Les murs de Dheisheh

De la géographie expérimentale à la création audiovisuelle

Ce film a été réalisé dans le cadre d’une thèse de doctorat en géographie soutenue par Clémence Lehec en juin 2019 (Universités de Genève et de Grenoble-Alpes). L’approche de géographie expérimentale a mené à la création audiovisuelle qui s’est révélée être un moyen de faire coexister dans un même objet, les questions de recherche, la collecte de données et la production de résultats. Pensé comme une manière de collaborer, au sens de travailler ensemble, il est un apport méthodologique ayant permis de produire du savoir en collectif, via la coréalisation du film avec une cinéaste palestinienne originaire du camp de Dheisheh, Tamara Abu Laban. Le support documentaire permet de décloisonner les manières de produire du savoir et également de le diffuser au-delà du contexte académique, tel que dans des festivals de cinéma.

Synopsis

Dans le camp de réfugiés de Dheisheh en Cisjordanie, les murs des ruelles sont recouverts de graffitis. Cet espace, refuge et exil, est paradoxalement situé au cœur de la Palestine. Des origines du graffiti palestinien à nos jours, les peintres retracent leurs motivations.

In the Dheisheh refugee camp located in the West Bank, the alley walls are covered with graffitis. This space, refuge and exil, is paradoxically situated in the heart of Palestine. From the origin of Palestinian graffiti until today, the painters retraces their motivations.

Fiche technique

Durée 36’
Pays de production Suisse, Palestine
Production et scénario Clémence Lehec
Réalisation Clémence Lehec et Tamara Abu Laban
Direction artistique et montage Tamara Abu Laban
Assistant caméra Ahmed Saleh
Ingénieur son Husam Al Khateeb
Interprètes Mohammad Abu Laban et Nadim Al Ayaseh
Catering Abla Al Qaisy
Traduction Kiyana Al Saifi et Suha Zyada
Sous-titrage Fabio El Khoury
Design graphique Clovis Duran
Étalonnage et mixage son Florian Golay

Avec
Saleh Abu Laban
Mohammad Manasra
Mohammad Allaham
Mohammad Al Saifi
Aysar Al Saifi
Ali Obeid
Kareema Obeid
Ahmed Saleh

Participation à des festivals

Karama Beirut Human Rights Film Festival, Beyrouth, juillet 2019

19è festival Cinéma Méditerranéen, Bruxelles, novembre 2019

Red Carpet Human Rights Film Festival, Gaza et Jérusalem, décembre 2019

Contact

graffitipalestinien@gmail.com

Une géographie expérimentale de l’art aux frontières

La thèse de doctorat porte sur les graffitis et les figures de la frontière dans un camp de réfugiés palestiniens à savoir le camp de Dheisheh, situé à Bethléem, dans les Territoires palestiniens occupés. Une recherche formelle et expérimentale est proposée, entre réalisation documentaire et écriture scientifique. À travers une étude des éléments figuratifs peints sur les murs, il s’agit de proposer une actualisation du savoir sur l’imagerie populaire palestinienne ainsi que d’interroger de manière originale les représentations de la frontière au sein d’un espace à la marge. L’analyse du réseau d’acteurs et de leurs motivations à peindre permet d’entrer dans la compréhension des spécificités du mouvement graffiti palestinien, dans une perspective diachronique qui en dessine l’ontologie. La production et coréalisation du film Les murs de Dheisheh permet de mettre en scène l’étude des graffitis, leurs auteurs et les frontières qui traversent le camp, tout en proposant de manière continue une réflexion sur la méthodologie originale employée. Se situant dans une perspective extradisciplinaire, cette thèse de géographie expérimentale porte une dimension épistémologique dans la réflexion qu’elle conduit sur la manière de produire du savoir géographique, en prônant une éthique collaborative qui se pose comme une alternative aux modèles participatifs. L’expérimentation se situe à chaque étape de la recherche puisque le film documentaire permet de coréaliser en un seul objet : méthode d’enquête, données collectées et résultat final. Documenter et analyser les frontières au prisme des graffitis palestiniens à Dheisheh permet d’amener les border studies vers une perspective de géopolitique féministe qui définit l’espace des camps comme étant traversé par des lignes de front mobile et des frontières de Damoclès plaçant les corps au cœur du processus de contrôle mis en place par l’occupation israélienne.

This dissertation focuses on graffiti and borders in a Palestinian refugee camp, namely Dheisheh camp, located in Bethlehem, in the Occupied Palestinian Territories. A formal and experimental research is proposed, involving documentary film production and scientific writing. Through a study of figurative elements painted on walls, the dissertation contributes to updating current knowledge of Palestinian popular imagery. It also questions, in an original way, representations of the border within a marginal space. The analysis of the network of relevant actors and their motivation to paint allows for an understanding of the specificities of the Palestinian graffiti movement from a diachronic perspective that draws its ontology. The production and co-direction of the documentary Les murs de Dheisheh (The Walls of Dheisheh) makes it possible to bring the study of graffiti, the artists and the borders that cross the camp to the screen, while continuously proposing a reflection on the original methodology used. From an extradisciplinary perspective, this dissertation in experimental geography offers an epistemological reflection on how geographical knowledge is produced by advocating a collaborative ethic that is seen as an alternative to participatory models. The experimental dimension of the dissertation unfolds at each stage of the research process since the documentary makes it possible to carry out in a single object: survey method, data collection and final result. Documenting and analysing the borders through the lens of Palestinian graffiti in Dheisheh makes it possible to bring border studies towards a feminist geopolitical perspective that defines the camp space as being crossed by mobile front lines and Damocles’ borders, placing bodies at the heart of the control process set up by the Israeli occupation.

Autres travaux de Clémence Lehec

Clémence Lehec & Laurent Davin – Street Art on the Separation Wall

Le pire n’est pas (toujours) certain

Le pire n’est pas (toujours) certain

Cela se passe dans un futur proche. Les dystopies sécuritaires entrevues dans plus sombres cauchemars sont devenues réalité. Pourtant des femmes et des hommes continuent de tenter de traverser les frontières désormais toutes hérissées de murs qui quadrillent l’Europe. À l’intérieur des barricades que chaque nouvelle mesure institutionnelle vient épaissir, sans suspense aucun, pourtant, l’espoir demeure en la personne d’un réseau d’activistes dont la lutte contre le système passe par l’aide au passage des frontières.

La pièce imaginée par C. Boskowitz fait le pari de s’immiscer au cœur des doutes que nous vivons au présent à travers un double détour : le décalage fictionnel dans le futur et le fait de faire reposer l’intrigue sur un chien qui s’avère être le personnage principal de la pièce. Cet « actant non-humain » révèle cependant plus d’humanisme que nos congénères, dans ce labyrinthe organisé des politiques migratoires dont l’absurde n’est jamais absent. Le chien est le personnage central, il décentre l’humain tout en le ramenant à ses fondamentaux : chaleur, partage. Seul dernier compagnon de l’homme dans la déroute . Chiens de rue, chiens de migrants, chiennes de frontières ! Son propos est mis en dialogue avec celui de l’Europe, grosse vache aux mamelles débordantes qui éructe ses certitudes malgré le bruit des avions qui tonnent la proximité de la guerre.

Le pari de cette pièce c’est de ne pas parler de l’autre. À travers une mise en textes et en scène selon un dispositif complexe, C. Boskowitz fait preuve d’une capacité démiurgique, celle de mettre en tension des fragments. De nous parler à la fois de ce qui se passe sur les rives de la Méditerranée, dans les Balkans, à Calais et à Bobigny, ou encore au cœur des huis clos de la Commisssion Européenne, mais aussi de nos contradictions intérieures. Elle nous raconte nous-mêmes, sans prendre le prétexte ambitieux de raconter ces « autres » que nous avons tendance à enfermer dans le qualificatif de migrants. Tissée autour d’une composition textuelle inédite et du dialogue de textes préexistants (P. Chamoiseau, H. Arendt, P. Claudel, A. Gatti et A. Tabucchi), l’œuvre est portée par un groupe de comédiens, musicien, scénographe et ingénieur lumières qui se connaissent et aiment rechercher ensemble l’avènement d’une performance collective. Des personnes dans l’exil récent ont travaillé avec eux à différentes étapes du projet et sur scène, leur masques témoignent de l’importance de leur présence.

Une géographe invitée au théâtre

La proposition de travailler avec une chercheuse et enseignante, géographe, est venue d’une rencontre, lors de la première résidence de la troupe réunie autour du projet, en juillet 2018. Le texte venait juste d’être écrit et commençait à être porté au théâtre. La collaboration ne portait pas sur la composition initiale et A.L. Amilhat Szary n’a jamais eu de rôle pré-déterminé tout au long de sa présence qui s’est prolongée durant tout le processus de création de la pièce. À quoi cela sert donc d’ouvrir le plateau à une spécialiste de migrations et de l’intégrer dans un projet qui n’a pas pour but de représenter la réalité ?

Ce que nous partagions tous lors de la création de « Le pire n’est pas (toujours) certain », c’est la nécessité de dire, de transmettre, de faire sentir et comprendre un fait politique. Celui du rejet de l’autre, bouc émissaire d’une crise sociale et économique profonde. Sans dénoncer de façon binaire, sans s’exclure des responsabilités. Tâche incommensurable que toute la production de connaissance et toute la créativité du monde ne peuvent embrasser…

Collaborer, co-construire, mettre ses forces ensemble, certes, mais comment ? Géographier c’est comprendre le rôle du placement dans l’espace, déchiffrer et pouvoir organiser les mondes. Je me suis donc transformée en apprentie aux côtés de celles et ceux qui organisaient le plateau. J’ai été aussi un tiers médian des échanges depuis mon point de vue esthétique, fourni quelques points documentaires et un air de musique orientale quand il s’en faisait besoin. Aucune nécessité de ma présence, et pourtant, au fil du temps long de nos rencontres, il m’a semblé avoir trouvé une place et un rôle dans l’émergence ce que le site du théâtre qui a produit cette œuvre, la MC93 de Bobigny, qualifie fort justement d’« utopie très documentée ». Anne-Laure Amilhat Szary

« L’écriture de cette pièce a été librement inspirée par l’essai de Patrick Chamoiseau « Frères Migrants » (éditions du Seuil).​ Les écrits d’Hannah Arendt, notamment sur ce que pour elle signifie « penser », m’ont accompagnée pendant toute l’élaboration du spectacle. Le théâtre d’Armand Gatti (Les 7 possibilités du train 713 en partance d’Auschwitz, éditions Verdier), de Paul Claudel (Le soulier de Satin, éditions Gallimard), et une nouvelle d’Antonio Tabucchi (Passé composé, éditions Gallimard), dont certains passages sont cités à l’intérieur de la pièce, m’ont permis de rêver avec leurs auteurs. Les demandeurs d’asile du Foyer Oryema à Bobigny ainsi que les réfugiés rencontrés en Grèce et à travers toute l’Europe, certains devenus mes amis, m’ont aidée à imaginer cette histoire qui leur est dédiée. » Catherine Boskowitz

Texte et mise en scène Catherine Boskowitz

Acteurs Marcel Mankita, Nanténé Traoré, Frédéric Fachéna, Estelle Lesage, Andreya Ouamba et Catherine Boskowitz

Musique Jean-Marc Foussat
Lumières Laurent Vergnaud
Scénographie Jean-Christophe Lanquetin
Costumes Zouzou Leyens
Dessin Catherine Boskowitz
Assistanat à la mise en scène Laura Baquela
Régisseur plateau Paulin Ouedraogo
Assistants scénographie Anton Grandcoin et Jacques Caudrelier
Stagiaires technique plateau Kosta Tashkov, Khalid Adam et Aboubakar Elnour

Avec l’accompagnement amical de Anne-laure Amilhat Szary, géographe, professeure à l’Université Grenoble-Alpes et à Pacte, Laboratoire de Sciences Sociales.

Remerciements pour leur aide et leurs conseils artistiques à Maria Zachenska (clown), à Myriam Krivine (chanteuse lyrique) et à Matisse Wessels (marionnettiste).

Représentations

MC93, Bobigny, 11-21 décembre 2019. Le 19 décembre à 17h – En entrée libre Hall de la MC93 Rencontre En présence de chercheurs de l’antiAtlas des Frontières, de l’Institut des Migrations, de chercheurs en études théâtrales, de la Cimade et des partenaires associatifs de la résidence de Catherine Boskowitz, nous évoquerons comment le théâtre peut aujourd’hui être un outil politique pour parler des enjeux des migrations.

Collectif 12, Mantes-la-Jolie, 28, 29, 30 novembre 2019

Autres publications ou expérimentations en lien avec participants de ce projet

– « Revendiquer le potentiel critique des expérimentations arts-sciences sociales ? Portrait du chercheur en artiste », paru le 13 avril 2016, antiAtlas Journal #1 | 2016, en ligne
Crossing Maps, cartographies transverses, 2013

Image principale: Bruce Milpied- Hans Lucas

Élisa Ganivet – Esthétique du mur géopolitique

Présentation de l’ouvrage Esthétique du mur géopolitique

Auteure : Élisa Ganivet

Maison d’Edition : Presses de l’Université du Québec, Collection Enjeux Contemporains dirigée par Élisabeth Vallet et Charles-Philippe David, UQAM – Montréal, Chaire Raoul- Dandurand en études stratégiques et diplomatiques. Sortie le 1 er Avril 2016 en France

Préface d’Élisabeth Vallet.

Regard d’une centaine d’artistes sur l’esthétique frontalière historique et contemporaine. Des années après la chute du mur de Berlin, à l’heure de la mondialisation et du libre- échange, une cinquantaine de murs sont toujours érigés dans le monde, notamment autour du territoire d’Israël et à la frontière du Mexique et des États-Unis, où des barrières d’environ 500 km de long se dressent. Si les justifications énoncées par les États sont multiples – immigration clandestine, terrorisme, contrebande, etc. –, l’élévation d’une barrière de séparation semble reprendre une formule ancestrale de rejet de l’autre-étranger et transgresse le principe d’universalité. Sa matérialité archaïque entrant en conflit avec l’image d’un monde postmoderne et technologique, le mur cristallise un malaise qui se doit d’être élucidé par l’art. Sa visibilité et son sensationnalisme en font littéralement l’affiche d’un événement géopolitique, que les artistes investissent. Qu’est-ce qui intéresse les artistes si le mur est conjoncturellement éphémère ? Est-ce ses métamorphoses ou bien son cadre spatiotemporel ? L’auteure de cet ouvrage compare trois murs – le mur de Berlin, la barrière de séparation entre Israël et l’autorité palestinienne et la frontière sécurisée entre le Mexique et les États-Unis – selon leur esthétique développée par trois artistes phares : Joseph Beuys, Banksy et Frida Kahlo. L’étude des contextes, enjeux et missions géopolitiques, appliquée à chaque barrière de séparation, rend compte des failles et des défaillances de systèmes a priori bien huilés. Car si le mur renvoie généralement à l’idée d’être chez soi et protégé, il peut aussi être synonyme d’isolement, que ce soit voulu ou non. Il est la structure physique et symbolique d’une dynamique carcérale.

Photo: Larissa Sansour, Bethlehem Bandolero (performance, video) 2005 © Larissa Sansour. Courtesy of the artist

Cédric Parizot – Les murs en Méditerranée

Cédric Parizot
Les murs en Méditerranée
Décembre 2015

Depuis le début des années 1990, les rives de la Méditerranée ont vu s’élever de nombreux murs, barrières et systèmes de surveillance aux marges des États, parfois même au cœur des villes. L’espace méditerranéen n’échappe donc pas à la « téichopolitique », c’est-à-dire cette politique de cloisonnement des espaces pour renforcer le contrôle sur les territoires (Ballif et Rosière, 2009). À la fin des années 2000, selon les estimations de différentes équipes de recherche, murs, barrières, clôtures et systèmes de surveillances maritimes s’étendaient sur une longueur comprise entre 18 000 et 41 000 km de frontières terrestres et maritimes (Foucher, 2007 ; Ballif et Rosière, 2009). Les trois quarts de ces dispositifs auraient été érigés après l’an 2000. Dans l’espace euro-méditerranéen, ces clôtures, barrières et murs construits ou projetés aux marges des États couvraient déjà plus de 8 000 km de frontières (Rosière et Jones, 2012).

Si l’érection de murs n’est pas un phénomène contemporain, son ampleur et les logiques qui sous-tendent ce processus s’inscrivent en revanche dans des dynamiques propres à la globalisation (Brown 2009, Vallet 2014). Loin d’être des archaïsmes ou des marques provisoires de repli, dans un monde que certains envisageaient comme plus ouvert, ces murs témoignent de l’émergence de nouvelles formes de gouvernement des hommes et des territoires.

Des fortifications militaires aux murs de l’exclusion

Dans l’Empire romain, des murs apparaissent dès l’an 122, quand le mur d’Hadrien est construit pour marquer la limite nord de l’Empire. Il est doublé par celui d’Antonin en 140. À l’est, une ligne de fortifications est érigée, plus tard, le long du Danube et du Rhin. Établis sur des lignes de front, ces édifices visent à contenir les attaques et les incursions contre un Empire alors sur la défensive. Cette fonction militaire se retrouve aux époques moderne et contemporaine à travers l’exemple de la « ceinture de fer » de Vauban, ou celui de la ligne Maginot construite dans les années 1920-1930 sur les frontières nord et est de la France, de la Belgique à l’Italie.

Entre le XIXe et le XXe siècle, l’expansion et la généralisation des États-nations, ainsi que le processus de reconnaissance mutuelle encouragé par la charte de l’Organisation des Nations unies (ONU), ont considérablement réduit la fonction militaire des frontières : de lignes de front, elles deviennent des marqueurs entre des espaces de souveraineté (Rosière et Jones, 2012).

Dans la seconde moitié du XXe siècle, la militarisation et le déploiement de fortifications aux frontières se limitent alors aux espaces conflictuels. S’il ne reste que des vestiges de la ligne Barlev construite par Israël en 1967 le long du canal de Suez, le « rideau de fer », érigé par le bloc de l’Est de la Baltique à l’Adriatique au cours de la guerre froide, a davantage marqué son temps et les paysages, comme en témoigne le mur de Berlin construit en août 1961. D’autres lignes de front persistent encore en Méditerranée. Ainsi, à Chypre, la ligne Verte, longue de 180 km, sépare toujours, depuis 1974, les parties grecque et turque de l’île (Novosselof et Neisse, 2015). Les frontières d’Israël avec le Liban et la Syrie restent également toujours grillagées et lourdement militarisées – en 2012, les autorités israéliennes ont d’ailleurs relancé un programme pour les renforcer.

Au cours de cette période, les fonctions de ces barrières glissent également vers le contrôle des mouvements d’insurgés et de populations civiles. Le rideau de fer visait davantage à empêcher les ressortissants des pays de l’Est à fuir vers l’Ouest qu’à repousser l’avancée d’une armée ennemie. Pendant la guerre d’Algérie, les lignes de barbelés mises en place par les Français entre 1956 et 1957 le long des frontières avec la Tunisie et le Maroc sont essentiellement destinées à empêcher les déplacements et le ravitaillement des insurgés. En 1969, à Belfast, les autorités britanniques érigent les premières barrières entre les quartiers catholiques et protestants de la capitale de l’Irlande du Nord. Ces Peace Lines (lignes de paix) sont censées réduire les frictions entre les deux populations en conflit ; elles s’étendent aujourd’hui sur environ 15 km (Ballif, 2009). Enfin, en 1980, le Maroc lance la construction d’un mur de sable à l’est du Sahara occidental, cinq ans après avoir pris possession de la zone. L’objectif est de contenir les attaques des Sahraouis et de protéger le « triangle utile » comprenant les mines de phosphates et les principales villes du territoire (Mohsen Finan, 1997, p. 63-66) ; ce mur mesure aujourd’hui près de 2 000 km (Novosselof et Neisse, 2015). D’autres barrières et clôtures ont été érigées par les Américains en Irak dans les années 2000. Leur volonté était de lutter contre des infiltrations d’insurgés et les attentats terroristes au sein des zones maintenues sous leur contrôle.

Dans les années 1990, la plupart des murs abandonnent leur vocation militaire au profit de fonctions policières et sécuritaires. Désormais, ces barrières ont pour principal but de contrôler les mouvements de populations ainsi que l’exclusion de groupes considérés comme présentant des risques. En construisant, dès 1995, des barrières le long de leurs enclaves de Ceuta et Melilla, les Espagnols sont les premiers Européens à recourir aux murs pour lutter contre l’immigration clandestine et les trafics illégaux (drogue, contrebande, etc.) – utilisant ainsi le même procédé que celui employé un an plus tôt sur la frontière américano-mexicaine, et alors vivement critiqué par l’Europe.

Depuis, de nombreux autres projets ont vu le jour en Europe, au Maghreb et au Moyen Orient, dont plusieurs au cours de l’année 2015. Les cartes réalisées par les équipes de recherche d’Elisabeth Vallet et Migreurop en 2012 et celle de Alexandra Novosselof et Frank Neisse, 2015 n’arrivent d’ailleurs plus à suivre cette prolifération. En Europe, de nouveaux murs sont apparus autour de l’espace Schengen : au niveau du fleuve Évros entre la Grèce et la Turquie, entre la Slovaquie et l’Ukraine, entre la Bulgarie (candidate à l’intégration dans Schengen) et la Turquie (Quétel, 2012, p. 266-267). En 2015, suite à l’arrivée de plus en plus importante de migrants, la Hongrie a annoncé son projet d’élever un mur de 175 km le long de sa frontière avec la Serbie (Honoré 2015). Même la France n’échappe pas à cette tentation, puisqu’elle a érigé une clôture de 2 à 4 mètres de haut sur 3 km de long pour barrer l’accès des migrants au terminal d’Eurotunnel (Zerrouky 2015). Enfin, en déclarant en octobre 2015 sa volonté d’élever un mur le long de sa frontière avec la Slovénie (AFP et Vedier 215), l’Autriche inaugure le premier mur au sein de l’espace Schengen.

Au sud et à l’Est de l’Europe, d’anciens édifices construits sur des lignes de front sont même aujourd’hui « réhabilités » en vertu de leur capacité de contenir les flux des migrations. C’est le cas de la barrière de sable le long du Sahara occidental, désormais présentée comme telle par certaines autorités marocaines (Novoseloff et Neisse, 2015). En 2014, le Maroc a annoncé la construction d’un mur supplémentaire d’une centaine de kilomètres le long de sa frontière avec l’Algérie. En 2015, la Tunisie a quant à elle commencé à élever un mur de 168 km le long de sa frontière avec la Lybie (Amari 2015). La Turquie a décidé de fortifier certaines zones frontières avec la Syrie (Le Figaro et AFP 2015), au même titre que l’Egypte le long de la zone tampon entre la Bande de Gaza et le Sinaï.

Ces murs ne sont pourtant que la pointe de l’iceberg : ils sont l’équivalent terrestre de dispositifs de surveillance maritime bien plus étendus, que les différents pays membres de l’Union européenne ont déployés le long du détroit de Gibraltar, de l’île de Lampedusa, de Malte ou encore entre les îles grecques et la Turquie (Rosière et Jones, 2012, p. 227-228). L’un des plus élaboré de ces « murs liquides » est sans doute le système SIVE (Sistema Integrado de Vigilancia Exterior), entourant les côtes espagnoles et portugaises : reposant sur des systèmes de détection très sophistiqués, ainsi que sur des patrouilles maritimes et aériennes, il vise à intercepter les migrants et les contrebandiers en provenance du Maghreb.

Présentées avant tout comme des dispositifs sécuritaires, les barrières érigées par Israël, à partir des années 1990, s’inscrivent elles aussi dans une logique de régulation des mouvements de populations et de leurs espaces de vie. La première à être construite est celle de Gaza en 1995. En filtrant et en régulant les entrées des Palestiniens vers Israël, les autorités ont voulu à la fois empêcher les intrusions d’individus considérés comme des risques sécuritaires, mais surtout réguler l’accès de cette population au marché du travail israélien. Au cours du second soulèvement palestinien (2000-2004), face à la vague d’attentats suicides dans les villes israéliennes, les autorités israéliennes ont décidé de renforcer la barrière de Gaza (2001 et 2002) et de lancer la construction d’une autre autour de la Cisjordanie (2002). Officiellement, les objectifs restent identiques : faire obstacle aux attentats, réduire l’importance de la main-d’œuvre palestinienne en Israël et séparer, une fois pour toutes, les deux populations. Mais rapidement le mur de Cisjordanie a intégré d’autres objectifs : démographiques et territoriaux. Il doit s’étendre sur plus de 700 km. Sur la majeure partie de son parcours, ce dispositif est constitué de grillages, de barbelés, de routes de patrouille et de systèmes de détection très sophistiqués. Il faut ajouter 61 km de mur de béton, principalement dans les zones urbanisées. Enfin, en 2011, pour mettre un terme aux entrées d’immigrants clandestins africains en provenance d’Égypte, Israël a lancé la construction d’une barrière supplémentaire le long de sa frontière avec le Sinaï. Un nouveau projet de clôture entre Israël et la Jordanie a été annoncé en 2015.

Migration, danger sécuritaire, repli sur soi : à quoi répondent vraiment les murs de la globalisation ?

Qu’ils soient présentés comme des moyens de lutte contre des flux migratoires, les trafics illégaux ou encore les attaques terroristes, ces murs s’inscrivent tous dans une même logique : répondre au sentiment croissant de perte de souveraineté de l’État qui se développe au sein de l’opinion publique de ces pays (Brown, 2009). Les facteurs qui contribuent à entretenir cette inquiétude varient en fonction des contextes ; ils sont cependant étroitement liés aux processus qui ont accompagné la globalisation (Vallet 2014).

En Europe, l’accroissement des flux transnationaux de personnes, de marchandises, d’informations et de capitaux par-delà les frontières est souvent perçu comme un risque par les citoyens des pays les plus favorisés. Les frontières leur semblent plus poreuses et échapper au contrôle de l’État. À une époque où les distances se sont considérablement réduites, ces populations se sentent plus exposées aux dangers venus de l’extérieur. Ce sentiment est renforcé par le rôle croissant que jouent les organisations transnationales infra-étatiques (firmes multinationales, organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme, mouvements politiques et religieux transnationaux, etc.) et les institutions de gouvernance politiques, économiques et juridiques supranationales (Union européenne, Fonds monétaire international, Cour européenne de justice) dans les affaires politiques nationales (Brown, 2009).

Toutefois, les inquiétudes liées à la perte de contrôle des frontières semblent se cristalliser sur certains phénomènes plutôt que d’autres tels que l’augmentation des flux migratoires en provenance des pays les plus pauvres. Les réactions de rejet et d’hostilité que l’on a pu observer, au cours de l’année 2015, en France et en Europe à l’égard des migrants en provenance de Syrie illustrent parfaitement cette tendance. Ceci n’est pas nouveau, Évelyne Ritaine soulignait il y a quelques années (2012, p. 6) qu’en « Méditerranée, comme ailleurs, la question du contrôle de la frontière est largement ramenée à celle du contrôle de l’immigration, et la notion de risque presque toujours corrélée au problème de l’immigration clandestine ». L’impression selon laquelle ces flux représentent des menaces économiques, sociales et sécuritaires s’est accentuée dans le contexte des crises économiques successives et de l’apparition de formes de terrorisme plus violentes et plus spectaculaires, comme ce fut le cas lors des attentats de New York (11 septembre 2001), mais aussi de ceux de Madrid (11 mars 2004), de Londres (7 juillet 2005), de Bombay (27 et 28 novembre 2008) et plus récemment de Sousse (26 juin 2015) et e Paris (7 janvier et 13 novembre 215). Cette impression a également été renforcée par certains politiques qui, à des fins électoralistes, n’hésitent pas à instrumentaliser ces phénomènes déjà très médiatisés. Ainsi, les populations mobiles se trouvent tenues responsables de processus et de mutations qui leur échappent pourtant largement.

Dans d’autres contextes, comme celui du conflit israélo-palestinien, c’est également pour répondre au sentiment de perte de souveraineté de l’État d’Israël sur son territoire ou de perte de contrôle sur le destin du pays que les autorités ont élevé des barrières avec les Palestiniens (Parizot, 2009 ; Latte Abdallah et Parizot, 2011). Cependant, cette inquiétude a émergé dans un contexte conflictuel spécifique avec le second soulèvement palestinien (2000-2004) et l’augmentation sans précédent du nombre d’attentats suicides palestiniens dans les villes israéliennes au printemps 2002. Non seulement ces attentats avaient remis en cause la capacité de l’État d’Israël de défendre ses citoyens, mais ils étaient venus également brouiller les frontières entre ce qui est alors considéré comme l’intérieur et l’extérieur. En outre, ce projet était envisagé comme un moyen salutaire pour le futur de l’État juif et la pérennité du projet sioniste : la démarcation de façon unilatérale des futures frontières d’Israël devait permettre d’exclure la majeure partie des Palestiniens, tout en annexant un maximum de terres et de colons juifs de Cisjordanie. Ses promoteurs envisageaient donc à la fois d’agrandir le territoire israélien tout en préservant une majorité juive dans ses limites. Les raisons évoquées en 2011 par le gouvernement Netanyahu pour justifier la construction d’une barrière supplémentaire le long de la frontière avec l’Égypte répondent à des inquiétudes similaires. Il s’agit de faire obstacle à des tentatives d’attentats organisés par des groupes terroristes à partir du Sinaï et de prévenir une invasion migratoire en provenance d’Afrique, laquelle, selon certains hommes politiques israéliens, mettrait en cause la sécurité et le caractère juif de l’État d’Israël.

Érigées par les pays les plus riches, le long des fractures où prévalent les inégalités économiques les plus fortes, ces barrières sont conçues par leurs promoteurs comme des dispositifs de protection des privilégiés contre des populations qu’ils envisagent comme des « masses dangereuses » (Rosière et Jones, 2011). Ces murs entre États font donc écho aux murs des villes dont s’entourent les quartiers les plus favorisés depuis le début des années 1990. Certains ont d’ailleurs été particulièrement médiatisés, tels celui de la ville tchèque d’Usti nad Laberm en 1999, construit pour isoler des Roms, ou celui de Padoue érigé en 2006 pour séparer un quartier de migrants (Quétel, 2012, p. 279). Ce genre de murs s’est très largement répandu sur le pourtour méditerranéen. Alors que ce phénomène ne touchait au départ que les quartiers riches, il s’est étendu aux quartiers les plus modestes. C’est le cas dans de nombreuses villes du Sud de la France : à Marseille, en 2010, une étude réalisée par des géographes évaluait le nombre de ces résidences fermées à plus de 1 000 (Dorier et al., 2010). Les rives sud et est ne sont pas non plus épargnées : ce genre de résidences se multiplie au Maroc, en Tunisie, en Égypte (Almatarneh, 2013) ou encore, en Israël (Salenson, 2009). Érigés aux frontières, aux marges des États ou au cœur des villes, les murs matérialisent les tensions et les fractures au sein d’une Méditerranée globalisée.

L’édification de ces murs en Méditerranée contribue enfin à générer des espaces asymétriques (Ritaine, 2009). En effet, la décision de la séparation est souvent prise par la partie la plus forte, l’autre se retrouvant de facto séparée. En outre, ces murs permettent de mettre en œuvre un filtrage asymétrique. D’un côté, ils bloquent ou réduisent les mouvements de populations jugées indésirables, tandis qu’ils s’efforcent, de l’autre, de ne pas gêner la fluidité des ressortissants des pays qui les dressent : ils fonctionnent donc comme des membranes. Le mur de Cisjordanie est un bon exemple. Étant donné les nombreuses colonies israéliennes qui restent enclavées du côté palestinien de ce mur, les contrôles effectués dans les différents « points de passage » sont opérés de telle manière à maintenir un strict contrôle des Palestiniens sans pour autant gêner la fluidité des mouvements israéliens (Parizot, 2009).

L’efficacité des murs en question

Comme pour toute politique frontalière, l’efficacité des murs doit d’abord être mesurée en fonction de son impact sur l’opinion publique du pays qui la met en œuvre. L’objectif d’une telle politique est avant tout de mettre en scène et de matérialiser l’action de l’État aux yeux des citoyens. C’est en mobilisant l’imaginaire de la frontière, en réalisant et en médiatisant sa fermeture, que la construction d’une barrière ou d’un mur à la frontière rassure.

Pourtant, si les murs peuvent bel et bien rassurer, sur le terrain, leur efficacité reste à démontrer. Les autorités policières, civiles et militaires qui gardent ces édifices sont rarement dupes. Les murs ne sont qu’un dispositif parmi de multiples systèmes de surveillance et de réglementation : systèmes de visa, systèmes biométriques, camps de rétention, projections de patrouilles au-delà des frontières de l’État, etc. Bien qu’étant beaucoup moins médiatisés, ces autres dispositifs jouent souvent un rôle plus déterminant dans la gestion de l’immigration clandestine et des trafics ; ils ont aussi des effets plus néfastes sur la vie des populations qu’ils ciblent.

Les murs et les barrières ne peuvent pas réaliser seuls les objectifs qui leur sont attribués. L’escalade sécuritaire et le blindage des frontières n’ont d’ailleurs pas mis fin aux flux d’immigration clandestine ou aux différents types de trafics transfrontaliers. Et pour cause : la plupart des migrants ou des trafiquants ne passent pas par les frontières terrestres, mais par les aéroports et les ports, le plus souvent munis de documents valides. C’est en restant dans le pays d’accueil, au-delà du temps qui leur était alloué, que la majorité des migrants deviennent clandestins. Quant à ceux qui cherchent à passer clandestinement par les frontières terrestres, ils s’adaptent aux nouveaux obstacles : ils s’en remettent à des filières de passeurs qui inventent de nouveaux moyens de contournement, obligeant en retour les autorités à réajuster leurs systèmes de contrôle. Mais ces dispositifs de surveillance extrêmement lourds et sophistiqués sont beaucoup moins flexibles que les techniques et les stratégies utilisées par les passeurs.

L’édification de murs ne fait donc que rendre plus difficiles, plus longs et beaucoup plus dangereux les parcours des migrants. Comme le souligne Peter Andreas (2001), l’escalade sécuritaire favorise le développement de nouvelles activités informelles et de nouvelles formes de trafics. Elle accroît le nombre de drames humains, comme l’ont tristement montré ces quinze dernières années ceux liés au blindage des rives sud de l’Europe. Si le nombre de morts aux frontières de l’Europe ne s’élevait qu’à quelques dizaines au début des années 1990, il atteint plusieurs milliers par an à la fin des années 2000 (Migreurop, 2012).

Si des migrants arrivent à déjouer les dispositifs de surveillance, on comprendra que des organisations désirant commettre des attaques terroristes puissent aisément s’infiltrer malgré la présence de ces dispositifs. Contrairement aux discours des autorités israéliennes, ce n’est pas la construction de la barrière en Cisjordanie qui a permis de faire chuter les attentats suicides palestiniens de l’éclatement de la seconde Intifada (2000), mais des dispositifs de contrôle et de surveillance moins médiatisés qu’a déployés Israël bien au-delà du mur, jusqu’au cœur des enclaves palestiniennes (Parizot, 2009).

Enfin, si les murs peuvent nourrir l’illusion de restaurer la souveraineté de l’État et ainsi faire rempart aux processus liés à la globalisation, ils sont en réalité les lieux d’expression de ces mêmes processus (Brown, 2009). Le blindage des frontières de l’espace Schengen illustre la perte partielle de souveraineté des États membres, car ce type de politique n’est pas mis en œuvre de manière autonome, mais en coordination et avec le cofinancement d’agences européennes ou d’autres pays membres. La construction de ces murs met également en œuvre des formes complexes de partenariats entre des institutions publiques et des multinationales privées qui affectent profondément les choix technologiques et sécuritaires des États. L’organisation du contrôle autour de ces édifices et au niveau de leurs points de passage est quant à elle fréquemment déléguée à des compagnies de sécurité privées. C’est le cas en Israël où les points de passage avec la Cisjordanie sont surveillés par des gardes privés supervisés par des fonctionnaires du ministère de la Défense. Enfin, ces murs ne protègent plus uniquement des États, mais également des constellations supranationales, comme dans l’espace Schengen, ou infranationales au niveau des gated communities. Présentés comme les derniers remparts des États-nations, les murs contribuent au contraire à les intégrer plus profondément dans les processus liés à la globalisation.

Cédric Parizot,
Chargé de recherche,
IREMAM (UMR 7310, CNRS/AMU)

Bibliographie

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Qu’est-ce qu’une frontière aujourd’hui? Paris: PUF, 2015 par Anne Laure Amilhat Szary

Anne Laure Amilhat-Szary, Qu’est-ce qu’une frontière aujourd’hui? Paris: PUF, 2015

Les frontières représentent aujourd’hui un enjeu complexe dans la vie des personnes. Elles relient et divisent, elles se font mobiles, s’individualisent aussi, laissant circuler librement certains et retenant d’autres. Qu’elles s’ouvrent ou se ferment, elles sont à la fois l’objet de politiques publiques spécifiques et une importante ressource pour les intérêts privés. Technique de gouvernement des Etats, elles constituent un levier privilégié du capitalisme marchand. Elles sont le lieu d’exacerbation des processus politiques, sociaux, économiques actuels, un laboratoire de notre époque.

Pour l’heure, les frontières internationales restent les supports d’une citoyenneté qui elle-même fonde la démocratie… Mais la façon dont nos limites vacillent met en évidence le devenir incertain de nos systèmes politiques. Comprendre ce qu’est une frontière aujourd’hui, c’est ainsi interroger l’avenir de nos sociétés et reformuler notre relation au monde.

164 pages, 14 euros

Géographe, Anne-Laure Amilhat Szary est professeure à Grenoble. Membre de l’IUF, elle travaille sur les dynamiques frontalières et anime au sein du laboratoire CNRS PACTE, le groupe de recherche « Frontières, altérité, marges, mondialisation, expérimentation ». Elle est aussi membre fondateur du collectif « antiAtlas des frontières ».

Stéphane Rosière – Les frontières internationales entre matérialisation et dématérialisation


Stéphane Rosière – Géographe, Université de Reims, France

Les frontières internationales contemporaines sont caractérisées par un processus, en apparence contradictoire, de virtualisation ou d’effacement et de matérialisation. La virtualisation résulte de la porosité grandissante des frontières traversées par des flux de plus en plus importants. Les frontières s’effaceraient donc, ou se feraient «discrètes», elles seraient aussi marquées par une logique de délinéarisation et déterritorialisation (développement de frontières “punctiformes”, comme dans les aéroports). Cependant, dans le même temps, les frontières sont marquées par un processus de sur-matérialisation avec la construction de nombreuses “barrières” (Israël, États-Unis, Arabie saoudite, Ceuta et Melilla, etc.) souvent appelées “murs”. Cette présentation tentera de montrer comme ces dynamiques, loin d’être contradictoires, sont plutôt liées dans une logique de hiérarchisation des flux dans laquelle l’homme apparaît plus problématique que les marchandises.

Voir les slides de la conférence et également l’interview de Stéphane Rosière sur ce site.

Voir le programme complet du colloque antiAtlas, Aix-en-Provence 2013

Cédric Parizot, Antoine Vion, Wouter van den Broeck – Israël Palestine sous les cartes


Cédric Parizot – anthropologue, IMéRA, IREMAM, AMU/CNRS, France, Antoine Vion – sociologue, LEST, AMU/CNRS, France, Wouter van den Broeck – artiste, Addith, Belgium

« Israël Palestine sous les cartes » est un projet de visualisation dynamique des chaînes relationnelles développées par un anthropologue au cours de ses enquêtes de terrain dans l’espace israélo-palestinien (2005-2010). Ce travail exploratoire implique un anthropologue (Cédric Parizot), un sociologue (Antoine Vion) et un spécialiste de visualisation de données complexes (Wouter Van den Broeck). Le premier objectif est d’analyser sous un autre angle le niveau d’imbrication entre espaces israéliens et palestiniens. Le second est de confronter les trois chercheurs à des pratiques, des méthodologies et des données inhabituelles émanant d’autres disciplines. D’une part, en ayant recourt à un niveau beaucoup plus élevé d’abstraction, l’anthropologue opère un repositionnement radical par rapport à ses données de terrain. En dépit de la perte temporaire de la précision de l’observation anthropologique, cette visualisation dynamique lui offrira une compréhension plus globale du monde social dans lequel il a évolué. D’autre part, cette expérience permettra au sociologue et à l’anthropologue de mieux apprécier les conditions de production de leur connaissance, non seulement en tenant compte du fait que ces données sont situées dans le temps, dans l’espace et dans des interactions spécifiques, mais aussi et surtout en soulignant que l’anthropologue et le sociologue font partie intégrante du réseau-frontière qu’ils tentent de déchiffrer. En d’autres termes, ce projet implique l’anthropologue et sociologue à la fois en tant que chercheurs et en tant qu’objets de recherche. Enfin, en traitant un autre type de réseau complexe (impliquant moins d’individus, mais des couches plus complexes d’interactions), Wouter van den Broeck a l’intention d’expérimenter une nouvelle sémiologie de la cartographie de réseau applicable à l’étude des réseaux issus de la recherche qualitative.

VOir les slides de la conférence

Voir le programme complet du colloque antiAtlas, Aix-en-Provence 2013