APPEL À COMMUNICATION, (D’)écrire les mondes arabes et musulmans

Cet appel concerne le colloque du second Forum du GIS Moyen-Orient et mondes musulmans qui aura lieu du 1er au 4 octobre 2018
Ecole supérieure du professorat et de l’éducation – Aix Marseille Université
2 Avenue Jules Isaac
13626 Aix en Provence

Tous les deux ans, le Groupement d’intérêt scientifique Moyen Orient et mondes musulmans (http://majlis-remomm.fr/) organise un forum destiné à engager un dialogue entre les chercheurs travaillant sur cette aire culturelle et les acteurs de la société civile (enseignants du secondaire, journalistes, associations, grand public, etc.).

Interroger les modalités de production et de circulation de la connaissance

A l’automne 2018, ce forum portera sur les pratiques d’écriture à travers lesquelles chercheurs, enseignants, mais aussi d’autres acteurs de la société (artistes, blogueurs, journalistes, éditeurs, traducteurs, réalisateurs) pensent, représentent et discutent des mondes arabes et musulmans. L’écriture ici est envisagée dans une acception élargie pour englober les textes, les arts plastiques, les films, les documentaires, le théâtre, les dispositifs numériques, etc.

Interroger les pratiques d’écritures présente un triple intérêt :
– d’une part, celui de mieux comprendre les processus d’élaboration du savoir.
Les recherches sur les textes académiques ont montré combien ceux-ci sont consubstantiels à la production de la connaissance scientifique, et combien l’écriture est au cœur du processus de construction de nos objets de savoir. Sur le terrain ou lors de recherches dans les archives, c’est à travers elle que sont consignées les données récoltées ainsi que les premières réflexions. Les processus de classement et d’indexation participent à des mises en forme et « font sens », faisant de nos pratiques d’écriture des dispositifs à la fois d’objectivation et de subjectivation.

– d’autre part, celui de mieux cerner ses modalités de circulation du savoir.
Loin d’être neutres, les textes académiques sont profondément normés, standardisés. Depuis le 17ème siècle, l’écriture scientifique s’est progressivement constituée en opposition à la littérature en excluant un certain nombre de mécanismes expressifs de son répertoire légitime (la rhétorique, la fiction et la subjectivité). Forte de ces conventions et de celles que leur ont imposées progressivement les différentes disciplines, les formes d’écritures académiques ont fonctionné comme de puissants facteurs de reproduction sociale et ont régulé les conditions de production et de circulation du savoir. En définissant les façons légitimes de rendre compte du réel, les conventions d’écriture qui régissent la production des textes scientifiques fonctionnent comme autant de répertoires de distinction et de hiérarchisation. Ils jouent un rôle fondamental dans la reproduction des frontières entre les disciplines, mais aussi entre le monde académique et le reste de la société.

– et enfin, celui de mieux comprendre les modalités de formation et d’enseignement.
Les mondes arabes et musulmans constituent également un objet de l’histoire scolaire que les événements récents ont parfois conduit à appréhender au seul prisme du problème et de l’urgence, gommant l’appréhension d’enjeux culturels et artistiques indispensables à la compréhension plus fine du monde contemporain. La valorisation de telles approches passe par l’usage de nouveaux supports de transmission qui convoquent les outils numériques autant que la production artistique pour une mise en récit renouvelée.
En somme, en s’interrogeant sur les formats d’écritures ce forum réfléchira aux modes de production, de circulation et de diffusion de la culture scientifique.

Thématiques retenues

– Les écritures contemporaines : enjeux épistémologiques, méthodologiques et politiques,
– Les défis des écritures contemporaines à l’aune d’expériences passées,
– Traduction, édition, diffusion, valorisation : les passeurs de savoir,
– Supports et formats de l’enseignement,
– Écritures et expérimentations art-science,
– Recherche et écritures dans le monde numérique.

Un format au croisement de la recherche et de la création

Afin d’engager une réflexion critique autour des pratiques d’écritures sur les mondes arabes et musulmans, ce forum adoptera un format inédit en articulant sur les mêmes lieux et pendant une période de de 7 jours (28 septembre 4 octobre) sept dispositifs de communication et d’échanges avec le public. L’imbrication de ces dispositifs vise à mettre en perspective et en tension les différents modes d’écriture sur lesquels elles reposent:
(1) deux workshops de 3 jours avec des artistes-enseignants
(2) un colloque international,
(3) des ateliers de formation,
(4) des représentations de spectacles vivants,
(5) une exposition éphémère d’œuvres arts-sciences,
(6) projections de film,
(7) un parcours éducatif.

Le premier objectif de cet événement n’est donc pas de valoriser une forme d’écriture aux dépends d’une autre, ni de revendiquer une nouvelle doxa, mais plutôt d’articuler et de confronter différentes modalités de production de la connaissance et de la création qui se rencontrent encore trop rarement. Ce faisant, le forum du Groupement d’intérêt scientifique Moyen-Orient et mondes musulmans ouvrira un espace d’expérimentation au sein duquel l’ensemble des participants pourront aborder et mettre à l’épreuve librement des formes d’échange et de circulation de la connaissance qui ne sont pas toujours reconnues comme légitimes dans leurs champs respectifs.
Deuxièmement, en nous appuyant sur les partenariats entre nos différentes institutions ainsi que sur des supports permettant de réunir différents publics autour d’un même événement, nous cherchons à recréer du lien entre l’université, le secondaire et le milieu culturel et artistique.

Intervenants

Cet appel à communication s’adresse aux étudiants, enseignants et aux chercheurs de toutes disciplines, ainsi qu’à l’ensemble des acteurs impliqués dans la production d’écritures sur les mondes arabes et musulmans : artistes, éditeurs, blogueurs, journalistes, réalisateurs, documentaristes, etc.

Envoi des projets de communication

Les projets de communication seront envoyés au comité de sélection à l’adresse suivante forumgismom@sciencesconf.org avant le 2 avril 2018 sous la forme d’un résumé de 300 à 400 mots. Les projets artistiques ou documentaires pourront être appuyés par des visuels (formats PDF) ou des liens vers des vidéos.

Sélection

La sélection des communications sera faite par le comité scientifique et artistique du Forum. Les résultats seront communiqués aux candidats le 2 mai 2018.

Membres du comité scientifique et artistique

Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU ; IMéRA, AMU)
Katia Boissevain (IDEMEC, CNRS/AMU)
Eric Chaumont (IREMAM, CNRS/AMU)
Jean Cristofol (Ecole supérieure d’art d’Aix en Provence)
Sylvie Denoix (Orient Méditerranée)
Karima Direche (TELEMME, AMU, CNRS)
François Dumasy (IEP, Aix-en-Provence)
Aurélia Dusserre (IREMAM, AMU, CNRS)
Benoit Fliche (IDEMEC, CNRS/AMU)
Anna Guilló (LESA, AMU)
Juliette Honvault (IREMAM, CNRS/AMU)
Richard Jacquemond (IREMAM, CNRS/AMU)
Julien Loiseau (IREMAM, AMU/CNRS)
Elise Massicard (CERI, CNRS/Sciences Po, GIS MOMM)
Christine Mussard (IREMAM, CNRS/AMU)
Manoël Pénicaud (IDEMEC, CNRS/AMU)
Audes Signoles (IEP, Aix-en-Provence)

Comité d’organisation

Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU; IMéRA, AMU)
Katia Boissevain (IDEMEC, CNRS/AMU)
Jean Cristofol (Ecole supérieure d’art d’Aix en Provence)S
Sylvie Denoix (Orient Méditerranée)
Karima Direche (TELEMME, AMU, CNRS)
François Dumasy (IEP, Aix-en-Provence)
Aurélia Dusserre (IREMAM, AMU, CNRS)
Aurelie Fillod Chabaud (IREMAM, CNE, AMU, CNRS)
Benoît Fliche (IDEMEC, CNRS/AMU)
Anna Guilló (LESA, AMU)
Juliette Honvault (IREMAM, CNRS/AMU)
Frédéric Leval (DAAC, Académie d’Aix Marseille)
Julien Loiseau (IREMAM, AMU/CNRS)
Elise Massicard (CERI, CNRS/Sciences Po, GIS MOMM)
Christine Mussard (IREMAM, CNRS/AMU)
Manoël Pénicaud (IDEMEC, CNRS/AMU)
Boris Petric (CNE, EHESS/CNRS/AMU)
Audes Signoles (IEP, Aix-en-Provence)

Coordination, coordination

Joel Belouet, Ecole supérieure d’art d’Aix en Provence, chargé de communication, relations extérieures et partenariats
Jeanne Cadieux, responsable administrative du site de l’Ecole supérieure de professorat et d’éducation d’Aix en Provence
Carole Le Cloierec, IDEMEC (CNRS/AMU), chargée de la Culture, Communication, Production et diffusion des savoirs
Julie Karsenty, Ecole supérieure d’art d’Aix en Provence, chargée des relations internationales et de la recherche
Isabelle Lenoir, IREMAM (CNRS/AMU), Gestionnaire administrative et financière
Marie Pierre Oulié, IREMAM (CNRS/AMU), chargée de communication et webmaster
Rihab Wafa, IREMAM (CNRS/AMU), coordination

Partenariats

IREMAM (UMR 7310)
IDEMEC (UMR 7307)
CHERPA, Institut d’étude politique d’Aix en Provence
Centre Norbert Elias (UMR 8562)
Ecole supérieure d’art d’Aix en Provence (Mairie d’Aix en Provence)
Ecole supérieure du professorat et de l’éducation (Aix Marseille Université)
Groupement d’intérêt scientifique Moyen Orient Monde Musulman (CNRS)
Institut d’études avancées d’Aix Marseille Université (IMéRA)
Le projet LabexMed
Maison méditerranéenne des sciences de l’homme (USR 3125)
Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (Tunis)
Centre Jacques Berque (Rabat)
antiAtlas des frontières
Revue Moyen Orient

Image: Mohamed Abusal, « Un métro à Gaza », installation photographique 2011

Al Amakine, une cartographie des vies invisibles, Abdessamad El Montassir

Une microhistoire du Sahara

« Qu’est-ce qu’une Trace-mémoires ?  C’est un espace oublié par l’Histoire et par la Mémoire-une car elle témoigne des histoires dominées, des mémoires écrasées et tend à les préserver. »[1]

Al Amakine[2] est un projet d’art et de recherche qui prend forme par la mise en lumière de lieux porteurs d’événements politiques et sociaux qui ne figurent pas sur les cartes officielles.
Ainsi, Al Amakine suit les micro-histoires du Sahara au sud du Maroc rendues invisibles par l’Histoire officielle.

Très attentif aux micro-histoires, ce projet explore dans les petits récits et les événements imperceptibles, les signes apparemment dépourvus de valeur ou de signification aux yeux des « Grands Événements » de l’Histoire. Il ne s’agit pas seulement de lutter contre un effacement ou une disparition, mais bien d’ouvrir un interstice inédit pour l’émergence de ces témoignages latents, tout en revendiquant une parole située, contextualisée et ancrée dans l’expérience.

Ces micro-histoires, relayées oralement par les populations locales, relatent des événements politiques, culturels et sociaux importants qui se sont déroulés dans cet espace géographique. Transmises dans un langage poétique, elles constituent un riche patrimoine immatériel, et déploient une histoire endogène et alternative de ce territoire. Or il n’existe aucune trace écrite connue de ces récits, ni aucune cartographie de ces lieux, et leur existence reste méconnue. De ce fait, cet espace géographique apparaît comme un espace vide aux yeux des autres. Il représente ainsi le temps despotique tel que l’a décrit Althusser, c’est-à-dire « un espace sans lieux, un temps sans durée[3] ».

Dans un besoin de ré-élaborer culturellement ce silence et ce vide, Abdessamad El Montassir travaille sur place en collaboration avec des poètes et des citoyens-témoins afin de rechercher minutieusement ces lieux imperceptibles restés vivants dans les récits. À la faveur d’un ensemble de photographies et d’une pièces sonore, Al Amakine révèle ces espaces porteurs de récits et événements latents et tend, à une plus grande échelle, à créer une nouvelle cartographie de ce territoire.

Une cartographie des vies invisibles

Par ce geste, le projet dessine ce que Françoise Vergès nomme une « cartographie des vies invisibles[4] » : une mise en lumière des espaces qui échappent à l’Histoire officielle et de ceux qui se constituent pour y résister. Car au-delà des axes de circulation et des localités reconnus existe une cartographie alternative, tracée par les vies sociales locales, qui bouleverse la logique et suit les routes et les sentiers empruntés par des hommes et des femmes « anonymes »[5]. En étant attentive aux chuchotements, cette  cartographie de l’imprévisible[6] offre un espace de reconnaissance et d’action aux micro-histoires.

Ainsi, en convoquant les témoignages et poèmes des sahraouis, Al Amakine permet la mise valeur d’une histoire renouvelée, ré-inventée de ce territoire, et met en lumière les récits alternatifs de cet espace qui se construisent dans la résilience. Les lieux et micro-histoires dont il est question racontent, témoignent, révèlent les espaces du possible[7] en germe dans les réalités contemporaines.  Ils dessinent des verticalités dans l’horizontalité de l’Histoire qui créent une ouverture vers d’autres possibles.

Conscient de la fragilité de ces narrations, l’artiste souhaite, avec Al Amakine, décentrer le récit globalisant des discours hégémoniques en s’exprimant depuis et à travers un espace supplémentaire, singulier, situé « en dehors » des cartes traditionnelles. Cette place laissée à la narration de la communauté suggère ainsi que les cartographies officielles ne sont pas les seuls territoires du vivant[8] et que des choses adviennent aux confins des logiques admises.

La transmission de ces récits crée des formes de résistance non conventionnelles, peu évidentes, qui peuvent sembler dérisoires. Mais comme le souligne Sonia Dayan-Herzbrun, « c’est souvent dans les petites choses, dans ces minima moralia auxquelles Adorno attache tant d’importance, qu’une possibilité nouvelle, l’invention de quelque chose qui n’a pas encore été, se fait jour[9] ». Ces luttes tracent donc, à l’intérieur d’une configuration sur laquelle nous n’avons pas de prise, l’espace d’une invention.

Des traces mémoires contre le monument

De cette manière, ce projet convoque des faits appartenant à l’histoire silencieuse, présente ou passée, afin de se les approprier, de les transmettre, et de fournir les ingrédients nécessaires à la production d’une contre-phrase[10].

Si Al Amakine se penche sur un espace spécifique du continent, ce travail souhaite, à une plus grande échelle, être un porte-parole pour tous les récits et espaces géographiques situés en-dehors des cartes et des Histoires officielles.

« Je chante les mémoires contre la Mémoire. Je chante les Traces-mémoires contre le Monument. »[11]

Ce texte a été écrit par Gabrielle Camuset et Alice Orefice, 2018.

Al Amakine a été présenté à la Villa Soudan du 2 décembre 2017 au 31 janvier 2018 dans le cadre de la programmation OFF des 11e Rencontres de Bamako, curaté par Gabrielle Camuset et Alice Orefice

Biographie

Abdessamad El Montassir – Né en 1989, vit et travaille entre Boujdour et Rabat. Dans l’ensemble de son travail et de ses recherches, Abdessamad El Montassir ouvre des espaces de négociation convoquant les micro-histoires, rendues invisibles par l’Histoire officielle, et vise à explorer leur place et leurs enjeux dans les sociétés contemporaines. Originaire de Boujdour, dans le Sahara au sud-ouest du Maroc, l’artiste analyse et utilise comme point de départ à son travail la zone géographique où il a grandi. Sa démarche artistique prend forme dans des processus réflexifs qui invitent à repenser l’Histoire et les cartographies à travers les récits collectifs et les archives non-matérielles.

[1] Patrick Chamoiseau in Guyane, Traces-mémoires du bagne, 1994[2]

Al Amakine signifie les lieux en arabe. Ce titre est tiré d’un texte éponyme de Françoise Vergès.

[3] L. Althusser, Montesquieu, la politique et l’histoire, PUF, Paris, 2003. Cité par Homi K. Bhabha, Les lieux de la culture : Une théorie postcoloniale, Payot, Paris, 2007, p. 371.

[4] Françoise Vergès, « Cartographie des  »vies invisibles » », in État des Lieux : Symposium sur la création d’institutions d’art en Afrique, Hatje Cantz, Ostfildern, 2013, p. 37-45.

[5] Ibid, p. 37.

[6]   Ibid, p. 39.

[7]   Felwine Sarr, Afrotopia, Philippe Rey, Paris, 2016.

[8]   Françoise Vergès, « Cartographie des  »vies invisibles » », op. cit., p. 39.

[9]   Sonia Dayan-Herzbrun et al., « Présentation », in Tumultes  , Paris, n° 27, décembre 2006, p. 7.

[10] Voir Gayatri Chakravorty Spivak, Les subalternes peuvent-elles parler ?, Editions Amsterdam, Paris, 2006.

[11]  Patrick Chamoiseau, op. cit.

Photos: Abdessamad El Montassir

Pratiques de l’écoute, écoute des pratiques #5: écoutes in situ

Mercredi 28 mars 2018,
9h30-12h30
Maison des Astronomes, IMéRA
2 Place Le verrier
13004 Marseille

Comité d’organisation: Jean Cristofol (ESAAix, PRISM AMU/CNRS), Elena Biserna (ESAAix, PRISM AMU/CNRS), Christine Esclapez (AMU, PRISM AMU/CNRS), Peter Sinclair (ESAAix, PRISM AMU/CNRS)

Le séminaire intitulé « Pratiques de l’écoute, écoute des pratiques » définit clairement son projet dans l’énoncé de son titre : il s’agit d’abord de s’intéresser à l’écoute et aux pratiques de l’écoute, c’est à dire aux pratiques qui à la fois supposent, engagent et déterminent des formes d’écoute. (lire la suite)

Ecoutes in situ

NOORG : Loïc Guénin et Eric Brochard, musiciens, compositeurs.

Paysages sonores acoustiques et improvisés-live

Les deux musiciens de NOORG : Loïc Guénin et Éric Brochard proposeront un live explorant plusieurs esthétiques : de la musique contemporaine et électroacoustique au noise et aux musiques expérimentales.

Se situant à la frontière tenue entre un rock noise expérimental, une esthétique résolument contemporaine et le drone électroacoustique, la musique de NOORG se refuse à entrer dans une catégorie définie. Les deux musiciens travaillent le son comme des sculpteurs de matière, tissant une toile complexe à partir d’un seul et unique fil continu, travaillant au millimètre, affinant les épaisseurs, déplaçant les sources dans l’espace pour donner naissance à un paysage sonore acoustique, électronique, rythmique et harmonique.
Munis de nombreuses pédales d’effets, de laptop, mais aussi de leurs voix et d’objets sonores acoustiques travaillés comme des générateurs d’ondes, les deux musiciens proposent un paysage sonore en constante évolution, un cinéma pour les oreilles.

Photo: Noorg

Exposition : Thierry Fournier, Machinal, Villa Henry, Nice

Exposition personnelle
Villa Henry, Nice
Commissaire d’exposition Isabelle Pellegrini

Du 25 mars au 28 avril 2018, sur RV
Vernissage en présence de l’artiste le 24 mars de 14h à 19h
Suivi d’une rencontre de 16h à 17h avec Thierry Fournier, Isabelle Pellegrini et Fabienne Grasser-Fulchéri, commissaire d’exposition et critique d’art, directrice de l’Espace de l’Art Concret à Mouans-Sartoux

*

Isabelle Pellegrini présente Machinal à la Villa Henry, une exposition personnelle de Thierry Fournier qui fait suite à son accueil en résidence pour la création de En Vigie, associée ici à trois autres œuvres.

Aujourd’hui, de nombreuses images ne sont plus produites en relation immédiate avec l’œil humain, mais réalisées de manière autonome par des machines et des programmes. La plupart de ces « visions assistées » se déploient dans le domaine militaire ou sur le web (Google, Apple, Facebook…), la détection et l’anticipation du comportement employant souvent des moyens similaires à des fins sécuritaires ou mercantiles. Ces « machines intelligentes » analysent les images mais peuvent aussi réaliser des actions autonomes, comme dans le cas des drones. Dans ce contexte, comment se définit encore notre propre regard et où se place notre responsabilité ? Quel est notre rôle lorsque nous avons affaire à des systèmes qui ne prolongent plus seulement notre propre visée mais l’anticipent, voire s’y substituent ? Attendons-nous des machines qu’elles regardent à notre place – voire qu’elles nous regardent et nous définissent ? Que cherche-t-on à voir (ou à ne pas voir) à travers elles ?

La démarche de Thierry Fournier pose fréquemment l’hypothèse fictionnelle que les choses (objets, paysage, réseau, machines…) seraient dotées d’une vie propre, en instaurant des situations de déplacement ou de confrontation avec elles. Avec l’exposition Machinal, il fait dialoguer quatre œuvres où notre regard est indissociable de celui de ces appareils. Le terme de machinal désigne ici aussi bien une pensée qui ne prêterait plus attention à son objet (ou dont l’attention serait absorbée et captée par des dispositifs, comme sur internet) – que le regard produit par les machines elles-mêmes, de manière autonome : machinal comme on dirait animal. Les cadres classiques du regard comme la perspective et l’horizon se redéfinissent alors comme un territoire partagé, voire négocié, entre notre propre vision et celle que des dispositifs déploient sur le monde et sur nous-mêmes.

En Vigie / Nice (2018) est une vidéo générative où un programme scrute un paysage d’horizon, en déployant un suspens cinématographique qui nous invite à épouser sa propre logique. L’installation Just in Case (2017) imagine ironiquement qu’un programme serait légitime pour détecter si nous sommes bien humains, nous rivant au spectacle de son calcul et à l’attente de son verdict. Avec Penser voir (2018), une caméra de surveillance visant une plage témoigne par une voix de synthèse de son incapacité à détecter quoi que ce soit. La série d’images numériques Non-Lieu (2016) utilise des photographies de bombardements trouvées sur le web et remplace tout ce qui permet d’en identifier le lieu par un motif de fond d’écran. À travers cet ensemble de quatre pièces, l’exposition propose une réflexion plus générale sur les liens et les limites entre l’humain et les machines, notre responsabilité et notre regard.

Autour de l’exposition

Rencontre le 24 mars de 16h à 17h avec Thierry Fournier, Isabelle Pellegrini et Fabienne Grasser-Fulchéri, commissaire d’exposition et critique d’art, directrice de l’Espace de l’Art Concret à Mouans-Sartoux.

Pandore Édition publie également un catalogue comprenant un texte de la critique et philosophe Céline Flécheux (L’horizon, Klincksieck, 2014 ; L’horizon, des traités de perspective au Land Art, P. U. de Rennes, 2009), un entretien avec Isabelle Pellegrini et une documentation sur les œuvres.

Thierry Fournier | Non-lieu 2

Recherche, arts et pratiques numériques #16: cartogaphies de l’invisible

10h-13h Mercredi 21 Mars 2018
IMéRA,
2 place Le verrier
13005 Marseille

Comité d’organisation : Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence), Jean-Paul Fourmentraux (Centre Norbert Elias – CNRS/AMU/EHESS), Manoël Pénicaud (IDEMEC, CNRS/AMU), Cédric Parizot (IREMAM,CNRS/AMU)

Recherche, art et pratiques numériques est une séminaire transdisciplinaire qui s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières. (Lire la suite)

Cartographies de l’invisible

Nicolas THELY,professeur en arts, esthétiques et humanités numériques, Université Rennes 2, Directeur de la MSH Bretagne

56th Venice Biennale : Tracking two art critics

Tantôt caricaturés dans les publicités et les séries télévisées, tantôt montrés du doigt pour leur opportunisme totalement voué à la cause du marché, les critiques d’art contemporain n’ont pas bonne presse. Dans l’entreprise de construction de l’image de la critique d’art, la littérature, la philosophie et les sciences sociales jouent un rôle important mais le critique d’art demeure une espèce difficilement observable ou plus précisément une espèce dont l’activité est difficilement cernable, mesurable et compréhensible. Je proposerai de revenir sur une expérimentation que j’ai menée il y a trois ans et qui a consisté à proposer à deux critiques d’art d’enregistrer leurs déplacements lors des journées professionnelles de la 56e biennale de Venise qui se sont déroulées du 6 au 9 mai 2015. Que peuvent nous apprennent les données récoltées sur la pratique de la critique d’art ?

Emmanuel GRIMAUD, anthropologue, directeur de Recherche CNRS au LESC, Université Paris 10 – Nanterre

Chasse au fantômes et cartographie de l’invisible

Les chasseurs de fantômes (ghost hunters) recourent aujourd’hui à une multitude d’appareils et de technologies sophistiquées pour mesurer les champs électromagnétiques et s’aventurent dans des expéditions nocturnes en quête de présences à détecter avec lesquelles ils tentent d’établir une communication. A partir de chasses suivies en temps réel, on tentera de répondre à toute une série de questions, notamment celle de savoir comment cartographier un espace invisible ou encore pourquoi un tel déballage de technicité dans un domaine en apparence dominé par les croyances.

Photo: Ghost Hunters, 2018 © Emmanuel Grimaud

Thierry Fournier – En Vigie

Série de vidéos génératives, format 16/9e, 20’, sonore, en boucle
écran LCD, clé usb, diffusion sonore, 2018

En vigie est une série de vidéos génératives, qui instaure une relation paradoxale entre le regard et l’attente. Un paysage choisi au bord de la mer ou d’un fleuve est filmé en plan fixe. L’image est ensuite interprétée par un programme : chaque mouvement est mis en évidence par une surbrillance, comme une luciole. L’ensemble de ces mouvements commande le déplacement d’une tête de lecture dans un crescendo d’orchestre, qui ne cesse de varier et dont le climax ne se produit jamais.

À travers cette situation de suspens cinématographique artificiel, le paysage et l’horizon deviennent l’objet d’un regard partagé entre humain et machine, qui interroge nos limites mais également les formes contemporaines d’une surveillance augmentée – dont le territoire de la Méditerranée est particulièrement investi.

La série comprend trois vidéos autonomes : En Vigie / Strasbourg en 2017, En Vigie / Nice et En Vigie / Venise (2018), chaque fois d’une durée de 20’ environ, en boucle. En Vigie / Nice est présentée dans le cadre de l’exposition personnelle de Thierry Fournier Machinal, Villa Henry, Nice, du 25 mars au 28 avril 2018, accompagnée d’un catalogue, avec un texte de Céline Flécheux et un entretien avec Isabelle Pellegrini.

TRANS//BORDER, Les enseignements de Nathalie Magnan

Du 16 au 18 mars 2018
Mucem

Du 12 au 15 mars
Ateliers Mucem/I2MP et Zinc/Friche la Belle de mai

À l’image de Nathalie Magnan, TRANS//BORDER réunit une cinquantaine d’artistes, chercheur.e.s, (h)acktivistes et étudiant.e.s, d’ici et d’ailleurs, dans la perspective d’interroger les frontières/borders, sur terre et sur mer, entre les sexes, entre les espèces, entre les générations, entre les vivants et les morts, et les conditions de circulation des personnes, de l’information, des technologies, des idées…

À Marseille, une exposition, des tables rondes et projections du 16 au 18 mars au Mucem, précédées d’ateliers sur inscription du 12 au 15 mars au Mucem et à Zinc (Friche la Belle de mai), serviront de terrain de labour des territoires que la pionnière du cyberféminisme en France explorait.

Théoricienne des médias, réalisatrice et navigatrice, Nathalie Magnan, également enseignante généreuse, à l’esprit indiscipliné, transmettait aux jeunes artistes que l’art peut être une pratique de la liberté. Marseillaise et Méditerranéenne, de naissance et de cœur, elle tissait constamment des liens entre les États-Unis, l’Europe et la France.

Fidèle à ses choix et à ses travaux, cet événement s’intéresse ainsi à l’espace méditerranéen, aux relations humain/animal/machine, aux modes de reproduction, à la maîtrise des outils techniques (navigation, information, médical) dans une préoccupation écologique et des perspectives féministe et d’émancipation.

Datvisualisation de la constellation Nathalie Magnan

Exposition: Les (Cyber)mondes de Nathalie Magnan

Du 16 au 18 mars de 11h à 21h Mucem – Forum du J4 – Entrée libre

Cette exposition offre une déambulation dans l’espace et le cyberespace à la découverte de différents travaux de Nathalie Magnan (films, photos, conférences, textes) et de celles et ceux dont la démarche rejoint la sienne : oeuvres sonores, filmiques ou numériques de Isabelle Arvers, Chloé Desmoineaux, Louise Drulhe, Maria Ptqk pour l’Espace virtuel du Jeu de Paume, Quimera Rosa, Ilana Salama Ortar, cartes et vidéos de l’antiAtlas des frontières sélectionnées par Isabelle Arvers (oeuvres de Harckitektura, Charles Heller, Simona Koch, Nicolas Lambert), ainsi que des travaux d’étudiant.e.s des écoles d’art d’Aix-en-Provence, Arles, Bruxelles (Erg), Lyon, Metz, Poitiers, Saint-Étienne, Strasbourg, Toulon, TourcoingDunkerque et de l’université de Rennes 2.

Cartographie critique du Détroit de Gibraltar, Hackitectura

Table ronde: Frontières et technologies en mer Méditerranée

Vendredi 16 mars de 15h à 18h30 Mucem – Auditorium – Entrée libre
Conception, animation : Isabelle Arvers (commissaire d’expositions)

Les Technologies de contrôle et le droit en mer
Avec Charles Heller (Watch the Med), Malin Björk (eurodéputée), Violaine Carrère (Gisti), Erwan Follezou (SOS MEDITERRANEE)

Les Technologies alternatives et open source
Avec Nicola Triscott (Arts Catalyst), Pablo DeSoto (architecte et chercheur), Tim Boykett (Time’s up Research), Marthe Van Dessel (Seed Journey Project)

TRANS//BORDER, Les Enseignements de Nathalie Magnan est une production Kareron, en partenariat avec le Mucem, Bandits-Mages, De la mule au web. Une coproduction ZINC – Arts et cultures numériques et Reso-nance Numérique, dans le cadre du projet Risk Change, cofinancé par le programme Europe créative de l’Union européenne.
Avec la participation du DICRéAM-CNC, de la Ville de Marseille, du ministère de la culture (DRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur et DGLFLF-Fonds Pascal). Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Autres partenariats : Bibliothèque nationale de France, Institut national de l’audiovisuel, FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, Opera mundi, Jeu de Paume (Paris), Générik Vapeur, FAI-AR, FIFF Créteil, Centre LGBT Paris ÎdF, ESAAIX, ENSP Arles, ENSA Bourges, ERG Bruxelles, Ateliers des horizons Grenoble, ENSBA Lyon, ESADMM Marseille, ESA Lorraine, Villa Arson Nice, ESAD Saint-Étienne, HEAR Strasbourg, le programme de recherche Migration/Murmuration (EESI Poitiers-Angoulême), ESAD Toulon Provence Méditerranée, ESÄ Tourcoing-Dunkerque, Université Rennes 2, L’École(s) du Sud.

Programme complet de l’événement à consulter sur le site du Mucem
http://www.mucem.org/programme/exposition-et-temps-fort/trans-border

Photo principale: Nathalie Magnan par Reine Prat

Pratiques de l’écoute, écoute des pratiques #4: Entendre le monde sonner

Mercredi 21 février 2018,
9h30-12h30
Maison des Astronomes, IMéRA
2 Place Le verrier
13004 Marseille

Comité d’organisation: Jean Cristofol (ESAAix, PRISM AMU/CNRS), Elena Biserna (ESAAix, PRISM AMU/CNRS), Christine Esclapez (AMU, PRISM AMU/CNRS), Peter Sinclair (ESAAix, PRISM AMU/CNRS)

Le séminaire intitulé « Pratiques de l’écoute, écoute des pratiques » définit clairement son projet dans l’énoncé de son titre : il s’agit d’abord de s’intéresser à l’écoute et aux pratiques de l’écoute, c’est à dire aux pratiques qui à la fois supposent, engagent et déterminent des formes d’écoute. (lire la suite)

Entendre le monde sonner

Carmen Pardo Salgago, professeure d’histoire de la musique et d’esthétique de la musique contemporaine à l’Université de Girona

L’écoute du monde : entre le recyclage et le « laisser être » des sons

Tout au long du XXe siècle, nous assistons à un recentrement sur l’écoute qui déborde le cadre de ce que l’on tenait comme musical auparavant. L’oreille du musicien se tourne vers les sons de la vie quotidienne et commence une longue démarche qui affecte et le monde de la musique et la perception du monde. Dans cette longue démarche nous pouvons distinguer deux grandes lignes : celle entamée par la pratique schaeferienne de la musique concrète et celle dérivée de la pratique de John Cage. La première nous place chez une certaine esthétique du recyclage sonore du monde, tandis que la deuxième est axée sur l’idée de non possession des sons et leur opposition à l’idée de domination. Toutes les deux impliquent deux modalités de l’expérience de l’écoute et de la compréhension du monde radicalement différentes. Toutes les deux comportent, comme nous le rappelle Daniel Charles non sans humeur, deux types de moral. Cette intervention a pour objet de montrer comment à l’heure actuelle, les deux pratiques se rencontrent, non sans frictions ou contradictions, dans des pratiques d’écoute telles que les promenades d’écoute et les travaux de quelques artistes tels que Christian Marclay. Cette rencontre interroge à nouveau l’expérience de l’écoute dans sa dimension éthique et esthétique.

Christophe Charles, compositeur,professeur à l’Université des arts de Musashino/Tokyo

Ecouter, composer, jouer

John Cage a souvent déclaré que composer, jouer et écouter étaient trois choses distinctes. Je voudrais revenir sur cette affirmation et examiner les relations qu’entretiennent ces trois actions, qui semblent s’accomplir de manière simultanée dans ma pratique musicale. Dans quelle mesure peut-on dire qu’elles ont lieu dans le même temps ?

Photo: Eri Ujita, Christophe Charles

Anxiété cartographique: Une exposition du collectif HIC SUNT

Du 9 février au 17 mars 2018
Arondit – 98, rue Quincampoix, 75003 Paris
Vernissage le jeudi 8 février 18 – 21 h

Hic sunt dracones (ici sont les dragons) est une locution latine apparue en 1510 sur le Globe de Lenox signalant les lieux réputés dangereux car non cartographiés, peuplés de dragons, de tigres et de lions.

Les quatre artistes du collectif HIC SUNT – Lucile Bertrand, Katrin Gattinger, Valentine Gouget et Anna Guilló – sont toutes préoccupées par la question des territoires et par les notions de tracés et de cartographie qu’elles abordent à travers dessins, performances, installations, sculptures et vidéos. Leurs productions artistiques ont en commun d’explorer ce que les cartes disent des limites de notre monde afin, justement, d’offrir une autre manière de l’appréhender, de le ré-ouvrir et de le mettre en partage. Et si les œuvres interrogent la représentation des frontières – politiques, spatiales, mentales, langagières, etc. –, elles ne cherchent pas nécessairement à proposer des réponses figées. Il s’agit d’abord de provoquer poétiquement, et même, d’ouvrir de nouvelles problématiques. En cela, HIC SUNT explore aussi bien la finalité que la finitude des cartes.

Dans un article reprenant l’essentiel de leur ouvrage Border as Method, or the Multiplication of Labor, Sandro Mezzadra et Brett Neilson écrivent que le débat contemporain autour des frontières est imprégné d’un « sentiment d’anxiété cartographique ». Cette relation anxieuse à la frontière et à l’instabilité des contours fait l’objet de cette première exposition du collectif HIC SUNT sur les deux étages de la galerie Arondit. À cette occasion, une artiste invitée, Caroline Andrin, propose une œuvre en dialogue avec les projets du collectif.

On y découvre, par exemple, les instruments ayant enregistré graphiquement les tentatives d’une des artistes de franchir les frontières des 160 ambassades situées à Bruxelles, pour réclamer chaque fois que le sceau du pays soit apposé sur le dessin en train d’être tracé (Borderknots).

La vidéo Les Sirènes de Schengen offre un brouhaha sonore par la superposition des hymnes des 26 pays de l’espace Schengen et du « Chant 12 » de l’Odyssée dit en grec ancien, miroir d’une Europe qui a bien du mal à se constituer contre les réflexes protectionnistes des pays qui la constituent.

Un filet de pêche (Vergogna), réalisé à partir d’un bateau pneumatique découpé en lanières, évoque la relation ambiguë entre les réfugiés qui tentent d’atteindre les côtes européennes, et les pêcheurs, tantôt sauveteurs tantôt passeurs.
Une fausse carte maritime (Question de perspective) dessinée à la mine de plomb questionne avec ironie le langage dédié aux déplacements, qui induit différentes connotations selon d’où l’on part, mais surtout selon d’où l’on parle.

Anna Guilló, White Nights, 2018. Dessin au stylo 3D sur armature de tente, 120 x 200 x 100. (Détail).

Anna Guilló, Découpe, 2017. Dessin mural, dimensions variables.

Katrin Gattinger, Borderknots – Consulats Strasbourg, 2013. 1 dessin, encre sur papier gaufré, 60,9 x 44 cm. Machine à dessiner (caisse en bois, traceurs).

Performance : 26 août 2013 (date correspondant à l’adoption du dernier article de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789).
En se déplaçant en vélo et à pied selon un parcours déterminé à l’avance, l’artiste fait le tour des consulats strasbourgeois et tente d’y pénétrer. Les tampons appliqués sur le dessin témoignent de sa présence aux consulats. Parcours de 36 consulats, reçue dans 26 consulats, tampons de 21 consulats (+ 1 signature de consul). Sceaux des consulats et consulat généraux des pays suivants : Belgique, Luxembourg, Japon, Maroc, Roumanie, Monaco, Pologne, Danemark, Chili, Etats-Unis, Lettonie, Allemagne, Russie, Autriche, Turquie, Pérou, Espagne, Portugal, Serbie + 2 autres

Katrin Gattinger, Borderknots – Europa Hin und Zurück (“Europe, aller-retour”). Dessin, encre sur papier gaufré, 41,5 x 29,4 cm. Performance, juillet 2013. Petite caisse en bois avec 1 traceur.
Traversée en vélo aussi vite que possible 28 fois (pour chaque pays européen une fois) le pont de l’Europe à Strasbourg, et donc la frontière franco-allemande. Machine à dessiner sur le porte-bagage.

Lucile Bertrand, Touristic Route/Survival Route, 2017. Peinture acrylique et feutre sur couverture de survie. 210 x 160 chacune.

Lucile Bertrand, Question de Perspective, 2016. Mine de plomb, feutre noir et impression rouge sur papier. 73 x 110 cm.

Lucile Bertrand, Question de Perspective, 2016. Détail.

Valentine Gouget, Vergogna, 2017. Bateau pneumatique découpé en fines bandes, cartons, élastiques, 400 x 200cm. Photographie : Théodore Markovic.

Valentine Gouget, À l’horizon, 2017. Vidéo diffusée en boucle, 9’31, écran plat de télévision, 50 x 30 cm. Photographie: Théodore Markovic.

Pour plus de renseignements :
www.lucilebertrand.com
www.katrin-gattinger.net
www.cargocollective.com/valentinegouget
www.annaguillo.org
http://carolineandrin.com
www.facebook.com/collectifHICSUNT/
arondit.com

Les artistes seront présentes au vernissage et le samedi 10 février à partir de 11h

Recherche, art et pratiques numériques #15: Post cinéma et anthropologie

10h-13h Mercredi 31 Janvier
IMéRA,
2 place Le verrier
13005 Marseille

Comité d’organisation : Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence), Jean-Paul Fourmentraux (Centre Norbert Elias – CNRS/AMU/EHESS), Manoël Pénicaud (IDEMEC, CNRS/AMU), Cédric Parizot (IREMAM,CNRS/AMU)

Recherche, art et pratiques numériques est une séminaire transdisciplinaire qui s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières. (Lire la suite)

Post cinéma et anthropologie

Pascal Cesaro, chercheur et documentariste, PRISM, Aix-Marseille Université / CNRS, Pierre Fournier, Sociologue, Laboratoire méditerranéen de sociologie, LAMES / Aix-Marseille Université / CNRS

Sur les traces des atomistes. Un pas de côté pour un sociologue de terrain

A partir d’extraits du film documentaire Sur les traces des atomistes (Pascal Cesaro et Pierre Fournier, 90mn, 2016) nous reviendrons sur notre usage d’images d’archives comme outil de recherche en sciences sociales. Nous présenterons comment à partir d’une archive audiovisuelle issue d’une série de fiction de la fin des années 1960 mettant en scène la vie de travailleurs d’un centre nucléaire en Provence on espère mieux comprendre ce que veut dire venir travailler dans cette industrie. Montrer des extraits de ce feuilleton à des gens vivant aujourd’hui près du même centre, permet-il de dépasser les représentations abstraites du débat public sur ce sujet polémique ou le silence derrière lequel se retranchent parfois les personnes vivant près des centres nucléaires ?

[Power point de la présentation]

Krista Lynes, communication studies, Concordia University, Canada / résidente de l’IméRA, Marseille

Notes sur l’Index : penser le « réel » à l’ère numérique

La question de l’indexicalité des images-médias est devenu centrale dans les méthodes de recherche en sciences humaines autant que pour les formes d’art politique ou engagé, portant particulièrement sur leur capacité de rendre compte fidèlement de la vie sociale. De ce fait, le problème de l’indexicalité des images s’avère doublement épistémologique et éthique. Renvoyant à un pari risqué, toujours instable, le concept d’indexicalité est aujourd’hui malmené par les changements technologiques, culturels, économiques et politiques : passage des médias ‘analogues’ aux médias ‘numériques’ (avec la mutabilité inhérente de ces derniers) ; passage de la surface du monde visuel vers le ‘big data’ (et donc vers les paradigmes algorithmiques du réel, non plus liés au champ visuel, mais à la statistique). Il y a néanmoins toujours plus d’images en circulation, davantage de visualisations algorithmiques (‘beautiful data’), qui accompagnent la transformation du champ visuel en base de données. Ma présentation cherchera à explorer cette charge de l’indexicalité dans la recherche interdisciplinaire et artistique, elle sera centrée plus précisément sur les projets médiatiques entourant la ‘crise migratoire’ (Forensic Architecture, the Visual Social Media Lab, UNITED, ainsi que d’autres tactiques visuelles).

Jeff Daniel Silva, artiste-chercheur, Sensory Ethnographic Lab, Harvard University, Centre Norbert Elias (CNE) AMU/EHESS/CNRS.

Linefork (2016) : Recherche visuelle et cinéma anthropologique

Membre correspondant du Centre Norbert Elias depuis décembre 2016, futur résident à l’IMéRA (2018-2019), Jeff Silva est un réalisateur américain, professeur et programmeur originaire de Boston. Associé depuis son origine au Laboratoire d’Ethnographie Sensoriel (SEL) à Harvard University, il a contribué aux côtés du fondateur et directeur Lucien Taylor au développement d’un programme d’études et de méthodologie appuyé sur la réalisation filmique. Ses travaux – réalisations et recherches anthropologiques – s’attachent à documenter plutôt qu’a expliquer et utilisent pour cela l’ambiguïté et la connaissance implicite. A l’articulation du cinéma documentaire et expérimental, sa communication mobilisera des extraits commentés du film Linefork (2016) et questionnera la part d’intimité dans la relation qu’entretien le documentariste avec son sujet. Ses films les plus récents « Linefork » (2016), « Ivan & Ivana » (2011) et « Balkan Rapsodies: 78 Measures of War » (2008)

Image extraite du film Havarie de Philip Scheffner, 2016 © Philip Scheffner

Pratiques de l’écoute, écoute des pratiques #3 : Écoutes incarnées

Mercredi 17 janvier 2018,
9h30-12h30
Maison des Astronomes, IMéRA
2 Place Le verrier
13004 Marseille

Comité d’organisation: Jean Cristofol (ESAAix, PRISM AMU/CNRS), Elena Biserna (ESAAix, PRISM AMU/CNRS), Christine Esclapez (AMU, PRISM AMU/CNRS), Peter Sinclair (ESAAix, PRISM AMU/CNRS)

Le séminaire intitulé « Pratiques de l’écoute, écoute des pratiques » définit clairement son projet dans l’énoncé de son titre : il s’agit d’abord de s’intéresser à l’écoute et aux pratiques de l’écoute, c’est à dire aux pratiques qui à la fois supposent, engagent et déterminent des formes d’écoute. (lire la suite)

Ecoutes incarnées

Sylvain Brétéché, musicologue, enseignant à l’Université d’Aix-Marseille, chercheur au laboratoire PRISM-AMU/CNRS

L’écoute extra-ordinaire. Sentir le sonore, voir le musical : l’expérience musicale sourde

Dans sa conception ordinaire, l’écoute se trouve prioritairement associée à l’oreille qui semble seule à même de rapporter les événements sonores et les réalités sonnantes qui animent le réel. Cependant, que devient l’écoute lorsque l’oreille « dysfonctionne » ? Lorsque le rapport privilégié au monde ne repose plus sur l’auralité ? Dépassant le voile opaque de l’oreille, les conditions de surdité tendent à révéler une facette singulière de l’écoute qui, dans un silence prétendu, se présente produit du corps et de l’œil, réalité asonore incarnée, visuelle et mouvante. Cette intervention s’attachera à présenter les facettes extra-ordinaires de l’écoute que nous dévoilent les pratiques musicales des Sourds qui, au-delà du paradoxe, nous donnent à entendre la complexité du sonore dans ses qualités sensibles, vibrantes et visuelles.

Natacha Muslera, musicienne, poète, improvisatrice et compositrice

Ecoutes possédées

Le choeur offre un potentiel inouï et constitue un outil adéquat pour interroger, pratiquer, expérimenter des rapports d’écoutes multiples, mais surtout il ouvre à l’écoute possédée. Proche de la transe, cette écoute dissout l’opposition entre sujet et monde. Dans un premier temps, geste : s’affranchir de l’écoute prépondérante-passive, afin d’inclure ce qui habituellement est exclu dans nos rapports d’écoutes.

Le choeur suscite des tentatives d’écoutes allant de l’expérience individuelle à celle du commun, oscillant sans cesse et se faisant cabane d’écho du réel, mouvement de va et vient constant, désordonné (non systématisé), entre le dehors et le dedans.

Danse et transe des écoutes sans hiérarchie, celle des espaces, des biotopes, des écosystèmes, des langues, des chants, des molécules, des os, des organes, des températures, des flux, des ondes, des langues, des chants, des ambiances, des luttes. Ecoutes sauvages, incandescentes et abandonnées, écho actif du choeur dithyrambique.

Photo: Natacha Muslera, Choeur tac-til 2 Trompe l’oeil

Pratiques de l’écoute et écoute des pratiques #2: perception et déséquilibre dans l’espace acoustique

9h30 à 12h30 Mercredi 20 décembre 2017,
Fondation Vasarely, Aix-en-Provence.

Comité d’organisation: Jean Cristofol (ESAAix, PRISM AMU/CNRS), Elena Biserna (ESAAix, PRISM AMU/CNRS), Christine Esclapez (AMU, PRISM AMU/CNRS), Peter Sinclair (ESAAix, PRISM AMU/CNRS)

Le séminaire intitulé « Pratiques de l’écoute, écoute des pratiques » définit clairement son projet dans l’énoncé de son titre : il s’agit d’abord de s’intéresser à l’écoute et aux pratiques de l’écoute, c’est à dire aux pratiques qui à la fois supposent, engagent et déterminent des formes d’écoute. (lire la suite)

Bande de Möbius. Perception et Déséquilibre dans l’espace acoustique

Au cours de cette séance se mettront en place des dialogues croisés autour de l’installation sonore expérimentale de Marlène Puccini présentée à la Fondation Vasarely du 7 au 28 décembre 2017 : Bande de Möbius. Perception et Déséquilibre dans l’espace acoustique

Le projet Bande de Möbius. Perception et Déséquilibre dans l’espace acoustique a été développé dans le cadre du Labex-Arts-H2H de l’Université de Paris 8, en partenariat avec l’ENS-Louis Lumière le CNRS-Prism, Marseille, L’ISM, le Lapcos, Université Nice 98, La Fondation Vasarely. Il est porté par Marlène Puccini. L’exposition est permise grâce au soutien de ESAAix, Hexalab, Seconde Nature, Zic in Off, Générali St Victoret

Intervenants: Pierre Cassou-Nogues, philosophe, Marlène Puccini, artiste, Jean-Michel Vives, psychanalyste. Modération : Jean Cristofol, philosophe

La question de l’écoute est souvent pensée dans son rapport à l’environnement, comme une exploration par une personne de la relation perceptive au monde que le son génère. Elle se trouve déplacée par l’expérimentation que nous propose Marlène Puccini vers une situation de laboratoire où l’espace sonore est entièrement reconstruit et proposé à la perception d’un sujet mis en situation par le dispositif. Il y a donc d’un côté un travail de soustraction ou d’abstraction qui nous extrait du monde et de l’autre la reconstruction ou la recomposition d’un environnement dans lequel le son n’est pas seulement matière et signe, mais aussi espace et représentation. Il s’agit alors de rendre sensible le champ acoustique comme un espace construit et de jouer avec les potentialités que cette situation tout à fait particulière nous ouvre. Il s’agit de nous confronter à la relation de notre corps avec un espace perceptif dont les modulations peuvent être constituées comme les éléments d’une matière poétique. Marlène Puccini voudrait creuser l’écart de cette enveloppe coutumière où les limites de soi au monde se nouent et se perdent.

Pratique de l’écoute et écoute des pratiques

Comité d’organisation

Jean Cristofol (ESAAix, PRISM AMU/CNRS), Elena Biserna (ESAAix, PRISM AMU/CNRS), Christine Esclapez (AMU, PRISM AMU/CNRS), Peter Sinclair (ESAAix, PRISM AMU/CNRS)

Thématique du séminaire

Le séminaire intitulé « Pratiques de l’écoute, écoute des pratiques » définit clairement son projet dans l’énoncé de son titre : il s’agit d’abord de s’intéresser à l’écoute et aux pratiques de l’écoute, c’est à dire aux pratiques qui à la fois supposent, engagent et déterminent des formes d’écoute.

Ces pratiques sont nombreuses et très différentes les unes des autres. Elles appartiennent à des domaines de la connaissance infiniment variés. Toutes supposent une relation au son ou au moins à des phénomènes ondulatoires qui sont de l’ordre du sonore – même s’ils défient les limites de la perception humaine et qu’ils impliquent la mise en œuvre de technologies qui étendent, déplacent et transposent les potentialités du sensible. Toutes aussi impliquent de mettre en place une logique dans laquelle la réception, la sensibilité et l’attention sont mobilisées comme des formes essentielles de l’expérience et de la connaissance, comme des moments qui déterminent et structurent notre relation à notre environnement, comme des vecteurs de notre capacité d’action, de représentation et d’invention.

Bien sûr, la musique et plus généralement les pratiques sonores en art sont essentielles à notre réflexion et nous nous sentons héritiers du tournant qui a consisté, par exemple avec John Cage, à placer l’écoute au cœur d’une pensée de l’esthétique comme expérience. Mais bien au-delà de la musique ou des arts du son et de l’audio, il existe de nombreuses pratiques, qu’elles soient empiriques ou expérimentales et rationnellement formalisées, qui mettent en jeu de façon déterminante la question de l’écoute.

L’acoustique est évidemment la première d’entre elles et elle se trouve chaque fois impliquée d’une façon ou d’une autre. Mais notre énoncé suggère aussi que l’écoute n’existe vraiment que dans et par une pratique. De ce point de vue là, l’écoute s’apprend, se développe, s’affine et s’oriente dans la relation à un ensemble organique où l’expérience et la théorie doivent trouver les modalités de leur dialectique. Toute écoute prend sens dans le contexte d’une situation qui engage la relation entre des acteurs et le milieu mouvant dans lequel ils évoluent. Elle contribue à donner sens à ce milieu et elle présuppose l’orientation d’une perception qui ne reçoit que parce qu’elle attend et s’interroge. L’écoute est éveil, exercice, pensée, mouvement, relation aux autres et au monde. Elle mobilise du savoir et le met à l’épreuve d’une situation signifiante. Elle s’inscrit dans une histoire qui est aussi l’histoire des disciplines qui la mettent en œuvre.

L’écoute est donc une notion à la fois transversale et toujours inscrite dans des pratiques spécifiques, qu’elles soient scientifiques ou artistiques, formalisées ou empiriques. Si elle engage des pratiques déterminées et multiples, elle ouvre aussi un espace de discussion, de partage et d’échange entre ces pratiques et ces savoirs, entre les arts et les sciences.

Partenariat

Institut d’Etudes Avancées d’Aix Marseille Université (IMéRA)
(PRISM)

A Crossing Industry, un jeu vidéo documentaire et artistique

Recherche ethnographique, création artistique et technologie vidéo-ludique

Intitulé A Crossing Industry, ce jeu porte sur le fonctionnement du régime de séparation israélien en Cisjordanie dans les années suivant la fin de la seconde Intifada (2007-2010). Son élaboration, toujours en cours, est effectuée par une équipe transdisciplinaire composée d’un anthropologue (Cédric Parizot), d’un artiste (Douglas Edric Stanley), d’un philosophe (Jean Cristofol) et de onze étudiants et anciens étudiants de l’École supérieure d’art d’Aix-en-Provence. Cette expérimentation essaie d’envisager comment la technologie vidéo ludique permet d’articuler une démarche documentaire dont l’objectif est de modéliser une analyse ethnographique, avec une démarche artistique animée par ses propres enjeux esthétiques et poétiques.

Les premières réflexions autour du contenu et de la forme du jeu ont commencé début 2013. Elles ont été menées au sein de l’École d’Art d’Aix-en-Provence. Nous avions pris l’habitude de nous retrouver chaque semaine dans l’Atelier Hypermédia de Douglas, dans lequel il expérimente avec ses étudiants la programmation dans leur pratique artistique.

En octobre 2013, le projet a adopté un langage graphique intégrant des objets 3D simplifiés (low-poly), un fond uni en nuances de gris — plutôt vide et sans sol visible —, et des couleurs primaires pour représenter les différents types de lieux (zones sous contrôle israélien, zones palestiniennes, etc.) et les différents statuts des personnes (Palestiniens, Palestiniens de citoyenneté israélienne, Juifs israéliens, soldats, garde-frontières, etc.). En distribuant ces objets sur une carte inspirée de celle que Cédric Parizot leur avais dessinée, l’équipe a pu élaborer la première ébauche de l’espace de navigation.

Cependant, cette première ébauche nous a fait prendre conscience de la dimension irréconciliable des écarts prévalant entre la proposition scientifique de Cédric et celles, artistiques, élaborées par Douglas et les étudiants. C’est à partir de là que nous avons pris conscience du fait que nous devions repenser nos positions respectives. Cédric ne pouvait plus se cantonner dans le rôle d’un passeur de savoir, tandis que les artistes tenteraient de l’objectiver à travers le codage du langage graphique, du texte et des règles d’interactions. Nous devions nous investir dans une réflexion plus profonde pour comprendre comment nous pourrions composer avec ces écarts.

Un documentaire artistique et critique

En septembre 2014, nous avons alors exploré de nouvelles pistes d’articulation, ainsi qu’un nouveau scénario. De son côté, Cédric s’est efforcé de s’approprier le langage graphique réalisé à partir de Unity et les logiciels d’écriture du scénario. Les réflexions suscitées par ces tentatives lui ont permis d’opérer un retour critique sur le caractère hégémonique qu’avaient pris certains régimes de visibilité, comme la cartographie, dans sa réflexion. Ces échanges ont également permis d’appréhender la nature contingente et intersubjective du processus de construction d’une argumentation à travers un jeu vidéo. Enfin, ils ont contribué à repenser les formes d’intervention que nous offrait A Crossing Industry. C’est en ce sens que ce jeu a joué pleinement son rôle de documentaire critique: non pas tant dans sa capacité de documenter une situation sur le terrain mais en nous conduisant à réfléchir à nos modes d’accès et de construction du réel.

Cédric Parizot, Douglas Edric Stanley – A Crossing Industry 2014 from antiAtlas Journal on Vimeo.

Cette seconde ébauche devait pouvoir mettre en scène l’histoire d’un jeune Palestinien revenant vivre dans son village d’origine au lendemain de la seconde Intifada (2000-2004). Après quelques années d’absence à l’étranger, il découvre non seulement que celui-ci se trouve enclavé entre des colonies israéliennes et le mur de séparation, mais également que les restrictions de mouvement autour de celui-ci ont été drastiquement renforcées. Mais les Israéliens ne sont pas les seuls à règlementer les déplacements des personnes et des marchandises. Reprenant progressivement ses repères, il découvre toute une économie informelle de l’intermédiation et du passage impliquant des Palestiniens, des Israéliens, et parfois même des internationaux.

Pour plus d’éléments sur ces premières étapes du processus d’élaboration du jeu voir: Parizot, Cedric, Stanley, Douglas Edric, « Recherche, art et jeu vidéo, Ethnographie d’une exploration extra-disciplinaire », antiAtlas Journal, 01 | 2016, [En ligne], publié le 13 avril 2016

Un autre format d’écriture et d’enseignement

En 2016, compte tenu des écarts persistants entre les propositions graphiques et le scénario et de la difficulté de progresser, nous avons choisi de repartir à zéro. Cédric Parizot à alors changé de medium pour penser le cadre du scénario. De l’écrit, il est passé au dessin d’une dizaine de scènes. Sur cette base, l’histoire a été complètement repensée, de même que l’interface graphique. Ce nouveau projet implique dorénavant Cédric Parizot, Douglas Edric Stanley et Robin Moretti.

Le nouveau scénario s’articule autour d’un jeune anthropologue français qui quitte une ville israélienne dans le désert du Néguev pour se rendre de l’autre côté du mur, dans un village palestinien. Il doit y rencontrer un dernier interloculteur pour finaliser son enquête sur les réseaux de passeurs qui facilitent le passage des ouvriers Palestiniens en Israël. Cependant, il ne rencontrera jamais cette personne. Faute d’informateur, il doit improviser et chercher de nouveau contacts auprès de ses proches et de ses relations. Ce faisant, il réalise qu’Israéliens et Palestiniens sont bien plus interconnectés que ne le laisse entendre le projet de séparation israélien.

Partant de cette histoire, l’objectif est de produire un documentaire ludique à partir d’une approche artistique et critique sur le fonctionnement du régime de séparation israélien imposé aux Palestiniens des Territoires occupés. L’enjeu est également d’expérimenter et de développer des pratiques inédites d’écriture qui associe recherche, art et technologie vidéo-ludique pour :
– construire et mettre en forme une connaissance issue d’une recherche
ethnographique
– créer des supports de formation à l’attention des jeunes artistes et des
jeunes chercheurs en sciences humaines
– développement de nouveaux outils d’écriture et de narration non-linéaire à
destination des chercheurs et des artistes indépendants.

Partenariat

Institut de recheche et d’études sur le monde arabe et musulmans (UMR7310, Aix Marseille Université, CNRS)
Ecole supérieure d’art d’Aix en Provence
Institut d’études avancées d’Aix Marseille Unuversité (IMéRA)
Ministère de la Culture

Emmanuel Grimaud – Être machine : Il existe une multitude de manières d’être une machine qui n’ont pas été explorées

Janvier 2017

On s’est rarement posé la question de savoir ce que veut dire « être une machine », avoir une sensation de machine. Il faudrait examiner toutes les possibilités : soit on décide que les machines peuvent avoir des sensations et qu’elles sont semblables aux nôtres (ou de pâles simulations des nôtres), soit on considère qu’elles pourraient bien avoir des sensations radicalement différentes, soit on se dit qu’elles n’en ont pas. Selon l’option que l’on choisit, cela entraîne en cascade des séries de problèmes à résoudre.

Pour les machines, par exemple, leur accorder des sensations oblige-t-il à changer de concept de machine ? Si oui, alors il faut aussi changer de concept d’humain. Cela implique aussi du coup d’autres types de relation avec les machines, voire même dans une certaine mesure changer de société. Une grande part de notre « problème » avec les machines vient du fait que leurs capacités ne cessent d’évoluer et que leur statut « ontologique » est pour le moment indécidable.

Image tirée du film documentaire Ganesh Yourself, Emmanuel Grimaud, 2016

La prudence nous impose de ne pas leur attribuer d’états mentaux, car nous sommes dans l’incertitude la plus totale sur ce qu’elles pourraient bien faire ou (un jour) éprouver, mais dans certaines situations, les « anthropomorphes » que nous sommes n’hésitent pas à succomber à notre tendance naturelle pour nous réprimer aussitôt en nous accusant d’« animistes ». L’autre option serait d’assumer une forme de « panpsychisme » et considérer qu’après tout, les machines, composées de programmes faits par des humains, contiennent nécessairement des formes de « proto-intelligence » ou des « magmas de sensations », même si on ne sait pas bien les nommer ou les cerner, mais tout le monde n’y est pas prêt.

L’éthologie a changé radicalement le jour où Von Uexküll (1934) s’est demandé ce que signifie voir quand on est une mouche, sentir quand on est un chien. La botanique se pose aussi ce genre de problèmes à propos des végétaux. Il y a bien longtemps, Gustav Fechner consacra plus de 400 pages à cette question (Nanna ou l’âme des Plantes,1848) : les plantes ont-elles une âme ? Et il en conclut qu’étant sensible à des choses infinitésimales (la lumière, la température), leur âme était radicalement différente de celle des humains. Un tel présupposé débouche forcément sur une autre écologie…

Dans le domaine des machines, il faut avouer qu’on s’est beaucoup posé la question de savoir si elles pensaient et très peu de savoir si la sensation d’être une machine était réservée aux machines ou si c’est une sensation que seuls les humains peuvent éprouver ?

D’ailleurs, on s’est beaucoup plus intéressé à la façon dont les humains attribuent un statut de personne à des machines (grâce à des mécanismes d’imputation d’une grande générosité, voir l’exposition Persona, Quai Branly, 2016, par exemple), qu’aux conditions dans lesquelles des personnes se perçoivent comme des machines.

Comme les machines évoluent, « être une machine » en 2016 n’est pas la même chose qu’en 1950 et ça ne signifiera sûrement pas la même chose en 2070. Il faudra sans doute se reposer la question au fur et à mesure que les machines évoluent. Mais on peut déjà essayer de lancer quelques pistes. En 2016, ça veut dire quoi avoir une « sensation » de machine ?

La plupart des gens, à commencer par les roboticiens, considèrent que les machines n’ont pas de sensation et de conscience de leur sensation. Une machine, en l’état actuel de la robotique, n’éprouve pas de sensation.

Image tirée du film Barbarella, de Roger Vadim, 1968

Quand on fabrique un robot, on doit tout reprendre à zéro : percevoir, penser, sentir. Mais du coup, on fait table rase aussi sur ce que c’est qu’une sensation. Et aucune machine n’est assez élaborée pour pouvoir nous parler de ses sensations de machine. Donc on est dans une zone trouble, inconnue. A la fois pour les machines qui n’ont pas conscience de leurs sensations (si jamais elles en ont). Et pour les humains.

Pour un humain, avoir une sensation de machine, c’est beaucoup plus accessible. Et je voudrais faire une première proposition. Pour un être humain, avoir une sensation de machine, c’est ne pas éprouver de sensation là où on pourrait en éprouver une.

On a tous une image stéréotypée de ce que c’est qu’une machine. Et c’est elle qu’il faut arriver à changer. On associe machine et insensibilité, froideur. Être une machine, c’est négatif. C’est être humain moins des tas de choses : c’est voir sans comprendre, c’est s’attacher sans émotion, agir sans réflexivité. Avoir une sensation de machine, ce serait donc un privilège (ou une angoisse) d’être humain : ne rien éprouver justement là où on peut éprouver quelque chose. Être victime d’une sorte de privation sensorielle.

Harold Searles, un psychiatre américain des années 50-60, qui travaillait avec des schizophrènes, s’était aperçu que beaucoup de ses patients, à un stade relativement avancé de la maladie, se voyaient comme des machines ou bien sous l’emprise de mécanismes incontrôlables. Ils pouvaient aussi se voir comme des animaux ou des plantes mais c’était jamais aussi angoissant pour eux que lorsqu’ils avaient le sentiment d’être un amas de circuits et de boulons ou d’être sous l’emprise d’une machine infernale, extérieure à eux-mêmes qui les dépossédait de leurs sensations ou s’emparait de leurs fonctions vitales.

Quand on y regarde de près, il y a peu de philosophies positives de l’ « être machine » mais il en existe bien. Je veux dire par là des philosophies qui nous donnent envie d’éprouver la sensation de ne plus rien éprouver, d’être une machine.

Masahiro Mori, roboticien japonais, fameux théoricien de la Vallée de l’Etrange a consacré un livre entier à revaloriser le fait d’être des machines : Buddha in the Robot (1980). Pour Mori, être un robot, un programme, c’est un état formidable. Vous êtes dans une sérénité absolue, pas perturbé par votre excès de réflexivité ou vos émotions puisque vous n’en avez pas. C’est l’état auquel les grands mystiques rêvent d’accéder grâce à la méditation (vidéo, Wang Zi Won). Ce n’est pas un hasard si Mori qui est aussi l’inventeur de la Robocup (coupe du monde de football robotique) avait crée un institut où les roboticiens étaient invités à faire de la méditation zazen tous les matins.

Ne pensez pas que c’est une fantaisie japonaise. Kleist ne disait pas autre chose dans son théâtre de marionnettes (1810). L’excès de réflexivité pollue et empêche l’être humain d’atteindre l’efficacité et la perfection. Il faut retrouver l’automate en nous. On sent là l’Esprit des Lumières. On pourrait donner d’autres exemples. La Bhagavad Gita (« Le chant du bienheureux, » Ve av JC), ce traité hindou de philosophie du détachement, met en scène le dieu Krishna et le guerrier Arjuna plein de doutes sur la guerre qu’il est en train de mener car on lui demande de tuer ses propres cousins. Krishna l’invite à se détacher de toute émotion et à retrouver la machine en lui, pour être un parfait guerrier, « bienheureux ».

Vieux rêve donc, qui ne date pas du transhumanisme qui est le dernier avatar d’une pensée positive de la machine.

« Etre une machine » ici, c’est un état qui se conquiert laborieusement, à force de discipline, l’être humain arrive à développer une forme d’insensibilité. Etat plus ou moins valorisé, cauchemardesque pour Searles, idéal pour Mori. Mais dans tous les cas, on considère que nous savons ce que c’est qu’être une machine et nous pouvons en faire l’expérience.

Mais est-ce qu’il ne faudrait pas changer cette vision stéréotypée de ce qu’est une machine ? Car plus la robotique se développe, plus ce stéréotype est en train de changer radicalement.

Il suffit de se promener dans un laboratoire de robotique pour s’apercevoir qu’une machine, ça fatigue, ça peine, ça s’emballe, ça chauffe, ça a besoin de se reposer, ça beugue et ça repart parfois miraculeusement. Les robots ont des tas de comportements incompréhensibles, qu’on ne s’explique pas. Et on passe généralement beaucoup plus de temps à les réparer qu’à les voir marcher. C’est rare au fond qu’ils marchent de manière fluide. Si personne n’est prêt à leur attribuer des sensations, en revanche tout le monde s’accorde à dire qu’ils ont des humeurs. Ce n’est pas pour rien qu’en Inde, on fait un rituel aux machines (Ayudha Puja) pour les apaiser !

Même quand on a affaire à un robot télé-opéré par un humain (comme le Geminoid), il y a toujours un moment où il fait des choses bizarres. Il résiste, il beugue et fait valoir son être de machine. Plutôt que le terme de sensation, il vaudrait mieux parler d’humeur : le Geminoid a des humeurs, il passe par des états persistants, voire récurrents qui nous résistent. C’est la définition même du terme « humeur ».

A tel point que lorsqu’on s’est amusé à faire des expériences autour du Geminoid (on a écrit un livre avec Zaven Paré qu’on a appelé Le Jour où les robots mangeront des pommes, 2012), on avait fini par noter tous ses tics et imiter le Geminoid entre nous pour rigoler. Faire le Geminoid, ça voulait dire ne pas regarder dans les yeux quand l’autre vous adresse la parole à des moments impromptus, ouvrir la bouche comme un poisson, avoir des tics, faire des mouvements qui sortent de l’interaction et ne respectent pas toutes ces petites conventions très subtiles et inconscientes qui font la richesse d’une interaction humaine de face à face.

Jusqu’au jour où on fit cette expérience curieuse. Zaven décida de manger une pomme devant le robot pour voir ce que ça fait. Et on s’aperçut que ça produisait en nous un sentiment inconfortable, désagréable. Les bruits mécaniques devenaient des bruits d’estomac, comme si le robot désirait la pomme. Le fait de voir ce robot qui regardait la pomme, incapable de pouvoir la manger, était une expérience terrible pour un humain doté d’une sensibilité normale.

Vous me direz, l’empathie humaine est sans limite. Même quand une machine beugue, on est prêt à la sauver et à lui faire place dans notre monde ! Mais que se passerait-il si nous nous étions trompés ? Nous qui passions notre temps à nous moquer de cette pauvre machine victime de troubles de l’humeur et incapable de nous donner le sentiment qu’elle était humaine à part par intermittences. Si au fond nous ne savions pas du tout ce qu’être une machine veut dire ? Si le fait de ne pas pouvoir nommer ce qu’une machine éprouve n’était que l’indice de notre incapacité à penser le monde propre des machines ? Si l’expérience d’être une machine nous était aussi inconnue que celle d’être une mouche, un poulpe ou une plante ? Alors il existerait une multitude de manières d’être une machine qui n’ont pas été explorées. Y compris pour les humains. Je préfère personnellement cette option, qui consiste à attribuer une altérité de principe aux machines plutôt que leur attribuer autre chose qu’elles n’ont pas (des sensations sur le modèle humain) ou les dénuer de tout. Les robots n’ont peut-être pas de « sensations » en l’état actuel de la robotique, mais ils ont des états, voire des troubles de l’humeur, comme toutes les machines. On fait tous les jours l’expérience de cohabiter et de se brancher à des machines dotées de formes de sensibilité ou d’insensibilité que l’on a encore bien du mal à nommer. Philip Dick, l’écrivain de SF, l’avait bien compris, avec ses machines toujours détraquées, parfois euphoriques parfois déprimées, qui beuguent de manière imprévisible et nous compliquent le monde. Il m’est toujours apparu plus visionnaire que n’importe quelle prophétie qui nous promet l’Harmonie avec les robots. Remettre les humeurs des machines au premier plan et voilà que tout change : notre concept de machine, d’humain et peut-être aussi de société…

Emmanuel Grimaud, Nanterre, Janvier 2017

Biographie

Emmanuel Grimaud a été recruté au CNRS en 2003, après avoir soutenu sa thèse en 2001, sous la direction de Charles Malamoud. Il s’est spécialisé dans l’observation des cinétiques en acte, à partir d’objets aussi divers que la gestuelle des cinéastes au travail sur les plateaux de cinéma, les effets de reconnaissance chez les sosies, les techniques d’identification des traces sur les chantiers de fouille, la conduite dans les carrefours sans feux, les matches de scarabées et de poissons (avec Stéphane Rennesson), le mouvement des automates religieux sur les plateformes rituelles en Inde ou encore ceux des robots humanoïdes (avec Zaven Paré). Son dernier terrain (avec Thierry Coduys) concerne les mouvements de marchandises et les flux de porteurs dans la ville de Bombay, impliquant l’utilisation de traceurs GPS et de caméras embarquées. Sur le plan méthodologique, ses recherches déploient des dispositifs expérimentaux inédits en vue de développer les bases d’une anthropologie « cinétique » des interactions. Ses travaux recourent à des méthodes rigoureuses d’observation rapprochée des cours d’action, étudiant tout spécialement le rôle des micro-mouvements dans l’interaction.[pour plus d’élements]

Cédric Parizot – Israël Palestine, un antiAtlas

Ethnographie d’un régime de séparation connecté (2005-2010)

A l’occasion de ce séminaire, je présenterai une approche inédite des transformations des espaces israélo-palestiniens au cours des 30 dernières années. Fondée sur des expérimentations art-science menées à l’IMéRA, depuis 2011, et inspirée de la théorie de l’acteur-réseau et de la physique quantique, cette approche opère une série de déplacements épistémologiques et ontologiques par rapport aux travaux qui ont étudié les recompositions des espaces israéliens et palestiniens à l’aube du 21ème siècle. L’enjeu de ces déplacements n’est pas de substituer un récit à ceux préexistants, mais de remettre en jeu notre rapport à cet objet déjà particulièrement analysé et documenté pour relancer et poursuivre la réflexion à son propos.

Cette présentation a été effectuée le 6 décembre 2017 dans le cadre du séminaire Rercherche, art et pratiques numériques#14

Cédric Parizot est anthropologue du politique, chercheur à l’Institut de Recherches et d’Etudes sur les Mondes Arabes et Musulmans (IREMAM, CNRS/Aix Marseille Université) et à l’IMéRA (Institut d’études avancées d’Aix Marseille Université)

Recherche, art et pratiques numériques #14 : Israël Palestine, un antiAtlas

Mercredi 6 décembre 2017
10h00-13h00
IMéRA, maison des astronomes
2 place Le Verrier
13004 Marseille

Comité d’organisation : Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence), Jean-Paul Fourmentraux (LESA, AMU, Centre Norbert Elias, EHESS), Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU), Manoël Penicaud (IDEMEC, CNRS/AMU)

Recherche, art et pratiques numériques est une séminaire transdisciplinaire qui s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières. (Lire la suite)

Israël Palestine, un antiAtlas. Ethnographie d’un régime de séparation connecté (2005-2010)

Cédric Parizot, anthropologue du politique, chercheur à l’Institut de Recherches et d’Etudes sur les Mondes Arabes et Musulmans (IREMAM, CNRS/Aix Marseille Université) et à l’IMéRA (Institut d’études avancées d’Aix Marseille Université)

A l’occasion de ce séminaire, je présenterai une approche inédite des transformations des espaces israélo-palestiniens au cours des 30 dernières années. Fondée sur des expérimentations art-science menées à l’IMéRA, depuis 2011, et inspirée de la théorie de l’acteur-réseau et de la physique quantique, cette approche opère une série de déplacements épistémologiques et ontologiques par rapport aux travaux qui ont étudié les recompositions des espaces israéliens et palestiniens à l’aube du 21ème siècle. L’enjeu de ces déplacements n’est pas de substituer un récit à ceux préexistants, mais de remettre en jeu notre rapport à cet objet déjà particulièrement analysé et documenté pour relancer et poursuivre la réflexion à son propos.

Recherche, art et pratiques numériques #13 : de la cartographie alternative à la cybergraphie

Mercredi 22 novembre 2017
10h00-13h00
IMéRA, maison des astronomes
2 place Le Verrier
13004 Marseille

Comité d’organisation : Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence), Jean-Paul Fourmentraux (LESA, AMU, Centre Norbert Elias, EHESS), Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU), Manoël Penicaud (IDEMEC, CNRS/AMU)

Recherche, art et pratiques numériques est une séminaire transdisciplinaire qui s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières. (Lire la suite)

De la cartographie alternative à la cybergraphie

Anna Guillo, arts plastiques et sciences de l’art, Laboratoire d’Etudes en Sciences des Arts (LESA), Aix Marseille Université
Cartographie alternative et géographie expérimentale : propositions artistiques

La cartographie alternative et la géographie expérimentale sont nées par l’action conjuguée d’artistes et de chercheurs universitaires dans un contexte propice à l’apparition d’une géohistoire de l’altérité et comme conséquence de l’invention de la géocritique liée aux héritages des études féministes et post-coloniales. Dans le prolongement de cette histoire, et en prenant appui sur des exemples précis puisés dans le champ artistique contemporain, il s’agira de montrer comment la cartographie alternative peut être aujourd’hui envisagée comme un outil de décolonisation des savoirs.

Thierry Joliveau, géographe, Centre de Recherches sur l’Environnement et l’Aménagement (CRENAM), Université de Saint Etienne
De la géomatique à la cybergraphie. Expérimenter l’imaginaire des techniques géonumériques

Une recherche en cours dans le cadre du Labo des Usages de l’AADN (Association pour les Arts et Cultures Numériques) rassemble artistes et chercheurs en sciences humaines. Un groupe d’artistes rassemblé autour de Pierre Amoudruz développe des interventions artistiques en espace public de type « infusion-diffusion » qui mobilisent des habitants sur un territoire avant de présenter un spectacle à mi-chemin entre théâtre et performance numérique. Dans le cadre d’un précédent spectacle « Avatar’s Riot » (2015), les artistes ont inventé de toutes pièces avec l’ethnographe Jeanne Drouet, la Cybergraphie, une nouvelle discipline scientifique, qui sert de ressort fictionnel aux interventions. Définie par ses inventeurs sur Wikipedia (« Cybergraphie » 2017) comme un « ensemble d’approches, de méthodes et de techniques d’enquête relatives à l’étude du cyberespace et de sa « population » (principalement les internautes) », elle permettait de « traquer les traces du monde virtuel dans le monde réel ». La création de la nouvelle intervention de l’AADN « Là-Haut le Cloud, Ici le Soleil » est l’occasion d’un projet de recherche combinant géographie et art pour explorer les articulations entre espaces numériques et espaces concrets. Mélanie Mondo, étudiante en master de géomatique et spécialiste des techniques de géographie informatique, a été intégrée dans la préparation du spectacle comme cybergraphe officielle de l’équipe. Elle était chargée de nourrir les artistes en techniques susceptibles d’enrichir la fiction tout en interrogeant l’imaginaire associé aux usages de ces techniques par les artistes, les habitants et le public. C’est cette expérience toujours en cours qui sera présentée et discutée lors du séminaire.

Télécharger la présentation de Thierry Joliveau

Pratiques de l’écoute, écoute des pratiques # 1 : son, image, cinéma

Mercredi 15 novembre
IMéRA,
2 place Le Verrier
13004 Marseille

Comité d’organisation: Jean Cristofol (ESAAix, PRISM AMU/CNRS), Elena Biserna (ESAAix, PRISM AMU/CNRS), Christine Esclapez (AMU, PRISM AMU/CNRS), Peter Sinclair (ESAAix, PRISM AMU/CNRS)

Le séminaire intitulé « Pratiques de l’écoute, écoute des pratiques » définit clairement son projet dans l’énoncé de son titre : il s’agit d’abord de s’intéresser à l’écoute et aux pratiques de l’écoute, c’est à dire aux pratiques qui à la fois supposent, engagent et déterminent des formes d’écoute. (lire la suite)

Son, image et cinéma

Daniel Deshays, ingénieur du son, responsable de l’enseignement du son à l’Ecole Nationale des Arts et Techniques du Théâtre à Lyon et à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris
Les écoutes des gestes

L’écoute est un acte, une « action simulée » , l’écoute est l’établissement d’une construction ; nous l’effectuons relativement à la réalité sonore d’un lieu. C’est un parcours réalisé dans la durée, par prélèvements discontinus d’évènements le plus souvent brefs, tenus entre surgissement et disparition. C’est aussi un retour à notre mémoire par nécessité de reconnaître ce que l’on a déjà vécu. L’écoute est un cheminement affectif, cette subjectivité échafaude une interprétation d’évènements qui nous est propre, là se construit notre réel, situé entre une perception commune du mouvant et la profondeur inconsciente de notre mémoire entendue comme mémoire d’affects. C’est enfin une remise à jour permanente de cette mémoire (qui n’est pas une mémoire sonore mais une mémoire globale).

Écouter les pratiques supposerait une pratique préalable de l’écoute, si l’on entend que celle-ci soit une écoute des pratiques d’écoute. Ecouter les pratiques suppose un approfondissement suffisamment avancé de chacune d’elles permettant d’apercevoir ce qui les différencie. Chaque champ du sonore possède ses propres pratiques. Il faut beaucoup d’expériences d’écoute pour pouvoir aborder cette chose si complexe qu’est l’écoute. Car les questions surgissent surtout dans les pratiques, il faudrait dire dans « l’épuisement des pratiques du son » auquel on arrive après des années ; cet épuisement révèle ce que l’on ne peut d’ordinaire constater, tant « l’objet de l’écoute, le contenu » nous détourne de la « conscience de l’écoute » que nous effectuons au même moment.
L’écoute est un préalable à toute relation. Je me mets au silence pour que l’écoute puisse advenir et cette pratique décisive est celle qui est première : c’est parce que j’entends si fort l’écoute de l’autre que ma parole peut émerger.

L’écoute est un lieu de pensée, de pensée du différent. C’est en conséquence aussi un lieu de partage social : l’échange est déterminé par ce lieu lui-même. C’est une écoute comme lieu d’échange filtrant les données qui circulent dans un espace social.
L’écoute partagée n’est pas considérée en soi, les salles d’écoute de quelques sortes qu’elles soient (de spectacle ou autre) sont, elles aussi, de véritables lieux d’échange dans l’écoute.
… Voici quelques données pour amorcer le défrichage de ce qui travaille chez tous et chez chacun en tache de fond et qui est le lieu majeur du partage du sensible.

Rémi Adjiman, maitre de conférence, directeur département SATIS AMU, chercheur au laboratoire PRISM
Les intentions d’écoute portées sur les ambiances sonores : le cas du rapport image – son

Pour différentes raisons, la bande sonore des films s’est historiquement principalement structurée autour des voix, des bruits et des musiques. Les ambiances, bien que présentes dès l’origine du sonore, se sont particulièrement développées durant ces 30 dernières années. Nous allons plus spécifiquement nous y intéresser.
L’objectif de cette intervention est de réfléchir à la façon dont les ambiances sonores – souvent constituées de bruits contingents qui ne sont pas synchrones ni visibles – s’associent à l’image. Il ne s’agit pas ici de faire une analyse filmique ou esthétique mais bien davantage d’analyser dans le cours d’action comment l’ambiance est perçue isolément et comment elle s’associe à différentes images fixes. Dans une perspective sémio-pragmatique, nous essayerons d’adopter différentes intentions : celle du cobaye d’une expérimentation, celle du spectateur de cinéma, celle du monteur son, pour cerner les relations qu’entretiennent les contextes, les différentes écoutes et les interprétations sui generis.

Les nouveaux besoins et les nouvelles solutions pour la surveillance des frontières terrestres,

Hervé Braik – Thalès, France

Face à l’augmentation générale des activités illégales et criminelles aux frontières voire pour certains États des attaques terroristes, de nombreux pays sont dans l’obligation de renforcer les contrôles aux frontières afin de ne pas handicaper leur développement et/ou d’assurer leur sécurité intérieure. Devant impérativement améliorer l’efficacité des dispositifs et ne pouvant la plupart du temps recruter des milliers de personnes pour assurer ces missions, les administrations choisissent de plus en plus de s’équiper avec des systèmes intégrés de surveillance.