Recherche, arts et pratiques numériques #4: écritures innovantes

Mercredi 20 Avril 2016,
IMéRA,
2 place Le Verrier,
13004 Marseille

Comité d’organisation : Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU), Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence), Benoit Fliche (IDEMEC, CNRS/AMU), Jean Paul Fourmentraux (LESA, AMU, Centre Norbert Elias, EHESS)

Recherche, art et pratiques numériques est une séminaire transdisciplinaire qui s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières. (Lire la suite)

Ecritures innovantes

Boris Petric, anthropologue, directeur du Centre Norbert Elias – EHESS-AMU-CNRS Marseille)
La fabrique des écritures innovantes en sciences sociales

La fabrication de l’écriture constitue un ensemble d’enjeux épistémologiques majeurs comme le rôle de la description et de la narration. L’anthropologue et le sociologue construisent leur savoir sur des données qu’ils collectent directement au moment de leurs enquêtes. Cette opération scientifique singulière implique une empathie et une réflexivité par rapport à son terrain et une stratégie narrative dans la manière de restituer cette enquête . L’usage d’écritures innovantes comme le cinéma, le film d’animation, la bande dessinée, le parcours muséographique constituent des entreprises d’écriture qui ne peuvent se limiter à des enjeux de valorisation ou de vulgarisation.

Nicolas Nova, HEAD – Genève / The Near Future Laboratory
Ethnographie du présent, ethnographie du futur : décrire et explorer les cultures numériques

Parmi les multiples croisements entre sciences sociales et arts appliqués, l’ethnographie et le design offrent un cas intéressant pour saisir la diversité des « manières de faire » et la portée épistémique de nouvelles approches de recherche. Cette notion de “recherche par le design” s’applique en particulier à l’exploration des cultures numériques avec pour objectif de les décrire et les comprendre (dimension descriptive), mais aussi d’imaginer leur évolution (dimension prospective). Suivant les contextes, on parle ainsi d’ethnographie par le design, de design fiction ou d’ethnographie spéculative pour faire référence à ces projets. Sur la base de différents cas situés à la frontière entre enquête ethnographique et projet de design, cette présentation abordera la logique interdisciplinaire qu’ils mettent en oeuvre, et interrogera l’épistémologie à laquelle ils renvoient. L’intervention discutera également de leur pertinence dans le champ du numérique.

Colloque Coding and Decoding the Borders, Bruxelles, 2016

Colloque : Faculté d’architecture La Cambre, Université Libre de Bruxelles et Organisation Mondiale des Douanes
Du 13 au 15 avril 2016
Exposition : Espace architecture Flagey, Bruxelles
13 et 14 avril 2016

[metaslider id=6469]

Programme

Mercredi 13 avril 2016

15.30 Introduction
Andrea Rea (Université Libre de Bruxelles/GERME) et Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/ Aix Marseille Université)

15.45 -16.30 Keynote lecture
Didier Bigo (King’s College, London)
Reconceptualising boundaries differently from Westphalian model ? The practices of border, police and military controls and the trends of delocalisation and digitisation

17.00-17.45 Arts et science à la frontière

Jean Cristofol (Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence)
Art-science and exploratory processes

Nicola Mai (Kingston University, London)
Assembling ‘Samira’ and ‘Travel’: understanding humanitarian biographical borders through experimental ethnofictional filmmaking

17.45-18.30 Discussion

18.45 Vernissage de l’exposition

Consulter le programme de l’exposition

Performance de Vincent Berhault (Compagnie Les Singuliers)
Chronique aux frontières

Jeudi 14 avril 2016

9.30-11.00  : Etendue et limites de la mise en données
Président : Andrea Rea (Université libre de Bruxelles/GERME)

Julien Jeandesboz(REPI/Université libre de Bruxelles/REPI)
Calculation devices: EUROSUR and European border policing

Martina Tazzioli (LabexMed, LAMES, CNRS/Aix Marseille Université)
Track, sort and archive: Eurosur, Frontex and the temporality of migration maps

Sara Casella Colombeau (LabexMed, LAMES, CNRS/Aix Marseille Université)
Building a genealogy of data gathering and production at the border – An analysis of the professional transformation of the French border police since the 1990s

11.30-12.30 Discussion
Discutante : Federica Infantino (Oxford University/Université Libre de Bruxelles/GERME)

14.00-15.30 Du code à la visualisation
Président : Thomas Cantens (Organisation Mondiale des Douanes)

Anne-Laure Amilhat-Szary (PACTE, CNRS/Université de Grenoble), Gabriel Popescu (Indiana University, Southbend)
Border as Code : Algorithmizing Access

Jean Pierre Cassarino (Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain, Tunis),
Making Migration Control Visible and Intelligible/Rendre visible et intelligible le contrôle migratoire

Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU), Mathieu Coulon (LAMES, CNRS/AMU), Guillaume Stagnaro (ESAAix), Antoine Vion (LEST, CNRS/AMU)
Visualising Border networks: Codes, Nodes, and Mapping/Visualiser les réseaux frontières : codes, nœuds et mapping

16h00-17h00 Discussion
Discutant : Christophe Wasinski (Université Libre de Bruxelles/REPI)

Vendredi 15 avril 2016

Organisation Mondiale des Douanes / World Customs Organization
30 rue du marché, 1210 Bruxelles

9.00 Introduction

Sigfríður Gunnlaugsdóttir (Présidente du comité sur l’éthique (Organisation Mondiale des Douanes)

9.15-11.00 Les données du contrôle : usages et éthiques
Présidente : Patricia Revesz (Organisation Mondiale des Douanes)

William L. Allen et Bastian Vollmer (Oxford University)
What Makes Secure Borders? Data, Transparency, and the Representation of Projection

Marcellin Djeuwo (Douanes du Cameroun)
La mathématisation de la lutte contre la corruption et les mauvaises pratiques au sein des douanes camerounaises: la pratique et ses réalités / The mathematisation of the fight against corruption and bad practices in Cameroon Customs : the practice and reality.

Felipe Mendes Moraes (Douanes du Brésil)
PNR: un exemple de contrôle en frontière / API: an example of control at borders

Renaud Chatelus (Université de Liège – European Studies Unit)
La chaîne de décisions de gestion de risque en contrôle frontière: quelques leçons d’un exercice européen de simulation sur le contrôle des biens stratégiques/The decision-making chain for risk management applied to border controls: some lessons learnt from a European simulation of strategic goods control

11.15-12.15 Discussion
Discutant: Julien Jeandesboz (Université Libre de Bruxelles/REPI)

14.00- 15.00 Perspectives éthiques et techniques dans le contrôle aux frontières
Président : Antoine Vion (LEST, CNRS/AMU)

Thomas Cantens (WCO Research Unit, Ecole d’Economie de l’Université d’Auvergne), Mathématisation de la frontière/Mathematization of the border

Mariya Polner (WCO Compliance Sub-Directorate)
Technologies en frontière : risques et opportunités/Technologies at the border: risks and opportunities

Michel Terestchenko (Université de Reims, IEP Aix-en-Provence)
Ethique et contrôles/Ethics and controls

16.00-17.00 Discussion
Discutant : Xavier Pascual (Douane française)

17.00-18.00 Table ronde conclusive

Patricia Revesz (Organisation Mondiale des Douanes), Federica Infantino (Oxford University/Université Libre de Bruxelles/GERME), Anne Laure Amilhat-Szary (PACTE, CNRS/Université de Grenoble)

Organisation

Comité d’organisation

Andrea Rea (ULB), Thomas Cantens (OMD, antiAtlas), Patricia Revesz (OMD), Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/Aix Marseille Université, antiAtlas), Anne Laure Amilhat-Szary (PACTE, CNRS/Universités de Grenoble, antiAtlas), Jean Cristofol (Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence, antiAtlas), Federica Infantino (ULB, antiAtlas), Julien Jeandesboz (ULB), Antoine Vion (LEST, CNRS/Aix Marseille Université)

Comité scientifique

Anne Laure Amilhat-Szary (PACTE, CNRS/Universités de Grenoble, antiAtlas), Didier Bigo (King’s College), Thomas Cantens (Organisation mondiale des douanes/ antiAtlas), Jean Cristofol (École supérieure d’art d’Aix-en-Provence, antiAtlas), Federica Infantino (ULB, antiAtlas), Dirk Jacobs (ULB), Julien Jeandesboz (ULB), Christian Olsson (ULB), Cédric Parizot (IREMAM, Aix Marseille), Andrea Rea (ULB), Patricia Revesz (OMD), Antoine Vion (LEST, Université Aix Marseille)

Commissariat d’exposition

Isabelle Arvers (antiAtlas) et Nathalie Levy (ULB)

Partenariats

Faculté de Philosophie et Sciences sociales de l’Université Libre de Bruxelles, l’Organisation Mondiale des Douanes, l’antiAtlas des frontières, l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (CNRS/Aix Marseille Université), le projet LabexMed (Aix Marseille université, Fondation Amidex),  le Laboratoire d’Economie et de Sociologie du travail (CNRS/Aix Marseille Université), PACTE (CNRS/Universités de Grenoble), Kareron et l’Ecole supérieure d’Art d’Aix en Provence.

antiAtlas Journal 01 – Explorations arts-sciences à la frontière

Parution de la revue www.antiatlas-journal.net

Revue numérique annuelle, bilingue et gratuite, antiAtlas Journal ouvre un espace éditorial exploratoire dédié à une approche radicalement transdisciplinaire des frontières contemporaines. Prolongeant le projet antiAtlas des frontières (www.antiatlas.net), reposant sur une collaboration entre chercheurs et artistes, elle expérimente de nouvelles pratiques d’édition et de modélisation de la recherche. La revue est dirigée par Cédric Parizot, Anne-Laure Amilhat Szary et Jean Cristofol. Elle est consultable sur le web (desktop, tablettes et mobiles) et en PDF.

Premier numéro paru le 13 avril 2016, « Explorations art-sciences à la frontière » réunit des textes de Anne-Laure Amilhat Szary, Jean Cristofol, Anna Guilló, Nicola Mai, Sarah Mekdjian et Marie Moreau, Cédric Parizot et Douglas Edric Stanley. « Fictions aux frontières » (2017) rendra compte des travaux et des réflexions menées au sein de notre collectif. Les numéros thématiques suivants donneront lieu à des appels à contributions : celui de antiAtlas Journal n°03 sera mis en ligne le 1er juin 2016.

Conçue et dirigée par Thierry Fournier et créée avec Papascript, la conception éditoriale et graphique de la revue s’empare des potentialités d’une publication numérique pour étendre l’expérience de lecture de textes de recherche. Son design par « nappes » pour chaque article permet plusieurs niveaux de découverte : celui du texte, mais aussi le réseau et le paysage qu’il constitue avec l’ensemble de son iconographie.

En ouvrant des voisinages et de circulations multiples entre textes et images, on autorise ainsi des parcours transversaux et des échelles variables de perception, qu’une organisation linéaire ne permettrait pas – bien qu’elle soit toujours disponible par la version PDF. Certaines très grandes images débordent largement des écrans : la circulation exclusive dans une image devient un des récits proposés, au même titre que la circulation dans un texte.

Direction revue : Cédric Parizot (cedric.parizot [at] gmail.com)
Direction artistique et design :Thierry Fournier (thierry [at] thierryfournier.net)
Direction éditoriale : Cédric Parizot, Anne-Laure Amilhat Szary et Jean Cristofol
Développement et design : Papascript (Alexandre Dechosal & Maxime Foisseau)

Secrétariat de rédaction : Sabine Partouche
Comité éditorial : Anne-Laure Amilhat Szary, Thomas Cantens, Jean Cristofol, Klaus-Gerd Giesen, Anna Guilló, Federica Infantino, Joana Moll, Cédric Parizot, Antoine Vion
Éditeurs : Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (UMR 7310, CNRS / Aix Marseille Université), École supérieure d’art d’Aix en Provence, Laboratoire PACTE (UMR 5194 CNRS / Université de Grenoble Alpes)
Financements : Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (UMR7310, Aix Marseille Université / CNRS), Institut méditerranéen de recherches avancées (Aix Marseille Université), Réseau Labex+, Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence & Ministère de la Culture et de la Communication, laboratoire PACTE (UMR 5194 CNRS / Université de Grenoble Alpes)

Coder et décoder les frontières, Bruxelles, 2016

Exposition du 13 avril au 31 mai 2016
Espace Architecture Flagey-ULB, Bruxelles

Exposition collective
du 13 avril au 31 mai 2016
Espace Architecture Flagey-ULB, Bruxelles

Commissaires artistiques : Isabelle Arvers et Nathalie Lévy
Commissaires scientifiques: Andrea Réa et Cédric Parizot

Coder et décoder les frontières présente des œuvres d’artistes et de chercheurs qui s’interrogent sur la mise en données et de la mathématisation des frontières. Depuis les vingt dernières années, de nombreux acteurs (chercheurs, journalistes, travailleurs et activistes d’ONG, élus politiques, employées des administrations nationales et des organisations internationales, etc.) observent, documentent, étudient et parfois dénoncent la technologisation du contrôle des frontières. Aux pratiques de contrôle traditionnelles s’ajoute, outre la militarisation de la frontière, le déploiement de technologies de plus en plus sophistiquées (biométrie, robots, murs, systèmes de surveillance intégrés, prospection de données ou data mining, big data, etc.) aux frontières des Etats pour contrôler les mouvements de populations, de marchandises, de capitaux et d’information. L’examen de cet intense déploiement technologique tend généralement à séparer l’analyse selon les objets de contrôle : les personnes, les marchandises, les capitaux. Il convient ici d’envisager dans une perspective croisant art, recherche et expertise la circulation des connaissances et des techniques d’un de ces objets à l’autre, les fonctionnements et les dysfonctionnements des mécanismes de contrôle ainsi que les détournements qu’en font une multitude d’acteurs.

La matérialité du contrôle numérique des frontières


L’escalade technologique aux frontières terrestres, maritimes, aériennes et sur internet, tant en Europe que dans le reste du monde, a radicalement transformé la nature des frontières ainsi que leur fonctionnement. Afin de s’adapter et de suivre l’accélération des flux de personnes,  de biens et d’informations, les systèmes de contrôle font appel à des outils technologiques toujours plus sophistiqués (biométrie, robots, systèmes de surveillance intégrés, data mining, etc.). Certains analystes ont vu dans ces évolutions les symptômes de la dématérialisation des frontières. Toutefois, l’ensemble de ces technologies numérique conserve une forte dimension très matérielle. Elles reposent souvent sur des réseaux d’infrastructures physiques. Ces éléments peuvent être cachés, tels que les câbles sous-marins (Submarine cable map, Markus Krisetya et al., 2016) ou au contraire mis en scène, tels des murs, des clôtures ou des checkpoints (Cartographie des Murs, Stéphane Rosière et Sébastien Piantoni, 2016) pour démontrer l’action de l’Etat et sa souveraineté. Conçus à la fois pour gérer la mobilité des corps et être montré, ces artefacts contribuent au développement d’une nouvelle esthétique du contrôle (Body and Border, CoRS, 2016).  Enfin, ces technologies sont d’autant plus matérielles qu’elles instancient ou « matérialisent » les hiérarchies entre le populations ainsi que que le passage d’un espace à un autre (Immigration Game, Antoine Kik, 2016).

Antoine Kik, Immigration game, 2016

CoRS, Body and borders, 2016

Stéphane Rosière et Sébastien Piantoni, Planisphère des barrières frontalières, 2016

Automatisation, datafication et mathématisation du contrôle à la frontière


L’automatisation des contrôles est accompagnée de l’augmentation des données saisies (datafication) et de la « mathématisation » des procédures de régulation des passages aux frontières. Par « mathématisation », il est entendu la progressive représentation des frontières dans un espace de plus en plus abstrait, structurée par des méthodes quantitatives (que ce soit en économie, en sociologie, etc.), des savoirs autonomes reposant sur leurs propres paradigmes (la logistique et la nécessité de vitesse et de réduction des coûts de franchissement des frontières) et une forme de langage spécifique (la technologie comme corpus de connaissance sur les techniques et les outils de surveillance des individus et des objets). Certains considèrent l’automatisation et l’autonomisation des technologies de surveillance des frontières comme étant plus fiables que les contrôles effectués par les êtres humains. Au contraire, d’autres expriment leur préoccupation et soulignent les risques encourus au niveau des  droits et des libertés des populations en mouvement ou par celles des États concernés. Les œuvres présentées dans cette section de l’exposition s’interrogent sur cette tendance générale. Banoptikon (Personal Cinema Collective, 2010-2013) rappelle la datafication du corps et les nouvelles formes que prend le contrôle. SimBorder (Pierre Depaz, 2016) et eu4you (Larbits Sisters, 2015) soulignent la centralité que les algorithmes ont progressivement acquise dans les contrôles tandis  qu’ADM8 (Rybn, 2016) montre leur rôle décisif dans la gestion des opérations financières.

Pierre Depaz, SimBorder, 2016

LarbitsSisters, eu4you, depuis 2015

Collectif Personal Cinema, Banoptikon, 2010-2013

RYBN, ADM8, 2016

La visibilité des frontières

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication n’ont pas seulement transformé le fonctionnement des frontières, elles ont également modifié la visibilité de celles-ci. Elles ont introduit de nouveaux dispositifs à travers lequel nous accédons au monde et nous le représentons. Les cartes digitales et les systèmes GPS ont ainsi radicalement changé notre perspective, les manières dont nous nous projetons dans l’espace et les modalités par lesquelles nous percevons et imaginons les frontières. De plus, l’exploration des données n’a pas seulement augmenté significativement nos capacités de calcul, elle a également inventé un nouveau monde. Là où les statistiques ont créé la société et où les sondages ont créé l’opinion publique, l’exploration de données (data mining), elle a créé les traces numériques grâce auxquelles les mouvements de population, de biens, de fonds et d’informations peuvent être tracés, surveillés ou rendus visibles. Enfin, en fournissant des mécanismes de haute technologie pour la canalisation, la facilitation ou le filtrage des déplacements, ces technologies ont contribué à réorganiser différemment les pratiques spatiales des différents groupes de population à l’intérieur et autour des zones frontalières. A partir de photos (Calais 1, Michel Couturier, 2015), cartes statiques et dynamiques (The Migratory Red Mount, Nicolas Lambert, 2015; One World II, Bill Rankin, 2015; Refugee’s trajectories, Martin Grandjean, 2015; 407 camps, Mahaut Lavoine, 2015; Parallel, Lawrence Bird, 2012), les œuvres et les recherches présentées dans cette partie de l’exposition problématisent ces régimes de visibilisation. Ils ont également pour objectif de rendre visible ce qui est habituellement invisible.

Lawrence Bird, Parallel, depuis 2012

Michel Couturier, Calais 1, 2015

Nicolas Lambert, The migratory red mound, 2015

Mahaut Lavoine, 407 camps, 2015

Martin Grandjean, Refugee’s trajectories, 2015

Bill Rankin, One World II, 2015

Dispositifs et documentaires critiques

Notre connaissance à propos des vies et des expériences des migrants se construit bien souvent à partir de la la presse, des rapports et des documentaires. Tandis que ces médias jouent un rôle déterminant dans l’information et la sensibilisation du public, la réalité qu’ils construisent et exposent est fortement influencée par les récits, les scénarios et les pratiques standardisées, ainsi que les régimes de visibilité dans lesquels ils s’inscrivent. Notre exposition présente cinq dispositifs documentaires critiques qui visent à réfléchir aux conditions dans lesquelles les pratiques documentaires contemporaines et conventionnelles nous donnent accès et donnent forme à nos représentations sur les vies et les expériences des migrants. L’ethnofiction Travel (2016) de Nicola Mai montre comment les migrants assemblent leur corps et représentent leur subjectivité selon des scénarios humanitaires standardisés de victimisation, de vulnérabilité et de genre/sexe qui agissent comme des « frontières biographiques » entre la déportation et l’accès à l’aide sociale, aux documents légaux et à l’emploi. Colour of the Sea (2015) de Keina Espineira propose une réflexion sur la manière dont la réalisation d’un film à une étape du voyage de migrants subsahariens contribue à produire et activer une expérience spécifique de la frontière. La série de photos de Giovanni Ambrosio (Please do not show my face, 2013) et la vidéo d’Antoine D’Agata (Odysseia, 2011-2013) problématisent les formes que prennent les représentations des vies des migrants, tandis que le machinima d’Isabelle Arvers, Heroic Makers (2016), suggère une façon différente de représenter les expériences des migrants.

Antoine d’Agata, Odysseia, 2011-2013

Giovanni Ambrosio, Please do not show my face, depuis 2013 (projet évolutif)

Isabelle Arvers, Heroic Makers vs Heroic Land, 2016

Keina Espiñeira, The Colour of the Sea. A Filmic Border Experience in Ceuta, 2015

Nicola Mai, Travel, 2016

Dysfonctionnements et réappropriations

Les technologies de contrôle des frontières sont souvent considérées comme étant omnipotentes, omniprésentes et omniscientes. Leurs partisans comme leurs opposants sont fascinés par leur pouvoir. Cependant, on oublie souvent qu’il n’est pas possible de dissocier les techniques de surveillance, aussi automatisées et efficaces soient-elles, des conditions politiques, économiques et sociales dans lesquelles elles ont été d’abord conçues puis implantées. Associées aux systèmes de vérifications déjà existants et à des acteurs institutionnels et politiques spécifiques, ces technologies reproduisent les contradictions et le manque de prévoyance des organisations et acteurs qui les développent. De plus, ces technologies créent de nouveaux défis en transformant l’environnement organisationnel dans lequel elles sont déployées et en modifiant la réalité qu’elles sont supposées contrôler. Enfin, elles sont souvent réappropriées non seulement par les acteurs qui les implémentent mais aussi par ceux cherchant à éluder la surveillance des frontières. Border bumping (Julian Oliver, 2012) illustre le pouvoir perturbateur des systèmes de télécommunications cellulaires qui défient souvent l’intégrité des frontières nationales. Virtual Watchers (Joana Moll et Marius Pé, programmation Ramin Soleymani 2016) soulignent les dysfonctionnements et les réappropriations inattendues d’un système panoptique de surveillance par les citoyens américains le long de la frontière mexicaine. Cartographies of Fear #2 (Anne Zeitz et Carolina Sanchez Boe, 2016) questionnent la façon dont les réappropriations qu’effectuent les migrants à partir  des technologies de communication affecte leur relation avec l’espace. Enfin, Borderland Biashara & Mobile Technology (Emerging Futures Lab, 2015) montre comment la la téléphonie mobile contribuent au maintien d’un écosystème économique informel dans les régions frontalières des communautés est-africaines.

Emerging Futures Lab (EFL), Borderland Biashara & Mobile Technology, état des recherches en 2015

Anne Zeitz et Carolina Sanchez Boe, Cartographies of Fear #2, 2016

Joana Moll et Cédric Parizot, The Virtual Watchers, 2016

Julian Oliver, Border Bumping, 2012

Partenariats

Faculté de Philosophie et Sciences sociales de l’Université Libre de Bruxelles, l’Organisation Mondiale des Douanes, l’antiAtlas des frontières, l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (CNRS/Aix Marseille Université), le projet LabexMed (Aix Marseille université, Fondation Amidex), le Laboratoire d’Economie et de Sociologie du travail (CNRS/Aix Marseille Université), PACTE (CNRS/Universités de Grenoble), Kareron et l’Ecole supérieure d’Art d’Aix en Provence.

Anne Zeitz & Carolina Sanchez Boe – Cartographies of Fear #2

Anne Zeitz & Carolina Sanchez Boe
Cartographies of Fear #2
Installation, 2016

L’accessibilité des migrants aux nouvelles technologies joue un rôle important dans leur traversée des frontières et le long de leurs trajectoires. Cartographies of Fear #2 visualise l’expérience d’un syrien à Paris. Ces vidéos présentent des lieux et des frontières visibles et invisibles dans lesquels il a vécu des moments heureux avec sa femme, ainsi que des lieux qu’il a découvert en tant que demandeur d’asile, dans lesquels il se sent vulnérable.

Carolina Sanchez Boe est docteure en anthropologie sociale de l’Université d’Aarhus au Danemark. Ses recherches portent sur les migrations internationales, le contrôle migratoire et le confinement.

Anne Zeitz est docteure en Esthétique, Sciences et Technologies des Arts de l’Université Paris 8. Ses recherches portent sur les notions d’observation et d’images opératoires, ainsi que sur les théories de la surveillance, de la « sousveillance » et de la « gouvernementalité algorithmique » dans l’art, la littérature et le cinéma.

Michel Couturier – Calais 1

Michel Couturier
Calais 1
Photographie

Cette pièce fait partie d’un travail plus large sur les ports européens (Calais, Douvres Catane,…). L’artiste se focalise sur les aménagements, les dispositifs de contrôle et de régulation des flux de marchandises et surtout des flux humains : barrières, postes de contrôle, portillons,… Ce travail se décline sur divers supports : photo, dessin, vidéo.

Depuis 2001, Michel Couturier questionne les villes et ses périphéries, souvent en relation à la mythologie et à ses survivances dans le paysage contemporain. Son travail qui s’exprime à travers la photographie, la vidéo ou le dessin explore les étrangetés produites par l’homme ingénieur et examine notre relation avec l’espace public. Après les périphéries des villes, son travail récent aborde les lieux de transit et de contrôle en tant que lieux emblématiques de notre espace de vie.

Larbits Sisters – eu4you

Larbits Sisters (Bénédicte et Laure-Anne Jacobs)
eu4you
Installation interactive, 2016
Voir le projet

Le point de départ de eu4you est la crise migratoire qui secoue l’Europe, amenant le président Juncker à plaider pour un système de quotas de répartition des réfugiés. Partant d’un crédit de 50% de chances égales de liberté, d’égalité et de prospérité, et prenant en compte différentes variables, l’algorithme eu4you performe une équation qui reconstitue l’ADN computationnel du visiteur. Il statue alors sur le destin de ce dernier : promis ou non à un avenir doré sur le sol européen.

Bénédicte et Laure-Anne Jacobs forment les Larbit Sisters. La majeure partie de leur travail se concentre sur l’exploration des technologies digitales. Le point de départ de leur approche artistique est l’avènement d’Internet et les questions que cela soulève dans des domaines tels que la vie privée, l’identité numérique et les nouvelles pratiques 2.0.

CoRS (Codesign Research Studio) – Body and borders

CoRS (Codesign Research Studio)
Body and borders
Installation, 2016
Voir le projet

Body and Border questionne les objectifs et les effets des constructions frontalières en Europe à travers leurs manifestations physiques et le contexte de leur apparition. Afin d’y parvenir les chercheurs utilisent des outils et méthodes empruntés à l’architecture tels que des visites de terrain, des dessins et des modèles, mais aussi la récolte de données pour essayer de comprendre et documenter la construction de frontières. Mais ils souhaitent avant tout étudier ces frontières en relation avec les personnes qui cherchent à les traverser et la manière dont ces constructions impactent le corps humain.

Codesign Research Studio, CoRS, est une branche du cabinet d’architecture Codesign. CoRS travaille à l’intersection entre la théorie et l’action entre la recherche académique et la pratique, ils questionnent le rôle et la responsabilité de l’architecte. CoRS explore ainsi des questions architecturales rarement discutées.

Nicolas Lambert – The migratory red mound

Nicolas Lambert
The migratory red mound
Cartographies, 2015
Voir le projet

En 25 ans, plus de 35 000 migrants ont perdu la vie en essayant d’atteindre l’Europe. Les cartes 1 à 4 racontent l’histoire de la géographie des morts et impliquent la responsabilité de l’Europe dans ces drames. De 1995 à 1999, le sud de l’Espagne apparait comme le point d’entrée favori des migrants dans l’Union Européenne. Progressivement sécurisée, les flux d’immigrations ont déviés vers le Sud en direction des îles Canaries et du Sénégal. Afin d’endiguer ces mouvements humains en direction de l’Europe, Frontex a mis au point en 2006 des opérations de contrôle loin des frontières européennes. Depuis 2010 avec les instabilités politiques grandissantes suite au printemps Arabe, à la guerre en Libye et en Syrie la majorité des drames sont recentrés sur la méditerranée orientale. Finalement, dès que l’Europe bouge ou renforce ces contrôles frontaliers, le voyage vers l’Europe devient de plus en plus dangereux pour les migrants.

La butte rouge migratoire (carte 5) propose une vision globale et métaphorique de cette tragédie. Cette carte ne fait pas apparaître la frontière européenne sous la forme d’une ligne, mais comme un champ de bataille. Un nouveau territoire prend forme, la hauteur de la butte illustre l’échelle de l’hécatombe. Avant de devenir une carte, la butte rouge est une chanson écrite par Gaston Montéhus (1872-1952). Cette chanson contre la guerre fait référence à la butte Bapaume qui a connu l’une des batailles les plus sanglantes de la première guerre mondiale. Ce chant révolutionnaire fait aussi référence aux évènements de la commune de Paris en 1871. Ainsi, cette butte rouge migratoire s’ancre dans une longue histoire du pacifisme : le refus de la première guerre mondiale et le rejet de la guerre invisible contre les migrants par l’Union européenne aujourd’hui.

Nicolas Lambert est cartographe au sein du réseau interdisciplinaire pour l’aménagement du territoire européen (CNRS). Impliqué dans le programme de recherche européen ESPON, ses travaux portent principalement sur la représentation graphique de l’information spatiale, activité dans laquelle il développe une dimension critique et radicale. Membre du réseau Migreurop et du comité français de cartographie, il a notamment participé à la réalisation de plusieurs ouvrages comme l’Atlas de l’Europe dans le monde (2008) ou l’Atlas des migrants en Europe (2009 et 2012). Il enseigne la cartographie à l’université Paris-Diderot.

Martin Grandjean – Refugee’s trajectories

Martin Grandjean
Refugee’s trajectories
2015
Voir le projet

Cette carte est une réponse à plusieurs carte de migrations publiées dans des médias internationaux. Celles-ci présentent en effet très souvent les flux migratoires sous la forme de traits reliant les pays d’origine aux pays d’asile, mais ne pondèrent souvent pas l’épaisseur de ces flux proportionnellement au nombre d’individus concernés. Conséquence : comme l’Europe est la destination de beaucoup de trajectoires, elle est saturée de traits, donnant l’impression que les migrants s’y rendent massivement.

Or, si ces flux sont pondérés, compilés, on se rend compte que ces trajectoires vers l’Europe sont largement minoritaires : la majorité des réfugiés sont en effet généralement accueillis dans les pays limitrophes (Turquie ou Liban pour les Syriens, par ex.). Cette carte, si elle ne se veut pas aussi esthétisante que les cartes journalistiques traditionnelles, est un exercice de style qui veut montrer notre responsabilité de médiateurs face à ces données. Les visualiser, c’est rendre compte d’une réalité humaine – souvent tragique – à destination d’un public qui ne doit pas être trompé par une décision esthétique simplificatrice. Les données proviennent du UNHCR et concernent les 14 millions de personnes identifiées comme « réfugiés » pendant l’année 2014.

Martin Grandjean est chercheur en histoire contemporaine à l’Université de Lausanne. Ses recherches portent sur l’analyse de réseau de grands corpus d’archives. Porte-parole d’Humanistica, l’association francophone des humanités numériques, il mène également des projets dans le champ de la visualisation de données et de l’Open Data. On retrouve ses questionnements liés à la mise en données de l’histoire et à la visualisation statistique et data-journalistique sur son blog.

Isabelle Arvers – Heroic Makers vs Heroic Land

Isabelle Arvers
Heroic Makers vs Heroic Land
Vidéos Machinimas, 2016

Comment vivre dans la Jungle de Calais? Comment créer des espaces de vie et de partage ? Comment faire le travail du gouvernement qui refuse de voir l’urgence de la situation et qui se focalise sur la réduction du nombre de réfugiés à Calais? En moins d’un an, avec l’aide de nombreuses ONG, les réfugiés ont construit une ville-monde, peuplées de cafés, restaurants, cuisines, écoles, galeries d’art et espaces culturels…

Voir l’article sur Makery qui publie en exclusivité les deux interviews réalisées par Isabelle Arvers

Isabelle Arvers est auteur, critique et commissaire d’exposition indépendante. Son champ d’investigation est l’immatériel, au travers de la relation entre l’Art, les Jeux Vidéo, Internet et les nouvelles formes d’images liées au réseau et à l’imagerie numérique.

Zimako, de la jungle de Calais au machinima d’Isabelle Arvers:

Marko, de la jungle de Calais au machinima d’Isabelle Arvers :

Stéphane Rosière et Sébastien Piantoni – Planisphère des barrières frontalières

Stéphane Rosière et Sébastien Piantoni
Planisphère des barrières frontalières

Les barrières frontalières sont des dispositifs de natures différentes incluant des « lignes de front » séparant des forces armées (Corée) ou des murs ou clôtures visant à interdire le passage clandestin sur des frontières qui ne sont pas contestées ; les détroits ou bras de mer font aussi l’objet d’un contrôle des flux (Mer Egée).

La quasi-totalité de ces dispositifs n’a pas pour objectif de fermer complétement une frontière (autarcie) mais d’obliger les flux à emprunter les points de passages frontaliers et donc de rendre impossible l’entrée clandestine sur un territoire. Le check-point est le corollaire systématique de la barrière, relié à des banques de données ils visent à un contrôle rapide et approfondi des flux. Les migrants sont la cible essentielle de ces dispositifs parfois spectaculaires et fort potentiel symbolique et politique.

L’ensemble de ces dispositifs représente un linéaire d’environ 20 000 km (8% des frontières mondiales). Ces artefacts sont inégalement répartis, ils sont rares dans certaines régions : le continent américain (exception notable de la frontière sud des États-Unis) et nombreux ailleurs comme au Proche-orient (Israël entièrement ceinturée, mais aussi l’Arabie saoudite, le Qatar) ou dans les Balkans ; le Maroc et l’Inde sont d’autres exemples de pays ceinturés par des barrières de grande ampleur.

Stéphane Rosière est géographe et spécialiste de géographie politique et géopolitique. Il est professeur des universités depuis 2006 au département de Géographie de l’université de Reims et professeur à la faculté de Relations internationales et sciences politiques de l’Université Matej Bel (Banska Bystrica, Slovaquie) depuis 2010. Il est aussi directeur de publication de la revue en ligne L’Espace Politique, revue de géographie politique et géopolitique en ligne1 référencée par l’AERES. Membre du conseil du Comité national français de géographie (URL : http://www.cnfg.fr/), il a dirigé de 2004 à 2010 la commission de géographie politique et géopolitique au sein de cette instance. Il représente la France dans le cadre de la Commission de géographie politique de l’Union géographique internationale. Il est actuellement directeur du Master de Géopolitique conjoint aux universités de Reims et Matej Bel.

Après une première expérience professionnelle dans le domaine de la conception graphique (1997-2003), suivie d’études universitaires en géographie et en Aménagement du territoire (2004-2009), Sébastien Piantoni est, depuis 2009, Ingénieur d’Études cartographe au sein de l’Équipe Habiter (EA 2076) de l’Université de Reims. Il participe aux travaux de recherche de cette équipe et conçoit les cartes permettant d’illustrer les travaux des chercheurs de cette unité. Il contribue notamment à la réalisation des cartes portant sur les barrières frontalières (en collaboration avec Stéphane Rosière) et sur la réalisation d’un atlas des zones franches dans le monde (avec François Bost).

Joana Moll & Cedric Parizot – The Virtual Watchers

Joana Moll & Cedric Parizot
The Virtual Watchers
Installation numérique interactive, 2016

Virtual Watchers est un projet de recherche art-science qui s’intéresse aux processus à travers lesquels les états contemporains mobilisent les citoyens pour participer à la surveillance des frontières. Cette installation interactive donne accès aux échanges qui ont eu lieu dans un groupe Facebook, que nous appelons ici RedServants pour conserver leur anonymat. Il a rassemblé des volontaires qui ont surveillé pendant quelques années la frontière Etats-Unis/Mexique, grâce à une plateforme en ligne projetant en direct les images de caméras de vidéosurveillance. En se plongeant dans les conversations, les blagues et les doutes des RedServants, cette oeuvre montre comment l’investissement émotionnel joue comme un mécanisme essentiel dans la construction et la légitimation d’un système post-panoptique. Elle met aussi en évidence les disfonctionnements de ce système.

Joana Moll est une artiste et chercheuse basée à Barcelone. Ces sujets de recherches principaux sont les technologies de la communication et les émissions de CO2 ainsi que la surveillance civile virtuelle et le langage. http://www.janavirgin.com

Cédric Parizot est anthropologue du politique. Chercheur au CNRS, il travaille à l’Institut d’études et de recherche sur le monde arabe et musulman (Aix-Marseille Université). Ses recherches portent sur les mobilités et les frontières dans les espaces israélo-palestiniens, ainsi que sur l’articulation entre art, science et technologie numérique. Depuis 2011, il coordonne l’antiAtlas des frontières

Technical Development:
Ramin Soleymani est un développeur et artiste numérique. Il a travaillé un temps comme informaticien avant de se plonger dans l’open education qui a pour but d’élargir l’accès à l’apprentissage et à la formation.

Emerging Futures Lab – Borderland Biashara

Emerging Futures Lab (EFL)
Borderland Biashara
Voir le projet

Borderland Biashara est un projet ethnographique qui étudie le rôle du téléphone mobile dans le biashara («commerce» en Swahili) à la frontière le Kenya de l’Ouganda. Les frontières créent souvent des complications pour le commerce informel (restrictions de mobilité, de postes de contrôles douaniers, d’échange de devises). Les téléphones mobiles jouent aolors un rôle vital pour les surmonter. Le cas de la région est-africaine est particulier en raison de l’omniprésence de plates-formes de transferts d’argent mobiles et la prédominance des abonnements prépayés. Ces photos capturent quelques histoires de transactions transfrontalières et de communications observées sur place.

Emerging Futures Lab (EFL) est un collectif interdisciplinaire se livrant principalement à des recherches sur les pratiques prenant place dans les marchés émergeants de consommateurs en Afrique Sub-Saharienne.

Bill Rankin – One World II

Bill Rankin
One World II
Cartographie, 2015
Voir le projet

One World II est une carte inspirée de la carte stratégique de Richard Edes Harrisson, réalisée en août 1941 : elle montre le monde selon une projection azimutale équidistante centrée sur le pôle Nord, ce qui permettait d’embrasser le globe, et donc la guerre, d’un seul coup d’œil.

La carte de Bill Rankin reprends l’idée d’Harrison et l’applique au monde actuel, sa version utilise les routes maritimes et les chemins de fer pour représenter le capitalisme mondialisé : on y voit la circulation frénétique à travers l’océan pacifique et Nord-atlantique, les flux épais entre le canal de suez et le détroit de Malacca et les ramifications partant vers l’Amérique du Sud, l’Afrique et l’Asie Australe. Il décentre ainsi également les Etats-Unis et transforme les 7 continents séparés en un réseau unique et sans frontières.

Bill Rankin est historien et cartographe à l’Université de Yale. Sa cartographie réinvente la géographie traditionnelle comme des paysages complexes fait de statistiques, de droit et d’histoire.

www.radicalcartography.netwww.afterthemap.info.

RYBN – ADM8

RYBN
ADM8
Voir le projet

ADM8 est un robot de trading, conçu pour investir et spéculer sur les marchés financiers. Ce programme anticipe des tendances au sein des oscillations financières chaotiques, achète et vend des actions quotidiennement, et poursuivra cette activité jusqu’à la banqueroute. L’activité du robot – au travers de ses calculs et de ses performances – est surveillée, enregistrée et visualisée par une cartographie dynamique.

Avec le soutien du CNC – DICRéAM, du ZKM (Zentrum für Kunst und  Medientechnologies, Karlsruhe), et de l’Institut fur Bildmedien.

RYBN.ORG est une plateforme de recherche artistique expérimentale et extra-disciplinaire fondée en 1999. RYBN.ORG s’intéresse au couplage, au détournement et à la perversion des outils d’écriture et de formalisation liés aux technologies de l’information et des communications, et du sensoriel (algorithmes, réseaux, robots, flux de données, captation, surveillance, audiovisuel, temps-réel), réinscrits dans le champ des arts plastiques.

Les travaux de RYBN.ORG ont été présentés dans de nombreuses institutions dédiées à l’art contemporain ainsi que dans des festivals dont le Centre Pompidou, Paris ; la Gaîté lyrique, Paris ; Nemo, Paris ; ZKM, Karlsruhe ; LABoral, Gijón ; le HMKV, Dortmund ; Ars Electronica, Linz ; Pixelache, Helsinki ; HEK, Bâle ; Kunsthalle, Kiel ; Transmediale, Berlin ; ISEA, San José ; Elektra, Montréal ; Cellsbutton, Yogyakarta ; etc. Certaines de leurs œuvres ont fait l’objet d’acquisition au sein de collections nationales, et ont reçu des prix et distinctions dans des concours internationaux.

Nicola Mai – Travel

Nicola Mai
Travel
2016

Le projet art-science Emborders de Nicola Mai met a nu et en scène la question des frontières biographiques et les récits de souffrance qui permettent aux demandeurs d’asile d’obtenir la protection humanitaire. Ce projet se compose de deux ethnofictions : Samira et Travel.

L’ethnofiction Travel est le second volet d’Emborders. Travel présente l’histoire de Joy, une femme nigériane se prostituant au Bois de Vincennes à Paris. Joy a quité le Niger pour aider sa famille après la mort de son père. Elle savait avant de partir qu’elle aurait à se prostituer mais n’avait aucune idée des difficultés des conditions de vie et de travail qu’elle aurait à surmonter en France. Après avoir enduré plusieurs mois d’exploitation, Joy décide de réinventer son histoire de migration et de la transformer en histoire de trafic. Avec l’aide d’une association elle obtient la protection humanitaire, mais pour continuer à aider sa famille et à vivre sa vie, elle continue de vendre son corps.

Nicola Mai est ethnologue et réalisateur, Professeur de Sociologie et Etudes migratoires au Working Lives Research Institute de l’Université Metropolitaine de Londres. Ses publications universitaires et ses films ont pour objet les expériences et perspectives des migrants qui vendent leur corps et leur amour, insérés dans l’industrie globalisée du sexe pour vivre leurs vies. A travers des ethno-fictions expérimentales et des résultats de recherches inédites, Nicola Mai met en cause les politiques qui lisent forcément la migration liée au travail sexuel en termes de trafics, tout en portant l’accent sur la complexité ambivalente des dynamiques d’exploitation et d’auto-affirmation qui sont en jeu. Dans sa Sex Work Trilogy, il explore différentes expériences de rencontres entre la migration et l’industrie sexuelle.

Antoine D’Agata – Odysseia

Antoine D’Agata
Odysseia
2011-2013
Voir le projet

« Migrant », un nom générique pour des vies pourtant distinctes. Ils sont là accroupis devant le feu, à proximité d’un abri précaire, attendant un hypothétique passage. Rejetés au plus loin du regard de Dieu, ils retournent à une vie archaïque, subie. « Ils se contentent de tuer le temps en attendant que le temps les tue. » (Simone de Beauvoir). Le temps de l’attente, qui voit toute chose, n’est pas un moment photographiable. Saisir le vide, courir après des fantômes, chercher l’homme dans l’absence. Nul œil humain n’arrivera jamais à découvrir la vérité, la tourmente, de chaque individu. Antoine d’Agata ne cesse de nous prévenir. Il ne se passe rien de spectaculaire dans ces films dépourvus de toute agitation. Les scènes s’accommodent de paysages dénués d’intérêt. Le sublime et le sordide se retirent au profit d’une attente interminable sans à-coups. Ce qui devrait être l’enjeu des images est la connaissance de ce qui manque, de ce que nous ne pourrons jamais savoir.

Les images de ces films ressemblent à leur auteur. Elles sont envahies par les mots, par des phrases hachées et syncopées. On ne devrait jamais succomber à la beauté d’une image. L’objet, qu’on ne peut appeler œuvre, refuse l’esthétique au profit du doute et de la fragilité. On aurait tort de supposer que cette posture est opportuniste. La croyance dans le pouvoir des mots éclaire l’activité du photographe. L’écriture ne recouvre pas, elle irrigue les images. Elle les éclaire. Le verbe est une assurance contre la tromperie. Elle régénère le bloc inerte de l’image et contrecarre les effets pernicieux de cette dernière.

Les voix omniprésentes, dans une sorte de déclamation ni chantée, ni parlée, ne sont pas sans rappeler le dispositif scénique de la tragédie grecque. La parole, le chant, les sons amplifient le caractère primitif des scènes. Chœur antique dont on ne perçoit pas l’ensemble du discours, il participe à l’action. Il imprime le rythme des séquences par la forme spécifique de la langue et du dialecte. Des liens subtils se tissent ainsi entre l’ordre visuel, le récitatif et les « bruits ». Le récitant, personnage anonyme dans ce drame, est, de tous les protagonistes des films, celui dont l’oraison est la plus belle, la plus remarquable par ses intonations et ses vibrations.

Le photographe amasse et consigne des remarques et des notes sur ce qu’il voit et sur ce qu’il pense. La frontière est étroite entre exhiber des images et afficher un égotisme d’auteur. Ces films étranges n’en sont pas pour autant complaisants. Comment les caractériser ? Exigeants sûrement, envahis par le doute, conscients de leur insuffisance, ils sont lucides et obstinés.

Les détails ennuient Antoine d’Agata. Le réel, c’est les hommes et leurs épreuves. On ne trouve pas ici d’obsédant souci documentaire, ni de construction complexe. Il s’agit de rendre compte simplement d’activités comme marcher, se nourrir, se chauffer et dormir. Le quotidien d’un monde entre-deux, entre le nomadisme et l’inertie. Saisis par la fatigue et le découragement, rigides, les hommes forment de rudimentaires groupes sculptés. Seul, recroquevillé, à la recherche d’une hypothétique protection, d’une dernière consolation, le fugitif est un gisant, un presque mort.

(Texte de François Cheval)

Antoine d’Agata est né à Marseille en 1961 et quitte la France en 1983 pour une dizaine d’années. Alors qu’il séjourne à New York en 1990, il s’inscrit à l’International Centre of Photography où il suit notamment les cours de Larry Clark et de Nan Goldin. En 1993, il revient en France et interrompt son travail de photographe durant quatre ans. En 1998 paraissent ses premiers ouvrages, De Mala Muerte et De Mala Noche. L’année suivante, il rejoint la galerie Vu à peine créée par Christian Caujolle. En 2001, il reçoit le prix Niépce. En septembre 2003 est inaugurée à Paris l’exposition 1001 Nuits, qu’accompagne la sortie de deux ouvrages, Vortex et Insomnia. En 2004, il intègre l’agence Magnum, publie son cinquième livre, Stigma, et tourne son premier court-métrage, El Cielo del muerto. L’année suivante paraît Manifeste. En 2006, le photographe tourne son deuxième film, Aka Ana, à Tokyo. Depuis 2005, sans port d’attaches, Antoine D’Agata photographie à travers le monde. Le BAL lui a consacré une exposition de janvier à avril 2013, il vient de finir son premier long-métrage, Atlas et son livre Anticorps, édité chez Xavier Barral a reçu le prix du Livre d’Auteur aux Rencontres d’Arles 2013.

Keina Espiñeira – The Colour of the Sea

Vidéo, 2015

Partis de Guinée, Aliou, Diakité et Boubacar se retrouvent à Ceuta. Ils séjournent dans le Centre de séjour provisoire pour immigrants (CETI), immobilisés entre deux frontières de l’UE : une terrestre (une clôture entourant une forêt au Maroc) et une maritime (le détroit de Gibraltar). Ce documentaire critique s’interroge sur la manière dont la réalisation d’un film avec la participation de migrant à une étape clef de leur voyage, contribue à créer une expérience spécifique de la frontière.

Keina Espiñeira est à la fois artiste et universitaire. Elle s’intéresse Dans ses travaux, les politiques frontalières jouent un rôle majeur.

Gaza inédite

Journées Internationales scientifiques et culturelles – 17 / 21 Mars 2016 – Paris / Marseille

Télécharger le programme PDF

Evénement transdisciplinaire mêlant histoire, enjeux contemporains, cinéma, arts plastiques et musique, « Gaza inédite » se tient en France à l’Institut du Monde Arabe, à l’Institut des Cultures d’Islam, à la Bibliothèque universitaire des langues et civilisations (BULAC) ainsi qu’au Mucem (Marseille) du 17 au 21 mars 2016. Il est organisé par l’Institut français de Jérusalem et l’Institut français du Proche-Orient (IFPO Territoires palestiniens), afin de révéler une Gaza méconnue.

En dépit d’un blocus de plus de huit ans et d’assauts répétés, la Bande de Gaza continue à vivre, survivre et créer. Micro-territoire au milieu d’une région en tourment, Gaza fait partie intégrante de l’avenir de la Palestine, tout en présentant des dynamiques sociales, culturelles et des stratégies de résistance qui lui sont propres. Centrale pour la question nationale palestinienne et pour l’évolution du conflit israélo-palestinien, Gaza l’est aussi pour comprendre nombre de problématiques auxquelles les sociétés arabes et musulmanes sont confrontées.

Un colloque fera ainsi état des travaux les plus récents sur la Bande de Gaza et des enjeux scientifiques, en soulevant les questions méthodologiques relatives à la production d’un savoir dans un contexte de guerre, d’accès restreint au terrain et de fermeture des frontières. La marginalisation progressive de la Bande de Gaza et de ses habitants coupés de leurs relations avec l’extérieur a en effet abouti à la méconnaissance d’une histoire sociale, politique et culturelle pourtant particulièrement riche. Le bouclage maintenu autour de Gaza a rendu quasi impossible les études de terrain nécessaires pour produire de la connaissance sur la période très contemporaine, et au-delà pour élaborer des politiques.

Le colloque, un débat réunissant des acteurs de la société civile gaziote et des tables rondes et conférences consacrées à l’art et à la culture permettront de témoigner de la grande vitalité artistique et citoyenne de la Bande de Gaza avec l’émergence de nouvelles scènes culturelles, le rôle accru des médias et des réseaux sociaux, contrairement à l’image réductrice véhiculée. Vidéastes, photographes, peintres, musiciens, réalisateurs continuent à créer. A travers leurs images et leurs paroles, ces artistes font résonner leurs messages au-delà des frontières. Ils révèlent leur terre natale sous un autre jour dans des conditions de création et de circulation très contraintes.
Gaza inédite réunira pendant 4 jours à Paris et à Marseille des intervenants d’horizons différents : des chercheurs (archéologues, historiens, politologues, sociologues, anthropologues, économistes) mais aussi des journalistes, des diplomates, des artistes, des humanitaires, des politiques, des citoyens engagés de Gaza, de Cisjordanie, de France, d’Europe et des Etats-Unis.

Responsables scientifiques : Stéphanie Latte Abdallah et Marion Slitine