture and Technology)
Cartographie entre Art, Science et Politique/ Cartography between Art, Science and Politics

Art-Science Counter-fictions/Contre-Fictions Art-Science

Susan Ossman (Anthropology, University of California Riverside)
The Arts of the Border: A Transnational Creative Conversation/L’Art de Frontières : une Conversation Créative Transnationale

David Napier (Social Anthropology, University College London)
Undoing the Dichotomy of Self and Other across Immunology, Anthropology and Art/Problematiser la Dicotomie entre Soi et Autre à travers l’Immunologie, l’Anthropologie et l’Art

Maggie O’Neill (Critical and Cultural Criminology, University of Durham)
Transgressive Imaginations: Border Spaces, Ethnography and Performance Art/Les Imaginations Transgressives : Espaces Frontière, Ethnographie et Performance Art

Résumés / Abstracts

Bernard Guelton (Arts plastiques et sciences de l’art, Paris, UMR ACTE, CNRS, Université Paris 1)
Fictions de frontières : dispositifs fictionnels et virtuels

Que deviennent la recréation et l’exploration de l’espace fictionnel lorsque celui-ci ne se conçoit plus du point de vue d’un sujet immobile, mais à travers ses déplacements et ses actions dans les jeux en réalités alternées  ? Une part croissante d’artistes met en œuvre des situations en réalités alternées qui ménagent des confrontations entre univers réels, virtuels et fictionnels et simultanément celles du territoire et de ses frontières. Ici, l’espace physique devient le cadre pour déployer un engagement fictionnel où les actions, la mobilité du sujet et les interactions avec d’autres participants deviennent déterminantes. La cartographie dynamique peut constituer un élément essentiel pour structurer ces différents contextes sous le mode des interactions situées. Elle permet de coordonner la géolocalisation des participants, leurs interactions, et les contenus fictionnels associés à des emplacements réels dans un espace urbain avec les scénarios et les règles mises en jeu. Dans les jeux en réalités alternées, la mobilité des joueurs et les appareillages sollicités sont déterminants. Ils impliquent des situations d’immersion réelle, virtuelle et fictionnelle qui interrogent la construction et les limites des lieux qu’ils soient ludiques ou institutionnels. Ces questions seront exemplifiées à travers un ou deux dispositifs de jeux en réalités alternées. 

Border Fictions: Virtual and Fictional Mechanisms

What do the reproduction and exploration of fictional space become if the latter is not seen as an immobile subject but through its displacements and actions in alternated realities? An increasing number of artists create situations in alternated reality negotiating simultaneously confrontations between real, virtual and fictional universes, territories and their borders. Here physical space becomes the context for the deployment of a fictional engagement where actions, mobility of the subject and interactions with others become determinant. Dynamic cartography can constitute an essential element to structure these different contexts according to situated interactions. It coordinates the geolocalisation of participants, their interactions and the fictional contents that are associated with real places in urban settings by following the scenarios and rules of games. Within games taking place in virtual worlds the mobility of players and the required equipment are determinant. They imply situations of real, virtual and fictional immersions that interrogate the construction and limits of leisurely or institutional places. These issues will be exemplified through one or two games in virtual reality.

Michelle Stewart (Cinema Studies, Résidente IméRa, State University of New York)
Traveling Shots: Cinema, Migration and Borders

Borders became sites of security with the modern state’s consolidation of its monopoly on violence within mapped territories.  As such, the experience of the border and passage across has been a problem, both theoretical and material, for some time.  Yet now, with the increasing porousness of borders for the ever more rapid transfer of capital, we find that the physical experience and political discourse of the border have hardened exponentially.  Technological advances have permitted greater securitization and surveillance regimes for these sites of passage.  In recent cinema, a number of filmmakers have crafted parallel aesthetics in an attempt to visualize the phenomenological toll and the political consequences of this border regime.  Via close analysis and comparison of these works that traverse the borders of North America, Europe, and Africa, we see how border fictions intervene in the politics of fortification and exclusion.

Cadrages mobiles: cinéma, migration et frontières

Avec la consolidation du monopole de la violence par l’État moderne dans les territoires cartographiés, les frontières sont devenues des sites sécuritaires. À ce titre, l’expérience de la frontière et de sa traversée sont devenus un problème, théorique et matériel, pendant un certain temps. Cependant, aujourd’hui, avec la porosité croissante des frontières, notamment en raison du transfert de plus en plus rapide du capital, nous constatons que l’expérience physique et le discours politique de la frontière ont durci de façon exponentielle. Les progrès technologiques ont permis la mise en place de régimes de « sécuritisation » et de surveillance de ces sites de passage. Dans le cinéma contemporain, un certain nombre de cinéastes ont conçu des esthétiques parallèles dans le but de visualiser le coût phénoménologique et les conséquences politiques de ces régimes frontaliers. A travers une analyse approfondie et la comparaison de ces œuvres qui traversent les frontières de l’Amérique du Nord, de l’Europe et de l’Afrique, nous verrons comment les fictions de frontières contribuent à la politique de fortification et d’exclusion.

Nicola Mai (Résident IMéRA, London Metropolitan University)
Re-assembling Samira: antiAtlas work in progress installation

The humanitarian protection of vulnerable migrant groups has enforced new biographical borders. Fundamental rights are allocated on the basis of the performance of ‘true’ victimhood repertoires and scripts, reproducing the suffering of the migrant to obtain state benevolence and legal migration status. Gender and sexuality have become strategic narrative repertoires through which humanitarian and biographical borders are inscribed on the bodies of migrants. The Emborders filmmaking/research project reproduces the different performances and narratives of migrants targeted by humanitarian protection as they emerge in interviews with authorities, with social researchers and with peers and families. It draws on real stories and real people, which are performed by actors to protect the identities of the original interviewees and mirror the inherently fictional nature of any narration of the self. By using actors to reproduce real people and real life histories, the project ultimately challenges what constitutes a credible and acceptable reality in scientific, filmic and humanitarian terms.

Le Réassemblage de Samira : présentation du ‘travail en cours’ pour l’exposition antiAtlas

La protection humanitaire des groupes de migrants vulnérables a imposé de nouvelles frontières biographiques. Les droits fondamentaux sont attribués sur la base de la performance de «vrais» répertoires et scripts de victime, qui reproduisent la souffrance des migrants afin d’obtenir la bienveillance de l’Etat et le statut de migrants légaux. Genre et sexualité sont devenus des répertoires narratifs stratégiques à travers lesquels les frontières humanitaires et biographiques sont inscrites sur les corps des migrants. Le projet de film/recherche Emborders reproduit les différentes représentations et les récits des migrants visés par la protection humanitaire tels qu’ils ressortent des entretiens avec les autorités, avec des chercheurs en sciences sociales, avec leurs pairs et leurs familles. Il s’appuie sur des histoires réelles de gens réels, mais qui ont été performées par des acteurs afin de protéger l’identité des personnes interrogées et refléter la nature intrinsèquement fictive de toute narration de soi. En utilisant des acteurs pour reproduire ces vraies personnes et leurs histoires de vie, le projet remet en cause ce qui constitue finalement une réalité crédible et acceptable en termes scientifiques, filmiques et humanitaires.

Jean Cristofol (Philosophe, École Supérieure d’Art d’Aix en Provence)
Distance et Proximité dans un Espace Multidimensionnel

Les récits des fictions dont nous sommes héritiers mettent en œuvre un espace homogène qui s’articule sur les oppositions du proche et du lointain, de la distance et de la proximité, de l’ici et de l’ailleurs. La figure du voyage, celle de l’utopie, de l’ile ou du passage de la frontière en sont les incarnations. Mais ces figures ne sont pas seulement de libres constructions imaginaires, elles sont aussi générées par les médiums dans lesquels elles sont articulées et elles sont concrètement produites par la relation aux modes d’existence techniques et sociaux d’une époque. Quand les échanges et les déplacements sont déterminés par les flux informationnels et que des dispositifs autonomes ubiquitaires agissent sur nos modes de perception et nos capacités directes d’action, comment pouvons-nous les penser et les mettre en œuvre ? Que devient notre relation à l’espace quand celui-ci se construit dans une complexité qui vient bouleverser les façons de comprendre le sens même de ce qu’on appelle la distance ou la proximité ?

Distance and Proximity in a Multidimensional Space

The fictional accounts which we inherit produce a homogeneous space that is articulated by the oppositions between the near and the far, distance and proximity, here and elsewhere. Figurations of travel, utopia, of islands or of border crossings are the incarnations of such oppositions and dynamics. But these figurations are not simply free imaginary constructions. They are generated by the media and produced by the technological and social arrangements of each era. How can we think and enact exchanges and displacements that are currently determined by information flows, while ubiquitous and autonomous mechanisms influence our capacity to reflect and act? How does our relationship to space changes when space is framed by a complexity that overturns the way in which we understand distance or proximity?

Larisa Dryansky (Histoire de l’Art, Université Paris-Sorbonne, Paris IV)
Frontière et Utopie chez Dennis Oppenheim

Cette communication entend cerner les aspects fictionnels des travaux associés au Land Art en s’appuyant sur le cas exemplaire de l’œuvre de Dennis Oppenheim. Que ce soit avec ses Site Markers, ses inscriptions cartographiques sur le terrain, ou ses « transferts » et « transplantations », Oppenheim a fait de la réflexion sur la notion de site un axe majeur de sa production. En même temps, sa démarche, en articulant non-lieux de l’art et non-localisation, se détache fortement de l’idée de site-specificity. Pour préciser cette approche, nous nous attarderons en particulier sur les œuvres traitant de la frontière que nous envisagerons à la lumière des thèses de Louis Marin sur l’Utopie.

Border and Utopia in the Work of Dennis Oppenheim

This paper addresses the fictional nature of the works associated with Land Art using Dennis Oppenheim’s oeuvre as a case study. The notion of “site” is a cornerstone of Oppenheim’s Land Art pieces as demonstrated by his Site Markers, his works involving the scribing of maps on the ground, and his various operations of “transferring” and “transplanting” spaces. At the same time, his approach, which articulates artistic non-places and a strategy of non-localization, runs counter to the idea of site-specificity. This is particularly apparent in Oppenheim’s treatment of the concept of borders, which may be fruitfully compared with Louis Marin’s writings on Utopics.

Philippe Rekacewicz (Journaliste et Cartographe, Le Monde Diplomatique ; MIT Program for Art, Culture and Technology)
Cartographie entre Art, Science et Politique/ Cartography between Art, Science and Politics

Susan Ossman (Anthropology, University of California Riverside)
The Arts of the Border: A Transnational Creative Conversation

Borders have a special significance for people who have settled in several homelands. I have carried out extensive research on this topic. Recently, I published Moving Matters: Paths of Serial Migration. But it is not the book or my findings that will be the subject of this presentation: rather, I will describe and analyze the artistic project that has emerged in response to the book. In May in Riverside, California. “The Arts of Migration” brought together serial migrant visual artists, dancers, actors and writers, including several who figure in the book.  Some performances such as artist Beatriz Mejia-Krumbien’s “Mi Tiempo, Mein Raum, My Map” address the question of how borders become life chapters; others like Paulo Chagas’ musical composition “Einblick” addresses the accumulated experience of border crossings. Alexandru Balesescu’s story “Dark Green Fade to Black” fictionalizes encounters among serial migrants and “ordinary” migrants in Istanbul, while Natalie Zervou explores the way  “Gestural Landscapes” travel with bodies in her choreography. In a dialogue about their shared life in East Asia, north America, Europe and Central Asia over thirty years, Barbara and Stephen James offer a moving illustration of the idea of ‘the poetics of attachment.” By working through art to respond to my research on borders and their relationship to specific life paths and subject formations, the collaborative arts project offered a unique type of critique. Through art, much of what any book inevitably leaves out could be expressed and shared.  Thus, the project opened up the project to further forms of research and new audiences. It offers an original way of generating cross-disciplinary, transnational conversations that bridge the social sciences, the humanities, and the arts. The discussions after the performances led to the conception of a manner of generating a “transnational workshop,” creating a website and making a film based on this project. These discussions are themselves a fascinating moment in the research process which I will attempt to analyze in this presentation.

Les arts de la frontière : une conversation créative transnationale.

Les frontières ont une signification particulière pour les personnes qui se sont installées dans plusieurs pays. J’ai effectué des recherches approfondies sur ce sujet. Récemment, j’ai publié Moving Matters: Paths of Serial Migration. Mais ce n’est pas ce livre ou mes conclusions qui feront l’objet de cette présentation. Je décrirai et analyserai le projet artistique qui a émergé en réponse au livre. En mai à Riverside, en Californie, «Les Arts de la migration» a réuni une série d’artistes visuels migrants, danseurs, acteurs et écrivains, dont plusieurs qui figurent dans le livre. Certains spectacles comme ceux de l’artiste Beatriz Mejia-Krumbien « Mi Tiempo, Mein Raum, My Map » s’intéressent à la manière dont les frontières deviennent les chapitres de la vie ; d’autres comme la composition musicale « Einblick » de Paulo Chagas traitent de l’expérience accumulée des postes frontaliers. L’histoire de Alexandru Balesescu « Dark Green Fade to Black » fictionnalise les rencontres entre « migrants en série » et les migrants « ordinaires » à Istanbul ; tandis que Natalie Zervou explore la manière dont les « Paysages Gestuels » voyagent avec les corps dans sa chorégraphie. Dans un dialogue à propos de leur vie commune pendant plus de trente ans en Asie de l’Est, en Amérique du Nord, en Europe et en Asie centrale, Barbara et Stephen James offrent une illustration mouvante de l’idée de «la poétique de l’attachement ». L’art a permis de répondre à certaines de mes questions sur les frontières et sur les relations entre d’un côté, mes recherches et, de l’autre, les chemins de vie spécifiques et la formation du sujet. Ce faisant, le projet d’art collaboratif a offert un type de critique inédit. A travers l’art, beaucoup de ce que n’importe quel livre laisse inévitablement de côté pourrait être exprimé et partagé. Ainsi, le projet a ouvert des pistes vers d’autres formes de recherche et vers de nouveaux publics. Il propose une façon originale de générer des conversations interdisciplinaires et transnationales qui lient les domaines des sciences sociales, des sciences humaines et des arts. Les discussions après les représentations ont conduit à la conception d’un «atelier transnational » original, la création d’un site Web et la réalisation un film à partir du projet. Ces discussions ont elles-mêmes été un moment fascinant dans le processus de recherche que je vais essayer d’analyser dans cette présentation.

David Napier (Social Anthropology, University College London)
Changing Borders of Selves and Others: The Implications of Symbiosis for Boundary Construction and Maintenance

Aristotle famously said that “what makes the world one will also be what makes a person’. This talk focuses on the implications of new and emerging understandings of malleable boundaries for traditional constructions of borders and borderlands. Does what biology tells us about selfhood have major implications for ancient and time-honored notions of boundaries—that is, what they are and how they are maintained? Do we actually need radical categories to make sense of life as we now think we know it, or are there meaningful subaltern spaces emerging in which constructive difference can be ameliorated through various intellectual and artistic interventions? Are we now approaching, if unknowingly, a new threshold in our understanding of the limitations in our thinking about boundaries as base-line categorical imperatives? In this talk, the meaningfulness of such questioning is (playfully) examined.

Les frontières changeantes du Soi et des Autres: Les implications de la symbiose pour la construction et l’entretien des limites

Aristote disait que «ce qui fait le monde, est aussi ce qui fait une personne». Cette conférence se concentre sur les implications des formes nouvelles et émergentes de compréhension des limites malléables dans le processus des constructions traditionnelles des frontières et des régions limitrophes. Est-ce que ce que nous dit la biologie à propos du soi remet en cause les notions anciennes et séculaires que nous avons des frontières? Avons-nous réellement besoin de catégories radicales pour donner un sens à la vie telle que nous croyons la connaître, ou y a-t-il des espaces subalternes signifiants émergents où la différence constructive peut être améliorée grâce à diverses interventions intellectuelles et artistiques? Approchons-nous maintenant, même inconsciemment, un nouveau seuil dans notre compréhension des limites dans notre réflexion sur les frontières? Dans cette présentation, j’aborderai de manière ludique le caractère significatif de ce questionnement.

Maggie O’Neill (Critical and Cultural Criminology, University of Durham)
Transgressive Imaginations: Border Spaces, Ethnography and Performance Art

This paper discusses biographical and participatory research undertaken at the borders of ethnography and performance art and the imagination and re-imagination of the borders between deviance and normality. Key themes addressed include the tension between human rights, human dignity and humiliation in the lived experiences of migrants, many of whom exist at the margins of the margins, and the possibilities for a radical democratic imaginary in our cultural criminological work in this area.

Les Imaginations Transgressives : Espaces Frontière, Ethnographie et Performance Art

Cet article traite des recherches biographiques et participatives entreprises aux frontières de l’art, de l’ethnographie, de la performance, de l’imagination et de la ré-imagination de la frontière entre la déviance et la normalité. Les principaux thèmes abordés sont la tension entre les droits de l’homme, la dignité humaine et l’humiliation dans les expériences vécues par les migrants, dont beaucoup existent en marge de la marge, et les possibilités d’un imaginaire démocratique radical dans notre travail de criminologie culturelle dans ce domaine.

Partenariat

IMéRA (Aix-Marseille Université), Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM, CNRS-AMU), Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, CNRS-AMU), Aix-Marseille Université, Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées (RFIEA), Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS

Crossing Maps, cartographies transverses

Cette cartographie alternative se situe à la croisée des sciences humaines et de l’art. Elle est issue d’un atelier de cartographie expérimental et participatif, qui a engagé des voyageurs, des artistes et des chercheurs. La cartographie est abordée comme une technique créative de relevés d’expériences. Les cartes produites avec et par les voyageurs évoquent des souvenirs de parcours et d’épopées migratoires.

Débuté en 2013 à Grenoble, en France, ce projet a réuni deux chercheuses en géographie, trois artistes, et douze habitant·e·s grenoblois·e·s, en situation présente ou passée de demande d’asile. Alors que les administrations exigent des récits de vie « vérifiables » pour délivrer ou non le droit d’asile, le projet de recherche-création Cartographies traverses/Crossing Maps ne répond à aucune injonction de vérité, ni de référentialité.

Depuis le champ de l’art et depuis le champ de la science, nous avons travaillé à mettre en crise la notion de « vérité » narrative, utilisée par les administrations pour juger les récits migratoires des personnes demandant l’asile, en co-produisant des cartes d’expériences migratoires, ni vraies, ni fausses, autant référentielles qu’imaginaires. Nous avons donc invité des personnes en situation de demande d’asile à travailler à des formes d’expression, qui tentent de ne pas reconduire la violence générée par les interactions avec les administrations. Dans les dispositifs de mise en relation que nous avons proposés, nous n’avons posé aucune question. Plutôt que de proposer de « raconter leur histoire », nous avons invité les participant∙e∙s à dessiner des cartes à main levée, sur papier et sur tissu, à partir des thèmes du déplacement, du voyage, de la vie à Grenoble. Point de fond de carte référencé, ni vrai, ni faux. Principe d’Équivalence : bien fait = mal fait = pas fait (Filliou, 1968). Ce travail pose également les enjeux d’une co-production élaborée entre des personnes aux statuts très différents et inégaux (« artiste », « chercheuse », « demandeur∙se d’asile ») : nous relevons des asymétries, des impensés, des complémentarités, et des tentatives de subversion.

Pour plus d’éléments sur ce projet voir l’article de Mekdjian Sarah et Moreau Marie, « Redessiner l’expérience : Art, sciences et conditions migratoires », antiAtlas Journal, 01 | 2016, En ligne, publié le 13 avril 2016.

Atelier 7 : Économie de la frontière

25 et 26 avril 2013
Institut Méditerranéen de Recherches Avancées – IMéRA (AMU)
Maison des Astronomes, Marseille

Organisation: Cédric Parizot (IMéRA, IREMAM, CNRS-AMU)

Économie politique et art

Antoine Vion (Sociologue, LEST, AMU)
Échanges licites et illicites : le rôle des cartels. Synthèse des travaux de l’Observatoire économique des structures du capitalisme

Heidrun Freise (Social Anthropology, Ruhr-Universität, Bochum)
L’industrie migratoire naissante. Lampedusa et l’Etat d’exception

Georg Hobmeier (Artist, Gold extra)
Playing Politics – an attempt in serious game development

Flux de marchandises/Flows of goods

Robert Ireland (Political Analyst, Head of the Research and Strategies Unit, WCO)
New Perspectives on the Customs Supply Chain Security Paradigm from antiAtlas of Borders

Mariya Polner (Political Scientist, Research analyst, WCO Research and Strategies Unit) et Thomas Cantens (Anthropologue, Administrateur à l’Unité Recherche et Stratégies de l’OMD et membre du Centre Norbert Elias EHESS-Marseille)
Le temps et l’argent en frontière

Emmanuel Brunet-Jailly (Science politique, University of Victoria, Bristish Columbia)
Intégration économique, flux marchands et frontières en Amérique du Nord et dans l’Union européenne

Flux des personnes/ Flows of people

Swanie Potot (Sociologue, URMIS, CNRS)
Des migrants au service de l’économie monde ?

Laurence Pillant (Géographe, AMU)
Du formel à l’informel : la continuité du système de contrôle migratoire à la frontière gréco-turque from antiAtlas of Borders

Cédric Parizot (anthropologue, IMéRA, IREMAM, CNRS)
Trafiquants et gardes frontières : confusion ou synchronisation ? Le cas israélo-palestinien

Résumés / Abstracts

Antoine Vion (Sociologue, LEST, AMU)
Échanges licites et illicites : le rôle des cartels. Synthèse des travaux de l’Observatoire économique des structures du capitalisme (OPESC)

Les travaux de l’OPESC s’intéressent notamment à la structuration des cartels internationaux au XXe siècle. La présentation abordera d’abord la structuration du cartel pétrolier pour souligner son rôle dans la délimitation des activités légitimes et illégitimes en matière d’industries pétrolières. Elle prendra comme point de comparaison la structuration du cartel international de la production d’opiacées et son rôle dans la structuration de l’industrie du médicament. L’existence d’oligopoles mondiaux très structurés dessine très clairement les frontières entre les espaces d’échanges licites et illicites à travers le monde. La comparaison de ces deux cas invite à s’interroger sur l’émergence de nouveaux acteurs industriels, qui marquent peut-être la fin d’un cycle historique de contrôle occidental de ces industries. Celle-ci entrainerait une forte réorganisation des activités douanières, notamment en Asie et en Afrique.

Heidrun Freise (Social Anthropology, Ruhr-Universität, Bochum)
The Nascent Migration Industry. Lampedusa and the State of Exception

Given extensive media coverage, the island of Lampedusa became a prominent symbol of undocumented mobility in the Mediterranean. The intensification of border controls, the role of the Schengen treaty and the externalization of borders to the European ex-colonies in (North) Africa have been critically scrutinized. Similarly, the border-regimes and new forms of gouvernementalité that have fostered these processes have largely been addressed. Yet, institutionalized border economies and their massive interests have largely escaped attention. The paper therefore, addresses this nascent migration industry and various actors and stakeholders.

Georg Hobmeier (artist, Gold extra)                         
Jouer à la politique-une tentative de développement de « serious game »

Georg Hobmeier, membre du collectif artistique interdisciplinaire Gold extra, présentera Frontiers, un jeu qui conduit aux frontières de l’Europe. Ce jeu en ligne multi-joueurs présente le voyage d’un réfugié des régions subsahariennes vers l’Europe. Les joueurs peuvent aussi jouer le rôle d’un garde-frontières, dans les deux cas ils prendront connaissance des frontières et des luttes qu’implique leur traversée du Sahara, leur arrivée sur les plages du sud de l’Espagne ou dans le port de containers de Rotterdam. Le jeu repose sur des enquêtes extensives conduites en Ukraine, en Slovaquie, en Espagne et au Maroc, ainsi que sur des interviews avec des réfugiés, des organisations non-gouvernementales et avec les autorités en charge des frontières.

Robert Ireland (Political Analyst, Head of the Research and Strategies Unit, WCO)
Nouvelles perspectives sur le paradigme de la sécurité de la chaine logistique en douane

Cette présentation retrace la genèse du paradigme de la sécurité de la chaîne logistique en douane, né de la participation des administrations douanières au contre-terrorisme suite aux attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Ces  nouvelles perspectives sont le fruit d’une réflexion sur l’évolution de ce modèle, question politique de moins en moins prioritaire pour les douanes, même aux États-Unis. À la suite des attentats du 11 septembre, il s’est incarné dans un ensemble de régulations douanières nationales et de nouveaux standards internationaux élaborés par l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD). Celles-ci avaient pour but de dissuader l’utilisation des navires de fret international pour transporter des terroristes ou accomplir des actes terroristes. La communication examinera la mise en œuvre du paradigme par l’étude de deux programmes-clefs des douanes américaines, C-TPAT et CSI, puis son internationalisation par l’adoption du « WCO SAFE Framework of Standards to Secure and Facilitate Global Trade » à l’OMD et sa traduction politique dans la loi du « 100% container scanning ». Puis seront discutés les principaux thèmes politiques défendus par le gouvernement américain : la communication à l’avance des données de cargaison, la gestion du risque douanier, les équipements de contrôle non-intrusif (scanners) et les programmes d’opérateur agréé à vocation sécuritaire. Enfin, la communication s’intéressera au déclin actuel de ces dispositifs, avec l’abandon, de facto, du 100% scanning, dans un contexte de crise budgétaire qui laisse présager une réduction des moyens consacrés aux programmes en cours.

Mariya Polner  (Political Scientist, Research analyst, WCO Research and Strategies Unit) et Thomas Cantens (Anthropologue, Administrateur à l’Unité Recherche et Stratégies de l’OMD et membre du Centre Norbert Elias EHESS-Marseille)
Le temps et l’argent de la frontière : le cas des corridors de transport en Afrique de l’Ouest

A partir d’une réflexion sur les projets d’aide publique au développement et les travaux de normalisation et de régulation du commerce menés dans les institutions internationales, la communication étudiera le passage des marchandises en frontière, en particulier dans les pays en développement. Bien que souvent présentée dans le cadre contemporain de la globalisation et attachée aux paradigmes du développement, la flexibilité accordée au passage des marchandises est ancienne, liée à la circulation et l’accumulation de richesses et la représentation de l’abondance au-delà du territoire ou de la communauté.

Emmanuel Brunet-Jailly (Science politique, University of Victoria, Bristish Columbia)
Intégration économique, flux marchands et frontières en Amérique du Nord et dans l’Union européenne

La globalisation et l’intégration économique en Europe et en Amérique du Nord ont fourni aux chercheurs de nombreux éléments suggérant que ces processus devaient conduire à la fin de l’État-nation. Certains chercheurs ont défendu l’idée que les « espaces lieux » sont remplacés/déplacés par des « espaces flux ». Par exemple, Manuel Castell écrit que « dépassé par les réseaux de richesses, de pouvoir et d’information propres à la globalisation, l’État-nation a perdu une bonne part de sa souveraineté. » Cependant, des économistes, tels Loesch ou Helliwell, continuent d’insister sur le fait que les frontières accroissent les coûts et constituent des barrières au commerce. Dans ce papier, je montrerai que, compte-tenu du lien étroit entre que  les frontières établissent entre les marchés et le politique, les flux marchands jouent un rôle majeur dans la définition et la structuration des frontières ; les frontières sont ainsi pliées, tordues et remodelées par les forces et les flux marchands.

Swanie Potot (Sociologue, URMIS, CNRS)
Des migrants au service de l’économie monde ?

La frontière est rendue visible par les barrières érigées autour des Etats, pour protéger leur territoire de l’entrée d’indésirables. Cependant,  elle s’exprime au-delà en continuant à distinguer, à l’intérieur même de l’espace national, ceux dont la présence est pleinement légitime de ceux qui ne sont que tolérés, acceptés sous certaines conditions mais toujours maintenus en dehors de la communauté nationale. L’intervention proposée portera sur les travailleurs migrants contemporains.  De plus en plus mobiles, ils éprouvent cette limite au quotidien, non seulement lors de leur multiples déplacements mais également lorsqu’en France, leurs conditions de travail et les lois supposées les protéger relèvent de mesures dérogatoires, les distinguant encore du reste des travailleurs. Après être revenue sur les profondes mutations apparues dans les migrations de travail en Europe depuis une vingtaine d’années, je présenterai trois figures de travailleurs dont le statut d’étranger crée les conditions d’une exploitation particulière mise au service de l’économie mondialisée. Je m’arrêterai ainsi sur les étrangers recrutés en contrat temporaire (saisonniers, CDD, Stagiaires), les travailleurs dits sans-papiers et les salariés détachés dans le cadre de la prestation de service internationale, afin d’explorer ainsi la frontière « de l’intérieur » et ses usages par divers acteurs.

Laurence Pillant (Géographe, TELEMME, AMU)
Du formel à l’informel : la continuité du système de contrôle migratoire à la frontière gréco-turque

L’étude de l’économie frontalière s’est avérée être un outil méthodologique majeur dans l’approche et la compréhension du contrôle migratoire à la frontière gréco-turque. Mais au-delà de ce seul aspect, son analyse montre que les différentes activités formelles et informelles qui constituent le contrôle migratoire et gravitent autour, sont étroitement liées et participent ensemble de la mise à l’écart des migrants de la société locale.

Cédric Parizot (Anthropologue, IMéRA, IREMAM, CNRS/AMU)       
Trafiquants et gardes frontières : confusion ou synchronisation ? Le cas israélo-palestinien

Cette présentation propose une ethnographie des réseaux informels assurant le passage clandestin des ouvriers palestiniens de Cisjordanie vers Israël entre 2007 et 2010. Les travaux qui ont documenté ce phénomène se sont essentiellement concentrés sur le vécu et les perceptions des ouvriers condamnés à la clandestinité. Ils insistent sur leur souffrance ou, au contraire, valorisent leur capacité à résister et à survivre dans un contexte de précarité et d’injustices accrues. Sans négliger la souffrance des Palestiniens, je m’efforcerai de dépasser ces approches : comme le soulignait Lila Abu Lughod (1990), l’idée de résistance tend à surestimer le pouvoir des populations opprimées. Elle favorise, par ailleurs, une construction binaire du conflit. Opposant, terme à terme, les Israéliens aux Palestiniens, elle évacue de multiples acteurs et interactions intermédiaires jouant pourtant des rôles significatifs. Enfin, en se concentrant uniquement sur la souffrance des Palestiniens, on prend le risque de se limiter à une sociologie du pouvoir israélien. Déplaçant le regard des ouvriers vers les passeurs, je propose une ethnographie du trafic d’ouvriers prenant en compte l’ensemble de ces acteurs. Je montrerai ainsi comment des Palestiniens, des Israéliens interviennent au quotidien, formellement et informellement, pour faciliter le passage des Palestiniens de Cisjordanie vers Israël. S’étant appropriés les failles et les opportunités créées par le régime de contrôle israélien, ils entretiennent une « économie du passage » ; ils participent ainsi au fonctionnement et aux réajustements du régime de mobilité israélien aux côté des autorités israéliennes.

Partenaires

IMéRA (Aix-Marseille Université), Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM, CNRS-AMU), Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, CNRS-AMU), Aix-Marseille Université, Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées (RFIEA), Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS

Image: Heidrun Friese, Partire 2, 2009

Atelier 6b : Le temps et l’argent de la frontière

7 mars 2014
Maison méditerranéenne des sciences de l’Homme, Aix en Provence

Organisation: Cédric Parizot(IREMAM, IMéRA, CNRS, AMU)

Le temps et l’argent de la frontière

Mariya Polner (political scientist, research analyst, WCO Research and Strategies Unit) et Thomas Cantens (anthropologue, administrateur à l’Unité Recherche et Stratégies de l’OMD et membre du Centre Norbert Elias EHESS-Marseille)

A partir d’une réflexion sur les projets d’aide publique au développement et les travaux de normalisation et de régulation du commerce menés dans les institutions internationales, la communication étudiera le passage des marchandises en frontière, en particulier dans les pays en développement. Bien que présentée souvent dans le cadre contemporain de la globalisation et attachée aux paradigmes du développement, la flexibilité accordée au passage des marchandises est ancienne, liée à la circulation et l’accumulation de richesses et la représentation de l’abondance au-delà du territoire ou de la communauté.

Partenariat

IMéRA (Aix-Marseille Université), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman, Laboratoire Méditerranéen de Sociologie, Ecole supérieure d’Art,
Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées, Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS

Photo: Thomas Cantens, Limani, Cameroun, 2013

Atelier 6 : Décoder la frontière

13 et 14 février 2013,
Ecole supérieur d’art d’Aix en Provence,
Rue Emile Tavan, Aix en Provence

Organisation: Cédric Parizot (IMéRA, IREMAM, CNRS-AMU), Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence)

Ce séminaire porte sur l’impact de l’escalade sécuritaire et technologique sur le fonctionnement et les manifestations des frontières des Etats au cours des 20 dernières années. Cette réflexion s’opérera dans un cadre transdisciplinaire associant des chercheurs en sciences humaines (historiens, sociologues, anthropologues, géographes, philosophes, politologues), des chercheurs en sciences dures (intelligence artificielle, informatique) et des artistes (webart, hypermedia, etc.). Dans le premier atelier, chercheurs, architectes et artistes discuteront des technologies de plus en plus sophistiquées (robots, drones, technoscience, biométrie) qui sont déployées le long des frontières mais aussi en deçà et au-delà de ces espaces. La perspective socio-historique adoptée dans le second atelier permettra de mieux comprendre dans quels processus s’inscrit l’émergence de ces technologies. Enfin, le troisième atelier présentera à travers deux œuvres transdisciplinaires et une intervention le caractère profondément envahissant et diffus des contrôles aux frontières. Entre biographies et codes, la frontière semble s’immiscer jusque dans les corps des individus, les images et les flux de données numériques.

Drones, robots & technoscience

Noël Sharkey (artificial intelligence, University of Sheffield)
Les robots à la frontière: nouvelles armes, nouveaux problèmes?

RYBN.ORG (collectif artistique, Paris)
Antidatamining : frontières à l’épreuve de l’économie financiarisée

Charles Heller (filmmaker and writer, Center for Research Architecture, Goldsmiths, University of London)
Forensic Oceanography: subverting surveillance, demanding accountability

Klaus-Gerd Giesen (science politique, Université d’Auvergne, Clermont Ferrand)
The biopolitical normalization of the human: a fractal regulation beyond and below borders” from antiAtlas of Borders

De l’identification à la biométrie / From Identification to Biometry

Martine Kaluszynski, (socio-historienne, PACTE, CNRS, Grenoble)
Du carnet anthropométrique au passeport biométrique : l’identification, une pratique constructrice de l’Etat (19e-21e siècle)

Hidefumi Nishiyama (politics and International Studies, University of Warwick)
« Corps frontières » dans le Japon impérial et au-delà

Gabriel Popescu (geographer, Indiana University, South Bend)
Border bodyscapes and precarious life from antiAtlas of Borders

Emmanuel Brunet-Jailly (science politique, University of Victoria, Bristish Columbia)
Frontières, théorie et sécurité: la frontière, ici, là et partout

Frontières intrusives/Pervasive borders

Joana Moll (new media artist, Barcelone)
Move and get shot: la surveillance par les réseaux sociaux le long de la frontière américano mexicaine

Nick Mai (anthropologist, London Metropolitan University)
Emborder: la biographisation de la frontière

Jean Cristofol (philosophe, Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence)
Flux, images et frontières

Résumés

Noël Sharkey (artificial intelligence, University of Sheffield)
Les robots à la frontière: nouvelles armes, nouveaux problèmes?

Les premières décennies du 21e siècle seront considérées comme l’âge des véhicules sans pilote. Depuis 2002, l’utilisation des drones dans les zones de guerre a considérablement augmenté. Beaucoup d’entre eux sont armés et contrôlés à des milliers de kilomètres de leurs zones d’action. La technologie a proliféré au point qu’ils sont utilisés dans au moins 76 pays. Les drones représentent un énorme marché international. Les développements se sont étendus aux navires, aux sous-marins sans pilote, aux voitures et aux robots terrestres, qui commencent à faire leur apparition dans le civil au sein de la police et des organismes de protection des frontières. Cette présentation examinera l’évolution de la technologie et ouvrira une discussion sur la façon dont les drones pourraient être appliqués à la surveillance future des frontières pour garder, exclure ou enfermer les populations.

RYBN.ORG (collectif artistique, Paris)
Antidatamining : frontières à l’épreuve de l’économie financiarisée

Le modèle de gouvernance de l’État-Nation est aujourd’hui mis en concurrence par les méthodes de gestion des flux issues du capitalisme financiarisé. Nombre d’événements récents en témoignent : nomination de Mario Monti en Italie, de Loukas Papadimos en Grèce, crise des dettes souveraines, etc. Ce déplacement du pouvoir nécessite de redéfinir et de retracer les cartes du conflit en cours, en réévaluant les notions d’état, de  sécurité, de frontière, de législation, de suffrage, de droit du travail, d’impôt, de marchés. Le workshop propose de répertorier les lignes de fracture entre capitalisme financiarisé et État-Nation, et de dresser l’inventaire des techniques et technologies qui participent de cette reconfiguration.

Charles Heller (filmmaker and writer, Center for Research Architecture, Goldsmiths, University of London)
Forensic Oceanography: subverting surveillance, demanding accountability

Je présenterai ici une partie du travail que nous avons développé sur les incidents touchant les migrants en mer et les outils que nous avons développés pour en rendre compte dans le projet de recherche Océanographie médico-légale. Je commencerai par contextualiser ce projet en esquissant dans les grandes lignes la tension entre la gouvernance des flux et le partitionnement des mers qui caractérise la gouvernance maritime, l’importance géopolitique de la Méditerranée et les conditions dans lesquelles sont mises en oeuvre les tentatives de contrôle des frontières maritimes de l’UE. J’aborderai ensuite plus en détail les systèmes de détection -radars, données automatisées de suivi des navires, images satellites – qui sont au cœur du “triage des mobilités” aux frontières dans les zones à forte densité de circulation. Je montrerai que, malgré leur sophistication, ces technologies de détection atteignent leurs limites lorsqu’elles sont appliquées au contrôle des flux de migrants illégaux. De fait, la militarisation et la technologisation du contrôle de la migration en mer ont été particulièrement meurtrières – plus de 13.000 cas de migrants morts ont été dénombrés par les ONG. Enfin, je décrirai notre enquête sur un incident en mer qui nous a permis d’aller au-delà du simple comptage des décès de migrants en mer pour les dénoncer et demander des comptes.

Klaus-Gerd Giesen (science politique, Université d’Auvergne, Clermont Ferrand)
The biopolitical normalization of the human: a fractal regulation beyond and below borders” from antiAtlas of Borders

La communication tente d’appréhender les tentatives de régulation, à l’échelle mondiale, de la technoscience génétique appliquée à l’humain. Partant du constat de la crise de l’humanisme dominant, elle examine le basculement dans l’ère du « tout génétique » biologisant, et ses justifications idéologiques. On observe notamment l’instrumentalisation des nombreux comités de bioéthique et d’évaluation technologique (aux niveaux nationaux, supranationaux ou internationaux) au service d’une normalisation de l’humain qui joue précisément sur les frontières pour créer de multiples réseaux institutionnels publics, agencés sous forme de configurations polymorphes, discontinues et complémentaires, se constituant ou se défaisant au gré des nécessités et des besoins concrets de légitimation politique.

Martine Kaluszynski, (socio-historienne, PACTE, CNRS, Grenoble)
Du carnet anthropométrique au passeport biométrique : l’identification, une pratique constructrice de l’Etat (19e-21e siècles) 

Les technologies du contrôle social, les instruments d’identification sont de véritables techniques de gouvernement qui vont contribuer à construire l’Etat Nation. La méthode anthropométrique permit pour la première fois d’établir scientifiquement l’identité des délinquants et de sanctionner les récidivistes. L’établissement rigoureux des signalements des prévenus, juxtaposé à une technique rationnelle de classement, aboutit à l’instauration d’un fichier judiciaire élaboré et efficace. Ces éléments forment la clef de voûte du système anthropométrique. Le cheminement de cette méthode, son application, ses résultats et ses conséquences vont nous montrer à quel point elle fut une pratique permettant d’établir dans un premier temps le maintien de l’ordre et la répression, et dans un second temps l’instauration d’une technique (et « politique ») républicaine de gouvernement fondée sur l’identité. Ce processus général de rationalisation des techniques policières d’identification des individus (Bertillonnage, dactyloscopie,…) connaît une profonde mutation en France à partir du dernier tiers du XIXe siècle. Elle aboutit notamment à l’élaboration et la proposition du projet INES (Identité nationale électronique sécurisée) par le ministère de l’Intérieur en 2005. Cette intensification des technologies traduit une réorganisation des formes d’expression de la puissance publique. Elle conduit à s’interroger sur les conséquences de sa recherche d’une nouvelle efficacité et légitimité qui la conduit à s’ancrer de plus en plus dans la société elle-même et à s’appuyer sur les développements technologiques qui brouillent les frontières, pourtant classiques, entre sécurité et liberté, entre police et justice ou entre répression et surveillance.

Hidefumi Nishiyama (politics and International Studies, University of Warwick)
« Corps frontières » dans le Japon impérial et au-delà

En 1926, des scientifiques japonais menés par Furuhata Tanemoto, un professeur de science médico-légale et plus tard le chef de l’Institut national de recherches scientifiques de police, ont commencé à classifier des groupes raciaux et ethniques à partir de leurs empreintes digitales. Cette recherche, ou ce que Furuhata appelle “l’index des empreintes digitales”, a servi de support pour établir une corrélation entre des modèles d’empreintes digitales et des groupes raciaux et ethniques catégorisés en fonction de la hiérarchie des civilisations définie par  l’Empire : de ceux assimilés à des “civilisé” et “de type japonais” aux “primitifs” considérés comme “dangereux”. A partir de cette étude de cas historique sur le traitement des empreintes digitales entre les années 1920 et les années 1930, ce papier montre que les corps sont devenus des espaces de confinement et de délimitation, où l’on distingue les individus en fonction de leurs prédispositions à la criminalité. La spatialisation du corps est double: d’une part, ils sont spatialisés parce que les attributs corporels deviennent la sphère de production d’une identité particulière; d’autre part, ils sont territorialisés dans des lieux géographiques et dans le spectre de pouvoirs politiques. En historicisant l’identification biométrique, cet article s’attache à mettre en lumière les liens entre identité et identification dans le cadre des contrôles frontaliers contemporains, au sein desquels l’in/désirabilité des corps est continuellement calculée de manière à la fois similaire et distincte.

Gabriel Popescu (geographer, Indiana University, South Bend)
Border bodyscapes and precarious life from antiAtlas of Borders

Les stratégies de gestion des risques associées à la sécurisation de la mobilité transnationale ont déclenché une course technologique favorisant un processus d’intégration des frontières dans le corps humain. La croyance dominante est que les risques mobiles peuvent être évalués et éliminés dans le processus même de mobilité afin que les flux et le trafics ne soient pas perturbés à la frontière. Ainsi, les corps sont imaginés comme des espaces d’inscription de la frontière. Cette logique du pouvoir repose sur un point de vue prédominant dans les sciences naturelles selon lequel le corps est perçu comme un objet matériel pouvant être identifié numériquement à l’aide de la technologie. Les technologies biométriques, entre autres, sont utilisées pour acquérir des connaissances complètes sur les corps mobiles avant même qu’ils ne traversent les frontières étatiques. Ces données corporelles sont utilisées pour classer les individus en termes de bonnes et de mauvaises mobilités. L’objectif est de produire des catégories qui se prêtent au calcul de risques. Cette connaissance du corps génère inévitablement de nouvelles formes de pouvoir qui agissent sur des espaces à la fois intimes et mobiles. Cette logique de contrôle spatial a tendance à imaginer l’automatisation des frontières comme une panacée permettant de concilier la mobilité sans entrave et la sécurité du territoire. Pourtant, contrairement aux affirmations selon lesquelles les technologies numériques aux frontières aideraient à la prise de décision humaine, la manière dont elles sont mises en œuvre suggère que l’automatisation des frontières cherche à générer de nouveaux automatismes dans la prise de décision qui réduiraient l’intervention humaine. Il s’agira ici de comprendre si la biométrie peut effectivement réduire l’incertitude pour rendre la vie plus sûre ou si au contraire elle crée plus d’incertitude, rendant les vies des individus encore plus précaires.

Emmanuel Brunet-Jailly (science politique, University of Victoria, Bristish Columbia)
Frontières, théorie et sécurité: la frontière, ici, là et partout

Les 18e et 19e siècles ont été des époques où les sociétés disciplinaires ont mis en place un type de pouvoir, un ensemble d’instruments, de techniques, de procédures, des niveaux d’application et des technologies qui étaient anti nomade. L’ère d’aujourd’hui est celle du contrôle. Il s’agit d’un moment où un type de pouvoir et de technique permet au corps de devenir un mot de passe dans un flux codé, permettant l’accès à la mobilité et au statut. Parallèlement, la sécurité qui a été traditionnellement conçue comme mono-sectorielle et axée sur l’armée, devient multi-sectorielle. Ceci suggère l’importance de penser clairement l’équilibre entre les secteurs, les types de menaces, les acteurs et les éléments qui, ensemble, ont des implications importantes pour les politiques de sécurité. Les politiques de sécurité sont plus complexes, car les problèmes identifiés comme des menaces sécuritaires sont également plus diversifiés: ils sont pluriels et multiformes. Les politiques de contrôle aux frontières sont aux prises avec ces nouvelles dimensions complexes de la sécurité. En effet, cette nouvelle complexité se traduit de façons diverses et inégales aux frontières des États et aux niveaux des politiques frontalières ; elle affecte d’ailleurs leurs relations de voisinage et les relations internationales. Cette complexité accrue en matière de sécurité a également des conséquences pour la définition des frontières et des régions frontalières – c’est la frontière ici, là, partout.

Joana Moll (new media artist, Barcelone)
Move and get shot: la surveillance par les réseaux sociaux le long de la frontière américano mexicaine

The Texas Border et AZ: move and get shot sont deux œuvres d’art numérique qui explorent le phénomène de la surveillance sur Internet effectué par des civils à la frontière entre le Mexique et les États-Unis à partir de plateformes mises en place par les autorités américaines. Beaucoup de ces plateformes en ligne sont apparues lors du développement des réseaux sociaux dont la structure a été adoptée comme une alternative moins chère et plus efficace pour surveiller la frontière. Ainsi, l’activité de loisir est devenue un outil pour la militarisation de la société civile. Cette présentation exposera le processus de recherche derrière les deux œuvres d’art et analysera l’évolution de certaines de ces plateformes internet depuis leur création jusqu’à nos jours.

Nick Mai (anthropologist, London Metropolitan University)
Emborders: la biographisation de la frontière

En raison des politiques plus restrictives encadrant les migrations mondiales, l’octroi de l’asile et la protection sociale des groupes de migrants vulnérables ont généré de nouvelles frontières biographiques entre l’Occident et le reste du monde. Au sein de la gouvernance humanitaire de la migration, le genre et la sexualité sont devenus des répertoires narratifs stratégiques à travers lesquels les hiérarchies d’appartenance et les obstacles à la mobilité sont renforcés. L’accent mis sur la dimension sexuelle pour construire et pour contrôler des groupes de migrants définis comme vulnérables peut être définie comme un «humanitarisme sexuel». Le projet de recherche cinématographique Emborders (l’incorporations de frontières biographiques) problématise l’efficacité et la portée de l’humanitarisme sexuel en comparant les expériences de deux groupes de migrants qui sont abordées comme de potentielles «victimes cibles »: des migrants qui travaillent dans l’industrie du sexe et des migrants appartenant à des minorités sexuelles. Emborders rassemble les récits de victimisation et d’émancipation développés par les migrants dans le cadre d’entretiens de recherche originaux et d’observations ethnographiques.

Jean Cristofol (philosophe, Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence)
Flux, images et frontières 

Les images sont des moments saisis, partagés, modifiés dans la circulation des flux d’information. De ce fait elles contribuent à constituer la matière même de notre expérience quotidienne, non seulement comme des objets que nous rencontrons et qui véhiculent du sens, mais comme la réalité mouvante de l’environnement dans lequel nous nous trouvons. La place et le lieu des images a donc changé, comme la relation des images aux lieux. Il ne s’agit plus seulement de parler de l’image du monde, ni du monde des images, mais des modes par lesquels s’effectue l’interpénétration du monde et de l’image. Cette nouvelle place de l’image est en relation avec la façon dont on peut penser l’espace des flux informationnels. Longtemps, on a pensé la relation au cyberespace comme à une sphère seconde, un autre monde dans le monde dans lequel il était devenu possible de s’immerger. Un monde sans frontière qui se déploierait au delà de l’espace géographique, ou dans lequel les formes de séparation et de clôture seraient d’une autre nature. Il faut bien constater que ce qui se passe est sensiblement différent et que l’immersion a pris une toute autre forme, celle de l’intrusion ou de ce qu’on peut appeler par emprunt à l’anglais la « pervasion ». C’est de la relation entre image, immersion et pervasion qu’il va donc être question.

Partenariats

IMéRA (Aix-Marseille Université), Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM, CNRS-AMU), Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, CNRS-AMU), Aix-Marseille Université, Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées (RFIEA), Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS

Affiche et photographies : Myriam Boyer, 2013

Interview Noël Sharkey


Noel Sharkey, artificial intelligence, Sheffield University, UK

Traduction : Cecile Cottenet, LERMA (AMU). Sous titres : Myriam Boyer. Sources : Delair-Tech – The DT-18 system, Victoria Police consider Unmanned drones, CNN.com news Drones silently patrol U.S.borders – Predator B UAV (unmanned aerial vehicle), RAFAEL’s Protector USV, Israel G-Nius UGV – Avantguard UGCV, Guardium LS UGV & Guardium UGV

ISPABEMA: Israel Palestine below Maps

Une cartographie alternative des espaces israélo-palestiniens

Fin 2012, afin de renouveler le traitement de ses données de terrain récoltées entre 2005 et 2010 dans les espaces israélo-palestiniens, Cédric Parizot (anthropologue) s’associe avec une équipe transdisciplinaire composée d’un artiste numérique, spécialisé dans la visualisation des données complexes, Wouter Van Den Broeck, et un sociologue des réseaux, Antoine Vion (LEST, Aix Marseille Université/CNRS). L’objectif est d’élaborer une première base de données pour saisir et visualiser les interactions que l’anthropologue a observées pendant ses enquêtes sur les réseaux de passeurs facilitant le passage des ouvriers palestiniens en Israël.

Les premiers tests de ce système de visualisation ont été présentés lors du colloque de l’antiAtlas des frontières (octobre 2013) à Aix en Provence et en juin 2014 au Congrès Mondial de l’Association for Borderlands Studies de Joensuu (Finlande). Les graphes réalisés avaient permis d’exposer et d’analyser près de 1000 interactions observées au cours de deux mois de terrain en 2005. Le fait de passer de l’observation fine et riche fournie par l’ethnographie à une abstraction graphique permettant de visualiser simultanément plusieurs centaines d’interactions, avait permis de valider un certain nombre d’hypothèses de recherche mais surtout de visualiser des agencements dont le chercheur n’avait pas pris conscience à la seule lecture de ses carnets de notes.

De la carte à un outil de visualisation sur mesure

Compte tenu de l’intérêt de ces premiers résultats, nous avons décidé de poursuivre le projet entre le printemps 2014 et 2015. Nous avions trois objectifs : (1) créer un outil sur mesure pour renouveler l’analyse des données consignées dans mes carnets de notes ; (2) mettre en image une cartographie alternative des espaces israélo-palestiniens et de leurs frontières ; (2) et enfin, (3) proposer un logiciel mobilisable par d’autres chercheurs en sciences humaines dans le traitement des données réseaux.

Wouter Van Den Broeck n’ayant pu poursuivre, l’équipe s’est recomposée autour de Cédric Parizot, Antoine Vion, un autre artiste numérique et programmeur, Guillaume Stagnaro (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence) ainsi qu’un géomaticien, Mathieu Coulon (LAMES, CNRS/Aix Marseille Université).

Intitulé ISPABEMA (Israel Palestine below Maps), ce projet a permis de constituer un premier prototype de ce logiciel en novembre 2014 au salon de la valorisation en sciences humaines et sociales porté par le LabexMed à Marseille ; puis nous avons fait un dépôt d’invention auprès de la SATT sud-est et Aix Marseille université en janvier 2015. Enfin en juin 2015, nous avons présenté un prototype plus abouti au salon Innovative SHS qui s’est tenu à la Villette à Paris.

Toutefois, faute de financements, nous n’avons pu mener le projet jusqu’au bout. Le projet reste pour l’instant en suspens.

Equipe

Cédric Parizot, anthropologue ; Mathieu Coulon, géomaticien ; Guillaume Stagnaro, artiste numérique et programmeur ; Wouter Van Den Broeck; Antoine Vion, sociologue

Partenariat

Institut d’Etudes et de Recherche sur le Monde Arabe et Musulman
Laboratoire Méditerranéen de Sociologie
Laboratoire d’Economie et de Sociologie du Travail
Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence
Projet LabexMed (Fondation A*MIDEX)
Aix Marseille Université
Centre National de la Recherche Scientifique

Atelier 5 : Bilan de l’année 2011-2012

6 et 7 décembre 2012
Maison des Astronomes, IMéRA,
2, place Le Verrier
13004 Marseille

Organisation: Cédric Parizot (IMéRA/CNRS-IREMAM)

Ce séminaire de recherche s’articulera autour de trois axes : un bilan des réflexions développées dans notre programme au cours de l’année 2011-2012 ; la présentation d’approches transdisciplinaires de la frontière ; et enfin, la préparation de l’exposition l’Anti Atlas des frontières qui se tiendra au Musée des Tapisseries d’Aix-en-Provence en octobre 2013.

Retour sur les ateliers de la première année

Antoine Vion (sociologue, LEST, AMU)
Réseaux et frontières

Stéphane Rosière (géographe, HABITER, Université de Reims)
Matérialisation, dématérialisation des frontières

Anne Laure Amilhat-Szary (PACTE, Université Joseph Fournier, Grenoble)
Aux frontières de l’art et de la science

Explorations transdisciplinaires

Cédric Parizot (IMéRA, IREMAM, CNRS), Antoine Vion (Sociologue, LEST, AMU), Wouter Van den Broeck (Data visualization, ISI Foundation, Turin, Italie; Addith.be)
De la contrebande à la visualisation des réseaux: Cartographier un parcours anthropologique entre Israël et les Territoires occupés palestiniens (2005-2010)

Douglas Edric Stanley (Hypemédia, Game-Art, Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence)
Vous avez été mangé par une grue ! Navigation spatiale et jeux vidéos

Olivier Clochard (Géographe, MIGRINTER, CNRS, ADES/Terre Ferme)
Où est la frontière?

Frontières, images, exposition

Jean Cristofol (Philosophe, Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence)
Art et représentation

Isabelle Arvers (commissaire de l’exposition l’antiAtlas des Frontières)
Présentation du scénario de l’exposition l’antiAtlas des Frontières (octobre- novembre 2013)

Partenariats

IMéRA (Aix-Marseille Université), Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM, CNRS-AMU), Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, CNRS-AMU), Aix-Marseille Université, Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées (RFIEA), Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS

Photo: Myriam Boyer, 2012

Atelier 4 : Représenter les frontières

6-8 juin 2012
Maison des astronomes
IMéRA
2, place Le Verrier
13004 Marseille

Organisation: Cédric Parizot (IMéRA/CNRS-IREMAM), Anne Laure Amilhat-Szary (PACTE, Université Joseph Fournier, Grenoble), Isabelle Arvers (Curatrice indépendante, Marseille), Jean Cristofol (École Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence), Nicola Mai (IMéRA/London Metropolitan University)

L’objectif de ce séminaire de recherche est d’ouvrir un chantier de réflexion sur les difficultés, modalités, voire impossibilités de représenter les frontières dans leur complexité (éclatement, flexibilisation, frontières ponctiformes, virtualisation, etc.), leurs vécus de plus en plus asymétriques, et les nouveaux modes de contournement qu’inventent les populations.

6 Juin : Session 1

Nicola Mai (Anthropologist, IMéRA/London Metropolitan University)
Présentation en exclusivité du projet film / recherche Emborders : problématiser l’humanitarisme sexuel à travers la création d’un film expérimental

Heath Bunting
Atelier de construction d’une identité nouvelle

7 juin: Session 2 – Cartographier la frontière et ses transgressions

Olivier Denert (Secrétaire Général de la Mission Opérationnelle Transfrontalière)
Cartographie des régions transfrontalières, présentation de l’Atlas de la MOT : Contexte, méthode, conséquences et usages

Aurélie Arnaud & Michel Chiappero (Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional, AMU, laboratoire LIEU, Marseille)
Cartographie d’objets complexes : la frontière

Ron Terrada (Artiste, Canada)
Voir l’autre côté du signe

7 juin : Session 3 – Pour une approche non-représentationnelle des frontières

Anne-Laure Amilhat Szary (PACTE, Université Joseph Fournier, Grenoble)
Incorporer la frontière : une approche non représentationnelle des frontières

Cédric Parizot (IMéRA/CNRS-IREMAM) et Ariel Handel (Tel Aviv University)
Indexer des espaces incertains : les Palestiniens de Cisjordanie confrontés aux systèmes de contrôle israéliens (2005-2010)

Jérôme Epsztein (INMED-INSERM U901)
Des réseaux neuronaux pour représenter l’espace et ses frontières

8 juin: Session 4 – La frontière en scène

Patrick Bernier et Olive Martin (Artistes, France)
À travers champs: une certaine façon de faire l’école buissonnière

Norma Iglesias Prieto (San Diego State University)
‘Transborderism’ and Social Imaginary in the U.S.-Mexican Border from antiAtlas of Borders

Atelier LIMO (Simon Brunel & Nicolas Pannetier, collectif d’artistes-architectes et cinéastes, Berlin)
« Border Speaking » : de la notion abstraite à l’espace de projet

7 juin : Table ronde – Transgresser la recherche sur les frontières

Quelles premières conclusions sur le possible renouvellement des analyses frontalières peut-on tracer à partir de cette première année de dialogues méthodologiques entre sciences, technologies représentations et art ?

The panelists will summarize and discuss the outcomes of the workshops that were previously held in the context of the ‘Borders in the 21st Century’ transdisciplinary project. These workshops address strategic issues such as the role of networks, technology and dynamics of materialization / dematerialization in the transformation and representation of borders in contemporary times. Altogether, the project shows that formal and experimental scientific and artistic theories, models and techniques provide useful conceptualization tools that can productively be intersected with social science analyses. These innovative conceptualizations were presented to people involved in the control and management of borders (customs authorities, government officials, security industrials or military representatives) and were recognized as useful tool to discuss the practical, social, political and ethical implications of the different forms of contemporary border transformations examined in the context of the project. They constitute important steps toward the publication of an Anti-Atlas of Borders at the Turn of the 21st Century, an initiative that will showcase the outcomes of the ‘Borders in the 21st Century’ transdisciplinary project through an innovative art/science platform, including a book, an interactive website and an exhibition.

Résumés / Abstracts

Nicola Mai (Anthropologist, IMéRA/London Metropolitan University)
Emborders : problématiser l’humanitarisme sexuel par le cinéma expérimental

L’augmentation et la diversification contemporaines des flux migratoires à l’échelle mondiale coïncident avec l’apparition de formes de gouvernance humanitaire. Celles-ci gèrent des groupes de migrants «indésirables», qui sont stratégiquement construits comme vulnérables. Parce que des politiques plus restrictives encadrent les migrations mondiales, l’octroi de l’asile et la protection sociale des groupes de migrants vulnérables sont devenus de nouvelles frontières corporelles entre l’Occident et le reste du monde. Des droits fondamentaux sont attribués sur la base de la performance dans le répertoire de ‘vraie victime’, dans lequel la mise en scène du corps souffrant du migrant devient un outil stratégique pour susciter la compassion et la solidarité. Dans la gouvernance humanitaire globalisée des migrations, le genre et la sexualité sont devenus des répertoires narratifs stratégiques. A travers ces répertoires, les hiérarchies entre les origines ethniques et les classes sociales, ainsi que les barrières à la momobilité qui y sont associées, se trouvent renforcées. « L’humanitarisme sexuel » peut se définir comme l’accent mis sur la dimension sexuelle pour construire comme vulnérables et contrôler des groupes spécifiques de migrants par des interventions humanitaires.

L’augmentation et la diversification contemporaines des flux migratoires à l’échelle mondiale coïncident avec l’apparition de formes de gouvernance humanitaire. Celles-ci gèrent des groupes de migrants «indésirables», qui sont stratégiquement construits comme vulnérables. Parce que des politiques plus restrictives encadrent les migrations mondiales, l’octroi de l’asile et la protection sociale des groupes de migrants vulnérables sont devenus de nouvelles frontières corporelles entre l’Occident et le reste du monde. Des droits fondamentaux sont attribués sur la base de la performance dans le répertoire de ‘vraie victime’, dans lequel la mise en scène du corps souffrant du migrant devient un outil stratégique pour susciter la compassion et la solidarité. Dans la gouvernance humanitaire globalisée des migrations, le genre et la sexualité sont devenus des répertoires narratifs stratégiques. A travers ces répertoires, les hiérarchies entre les origines ethniques et les classes sociales, ainsi que les barrières à la mobilité qui y sont associées, se trouvent renforcées. « L’humanitarisme sexuel » peut se définir comme l’accent mis sur la dimension sexuelle pour construire comme vulnérables et contrôler des groupes spécifiques de migrants par des interventions humanitaires.

Le film et projet de recherche Emborders problématise l’efficacité et les finalités de l’humanitarisme sexuel en comparant les expériences de deux groupes de migrants: ceux qui travaillent dans l’industrie du sexe et ceux qui appartiennent à des minorités sexuelles. Les deux groupes sont respectivement ciblés par l’humanitarisme sexuel comme victimes potentielles de traite et comme réfugiés sexuels. Emborders assemble les récits de victimisation et d’émancipation que les migrants des deux groupes produisent dans le cadre des interviews de recherche. Le projet présente de vraies histories de vie et de vraies personnes, qui seront jouées par des acteurs pour protéger l’identité des interviewés et pour reproduire la dimension performative qui caractérise leur auto-représentation dans le contexte des interviews. Emborders est une mise en scène scientifique des histoires de vie des migrants ciblés par l’humanitarisme sexuel. Il est également une réflexion artistique sur la nature intrinsèquement fictionnelle de toute narration de soi. En utilisant des acteurs pour mettre en scène de vraies personnes et de vraies histoires de vie, le projet problématise ce qui constitue une réalité crédible et acceptable en termes scientifiques, filmiques et humanitaire.

Heath Bunting
Atelier de construction d’une identité nouvelle

Heath Bunting présentera tout d’abord le projet Status, initié en 2004, et qui propose un système numérique de production d’identités. Il se compose d’une base de données contenant plus de 5.000 entrées sur les différents éléments d’identification d’une personne. Ce système est disponible sur le site irational.org. A partir de l’interconnexion de toutes ces données, il produit des cartes représentant des réseaux et permettant de générer un statut social. L’ensemble de nos actes et déplacements sont tracés. Pour prendre un abonnement à la bibliothèque, une carte de transport ou encore faire des achats en ligne, nous remplissons en permanence des formulaires où nous laissons de manière anodine des données nous concernant: nom, adresse, numéro de carte bancaire, téléphone… En combinant l’ensemble des données disponibles sur une personne, il est alors possible de lui attribuer un statut social. Status révèle comment de telles constructions influencent ensuite notre mobilité au sein de l’espace social en ligne ou hors ligne. Ensuite, l’artiste organisera un atelier de réflexion avec le public pour tester les multiples possibilités de jeu et de production de nouvelles identités.

Olivier Denert (Secrétaire Général de la Mission Opérationnelle Transfrontalière)
Cartographie des régions transfrontalières, présentation de l’Atlas de la MOT : Contexte, méthode, conséquences et usages

La MOT a publié sa première carte transfrontalière en 1999, qui donnait pour la première à voir les flux de travailleurs frontaliers entre la France et ses pays voisins. Un atlas comportant une centaine de planches a été publié en 2001 puis augmenté et réédité en 2007, ses cartes sont depuis lors régulièrement remises à jour. Il s’agit de montrer la portée novatrice, tant sur le plan technique que politique d’une telle démarche, les nombreuses difficultés techniques auxquelles est confronté tout producteur et concepteur de données transfrontalières dans leur dimension tant statistique et cartographique, la voie ouverte par ce type de document dont l’approche est restée jusqu’à présent sans équivalent en France ni dans les différents pays européens, et les différents usages et impacts d’un tel outil sur la connaissance transfrontalière.

Aurélie Arnaud & Michel Chiappero (Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional, AMU, laboratoire LIEU, Marseille)
Cartographie d’objets complexes : la frontière

La production cartographique a considérablement évolué ces dernières années, notamment avec l’avènement de la géovisualisation. Cependant, la carte statique reste un moyen de communication encore très prisé pour représenter les phénomènes de transfrontaliarités : par exemple les Atlas du Monde et les atlas de l’atelier de cartographie de SciencePo Paris. Hélas, ces derniers témoignent d’un manque de réflexion sur la représentation cartographique de l’objet « frontière » qui contient à la fois une dimension temporelle, incertaine, de nombreux attributs thématiques à représenter simultanément, etc. Bien que le langage cartographique édicté par Bertin en 1967 reste valide, un vide sémiologie limite sa représentation. En tenant compte des recherches sur l’organisation de l’information et la représentation cartographique des phénomènes de transfrontaliarités entamées par le projet Hypercarte (Grasland et alii, 2005), nous proposons une étude des représentations cartographiques des transfrontaliarités. Quels thématiques/objets sont traités sur les cartes ? Quelles représentations graphiques sont attribuées à ces objets ? Quels types de légendes sont affectés à ces cartes ? Afin de répondre à notre questionnement nous tenterons dans un premier temps de construire des diagrammes objets/classes génériques à deux territoires transfrontaliers distincts par leur culture, géolocalisation, politique et environnement naturel, mais comportant des similitudes. En effet, dans les deux cas il s’agit d’une échelle internationale terrestre et maritime : les Andes (Chili-Pérou-Bolivie-Argentine) et la Méditerranée. Cette échelle est encore peu étudiée dans ce domaine. La perspective de ces diagrammes est leur utilisation par les cartographes et géomaticiens réalisant des applications sur des zones transfrontalières. Dans un second temps, nous réaliserons un état de l’art critique des représentations des objets frontaliers à travers des références conceptuelles connues en utilisant des grilles de sémiologie graphique (Bertin, 1967 et la grille de Béguin et Pumain, 2000) et une grille chorématique (Brunet, 1986). La perspective de ce travail est d’orienter des choix de représentations intégrables aux diagrammes. L’objectif final de cette recherche est d’entamer une réflexion sur une méthode universelle de cartographie des transfrontaliarités.

Ron Terrada (Artiste, Canada)
Voir l’autre côté du signe

En tant qu’artiste visuel, mon premier matériau est le langage et le texte. Ceux que j’utilise dans mon travail sont considéré comme familiers et peut-être négligés ; je traite la langue comme un ready-made culturel. Partant de propositions soulevées par le pop-art et l’art conceptuel, mon travail a évolué de la peinture sur impression, à la diffusion de musique pop et diverses formes de signalisation – tant au sein de galeries que dans le cadre d’interventions dans la sphère publique. Ce travail n’opère pas uniquement au sein du champ de la consommation et de la circulation spécifique au monde de l’art, mais aussi au sein de champs politiques et sociaux larges et complexes. Pour Ré-imaginer ou ré-imaginer les frontières, ma discussion se concentrera sur la signalisation, et plus spécifiquement sur deux travaux clefs liés aux frontières : Entering City of Vancouver (2002) et You Have Left American Sector (2005). Les deux sont des panneaux de signalisation de type autoroutiers qui cherchent à mettre l’accent sur l’idée de frontière et suggèrent un changement symbolique au sein d’un paysage.

Anne-Laure Amilhat Szary (PACTE, Université Joseph Fournier, Grenoble)
Incorporer la frontière : une approche non représentationnelle des frontières

Au-delà de la critique du regard qu’ont engagée les géographes féministes, c’est l’irruption du corps dans l’analyse du paysage qui est en jeu. C’est l’ensemble du corps humain qui ressent et vit son environnement, et fait le paysage. Certains spécialistes du paysage ont de plus en plus intégré leur parcours et les sensations provoquées par ces itinérances : « Quand je regarde, je vois avec le paysage. »[1] (Wylie 2007). On pourrait aller jusqu’à accorder au paysage une nature performative plus complexe que celle qui consiste à affirmer que le paysage impose le pouvoir. Cette approche, travaillée depuis une dizaine d’années, a récemment été qualifiée d’« approche relationnelle du paysage » (Crouch 2010). Ce terme a l’avantage de mettre en avant l’interaction entre les composantes matérielles et sensorielles de l’environnement, tout en contournant le problème de leur représentation, critiquée pour la distance qu’elle impose. Si ces travaux s’appuient sur la phénoménologie, c’est pour en critiquer un aspect important, la notion même de représentation, mettant en avant le fait que la construction d’un concept à partir de la perception n’a pas forcément besoin de la médiation d’une représentation.
Le paysage illustre cette difficulté : à la fois signifiant et signifié, on ne peut le saisir qu’en dépassant l’analyse sémiologique. Le travail que je mène sur le lien que construisent les artistes visuels contemporains avec les espaces frontaliers s’inscrit dans une démarche que Nigel Thrift (Thrift 2008) a caractérisée sous le terme de « théorie non-représentationnelle ». Une telle démarche de mise en valeur de la valeur pratique du paysage pouvait néanmoins avoir l’inconvénient de gommer presque totalement l’éventuelle finalité esthétique du paysage. Une approche par l’œuvre d’art permet d’accompagner la compréhension du paysage d’une analyse de l’image, sans réduire l’une à l’autre. Je propose ainsi de travailler sur l’image que construit le tracé des frontières-murs ainsi que sur sa transformation par des artistes visuels. Les recherches sur la production culturelle sur les espaces frontaliers permettent ainsi de travailler le statut de l’image-icône-simulacre dans les relations entre espace et pouvoir.

édric Parizot (IMéRA/CNRS-IREMAM) et Ariel Handel (Tel Aviv University)
Indexer des espaces incertains : les Palestiniens de Cisjordanie confrontés aux systèmes de contrôle israéliens (2005-2010)

Depuis le déclenchement de la seconde Intifada (2000), les autorités israéliennes ont introduit un grand degré d’incertitude dans les déplacements quotidiens des Palestiniens. Entre 2000 et 2005, la multiplication et le caractère aléatoire des contrôles déployés par Israël en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, empêchent les Palestiniens de prévoir le temps et l’orientation de leurs trajectoires. Il leur est impossible de se projeter dans une réalité cartographiable. Ces contrôles apparaissent d’autant plus aléatoires que leurs agents ne sont pas toujours visibles. Les tours de guets et systèmes de caméras produisent un effet panoptique. Enfin, le droit de se déplacer n’est jamais acquis. La multiplication des régulations et des autorités chargées de leur application donnent lieu à des injonctions contradictoires fréquentes renforçant le sentiment d’arbitraire. Si les années post-Intifada (2005-2010) connaissent un relâchement relatif de ces systèmes de contrôle, les trajectoires des Palestiniens restent encore marquées par un certain degré d’incertitude.

Les recherches qui ont tenté d’évaluer l’effet ces systèmes de contrôle israéliens sur le rapport à l’espace des Palestiniens sont nombreuses. Si certaines se contentent de postuler l’effet de tel ou tel dispositif (tel que l’effet panoptique), d’autres évaluent cet impact à travers des récits d’expériences extrêmement riches. Cependant, en insistant sur les effets de ces dispositifs plus que sur les réactions et les ajustements des Palestiniens, ces recherches se limitent à une sociologie du pouvoir. En nous concentrant au contraire sur des exemples d’adaptations et de contournement de ces mécanismes de contrôle, nous proposons d’analyser la manière dont les Palestiniens développent des formes alternatives d’indexation de l’espace et de leurs trajectoires. Il ne s’agit pas de négliger l’effet perturbateur des dispositifs de contrôle israéliens sur la vie quotidienne des Palestiniens, mais d’envisager comment des acteurs confrontés à des espaces incertains peuvent réintroduire un degré de certitude et recouvrir une maîtrise relative de leur trajectoire.

Jérôme Epsztein (INMED-INSERM U901)
Des réseaux neuronaux pour représenter l’espace et ses frontières

La façon dont nous nous représentons l’espace ainsi que notre position dans cet espace est un objet de réflexion épistémologique depuis des siècles. Récemment, avec le développement de la psychologie expérimentale et des neurosciences, nous avons commencé à aborder cette question d’un point de vue expérimental. Les travaux réalisés au cours des trente dernières années ont permis de révéler un certain nombre de régions du cerveau et de réseaux de neurones impliqués dans le codage et la mémorisation de l’information spatiale. Les « cellules de lieu » sont des neurones de l’hippocampe, une région située dans le lobe temporal du cerveau, qui sont actifs uniquement lorsqu’un animal se trouve dans un endroit donné de son environnement. Au contraire, l’activité des « cellules de grille» du cortex entorhinal, une autre région du lobe temporal, est modulée de façon périodique selon une matrice de triangles équilatéraux qui couvre tout l’environnement. Les « cellules de direction de la tête » sont actives lorsqu’un animal est orienté dans une direction donnée alors que d’autres neurones sont activés spécifiquement par des frontières géométriques présentes dans l’environnement. L’activité de cet ensemble de cellule pourrait déterminer la façon dont nous nous représentons et mémorisons notre position dans l’espace.

Patrick Bernier et Olive Martin (Artistes, France)
À travers champs: une certaine façon de faire l’école buissonnière

En partant de notre expérience personnelle d’artistes motivés par l’exploration transdisciplinaire et la présentation de plusieurs de nos projets, nous essaierons de partager et d’interroger ce désir de frottement, de métissage de notre champ d’activité, celui de l’art contemporain, avec d’autres, soit proches, comme le cinéma (Manmuswak, film, 16′, 2005), soit plus lointains, comme le droit (Plaidoirie pour une jurisprudence, performance, 45′, 2007)

Norma Iglesias Prieto (San Diego State University)
‘Transborderism’ and Social Imaginary in the U.S.-Mexican Border from antiAtlas of Borders

Mon point de départ est que la frontière – à la fois dans sa dimension géopolitique et symbolique – marque la vie et l’expérience des sujets et que cette condition affecte, à son tour, la manière dont nous représentons la frontière. L’imaginaire social est construit à partir d’une série de représentations sociales qui répondent à différentes conditions de frontière. Mon travail analyse les degrés de transfrontiérisme (transborderism) et leur relation aux niveaux de complexité des représentations sociales à la frontière américano-mexicaine, en particulier dans la région de Tijuana-San Diego. Dans ma présentation, je parlerai tout d’abord de l’énoncé théorique qui fonde la notion de frontière et de transfrontiérisme ; ensuite, j’analyserai différentes expressions culturelles (art visuel, récits oraux, animations cinématographiques) qui montrent différent niveaux de complexité des représentations sociales sur cette frontière particulière.

Atelier LIMO (Simon Brunel & Nicolas Pannetier, collectif d’artistes-architectes et cinéastes, Berlin)
« Border Speaking » : de la notion abstraite à l’espace de projet

Nous proposons dans cette intervention de présenter la méthodologie que nous avons développée pour appréhender l’objet frontière en décortiquant les différentes phases de notre projet « Border Speaking » sur lequel nous avons travaillé de 2006 à 2009. Du parcours initiatique à l’organisation d’événements culturels dans les lieux symboliques de la frontière en passant par le relevé photographique de plus de 200 postes de contrôles, cette présentation pourra s’articuler de la manière suivante:
– appréhender un concept par le parcours > 3 mois de voyage
– représenter en construisant des points de repères > 238 points de frontière
– visible et invisible : la frontière et sa mémoire > le film
– la frontière, espace de projet > ré-interprétation des lieux frontaliers
Ces quatre points seront illustrés par une présentation de la base de données database.atelier-limo.eu, un extrait du film documentaire « La frontière intérieure » et une vidéo de trois minutes présentant le projet « Border Speaking ».

Partenariats

IMéRA (Aix-Marseille Université), Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM, CNRS-AMU), Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, CNRS-AMU), Aix-Marseille Université, Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées (RFIEA), Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS

Photographie : Myriam Boyer, 2012

Atelier 3 : Frontières et technologies

19-20 avril 2012
Maison des Astronomes, IMéRA,
2 place Le Verrier
13004 Marseille

Organisation: Cédric Parizot (IMéRA/CNRS-IREMAM), Amaël Cattaruzza (CREC, Saint Cyr-Coëtquidan), Nicola Maï (London Metropolitan University, IMéRA), Gabriel Popescu (Indiana University, South Bend)

L’utilisation de technologies de plus en plus perfectionnées pour contrôler les flux de personnes et de marchandises traversant les frontières est un phénomène largement répandu. Il suffit ainsi de mentionner le lancement du projet Frontières intelligentes ou Barrière virtuelle aux Etats Unis, la centralisation des systèmes de renseignement dans l’espace Schengen, les patrouilles de robots et les barrières de « high-tech » en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés, les robots sentinelles tueurs en Corée du Sud et, enfin, l’adoption internationale des standards du passeport électronique pour avoir quelques exemples du phénomène. Sa mise en place repose sur l’idée largement partagée que ces techniques fournissent des outils plus efficaces pour identifier et stopper les personnes indésirables et suspectes au sein des flux globaux. Le déploiement de ces technologies soulève des questions fondamentales dans la mesure où il contribue aux transformations de la nature et des formes des frontières, des espaces, et des territorialités.

« Frontières intelligentes”: état de l’art

Amaël Cattaruzza (géographe, maître de conférences, École Saint Cyr Coëtquidan)
Contrôle des frontières : la tentation technologique

Mariya Polner (political scientist, research analyst, WCO Research and Strategies Unit)
Technologies de contrôle aux frontières: tendances et formes de développement

Philippe Bonditti (politologue, professeur assistant, IRI/PUC-Rio, Rio de Janeiro, Brésil et chercheur associé au CERI-Sciences Po Paris, France)
Flux et frontières, « Technologisation » des contrôles et traçabilité

Robots and border control / Robots et contrôle frontalier

Sylviane Pascal (Security & Europe Defence Business Development Manager ONERA – The French Aerospace Lab)
Le programme Talos : enjeux et perspective de l’usage de robots terrestres aux frontières

Noel Sharkey (artificial intelligence and robotics, professor, University of Sheffield)
À la limite du ridicule: contrôler nos mouvements à partir du ciel

When things bite back / Quand les choses mordent

Daniel Kopecky (lieutenant-colonel, chef du département relations internationales aux Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan)
Technologies aux frontières : les limites du système. Retour d’expérience de mission d’expertise en Asie du sud-est

Thomas Cantens (administrateur à l’Unité Recherche et Stratégies de l’OMD et membre du Centre Norbert Elias EHESS-Marseille)
Apprivoiser ou s’approprier : l’effet des transformations des techniques de contrôle douaniers sur le fonctionnement des administrations et la nature des frontières

Contrôle « sans fil » : mise en œuvre, effets et réappropriation

Gabriel Popescu (geographer, assistant professor, Indiana University South Bend, USA)
Technologies de contrôle à distance et production d’espaces frontaliers topologiques

Dana Diminescu (sociologue, EC Telecom Paristech, directeur scientifique du programme TIC Migrations FMSH Paris)
Migrants connectés: « K29? » dans la sociologie des migrations

Christophe Bruno (artiste, commissaire d’exposition) & Samuel Tronçon (philosophe, Résurgences, Marseille)
ArtWar(e) – vers une application Facebook pour détecter les formes artistiques

Résumés

Amaël Cattaruzza (géographe, maître de conférences, École Saint Cyr Coëtquidan)
Contrôle des frontières : la tentation technologique

En octobre 2006 était votée au Congrès américain la Secure Fence Act qui prévoyait la construction d’une barrière d’environ 1 100 km pour séparer les Etats-Unis du Mexique. Son but était de lutter contre l’immigration clandestine, le trafic de drogue et le terrorisme, en mettant en place une « surveillance systématique des frontières internationales terrestres et maritimes des Etats-Unis par l’usage plus efficace des personnels et de technologies, telles que les drones, senseurs sismiques, satellites, radars et caméras » (Secure Fence Act, Section 2). L’usage de technologies de surveillance apparaît donc ici comme l’un des éléments clefs du dispositif sécuritaire, car il permettrait une surveillance systématique et totale de la zone concernée, et semblerait donc apporter une réponse adaptée à l’incertitude et à l’imprévisibilité des flux illégaux. Quelques années auparavant la mise en place de smart borders avait permis l’adoption de technologies d’identifications des marchandises (usage de puces électroniques) et des personnes (contrôle biométriques, usage de cartes à puce contenant des données personnelles, etc.). L’exemple américain est loin d’être exceptionnel et l’usage des nouvelles technologies dans le domaine de la surveillance et du contrôle des flux aux frontières se généralise de nos jours. De tels procédés se retrouvent entre autres aux frontières de l’Espace Schengen. Cette intervention propose donc de dresser un état des lieux de l’usage des technologies pour le contrôle des frontières et de s’interroger sur la manière dont cet usage modifie la nature du phénomène frontalier. A travers l’outil technologique, ne voyons nous pas apparaître cet « ubiquituous border », frontière omniprésente, que décrit Stephen Graham, pour lequel le territoire urbain devient en lui-même un des multiples lieu de contrôle de la frontière ?

Mariya Polner (political scientist, research analyst, WCO Research and Strategies Unit)
Technologies de contrôle aux frontières: tendances et formes de développement

In a globalised world where interconnectedness and integration are key dynamics influencing economic growth and social development, policymakers are increasingly realizing the need for accelerated border management regulatory reform to reduce unnecessary barriers and burdens on trade. However, the fruits of globalization are used not only by legal businesses, but also by illegal traders. Therefore, border agencies face a serious challenge of balancing security and trade facilitation. The World Customs Organization (WCO) has developed a set of instruments in order to assist Customs Administrations in promoting the balance between the two, and technology plays a pivotal role striving for this objective. Deployment of technology, however, has never been and will never be a “silver bullet” to solve all public policy objectives.  This presentation will start with discussing the changing environment in which border agencies operate, with a focus on the notion of ‘border’ and its changing meaning over time. After the overview of WCO instruments we will look into different kinds of technologies that are currently in use, as well as those that are now being developed. We will also discuss issues pertaining to the operationalisation of technologies, as they become vital for any agency that considers using them. Finally, we will discuss critical aspects of technology development which would allow it to remain an indispensable tool in the hands of Customs.

Philippe Bonditti (politologue, professeur assistant, IRI/PUC-Rio, Rio de Janeiro, Brésil et chercheur associé au CERI-Sciences Po Paris, France)
Flux et frontières, « Technologisation » des contrôles et traçabilité

Voilà près de 20 ans que la lutte contre le « terrorisme » et autres phénomènes transnationaux a replacé la sécurité des frontières au cœur des problématiques dites de sécurité et de défense. Un peu partout dans le monde, les programmes de développement de smart borders se multiplient. Pourtant, loin de renforcer les frontières, leur technologisation contribue à brouiller l’image du monde géopolitique, nous rappelant que le renforcement du contrôle aux frontières ne vise pas tant les frontières en elles-mêmes que les flux susceptibles de les traverser. Ces contrôles – que l’on dit communément « aux frontières » – sont  en fait réalisés en des points bien spécifiques (checkpoints) qui ne correspondent que très rarement à ceux qui forment ces lignes aux moyens desquelles nous représentons la frontière sur les cartes du monde géopolitique. Ils sont en outre réalisés bien en amont de « l’entrée en mobilité » au moyen d’un régime déterritorialisé de contrôle des flux que nous nous proposons d’explorer plus avant dans cette présentation en nous appuyant plus spécifiquement sur le cas des Etats-Unis, et plus marginalement de l’Europe. Il s’agira de mettre en évidence la logique de mise en réseau des appareils de sécurité, la manière dont elle influe sur les pratiques contemporaines de frontiérisation, et l’avènement de la traçabilité comme technique majeure de la gouvernementalité contemporaine.

Sylviane Pascal (Security & Europe Defence Business Development Manager ONERA – The French Aerospace Lab)
Le programme Talos : enjeux et perspective de l’usage de robots terrestres aux frontières

Le projet TALOS (Transportable and Autonomous Land bOrder Surveillance system – www.talos-border.eu) est un projet financé par la Commission européenne (7ème Programme Cadre, thème Sécurité 2008 – 2012) dont l’objectif est de valider le concept d’un système de surveillance des frontières terrestres européennes qui fait largement appel à des équipements robotisés (robots terrestres, drones et tours d’observation) contrôlés depuis un centre de commandement transportable. TALOS doit permettre de traiter le problème de la surveillance de vastes zones frontalières, reconnu par la Commission Européenne comme étant un point crucial de la mission de sécurité des frontières. Le but de TALOS est d’aider à la détection, la poursuite et l’appréhension des personnes essayant de traverser la frontière hors des points de passage autorisés. Pour répondre aux besoins variés liés à la grande diversité des zones frontalières de l’Union européenne, le système de surveillance doit être adaptable à la configuration de terrain, transportable et d’un coût acceptable.

Noel Sharkey (artificial intelligence and robotics, professor, University of Sheffield)
À la limite du ridicule: contrôler nos mouvements à partir du ciel

Plans to automate killing by robot have been a prominent feature of most US forces’ roadmaps since 2004. The idea is to have a staged move from man-in-the-loop to man-on-the-loop to full autonomy. While this may create considerable military advantages it raises ethical concerns with regard to potential breaches of International Humanitarian Law. Moreover, we are already seeing these new technologies being deployed at borders in countries such as US, Latin, America, South Korea and Israel. Drone technology alone has proliferated to more than 51 countries and police forces are beginning to use it routinely. The talk will discuss the development of the technology into the near future as it becomes more autonomous and explore the ethical dimensions.

Daniel Kopecky (lieutenant-colonel, chef du département relations internationales aux Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan)
Technologies aux frontières : les limites du système. Retour d’expérience de mission d’expertise en Asie du sud-est

Fondé sur un retour d’expérience de mission d’expertise auprès de l’Armée Royale Thaïe et de dossiers techniques d’étude réalisés au profit d’industriels français, l’intervenant concentrera son exposé sur deux zones spécifiques en Asie du sud-est : la frontière nord de la Thaïlande (Birmanie) et la frontière sud de la Malaisie (île de Bornéo). Après un descriptif des enjeux spécifiques de la zone, l’exposé présentera ensuite les divers systèmes et moyens techniques envisagés pour assurer la sécurité frontalière des pays concernés par le développement des capacités technologiques en soulignant les contraintes et les enjeux notamment humains.

Thomas Cantens (administrateur à l’Unité Recherche et Stratégies de l’OMD et membre du Centre Norbert Elias EHESS-Marseille)
Apprivoiser ou s’approprier : l’effet des transformations des techniques de contrôle douaniers sur le fonctionnement des administrations et la nature des frontières

A partir de quelques exemples de technologies introduites dans les douanes en Afrique sub-saharienne et d’une enquête ethnographique menée dans une douane africaine en réforme pendant plus de 4 années, la communication développera trois idées principales. Tout d’abord, terrains de réforme influencées par l’extérieur, les administrations douanières africaines utilisent des technologies aussi avancées, parfois plus innovants que les douanes d’autres continents. Ensuite, ces technologies sont « apprivoisées » : bousculant les ordres elles génèrent de nouveaux rapports d’autorité et de pouvoir dans les administrations et les professions dites partenaires. Enfin, ces technologies sont des vecteurs politiques qui transforment les rapports entre Etats sans toujours avoir les effets attendus.

Gabriel Popescu (geographer, assistant professor, Indiana University South Bend, USA)
Technologies de contrôle à distance et production d’espaces frontaliers topologiques

Mobility imperatives under globalization are profoundly altering borders’ relationship to space. Risk management strategies associated with the quest to securitize transnational mobility have triggered a technological race to embed borders into all kinds of flows in order for the border to be able to travel with the flow and be ready to be performed whenever circumstances require. With the help of technologies such as Radio Frequency Identification (RFID) borders are disembedded from their local contexts, projected at distance, and then re-embedded anywhere in the state territory. Such articulation of borders changes the way movement through space is organized and how people and places come into contact. This “portal-like” logic of border geography brings people and places together by connecting them directly across space, unlike modern border territoriality that connects them via contiguous state territories. This situation opens up the entire space of the globe to bordering processes, thus accelerating the proliferation of borders and multiplying the actors involved in their establishment. The implications for society of such novel border spatiality are paramount. It is vital to understand how is democratic participation to be spatially reorganized to assure border governance remains in the public domain.

Dana Diminescu (sociologue, EC Telecom Paristech, directeur scientifique du programme TIC Migrations FMSH Paris)
Migrants connectés: « K29? » dans la sociologie des migrations

According to the Algerian sociologist Abdelmalek Sayad, the process of migration is marked by a double absence, as migrants are uprooted from their ‘home’ societies and they fail to ‘integrate’ in their countries of emigration. In this perspective, the migrant experience is characterized by a permanent break with the places that link the individual with his or her native environment as well as by the confrontation with a world that thinks and lives differently. Current understandings of the experience of migration, whether they refer to issues of cultural identity of integration, refer to and focus on a series of breaks and oppositions. These are constructed as inherent to migrants’ fate and are constantly used in theoretical reflections on populations on the move. For instance, migrants are described according to binary oppositions such as: mobile/immobile, neither there nor here, absent/present, central/peripheral, and so forth. This understanding of people’s movements is an historical and sociological simplification and does account for the way the world was transformed by the onset of generalized mobility and by the spread unprecedentedly complex means of communication. Today, the definition of the migrant based on different forms of rupture considered to be fundamental and radical is in trouble. Alternative organizing principles emerge, as mobility and connectivity mark the experiences of contemporary migrants. In this talk, my aim is to analyse the different and interlinked forms of rootedness, displacement and connectedness that are experienced by contemporary migrants. Contemporary sociological studies of migration must focus on issues of connectedness and of presence. These days it is increasingly rare to see migration as a movement between two distinct communities, belonging to separated places that are characterized by independent  systems of social relations. On the contrary, it is more and more common for migrants to maintain distant relations that are similar to relations of proximity and to be able to activate them remotely on adaily basis. This mediated bond — via telephone, email, or Skype- — makes it easier than before to stay close to one’s family, to others,  to what is happening at home or elsewhere. The development of communication practices —from simple ‘conversational’ methods where communication compensates for absence, to ‘connected’ modes where the services maintain a form of continuous presence in spite of the distance — has produced the most important change in migrants’ lives. Migratory practices (in particular the activation of networks, remote organization, and the monitoring of movements), the way  mobility is experienced and implicitly the construction of new  “home  territories” have been thoroughly transformed.

Christophe Bruno (artiste, commissaire d’exposition) & Samuel Tronçon (philosophe, Résurgences, Marseille)
ArtWar(e) – vers une application Facebook pour détecter les formes artistiques

ArtWar(e) est une plate-forme de «gestion des risques artistiques » et de « curating assisté par ordinateur ». Un de ses principaux objectifs est de visualiser dans les réseaux sociaux, des vagues d’émergence, d’obsolescence, et des phénomènes d’import-export de concepts artistiques, comme de repérer des formats. Contrairement à l’histoire de l’art qui nomme les formes une fois qu’elles sont devenues identifiables et formatées, ArtWar(e) cherche à détecter ces tendances au moment de leur émergence, alors qu’elles n’ont encore aucun nom et qu’elles n’ont pas reçu le label d’art. Il s’agit ici à la fois de construire, mais également de mettre en question un dispositif quelque peu kafkaïen. En effet, ArtWar(e) utilise les outils de surveillance les plus puissants jamais développés, comme Facebook, afin de détecter d’infimes soubresauts de la vie sociale des formes. Nous présenterons la méthodologie ainsi que les principes de l’application Facebook en cours de développement.

Partenariats

IMéRA (Aix-Marseille Université), Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM, CNRS-AMU), Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, CNRS-AMU), Aix-Marseille Université, Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées (RFIEA), Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS