Recherche, arts et pratiques numériques #8: quoi de neuf du côté des algorithmes?

Mercredi 18 janvier 2017,
IMéRA,
2 place Le verrier,
13004 Marseille

Comité d’organisation : Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence), Jean Paul Fourmentraux (LESA, AMU, Centre Norbert Elias, EHESS), Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU), Manoel Penicaud (IDEMEC, CNRS/AMU)

Recherche, art et pratiques numériques est une séminaire transdisciplinaire qui s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières. (Lire la suite)

Quoi de neuf du côté des algorithmes?

Dominique Cardon, sociologue, Sciences po – Médialab
Les algorithmes rendent-ils vraiment le monde prévisible ?

Nous sommes entrés dans une société de calculs. Les techniques qui se déploient avec le monde des big data prétendent capturer au plus près les comportements des individus et prédire ce qu’ils sont, ce qu’ils pensent et ce qu’ils vont faire. Mais le monde devient-il pour autant plus prévisible ? Il est utile de revenir sur l’histoire de l’Intelligence artificielle et sur les raisons qui expliquent son retour soudain dans l’actualité avec les succès des nouvelles méthodes d’apprentissage et des réseaux de neurones (Watson, AlphaGo, etc.). La promesse d’une société prédictive constitue un défi pour nos sociétés : quelle liberté est laissée aux choix des individus ? Jusqu’où peut-on personnaliser sans défaire la société ? Comment peut-on comprendre et réguler les décisions des nouveaux calculateurs ?

Francis Chateauraynaud, anthropologue, GSPR – EHESS
Quelles logiques d’enquête face aux flux du Web ? Leçons cognitives et politiques d’une expérience de contre-intelligence artificielle

Lorsqu’au début des années 2000, la socio-informatique des controverses a renoué avec l’intelligence artificielle en passant du logiciel Prospéro (analyse de corpus textuels évolutifs) au logiciel Marlowe (conçu comme un interlocuteur virtuel fonctionnant en mode dialogique et doté de modes d’apprentissage spécifiques, et même singuliers), le sens et la portée de cette expérimentation ont été difficilement perçus, y compris dans l’environnement intellectuel le plus proche. Il faut dire que l’on était avant le basculement des humanités numériques, passées de l’état d’avant-garde critique des machines dominantes de l’internet à celui d’alignement quasi général doublé d’une forme d’injonction managériale.

Si les développements de Prospéro et Marlowe se sont poursuivis après 2010, c’est à travers la construction d’observatoires sociologiques des processus critiques (alertes, controverses, conflits, notamment dans les domaines sanitaires, environnementaux et technologiques) qu’a été validée ce que les ingénieurs appellent la « preuve de concept ». Après plus de 15 ans d’expériences, et des évolutions considérables dans les mondes numériques, quels sont les chemins qui s’offrent à ce qui a fini par prendre la forme d’une « contre-intelligence artificielle » distribuée ? En partant des activités autonomes du chroniqueur de Marlowe, qui s’exprime tous les jours sur son blog, et qui n’est que la partie émergée d’un réseau d’artefacts cognitifs et d’interprètes humains, l’exposé montrera comment la conception des structures de données, des algorithmes et des interfaces a évolué et continue d’évoluer. Il s’agira surtout de montrer comment se positionne le réseau de développeurs-utilisateurs face à d’autres formes de traitement de la profusion des informations et des opinions dans les flux du Web.

Recherche, arts et pratiques numériques #7: quoi de neuf du côté des androïdes ?

10h-13h Mercredi 07 décembre,
IMéRA,
2 place Le verrier,
13004 Marseille

Comité d’organisation : Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence), Jean-Paul Fourmentraux (Centre Norbert Elias, LESA, AMU, EHESS), Cédric Parizot (IREMAM,CNRS/AMU), Manoel Penicaud (IMERAM, CNRS/AMU).

Recherche, art et pratiques numériques est une séminaire transdisciplinaire qui s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières. (Lire la suite)

Quoi de neuf du côté des androïdes ?

Emmanuel Grimaud, anthropologue, Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (LESC), Université Paris Ouest Nanterre La Défense, CNRS
La Vallée de l’Etrange. Mises a l’épreuve d’un mystère expérimental, entre robotique et anthropologie

Mon intervention reviendra sur la théorie du roboticien japonais Masahiro Mori, et le rôle moteur qu’elle a joué dans la robotique humanoïde contemporaine. J’aborderai aussi les expérimentations auxquelles nous nous sommes livrés avec l’artiste Zaven Paré, autour du Geminoid au Japon ainsi que l’expérience Ganesh yourself en Inde (un robot qui permet de se mettre à la place de Dieu et d’avoir avec lui une conversation). Je parlerai par ailleurs de la manière dont on a essayé de repenser la vallée de l’Etrange avec l’exposition Persona (MQB). On y confrontait arts premiers et robotique, invitant le spectateur à faire toute une série d’expériences sur les modalités d’attribution d’un statut de personne à des ‘non humains’.

[Lire l’article d’Emmanuel Grimaud]

France Cadet, artiste, professeure à l’école supérieure d’art d’Aix en Provence
Robot mon Amour

France Cadet est une artiste de l’hybridation qu’une armée de robots chien a propulsée sur la scène artistique internationale. Ses animaux de compagnie, elle les a génétiquement modifiés par le code informatique. Leurs mouvements singuliers, tout comme les cartels qui les identifient, nous incitent à repenser notre relation aux machines autonomes qui investissent notre quotidien. Elle poursuit dans la série Robot mon Amour ses hybridations avec des créatures mi-femme mi-robot où vivant et artificiel, chair et mécaniques s’entremêlent. Y a-t-il encore une femme dans la machine ? La question du genre, évidemment, est une problématique sous-jacente du travail de cette artiste aux multiples identités qui nous incite à repenser plus largement notre conception du vivre ensemble.

Angelica Lim, ingénieure en intelligence artificielle, SoftBank Robotics Europe, Kyoto University
Comment construire le cerveau d’un robot depuis l’intelligence artificielle jusqu’à l’intelligence émotionnelle ?

Que reste-t-il à accomplir pour que C3P-0 et Rosie le Robot deviennent réalité ? Angelica Lim explorera les éléments qui composent le cerveau d’un robot, autrement dit son programme interne, en regardant sous la capuche d’un vrai robot compagnon humanoïde

Recherche, arts et pratiques numériques #6: déconstruire le transmédia

Mercredi 16 novembre 2016,
IMéRA,
2 place Le verrier,
13004 Marseille

Comité d’organisation : Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence), Jean-Paul Fourmentraux (Centre Norbert Elias LESA, AMU, EHESS), Manoel Penicaud (IMERAM, CNRS/AMU), Cédric Parizot (IREMAM,CNRS/AMU)

Recherche, art et pratiques numériques est une séminaire transdisciplinaire qui s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières. (Lire la suite)

Déconstruire le transmédia

Céline Lacroix-Masoni, maître de Conférences en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université Nice Sophia Antipolis, membre de l’URE // TRANSitions Médias, Savoirs, Territoires
De quoi le transmédia est-il le nom ?

Du storytelling transmedia à la question de la transmédialité, de la distinction entre multimédia, crossmédia et transmédia à la définition évolutive (augmentée?) d’Henry Jenkins du Storytelling Transmedia, nous proposerons, à partir d’un travail de typologisation du transmédia (productions et publics) d’interroger la transmédialité dans sa définition et ses pratiques.

Antoine Gonot, LMA, ASTRAM, SATIS
La place des nouvelles écritures et des médias interactifs numériques dans les formations aux métiers du Cinéma et  l’Audiovisuel

On assiste depuis quelques années à un basculement de l’audiovisuel vers l’interactivité. De nouveaux métiers apparaissent et d’anciens métiers changent. L’offre de formation des écoles du secteur de l’audiovisuel doit donc évoluer pour répondre à cette nouvelle demande créative. Ainsi, depuis 2013-2014, le département SATIS de l’université Aix-Marseille et le CNAM expérimentent ensemble un enseignement visant à initier les futurs professionnels à l’écriture non-linéaire et aux médias interactifs numériques. Après une présentation des projets qui ont vu le jours depuis la création de cet enseignement, nous discuterons de sa pertinence, dans le contexte particulier de la formation auquel il est intégré.

Douglas Edric Stanley, artiste, Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence, HEAD Genève
Le miroir d’encre

Les chemins bifurquent. Le premier mène à l’horizon vers le Nouveau. L’autre, une forêt de Médias. Vous suivez l’horizon. Dérive sur des chemins sinueux, cela vous ramène au croisement initial. Vous rentrez dans la forêt. Un épais enchevêtrement de branches. Après moults efforts, vous voici de nouveau face au chemin du départ. À vos pieds, un livre. Vous prenez le livre. Lecture. Chaque page ressemble à la précédente. C’est l’histoire d’une femme, devant un chemin qui bifurque : elle tient dans ses mains un livre.

Recherche, arts et pratiques numériques #5: de la photogrammétrie au SIG

Mercredi 25 mai 2016,
IMéRA,
2 place Le verrier,
13004 Marseille

Comité d’organisation : Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU), Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence), Benoit Fliche (IDEMEC, CNRS/AMU), Jean Paul Fourmentraux (LESA, AMU, Centre Norbert Elias, EHESS)

Recherche, art et pratiques numériques est une séminaire transdisciplinaire qui s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières. (Lire la suite)

De la photogrammétrie au SIG

Nathalie André, architecte-archéologue, IRAA, CNRS/Aix Marseille Université
Perception et représentation numériques en architecture et archéologie

La pratique du relevé en architecture a été profondément modifiée par l’avènement des technologies numériques, les architectes sont aujourd’hui plus souvent amenés à manipuler des nuages de points denses que des mètres et des crayons. Le relevé photogrammétrique par corrélation dense, en donnant à la représentation du réel un caractère scientifique incontestable, a supplanté le relevé traditionnel, privilégiant ainsi une collecte globale automatique au détriment d’une représentation descriptive, certes sélective, mais porteuse de sens, de réflexion et de sensibilité. Par ailleurs les modes de représentation classiques qu’étaient le plan et la coupe, ont tendance à disparaître des logiciels de traitement des données, et sont remplacés par des modèles numériques tridimensionnels. Ces bouleversements quant à la perception et à la représentation de l’architecture nous amènent à repenser notre démarche scientifique : est-il possible de décrire, et donc d’analyser, des vestiges antiques à partir de nuages de points ? Une approche exclusivement tridimensionnelle nous permet-elle de mieux interroger et comprendre nos données ? Enfin, la représentation numérique n’est-elle destinée qu’à la valorisation des connaissances ?

Hélène-Marie Juteau, doctorante en sociologie Télécom ParisTech)
Enquêtes géolocalisées et implication de l’acteur

Notre enquête porte sur les usages numériques pendant la mobilité de jeunes en insertion vers l’emploi. Dans une recherche, nous utilisons une application mobile. Dans une autre recherche nous utilisons un logiciel d’enregistrement des usages du Smartphone. Ces deux dispositifs d’enquête sont géolocalisés. On pourrait penser dès lors que la personne enquêtée est tenue en périphérie de la recherche, mais ce n’est pas le cas. Nos techniques d’enquête nécessitent au contraire une compréhension fine des représentations spatiales de l’acteur. L’enquête par géolocalisation est doublée d’enquêtes qualitatives poussées, fondées sur le recueil de la parole de l’acteur mobile. Nous éclairerons quelques éléments de cette tension méthodologique.

Nicolas Memain, artiste marcheur, urbaniste grand pied
Expérimentations artistiques autour de la carte des systèmes d’information géographique

Le témoignage d’un amateur passionné de cartes IGN, submergé par l’accessibilité des SIG depuis 10 ans. Nicolas Memain présentera (1) Des atlas d’architectures marseillaises, avant et après Quantum GIS. (2) La maîtrise d’œuvre du GR2013 : une tentative de crédibilité face aux services techniques institutionnels durant deux années pour le Chemin de Grande Randonnée ® homologué le plus rapidement exécuté de l’Histoire (3) Les superpositions à l’échelle de mes collections de scans de cartes et de photos aériennes fournis par les archives et l’IGN, que j’utilise pour expliquer l’évolution des formes des quartiers que je fais visiter. (4) Et des gifs animés de couvertures Landsat où apparaissent des trajectoires de LGV.

Recherche, arts et pratiques numériques #4: écritures innovantes

Mercredi 20 Avril 2016,
IMéRA,
2 place Le Verrier,
13004 Marseille

Comité d’organisation : Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU), Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence), Benoit Fliche (IDEMEC, CNRS/AMU), Jean Paul Fourmentraux (LESA, AMU, Centre Norbert Elias, EHESS)

Recherche, art et pratiques numériques est une séminaire transdisciplinaire qui s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières. (Lire la suite)

Ecritures innovantes

Boris Petric, anthropologue, directeur du Centre Norbert Elias – EHESS-AMU-CNRS Marseille)
La fabrique des écritures innovantes en sciences sociales

La fabrication de l’écriture constitue un ensemble d’enjeux épistémologiques majeurs comme le rôle de la description et de la narration. L’anthropologue et le sociologue construisent leur savoir sur des données qu’ils collectent directement au moment de leurs enquêtes. Cette opération scientifique singulière implique une empathie et une réflexivité par rapport à son terrain et une stratégie narrative dans la manière de restituer cette enquête . L’usage d’écritures innovantes comme le cinéma, le film d’animation, la bande dessinée, le parcours muséographique constituent des entreprises d’écriture qui ne peuvent se limiter à des enjeux de valorisation ou de vulgarisation.

Nicolas Nova, HEAD – Genève / The Near Future Laboratory
Ethnographie du présent, ethnographie du futur : décrire et explorer les cultures numériques

Parmi les multiples croisements entre sciences sociales et arts appliqués, l’ethnographie et le design offrent un cas intéressant pour saisir la diversité des « manières de faire » et la portée épistémique de nouvelles approches de recherche. Cette notion de “recherche par le design” s’applique en particulier à l’exploration des cultures numériques avec pour objectif de les décrire et les comprendre (dimension descriptive), mais aussi d’imaginer leur évolution (dimension prospective). Suivant les contextes, on parle ainsi d’ethnographie par le design, de design fiction ou d’ethnographie spéculative pour faire référence à ces projets. Sur la base de différents cas situés à la frontière entre enquête ethnographique et projet de design, cette présentation abordera la logique interdisciplinaire qu’ils mettent en oeuvre, et interrogera l’épistémologie à laquelle ils renvoient. L’intervention discutera également de leur pertinence dans le champ du numérique.

Recherche, arts et pratiques numériques #3: une UMR entre arts et sciences ?

Mercredi 2 mars 2016,
IMéRA
2 place Le verrier,
13004 Marseille

Comité d’organisation : Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU), Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence), Benoit Fliche (IDEMEC, CNRS/AMU), Jean-Paul Fourmentraux (LESA, AMU, Centre Norbert Elias, EHESS)

Recherche, art et pratiques numériques est une séminaire transdisciplinaire qui s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières. (Lire la suite)

Une UMR entre Arts et Sciences ?

Jean Claude Risset, directeur de Recherche émérite AMU/LMA)
Introduction

Jacques Sapiéga, maître de Conférences émérite, ASTRAM, Aix Marseille Université
Arts, sciences, numérique : jeux et enjeux de l’interdisciplinarité

Une UMR entre Arts et Sciences au sein d’AMU n’est pas un projet « dans l’air du temps ». C’est le résultat d’une histoire qui commence à Marseille dans les années 70, comme le rappelle Jean-Claude Risset, dont les travaux au sein du LMA auront des conséquences déterminantes. Dans les années 80, la naissance du futur Département des Sciences Arts et Techniques de l’Image et du Son au sein du secteur Sciences de l’Université de Provence marque une autre étape. Les forces qui se rejoignent aujourd’hui pour créer cette unité de recherche auront très tôt des contacts, notamment à partir de la publication du « Rapport Arts Sciences Technologies » sous la direction de Jean Claude Risset (mars 1998). Jacques Sapiega rappellera quelques exemples de collaborations / créations réalisées entre laboratoires à partir de la fin des années 90, avant d’aborder les problèmes théoriques et méthodologiques que posent les interactions entre Arts et Sciences, à partir de l’histoire de cet objet fondamentalement interdisciplinaire qu’est l’art cinématographique (de l’optique au numérique).

Richard Kronland-Martinet, directeur de recherche au CNRS – Laboratoire de Mécanique et d’Acoustique – Marseille
Les métaphores sonores : une approche interdisciplinaire des processus de contrôle de la synthèse sonore

L’avènement des technologies numériques, dans les années 50, a bouleversé le domaine de la synthèse des sons. Dès lors, était-il possible de manipuler avec une extrême précision les éléments constituants l’onde sonore et d’accéder aux relations intimes qui associent la structure physique des sons à leur perception. Ces connaissances se sont naturellement bâties autour de recherches menées dans des domaines aussi variés que ceux de la musique, la physique, l’informatique, les sciences cognitives… C’est grâce au croisement et à l’interaction de ces disciplines qu’une meilleure compréhension du son s’est forgée, induisant des ruptures technologiques, scientifiques et sociétales d’importance.
Aujourd’hui, les nouvelles technologies ne cessent d’accroitre les possibilités d’expérimentation, produisant des connaissances toujours plus pointues à partir desquelles une interrogation interdisciplinaire devient à la fois plus difficile mais aussi plus essentielle. Dans cet exposé, nous focaliserons la question de l’interdisciplinarité sur le problème du contrôle perceptif des processus de synthèse. Nous montrerons comment il est possible de contrôler la structure ondulatoire de sons en s’appuyant sur un paradigme issu de recherches dans les domaines de la musique et des sciences cognitives. Ce paradigme ouvre la voie à de nouvelles représentations du timbre sonore, tout en permettant un contrôle intuitif et incarné des sons réalistes mais aussi inouïs, basé sur la notion de métaphores sonores.

Peter Sinclair, artiste et enseignant Ecole supérieure d’art d’Aix en Provence
La Recherche Création (Mise) en pratique à Locus Sonus

Locus Sonus est une des premières unités de recherche permanentes rattachées aux écoles d’art et reconnues par le ministère de la culture. Peter Sinclair décrira l’approche transdisciplinaire de la recherche qui s’est développé au cours des dix années d’existence du laboratoire. Il plaidera pour une méthode de recherche qui donne une place centrale à la pratique expérimentale artistique. Il évoquera les problématiques partagées avec les autres membres du futur UMR et les perspectives qu’il voit s’ouvrir avec ce projet.

Discussion

Cyril Isnart, anthropologue, chargé de recherche, Institut d’Ethnologie et Méditerranéenne, Européenne et Comparative, CNRS/AMU)
Olivier Tourny, musicologue, chargé de recherche, Institut d’Ethnologie et Méditerranéenne, Européenne et Comparative, CNRS/AMU, Ecole Française de Rome

Image: Locus Sonus

Recherche, arts et pratiques numériques #2: Recherche et jeux vidéo

Mercredi 3 février 2016,
IMéRA,
2 place Le verrier,
13004 Marseille

Comité d’organisation : Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU), Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence), Benoit Fliche (IDEMEC, CNRS/AMU), Jean-Paul Fourmentraux (LESA, AMU, Centre Norbert Elias, EHESS)

Recherche, art et pratiques numériques est une séminaire transdisciplinaire qui s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières. (Lire la suite)

Recherche et jeux vidéo

Cédric Parizot, anthropologue, IREMAM, CNRS/AMU et Douglas Edric Stanley, artiste et enseignant, Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence)

A Crossing Industry

A Crossing Industry est un jeu vidéo qui confronte le joueur avec les mécanismes de contrôle déployés par les Israéliens en Cisjordanie depuis le début des années 2000 afin de réguler les circulations des Palestiniens. Son élaboration, toujours en cours, a été amorcée au début de l’année 2013 par une équipe transdisciplinaire articulée autour d’un anthropologue (Cédric Parizot), d’un artiste (Douglas Edric Stanley), d’un philosophe (Jean Cristofol), avec la participation de dix étudiants de l’Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence (1). En revenant sur ce processus et sur les premières ébauches de l’interface, cet article s’interroge sur la capacité de la technologie vidéo ludique à générer de nouvelles formes de modélisation de la recherche et de création artistique.

(1) Yohan Dumas, Benoit Espinola, Tristan Fraipont, Emilie Gervais, Théo Goedert, Mathieu Gonella, Martin Greffe, Bastien Hudé, Thomas Molles, Milena Walter

Image: Douglas Edric Stanley, 2014

Recherche, art et pratiques numériques #1: introduction

Mercredi 13 Janvier 2016,
IMéRA,
2 place Le verrier,
13004 Marseille

Comité d’organisation : Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU), Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence), Benoit Fliche (IDEMEC, CNRS/AMU), Jean-Paul Fourmentraux (LESA, AMU, Centre Norbert Elias, EHESS)

Introduction

Ce séminaire transdisciplinaire s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières. (Lire la suite)

Jean Cristofol, philosophe, Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence
Art, sciences et processus exploratoires

La vieille question des relations entre arts et sciences a pris, depuis quelques années, une nouvelle actualité. Elle s’est aussi transformée, élargie, renouvelée. Il est donc nécessaire de l’aborder autrement. Il faut s’interroger sur la diversité des formes de la connaissance scientifique elle-même et sur le rôle des sciences humaines et sociales. Il faut tenir compte de l’impact des technologies de l’information et du développement des techno-sciences. Mais il fait aussi prendre en compte l’évolution des pratiques artistiques elles-mêmes. On a encore tendance, quand on pense à l’art, et en particulier aux arts plastiques ou visuels, à faire référence aux pratiques traditionnelles de la peinture, de la sculpture, du dessin et aux différentes disciplines qui leurs sont associées. Pourtant, dès le XIX° siècle avec la photographie, puis de plus en plus largement au XX° siècle avec le cinéma, la vidéo, les pratiques artistiques se sont considérablement diversifiées. Les technologies numériques ont radicalement généralisé et prolongé ce déplacement, parce qu’elles ne constituent plus un médium ni même un média particulier, mais qu’elles se développent à l’échelle de la société toute entière. Elles en pénètrent, traversent et font muter l’ensemble des pratiques, qu’elles soient de conception, de communication ou de production. Les artistes se trouvent de plein pied dans ce qui constitue la matière même dans laquelle s’articulent les relations à la connaissance et à l’action. La diversification et la transversalité des pratiques artistiques contemporaines, qu’elles fassent usage ou non des technologies numériques, ne peuvent se comprendre sans prendre en compte le caractère fondamental de ces bouleversements, parce qu’ils touchent à la matière même dans laquelle la culture s’articule.

Jean-Paul Fourmentraux, sociologue, LESA, AMU, Centre Norbert Elias, EHESS
Créer à l’ère numérique : arts, sciences, technologies

Qu’est-ce que « créer » dans un contexte interdisciplinaire hybridant arts, sciences et technologies numériques ? Depuis une vingtaine d’années le numérique bouscule les frontières entre des domaines de l’activité artistique qui étaient jusque-là relativement cloisonnés : arts plastiques, littérature, spectacle vivant, musique et audiovisuel. Nombre de projets artistiques en lien avec les technologies informatiques et multimédias mettent en œuvre des partenariats pluridisciplinaires où cohabite le théâtre, la danse, le cinéma ou la vidéo et le son. La création artistique et la recherche technologique, qui constituaient autrefois des domaines nettement séparés et quasiment imperméables, sont aujourd’hui à ce point intriqués que toute innovation au sein de l’un intéresse (et infléchit) le développement de l’autre. Les œuvres hybrides qui résultent de leur interpénétration rendent irréversible le morcellement des anciennes frontières opposant art et science. La manière inédite dont celles-ci se recomposent amène à s’interroger d’une part sur l’articulation qui, désormais, permet à la recherche et à la création d’interagir, et d’autre part sur la redéfinition des figures de l’artiste ainsi que des modes de valorisation des œuvres spécifiques à ce contexte. Car plus que de transformer seulement les modalités du travail de création, un enjeu tout aussi important de ces partenariats réside dans la nécessaire redéfinition de la (ou des) finalité(s) de ce qui y est produit. La question cruciale devenant alors celle de la clôture de l’œuvre et de ses mises en valeurs entre logiques artistiques (qualité esthétique, projet d’exposition) et technologiques (recherche et développement, transfert industriel). Le suivi d’« affaires » de recherche-création en art numérique (Fourmentraux 2013) nous permettra d’éclairer en effet ces enjeux renouvelés qui entrainent une transformation des modes d’attribution et de valorisation des œuvres, partagées entre art, science et développement technologique.

Recherche, arts et pratiques numériques: introduction

Comité d’organisation

Cédric Parizot (IREMAM, CNRS/AMU), Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence), Jean-Paul Fourmentraux (LESA, AMU, Centre Norbert Elias, EHESS), Anna Guillo (LESA, AMU), Manoël Penicaud (IDEMEC, CNRS/AMU)

Thématique du séminaire

Ce séminaire transdisciplinaire s’intéresse aux perturbations productives que génèrent les collaborations entre les chercheurs en sciences humaines et les artistes dans le domaine du numérique. Il s’inscrit dans la suite des réflexions et des expérimentations que nous avons menées à l’IMéRA dans le programme antiAtlas des frontières depuis 2011 tout en élargissant notre questionnement au-delà de la seule question des frontières.

Dans le domaine des sciences humaines et sociales, le recours aux pratiques numériques conduit à de nombreux bouleversements que ce soit dans la collecte, la production et le traitement de données, ainsi que l’élaboration de nouvelles formes de narration et d’édition. Le tournant numérique conduit les chercheurs à reconsidérer leurs méthodes, leurs catégories, leurs paradigmes, leurs orientations théoriques, leurs objets, leurs formes de labellisation et les cadres des champs disciplinaires[2]. D’ailleurs, compte tenu des collaborations toujours plus nombreuses qu’implique le recours au numérique entre d’un côté les sciences humaines et de l’autre les sciences exactes et expérimentales, il semble plus pertinent de parler de Digital Studies que Digital Humanities.

Dans le domaine de l’art, le numérique ouvre également des champs de pratiques radicalement nouveaux. Il transforme la relation des artistes aux outils qu’ils utilisent et aux connaissances qu’ils convoquent, produisent ou questionnent. Il transforme le statut et les formes des œuvres. En introduisant de nouvelles modalités pour assurer leur circulation, il modifie également leur relation avec le public. Le numérique bouleverse la place de l’auteur qu’il place dans une relation dynamique par rapport aux flux d’information, de circulation des images, des sons et des formes. Il donne ainsi une nouvelle importance à l’invention de dispositifs dans lesquels ces formes sont données à l’expérience, ouvrant d’infinies possibilités d’interaction avec l’œuvre. Il donne enfin une nouvelle dimension au travail collectif, à des formes diverses de collaborations, d’échanges et de contributions. D’une façon générale, on peut dire que le numérique déplace les pratiques artistiques et conduit à réfléchir autrement les relations entre arts et sciences.

Ce séminaire rassemblera des chercheurs en sciences humaines (sociologues, anthropologues, politologues, géographes, historiens, littéraires), en sciences dures (informaticiens, physiciens, mathématiciens, etc.), des artistes (designers, hackers, programmeurs, média tactique, etc.) ainsi que des professionnels (industriels, chargés de communication, etc.). Notre objectif est de favoriser des croisements, des emprunts et des déplacements qui seront propices à l’identification de nouvelles pistes de réflexion et de recherche, voire à la mise en œuvre d’expérimentations collaboratives.

Chaque mois, des participants seront invités à présenter leurs expérimentations d’outils numériques de collecte (applications mobiles, capteurs oculaires, systèmes SIG, etc.) ou d’indexation et de traitement des données recueillies (bases de données, systèmes de visualisation ou de sonification, etc.). Certains feront part de leurs explorations de dispositifs d’écriture et de modélisation de la connaissance (jeux vidéo, machinima, web documentaires, etc) ou encore de nouvelles formes d’édition électroniques.

Trois types de questions seront développés :

1) Il s’agira tout d’abord de voir comment, et jusqu’à quel point, ces pratiques et instruments transforment notre rapport au monde, nos méthodes de recherche, la construction de nos objets, la modélisation et la diffusion de notre connaissance et de nos oeuvres.

2) Nous nous interrogerons aussi sur l’impact des processus collaboratifs qu’impliquent les pratiques numériques entre chercheurs, artistes et professionnels. L’objectif est d’évaluer les apports que chaque démarche (scientifique, artistique, professionnelle) apporte aux autres.

3) Nous verrons enfin comment ces processus collaboratifs bouleversent les champs disciplinaires, les points de vue et les formes d’autorité qui organisent notre recherche et notre pratique et conduisent à repenser de manière créative de nouvelles formes de rencontre entre les disciplines scientifiques et entre celles-ci et les non-spécialistes.
Commençant en janvier 2016, ce séminaire fonctionnera selon un rythme de rencontres mensuelles, d’une durée de trois heures.

Partenariats

Institut Méditerranéen de Recherches Avancées (AMU)
Institut de Recherche et d’Etudes sur le monde arabe et musulman (CNRS, AMU)
Centre Norbert Elias (EHESS, AMU, CNRS)
Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence,
Institut d’Ethnologie Méditerranéenne Européenne et Comparative (CNRS, AMU)

Expérimentations art-sciences sociales, un potentiel critique

Rencontres, Grenoble
20 et 21 janvier 2015

Grenoble, 20 janvier, 15H-17H00, salle des actes, IGA, 14 bis avec Marie Reynoard (Noam Leshem, « an exploration in search of a concept »)

Grenoble, 21 janvier 2016, 9H30-17H30, amphi de la MHS Alpes, campus St Martin d’Hères (tables rondes avec NoamLeshem, P. Artières, JF Staszak, K.O’Rourke, A. Guillo, J Stassen, I. Basso, J. Cristofol, S. Mekdjian
Journées organisées dans le cadre du programme AF-FRANCHIR, par PACTE et le CRHIPA

La question de l’expérimentation est au cœur des recherches en sciences sociales des laboratoires PACTE et CRHIPA qui ont engagé depuis plusieurs années des protocoles indisciplinés qui engagent la création des chercheurs et multiplient les partenariats variés avec des artistes.

Une première journée avait été organisée sur le potentiel de ce type de rencontres et l’heuristique des « pas de côté » le 11 décembre 2014 (cf. la capsule vidéo tirée de cette journée), elle avait permis de croiser les regards autour des Expérimentations territoriales (Données & Représentations. Méthodes & Connaissances).

Pour cette nouvelle édition, nous vous convions à venir découvrir des expériences marquantes autour du travail de collectifs comme La Fin des Cartes (Anna Guilló, Paris I et Karen O’Rourke), No Man’s Land Expedition (Noam Leshem, U. de Durham, UK), An expedition in search of a concept et L’antiAtlas des Frontières (Jean Cristofol, Anne-Laure Amilhat Szary, Sarah Mekdjian), mais aussi des travaux scientifiques d’historiens et géographes inspirés par l’analyse et la production de l’image (les historiens Philippe Artières : « Un historien au pays de l’art contemporain », ou Sylvain Venayre avec dessinateur Jean-Philippe Stassen, Claire Marynower, les géographes Anne Volvey ? et Jean-François Staszak : « De l’art à la culture populaire : parcours géographique »), en présence enfin d’artisans de la production des résultats de ces travaux (les éditeurs Michel Baverey et Manuela Vaney, la produtrice de Webdocs Cécile Cros-Couder – Agence Narrative.

Les interventions n’ont pas de titre de façon à laisser à chacun des intervenants une grande liberté dans son approche des échanges. La présentation peut être une communication orale, mais aussi une démonstration ou toute autre tentative inédite.

Conférence – performance : « Data dramatization: Art, Science, Design et data visualization »

Vendredi 12 septembre 2014
Lab de L’Institut culturel de Google,
8 rue de Londres, 75009 Paris

Conférence-performance interrogeant les interactions entre artistes et scientifiques autour de la mise en scène de données :

Roger Malina, astrophysicien et fondateur du ArtSciLab de l’Université du Texas (Dallas)

Andrew Blanton, artiste compositeur

Tommaso Venturini, professeur associé au MediaLab de Sciences Po

Isabelle Arvers, commissaire d’expositions, auteur, critique

Atelier machinimas avec Isabelle Arvers et Ahmed El Shaer

25 février-1er mars 2014
La compagnie, lieu de création, Marseille

Un atelier machinima avec la commissaire d’exposition Isabelle Arvers et l’artiste égyptien Ahmed El Shaer à La Compagnie, dans le cadre de l’exposition L’antiAtlas des frontières #2. Cet atelier est réalisé en partenariat avec des organisation à but non lucratif qui travaillent avec La compagnie sur des actions sociales et culturelles.

Pour accompagner l’exposition, l’atelier a été thématisé sur la frontière pour aborder les questions de l’antiAtlas : mmigration, traversée des frontières, économie de la frontière, représentation des frontières.

Soirée antiAtlas des frontières 2

27 février 2014
Rencontre-discussion autour du numéro « Frontières » de la revue Hommes & Migration
La Compagnie, Marseille, France

A l’occasion de la parution prochaine d’un dossier consacré aux frontières, Marie Poinsot, rédactrice en chef de la revue Hommes & Migration, invite Catherine Wihtol de Wenden, politologue, directrice de recherches au CERI à Paris et spécialiste des migrations internationales et Virginie Baby-Collin, géographe, Maître de conférences à Aix-Marseille Université et spécialiste des migrations dans le golfe du Mexique.

Avec la mondialisation, une nouvelle cartographie des frontières et des migrations ? Depuis le début des années 2000, la mondialisation a non seulement accéléré les mouvements migratoires, mais elle a aussi reconfiguré les circulations qui contournent désormais les frontières les plus contrôlées. De nouveaux profils de migrants apparaissent, motivés par des considérations plus aptes à développer des stratégies multiples malgré les obstacles et les errances de la clandestinité ? Comment se redessine la cartographie des frontières les plus fréquentées par les migrations internationales ? Peut-on comparer les frontières de l’Europe de Schengen et celles qui séparent le Mexique des Etats-Unis ? Les systèmes de surveillance et de contrôle sont–ils similaires ? Peut-on parler d’une militarisation croissante des frontières ? Quelles sont les incidences concrètes sur les migrants, en terme de tactique de passage, de situation dans le pays d’accueil et de relations avec son pays d’origine ?

Dans le cadre de cette rencontre, l’antiAtlas des frontières a proposé à l’artiste Dalila Madjhoub de présenter le projet artistique qu’elle a réalisé avec Martine Derain en 1998-1999 : En Palestine, il n’y a pas de petites résistances.

Soirée antiAtlas des frontières 1

Mercredi 19 février 2014
La Compagnie, Marseille

Avec Morgane Guiard, Nicola Mai, Stephanos Mangriotis et Laurence Pilland

Nicola Mai présentera Samira, installation présentée dans l’exposition en cours. Stephanos Mangriotis et Laurence Pilland présenteront les images de Europa Inch’Allah, également présent dans l’exposition, ainsi que les réflexions qu’ils partagent. Morgane Guiard, remarquée à l’occasion de l’appel à projet, présentera ses recherches sur les murs de Marignane.

Morgane Guiard, Les murs montent
Photographies numériques, Bouches-du-Rhône, 2012-2013

Depuis quelques années les habitants de ces villas modestes entament des travaux pour ajouter des rangés de parpaing et créer un refuge d’aspect impénétrable.Parce que le travail de maçonnerie est généralement réalisé à la va vite et avec peu de budget la trace de l’élévation se charge d’une paranoïa sécuritaire qui semble devenir indispensable. Les habitant s’enferment dans leur espace intime. Il ne doit y avoir aucunes intrusions, que cela soit celle d’une personne malhonnête ou que cela soit les regards de passants curieux. Les individus se tournent sur eux même et limite le contact avec le voisinage et l’espace public.

Atelier 10 : Topologie, Territoire et Frontières

27-28 janvier 2014
La Compagnie, 13001 Marseille
Maison des Astronomes
IMéRA (Mediterranean Institute for Advanced Research)
2 place Le Verrier, Marseille

Comité d’organisation: Gabriel Popescu (Indiana University & IMéRA), Cedric Parizot (IMéRA, IREMAM, CNRS-AMU)

La topologie est une branche de la géométrie qui s’intéresse aux relations de positions dans les cadre des déformations spatiales d’objets qui conservent leurs propriétés. Les chercheurs en sciences sociales se sont inspirés de la topologie pour comprendre les transformations des territoires impliquées par la globalisation. Cependant, la relation entre topologie et territoire ne va pas de soi, alors que le territoire renvoie à une projection euclidienne de l’espace, la topologie s’inscrit dans une géométrie non euclidienne.

Lundi 27 janvier 2013

La Compagnie, Marseille

8h45 Ouverture du séminaire – Session 1

Lauren Martin, géographe, Université de Oulu, Finlande
Border Topologies: Law, Territory, and Bodies in US Immigration Enforcement

Christophe Sohn, géographe, Centre public de recherche, CEPS, Luxembourg
The border assemblage: A relational approach to bordering

Gabriel Popescu, géographe, Indiana University, résident de l’IMéRA
The topological imagination: Territorializing mobile borders?

11h00 – 12h00 Discussion

14h00 – 15h30 Session 2

Alessandro Petti, architecte, Decolonizing Architecture Project, Palestine
Lawless lines

Anne-Laure Amilhat Szary, géographe, Université de Grenoble, France
The mobile border hypothesis

Stephanie Simon, géographe, Université d’Amsterdam, Pays Bas
Border temporalities: The space-time topology of interoperability and situational awareness

16h30 – 17h30 Discussion

Mardi 28 janvier

Maison des Astronomes, IMéRA (Mediterranean Institute for Advanced Research), 2 place Le Verrier, Marseille

9:00 – 13:00 Séminaire fermé sur la topologie

Résumés

Lauren Martin, Geographer, University of Oulu, Finland
Migration, Law, and Territory: A Topological Approach to Borders

In this talk, I will critically engage with the concept of topological borders, an increasingly cited but under-examined aspect of contemporary mobility control regimes. Borders have evoked both territorial bounding and the state’s prerogative to admit or exclude noncitizens, but this traditional association of borders with sovereign territoriality seems in conflict with empirical research on immigration and border policing. Databanking technologies, risk analysis, and surveillance practices allegedly allow state officials identify and detain dangerous individuals from the population far from the territorial margins of a nation-state. In addition, the interiorization and externalization of immigration policing—and the legal mechanisms that enable them—complicate notions of borders’ fixity. Paradoxical legal categorizations allow migrants to be physically present, yet excluded from legal protections, so that states can hold people simultaneously inside and outside the law. Moreover, new immigration laws sometimes work retroactively, calling not only the « where » but the « when » of migrant’s inclusion/exclusion into question. Topology, or the mathematical study of objects under continual transformation, seems to provide a provocatively nonlinear, open, and fluid alternative to Cartesian, cartographic space, one more capable of dealing with the complexity of borders’ contemporary spatiality. However, while references to topological borders are rife, it is unclear how borders operate topologically. My aim is to refine and clarify a topological approach to borders and bordering, and to do so I bring recent conceptions of topological space to bear on immigration policing and border literatures.

Christophe Sohn, Geographer, Public Research Center, CEPS, Luxembourg
The border assemblage: a conceptual exploration into border’s multiplicity

This paper is an attempt to conceptualize borders multiplicity by mobilizing the theory of assemblage developed by Deleuze and Guattari. The aim is to examine how multiple meanings emanating from various actors constitute a border assemblage and how this heterogeneous grouping of different parts allows us to scrutinize in a new way the changing significance of borders. In the first place, an analytical framework addressing borders multiplicity in terms of structure and agency is elaborated. Based on their enabling or constraining effect over agency, debordering and rebordering processes are interpreted according to four ‘conceptual invariants’. In the second place, the concept of assemblage is mobilized in order to understand how these different meanings that do not form a coherent whole relate one with each other. The border assemblage, conceived as a relational approach to borders multiplicity, makes it possible to unravel the uneven power relations that are both constitutive of and mediated by the border. The theory of assemblage also allows us to take into consideration the non-linear processes of territorialisation and coding that stabilize or disrupt borders ‘identity’. This leads us to consider the notion of ‘topological invariants’. Lastly, a conceptualization of the connections that hold together the disparate elements is undertaken in order to be able to represent a border assemblage in contextuality. Based on discourse network analysis, new ways of mapping real world border assemblages are considered.

Gabriel Popescu, Geographer, Indiana University & IMeRA
The topological imagination: territorializing mobile borders

Current attempts to securitize transnational mobility are profoundly altering borders’ relationship to space. If modern political territoriality is built on a geographical imagination that sees space as a rigid object to be divided by linear borders, recently we are witnessing a changing geographical imagination to incorporate a polyvalent perspective that is more in tune with a notion of space defined by mobility and connectivity rather than by proximity and distance decay. Accordingly, we are witnessing the emergence of complementary forms of state borders that, shaped in large part by digital technologies, depart from the norms of territorial linearity by becoming embedded into flows that can travel and be monitored continuously across space. Such articulation of borders changes the way movement through space is organized and how people and places come into contact. This “portal-like” logic of border geography brings people and places together by connecting them directly across space, unlike modern border territoriality that connects them via contiguous state territories. However, just what kind of political territoriality these mobile borders engender remains unclear as the tension between the two geographical imaginations is proving difficult to reconcile in practice. While the network model is often advanced when it comes to representing topological phenomena, this falls short of capturing the more complex dinamics of technologically embedded border flows.

Alessandro Petti, Architect, Decolonizing Architecture Project, Palestine
Lawless lines

When historian and former deputy mayor of Jerusalem Meron Benvenisti famously asked “who owns the ‘width of the line’?” he was referring to the 1949 cease-fire lines between Israel and Jordan. The lines, he wrote, had been drawn on a 1:20,000 scale map by the two military commanders— Moshe Dayan and Abdullah al-Tal. Meeting in an abandoned house in the frontier neighborhood of Musrara in Jerusalem, they laid out a map on the floor. Each drew a line using a different colored grease pencil: Dayan used green, and al­Tal, red. The thickness and softness of the colored pencils resulted in lines that were, generally, three to four millimeters wide. But because the floor under the map was uneven (or perhaps Dayan and al-Tal were a little careless), in some areas of Jerusalem the width of the line became wider.

Before and since then Palestine is traversed by these borderlines that aim to reduce modern geopolitics into a flat Euclidian space. However when these lines encounter reality, fields, olive and fruit orchards, roads, gardens, kindergartens, fences, terraces, homes, public buildings, mosques they produce a different reality.

By investigating the clash of these geopolitical lines onto the space of a house in Jerusalem, a mosque in the village of Burin, southwest of Nablus and in the unfinished and abandond Palestinian Parliament located in Abu Dis, we aim to revel how in Palestine, political spaces are not defined by the fictional partitions extablshed during two decades of « peace agreements », but operate through legal voids. It is in these lawless lines that the regime manifest its nature but it is also in these extraterritorial dimension of these lawless lines that lays the possibility for tearing apart of the entire system of division.

*Research project developed with DAAR and Nicola Perugini

Anne-Laure Amilhat-Szary, Geographer, University of Grenoble, France
The mobile border hypothesis

Facing a world where the forms and functions of borders do not coincide anymore, we are confronted with a paradoxical episteme: one tendency to see borders everywhere, as they multiply in all kinds of spaces; another tendency to account for their topographical disparition in favour of a world of connections, which abides by complex topological systems. A closer look into the territoriality of borders reveals that the power games engaged across the linear borders have not totally disappeared, transferred into high tech surveillance devices and data basis sets. The mobile border hypothesis allows opens the ground for reflexion on the political impact of new topologies. Does the fragilizing of sovereignty induce the disappearance of the democratic political ideal?

Stephanie Simon, Geographer, University of Amsterdam, Netherlands
Border temporalities: The space-time topology of interoperability and situational awareness

This paper focuses on the imaginations of temporal and spatial topology in contemporary border surveillance by considering the push for ‘situational awareness’ and ‘interoperability’ as the prized traits of border surveillance actors and operations. In particular, the paper focuses on the new European external border surveillance program, EUROSUR, which ultimately wishes to foster situational awareness and interoperability by forging alignments between spatially and temporally dispersed elements. The program’s security imaginary resonates with the language of topology in its ambitions to bridge, morph, and blend intelligence from wildly dispersed sources—from undersea sensors to outer space satellites, from European liaisons in Libya to transnational security bodies like FRONTEX—and arranged these disparate pieces in ‘interoperable’ databases and analyzed by ‘seamless’ technological, perceptual, and visual measures. Ultimately the goal is to produce ‘situational awareness’ for border security actors, which envisions a kind of dynamic knowledge of unfolding spaces in real time and the ability to act quickly within them. This paper argues that the ambition for situational awareness rewrites the underlying spatio-temporal logic of border practices in Europe. The topological space-time of situational awareness is to be able to take cues from emergent spaces and their continual transformations and to co-evolve with them in real time. The paper maintains, however, that while this topological imagination produces effects, it does not ultimately replicate its ideal in practice. That is, there is a gap between the topological surveillance imagination and its inability to translate this into practice. This paper explores how the failures and fragilities of the topological translation offer productive inroads for security critique.

Partenariat

Institut Méditerranéen de Recherche Avancées (IMéRA, AMU), Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence, PACTE (UJF, CNRS), Isabelle Arvers, La compagnie, lieu de création

Image: DAAR, 2015

Atelier 9 : De l’économie de la frontière à l’industrie de la migration

11 octobre 2013
Musée des Tapisseries, Aix en Provence

Comité d’organisation: Olivier Grojean (CERIC, CNRS-AMU), Cédric Parizot (IMéRA, IREMAM, CNRS-AMU), Antoine Vion (LEST, AMU)

Cédric Parizot (IMéRA, IREMAM, CNRS, AMU) et Olivier Grojean (CERIC, AMU)
Introduction

Gabriel Popescu (IMéRA, AMU; Indiana University South Bend, USA)
Privatiser la prise en charge de la frontière/ Privatising Border Making

Ruben Hernandez-Leon (UCLA, USA)
L’industrie de la migration : une institution « batarde »/The industry of migration: a « Bastard institution »

Discutant : Antoine Vion (LEST, AMU)

Résumés/Abstract

Gabriel Popescu (IMéRA, AMU; Indiana University South Bend, USA)
Privatiser la prise en charge de la frontière

S’efforçant d’atteindre une perméabilité sélective pour les personnes et les biens, de nombreux aspects de la prise en charge des frontières sont en cours de privatisation. La privatisation soulève la question de la souveraineté sur les frontières et de la nature des acteurs impliqués dans la prise en charge. En tant que limites du territoire étatique, les frontières modernes ont été historiquement régulées par les institutions publiques. Plus récemment, de nombreux gouvernements ont délégué une partie de la gestion des frontières à un éventail de groupes privés et des institutions semi-publiques, voir même aux particuliers. Le résultat a été un brouillage des frontières entre acteurs publics et privés rendant plus difficile l’attribution de la responsabilité aux uns et aux autres.

Les coûts de la « sécuritisation » des frontières sont également énormes. Le contrôle des frontières au XXIe siècle est un marché estimé à plusieurs milliards de dollars. L’investissement de cet argent public intervient à une période de réductions massives des dépenses liées à l’enseignement public, la santé et d’autres programmes sociaux. Une telle logique soulève plusieurs questions: Quels sont les avantages de ces investissements pour la société? Est-ce que la richesse créée par les investissements publics dans la sécurité des frontières justifie le désinvestissement public dans les programmes sociaux ? Est-ce que ces milliards investis dans le contrôle ne pourraient pas générer de meilleurs rendements s’ils étaient investis au sein des sociétés concernées ?

Privatizing border making

Striving to achieve selective permeability for people and goods, numerous aspects of border making are being privatized. Privatization raises the issue of authority over borders and involves changes in the nature of the actors engaged in border making. In their capacity as territorial limits of the public institution of the state, modern state borders have been historically regulated through public institutions. More recently, numerous governments have delegated certain border management responsibilities to an array of private groups and quasi-public institutions, and even to private citizens. The result has been a blurring of the lines between private and public border-making actors that make it more difficult to establish where accountability for border management lies.

Another privatization-related aspect is that the costs of border securitization are enormous. Border making in the twenty-first century is a worldwide multi-billion-dollar business that are public money invested in border security at a time of massive spending cuts in public education, health care, and other social programs. Such logic begs several questions: What are the benefits of these investments for society? Is the wealth created by public investments in border security worth the losses created by public disinvestment in social programs when it comes to the well-being of societies? Can these billions bring better security returns if strategically invested in the sending societies?

Ruben Hernandez-Leon (UCLA, USA)
L’industrie de la migration : une institution « bâtarde »

Cette présentation s’efforcera d’envisager l’industrie de la migration comme une institution sociale « bâtarde ». Inventé par le sociologue américain Everett Hughes (1984), le concept d’institution « bâtarde » se réfère aux «écarts chroniques des institutions établies ». Les institutions « bâtardes » représentent des canaux alternatifs à ceux mis en place pour la distribution de biens et de services. Elles n’interviennent pas seuls, mais uniquement en relation et en interaction avec les institutions sociales considérées comme légitimes. Le recours à ce concept n’a pas pour objectif de qualifier cette industrie de déviante, mais davantage de réintroduire dans l’horizon analytique des phénomènes sociaux et économiques qui ont été marginalisés et exclus des études sociologiques.

The Migration Industry as a Bastard Institution

In this presentation, I advance the conceptualization of the migration industry as a bastard institution.  Coined by sociologist Everett Hughes, bastard institutions are chronic deviations from established institutions, which provide alternative distribution channels of goods and services.  The migration industry can be conceptualized as a bastard institution in that such industry, its actors and infrastructures provide alternatives to state sanctioned mobility across international borders.  Often deemed illegal by states, the migration industry as bastard institution enjoys varying degrees of legitimacy and support from migrants, employers, migration entrepreneurs and other actors of the social field of international migration.     

Partenariat

LabexMed (AMU), IMéRA (Aix-Marseille Université), Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Isabelle Arvers (Marseille), La compagnie (Marseille), IREMAM (CNRS- AMU), LEST (CNRS-AMU)

Photographie : Claude Chuzel, 2006

Atelier 8 : Fictions de Frontières

13 et 14 juin 2013
Institut Méditerranéen de Recherches Avancées – IMéRA (AMU)
Maison des Astronomes, Marseille

Comité d’organisation: Nicola Mai (IMéRA, London Metropolitan University), Cédric Parizot (IMéRA, IREMAM, CNRS-AMU)

« Quelle est la relation entre la matérialité et la représentation des frontières? Est-ce que les technologies contemporaines ont fondamentalement modifié cette relation? Est-ce que les cartes représentent ou engendrent des territoires ? Ce séminaire évaluera l’impact des changements technologiques contemporains  sur la relation entre la représentation et l’expérience des frontières ainsi que sur les formes de conscience associées. Il mettra en œuvre une perspective transdisciplinaire en réunissant des chercheurs en sciences humaines (historiens, sociologues, anthropologues, géographes, philosophes, politologues), en sciences dures (intelligence artificielle, informatique) et des artistes (webart, hypermédia, arts plastiques). Dans le premier atelier sur les «Fictions de frontières», les conférenciers discuteront de la façon dont les récits fictifs et les interventions artistiques (films, installations artistiques, spectacles) sont impliqués dans les expériences incarnées des réalités et des territoires frontaliers. Dans le second atelier «Représentations frontiérisantes», les artistes et les chercheurs s’appuieront sur leur propre travail  pour discuter de l’impact des technologies actuelles sur la représentation et l’expérience des frontières. Enfin, le troisième atelier examinera comment l’introduction de nouvelles «Contre-Fictions Art-Science» offre la possibilité de revivre, re-conceptualiser et de redessiner les frontières entre l’art et la science ainsi que celles entre l’écriture, l’expérience et les territoires. »

Jorge Luis Borges, De la Rigueur des Sciences, 1946

« En cet empire, l’Art de la Cartographie fut poussé à une telle Perfection que la Carte d’une seule Province occupait toute une Ville et la Carte de l’Empire toute une Province. Avec le temps, ces Cartes Démesurées cessèrent de donner satisfaction et les Collèges de Cartographes levèrent une Carte de l’Empire, qui avait le Format de l’Empire et qui coïncidait avec lui, point par point. Moins passionnées pour l’Étude de la Cartographie, les Générations Suivantes réfléchirent que cette Carte Dilatée était inutile et, non sans impiété, elles l’abandonnèrent à l’Inclémence du Soleil et des Hivers. Dans les Déserts de l’Ouest, subsistent des Ruines très abîmées de la Carte. Des Animaux et des Mendiants les habitent. Dans tout le Pays, il n’y a plus d’autre trace des Disciplines Géographiques »

Suarez Miranda, Viajes de Varones Prudentes, Lib. IV, Cap. XIV, Lerida, 1658

« Aujourd’hui l’abstraction n’est plus celle de la carte, du double, du miroir ou du concept. La simulation n’est plus celle d’un territoire, d’un être référentiel, d’une substance. Elle est la génération par les modèles d’un réel sans origine ni réalité : hyperréel. Le territoire ne précède plus la carte, ni ne lui survit. C’est désormais la carte qui précède le territoire – précession des simulacres – c’est elle qui engendre le territoire et s’il fallait reprendre la fable, c’est aujourd’hui le territoire dont les lambeaux pourrissent lentement sur l’étendue de la carte. C’est le réel, et non la carte, dont les vestiges subsistent çà et là, dans les déserts qui ne sont plus ceux de l’Empire, mais le nôtre. Le désert du réel lui-même. »

Jean Baudrillard, Simulacres et Simulation, 1981

Border Fictions/Fictions de Frontières

Bernard Guelton (Arts, Paris, UMR ACTE, CNRS, Université Paris 1)
Fiction de Frontières : Dispositifs Fictionnels et Virtuels/ Border Fictions: Virtual and Fictional Mechanisms from antiAtlas of Borders

Michelle Stewart (Film Studies, Résidente IméRa, State University of New York)
Traveling Shots: Cinema, Migration and Borders/Cadrages Mobiles: Cinema, Migration et Frontières

Nicola Mai (Résident IMéRA, London Metropolitan University)
Re-assembling Samira: antiAtlas work in progress installation/Le Ré-assemblage de Samira : présentation du ‘travail en cours’  pour l’exposition antiAtlas

Re-Bordering Representations /Representations Frontièrisantes

Jean Cristofol (Philosophe, École Supérieure d’Art d’Aix en Provence)
Distance and Proximity in a Multidimensional Space/Distance et Proximité dans un Espace Multidimensionnel

Larisa Dryansky (Histoire de l’Art, Université Paris-Sorbonne, Paris IV)
Border and Utopia in the Work of Dennis Oppenheim/Frontière et Utopie chez Dennis Oppenheim

Philippe Rekacewicz (Journaliste et Cartographe, Le Monde Diplomatique ; MIT Program for Art, Culture and Technology)
Cartographie entre Art, Science et Politique/ Cartography between Art, Science and Politics

Art-Science Counter-fictions/Contre-Fictions Art-Science

Susan Ossman (Anthropology, University of California Riverside)
The Arts of the Border: A Transnational Creative Conversation/L’Art de Frontières : une Conversation Créative Transnationale

David Napier (Social Anthropology, University College London)
Undoing the Dichotomy of Self and Other across Immunology, Anthropology and Art/Problematiser la Dicotomie entre Soi et Autre à travers l’Immunologie, l’Anthropologie et l’Art

Maggie O’Neill (Critical and Cultural Criminology, University of Durham)
Transgressive Imaginations: Border Spaces, Ethnography and Performance Art/Les Imaginations Transgressives : Espaces Frontière, Ethnographie et Performance Art

Résumés / Abstracts

Bernard Guelton (Arts plastiques et sciences de l’art, Paris, UMR ACTE, CNRS, Université Paris 1)
Fictions de frontières : dispositifs fictionnels et virtuels

Que deviennent la recréation et l’exploration de l’espace fictionnel lorsque celui-ci ne se conçoit plus du point de vue d’un sujet immobile, mais à travers ses déplacements et ses actions dans les jeux en réalités alternées  ? Une part croissante d’artistes met en œuvre des situations en réalités alternées qui ménagent des confrontations entre univers réels, virtuels et fictionnels et simultanément celles du territoire et de ses frontières. Ici, l’espace physique devient le cadre pour déployer un engagement fictionnel où les actions, la mobilité du sujet et les interactions avec d’autres participants deviennent déterminantes. La cartographie dynamique peut constituer un élément essentiel pour structurer ces différents contextes sous le mode des interactions situées. Elle permet de coordonner la géolocalisation des participants, leurs interactions, et les contenus fictionnels associés à des emplacements réels dans un espace urbain avec les scénarios et les règles mises en jeu. Dans les jeux en réalités alternées, la mobilité des joueurs et les appareillages sollicités sont déterminants. Ils impliquent des situations d’immersion réelle, virtuelle et fictionnelle qui interrogent la construction et les limites des lieux qu’ils soient ludiques ou institutionnels. Ces questions seront exemplifiées à travers un ou deux dispositifs de jeux en réalités alternées. 

Border Fictions: Virtual and Fictional Mechanisms

What do the reproduction and exploration of fictional space become if the latter is not seen as an immobile subject but through its displacements and actions in alternated realities? An increasing number of artists create situations in alternated reality negotiating simultaneously confrontations between real, virtual and fictional universes, territories and their borders. Here physical space becomes the context for the deployment of a fictional engagement where actions, mobility of the subject and interactions with others become determinant. Dynamic cartography can constitute an essential element to structure these different contexts according to situated interactions. It coordinates the geolocalisation of participants, their interactions and the fictional contents that are associated with real places in urban settings by following the scenarios and rules of games. Within games taking place in virtual worlds the mobility of players and the required equipment are determinant. They imply situations of real, virtual and fictional immersions that interrogate the construction and limits of leisurely or institutional places. These issues will be exemplified through one or two games in virtual reality.

Michelle Stewart (Cinema Studies, Résidente IméRa, State University of New York)
Traveling Shots: Cinema, Migration and Borders

Borders became sites of security with the modern state’s consolidation of its monopoly on violence within mapped territories.  As such, the experience of the border and passage across has been a problem, both theoretical and material, for some time.  Yet now, with the increasing porousness of borders for the ever more rapid transfer of capital, we find that the physical experience and political discourse of the border have hardened exponentially.  Technological advances have permitted greater securitization and surveillance regimes for these sites of passage.  In recent cinema, a number of filmmakers have crafted parallel aesthetics in an attempt to visualize the phenomenological toll and the political consequences of this border regime.  Via close analysis and comparison of these works that traverse the borders of North America, Europe, and Africa, we see how border fictions intervene in the politics of fortification and exclusion.

Cadrages mobiles: cinéma, migration et frontières

Avec la consolidation du monopole de la violence par l’État moderne dans les territoires cartographiés, les frontières sont devenues des sites sécuritaires. À ce titre, l’expérience de la frontière et de sa traversée sont devenus un problème, théorique et matériel, pendant un certain temps. Cependant, aujourd’hui, avec la porosité croissante des frontières, notamment en raison du transfert de plus en plus rapide du capital, nous constatons que l’expérience physique et le discours politique de la frontière ont durci de façon exponentielle. Les progrès technologiques ont permis la mise en place de régimes de « sécuritisation » et de surveillance de ces sites de passage. Dans le cinéma contemporain, un certain nombre de cinéastes ont conçu des esthétiques parallèles dans le but de visualiser le coût phénoménologique et les conséquences politiques de ces régimes frontaliers. A travers une analyse approfondie et la comparaison de ces œuvres qui traversent les frontières de l’Amérique du Nord, de l’Europe et de l’Afrique, nous verrons comment les fictions de frontières contribuent à la politique de fortification et d’exclusion.

Nicola Mai (Résident IMéRA, London Metropolitan University)
Re-assembling Samira: antiAtlas work in progress installation

The humanitarian protection of vulnerable migrant groups has enforced new biographical borders. Fundamental rights are allocated on the basis of the performance of ‘true’ victimhood repertoires and scripts, reproducing the suffering of the migrant to obtain state benevolence and legal migration status. Gender and sexuality have become strategic narrative repertoires through which humanitarian and biographical borders are inscribed on the bodies of migrants. The Emborders filmmaking/research project reproduces the different performances and narratives of migrants targeted by humanitarian protection as they emerge in interviews with authorities, with social researchers and with peers and families. It draws on real stories and real people, which are performed by actors to protect the identities of the original interviewees and mirror the inherently fictional nature of any narration of the self. By using actors to reproduce real people and real life histories, the project ultimately challenges what constitutes a credible and acceptable reality in scientific, filmic and humanitarian terms.

Le Réassemblage de Samira : présentation du ‘travail en cours’ pour l’exposition antiAtlas

La protection humanitaire des groupes de migrants vulnérables a imposé de nouvelles frontières biographiques. Les droits fondamentaux sont attribués sur la base de la performance de «vrais» répertoires et scripts de victime, qui reproduisent la souffrance des migrants afin d’obtenir la bienveillance de l’Etat et le statut de migrants légaux. Genre et sexualité sont devenus des répertoires narratifs stratégiques à travers lesquels les frontières humanitaires et biographiques sont inscrites sur les corps des migrants. Le projet de film/recherche Emborders reproduit les différentes représentations et les récits des migrants visés par la protection humanitaire tels qu’ils ressortent des entretiens avec les autorités, avec des chercheurs en sciences sociales, avec leurs pairs et leurs familles. Il s’appuie sur des histoires réelles de gens réels, mais qui ont été performées par des acteurs afin de protéger l’identité des personnes interrogées et refléter la nature intrinsèquement fictive de toute narration de soi. En utilisant des acteurs pour reproduire ces vraies personnes et leurs histoires de vie, le projet remet en cause ce qui constitue finalement une réalité crédible et acceptable en termes scientifiques, filmiques et humanitaires.

Jean Cristofol (Philosophe, École Supérieure d’Art d’Aix en Provence)
Distance et Proximité dans un Espace Multidimensionnel

Les récits des fictions dont nous sommes héritiers mettent en œuvre un espace homogène qui s’articule sur les oppositions du proche et du lointain, de la distance et de la proximité, de l’ici et de l’ailleurs. La figure du voyage, celle de l’utopie, de l’ile ou du passage de la frontière en sont les incarnations. Mais ces figures ne sont pas seulement de libres constructions imaginaires, elles sont aussi générées par les médiums dans lesquels elles sont articulées et elles sont concrètement produites par la relation aux modes d’existence techniques et sociaux d’une époque. Quand les échanges et les déplacements sont déterminés par les flux informationnels et que des dispositifs autonomes ubiquitaires agissent sur nos modes de perception et nos capacités directes d’action, comment pouvons-nous les penser et les mettre en œuvre ? Que devient notre relation à l’espace quand celui-ci se construit dans une complexité qui vient bouleverser les façons de comprendre le sens même de ce qu’on appelle la distance ou la proximité ?

Distance and Proximity in a Multidimensional Space

The fictional accounts which we inherit produce a homogeneous space that is articulated by the oppositions between the near and the far, distance and proximity, here and elsewhere. Figurations of travel, utopia, of islands or of border crossings are the incarnations of such oppositions and dynamics. But these figurations are not simply free imaginary constructions. They are generated by the media and produced by the technological and social arrangements of each era. How can we think and enact exchanges and displacements that are currently determined by information flows, while ubiquitous and autonomous mechanisms influence our capacity to reflect and act? How does our relationship to space changes when space is framed by a complexity that overturns the way in which we understand distance or proximity?

Larisa Dryansky (Histoire de l’Art, Université Paris-Sorbonne, Paris IV)
Frontière et Utopie chez Dennis Oppenheim

Cette communication entend cerner les aspects fictionnels des travaux associés au Land Art en s’appuyant sur le cas exemplaire de l’œuvre de Dennis Oppenheim. Que ce soit avec ses Site Markers, ses inscriptions cartographiques sur le terrain, ou ses « transferts » et « transplantations », Oppenheim a fait de la réflexion sur la notion de site un axe majeur de sa production. En même temps, sa démarche, en articulant non-lieux de l’art et non-localisation, se détache fortement de l’idée de site-specificity. Pour préciser cette approche, nous nous attarderons en particulier sur les œuvres traitant de la frontière que nous envisagerons à la lumière des thèses de Louis Marin sur l’Utopie.

Border and Utopia in the Work of Dennis Oppenheim

This paper addresses the fictional nature of the works associated with Land Art using Dennis Oppenheim’s oeuvre as a case study. The notion of “site” is a cornerstone of Oppenheim’s Land Art pieces as demonstrated by his Site Markers, his works involving the scribing of maps on the ground, and his various operations of “transferring” and “transplanting” spaces. At the same time, his approach, which articulates artistic non-places and a strategy of non-localization, runs counter to the idea of site-specificity. This is particularly apparent in Oppenheim’s treatment of the concept of borders, which may be fruitfully compared with Louis Marin’s writings on Utopics.

Philippe Rekacewicz (Journaliste et Cartographe, Le Monde Diplomatique ; MIT Program for Art, Culture and Technology)
Cartographie entre Art, Science et Politique/ Cartography between Art, Science and Politics

Susan Ossman (Anthropology, University of California Riverside)
The Arts of the Border: A Transnational Creative Conversation

Borders have a special significance for people who have settled in several homelands. I have carried out extensive research on this topic. Recently, I published Moving Matters: Paths of Serial Migration. But it is not the book or my findings that will be the subject of this presentation: rather, I will describe and analyze the artistic project that has emerged in response to the book. In May in Riverside, California. “The Arts of Migration” brought together serial migrant visual artists, dancers, actors and writers, including several who figure in the book.  Some performances such as artist Beatriz Mejia-Krumbien’s “Mi Tiempo, Mein Raum, My Map” address the question of how borders become life chapters; others like Paulo Chagas’ musical composition “Einblick” addresses the accumulated experience of border crossings. Alexandru Balesescu’s story “Dark Green Fade to Black” fictionalizes encounters among serial migrants and “ordinary” migrants in Istanbul, while Natalie Zervou explores the way  “Gestural Landscapes” travel with bodies in her choreography. In a dialogue about their shared life in East Asia, north America, Europe and Central Asia over thirty years, Barbara and Stephen James offer a moving illustration of the idea of ‘the poetics of attachment.” By working through art to respond to my research on borders and their relationship to specific life paths and subject formations, the collaborative arts project offered a unique type of critique. Through art, much of what any book inevitably leaves out could be expressed and shared.  Thus, the project opened up the project to further forms of research and new audiences. It offers an original way of generating cross-disciplinary, transnational conversations that bridge the social sciences, the humanities, and the arts. The discussions after the performances led to the conception of a manner of generating a “transnational workshop,” creating a website and making a film based on this project. These discussions are themselves a fascinating moment in the research process which I will attempt to analyze in this presentation.

Les arts de la frontière : une conversation créative transnationale.

Les frontières ont une signification particulière pour les personnes qui se sont installées dans plusieurs pays. J’ai effectué des recherches approfondies sur ce sujet. Récemment, j’ai publié Moving Matters: Paths of Serial Migration. Mais ce n’est pas ce livre ou mes conclusions qui feront l’objet de cette présentation. Je décrirai et analyserai le projet artistique qui a émergé en réponse au livre. En mai à Riverside, en Californie, «Les Arts de la migration» a réuni une série d’artistes visuels migrants, danseurs, acteurs et écrivains, dont plusieurs qui figurent dans le livre. Certains spectacles comme ceux de l’artiste Beatriz Mejia-Krumbien « Mi Tiempo, Mein Raum, My Map » s’intéressent à la manière dont les frontières deviennent les chapitres de la vie ; d’autres comme la composition musicale « Einblick » de Paulo Chagas traitent de l’expérience accumulée des postes frontaliers. L’histoire de Alexandru Balesescu « Dark Green Fade to Black » fictionnalise les rencontres entre « migrants en série » et les migrants « ordinaires » à Istanbul ; tandis que Natalie Zervou explore la manière dont les « Paysages Gestuels » voyagent avec les corps dans sa chorégraphie. Dans un dialogue à propos de leur vie commune pendant plus de trente ans en Asie de l’Est, en Amérique du Nord, en Europe et en Asie centrale, Barbara et Stephen James offrent une illustration mouvante de l’idée de «la poétique de l’attachement ». L’art a permis de répondre à certaines de mes questions sur les frontières et sur les relations entre d’un côté, mes recherches et, de l’autre, les chemins de vie spécifiques et la formation du sujet. Ce faisant, le projet d’art collaboratif a offert un type de critique inédit. A travers l’art, beaucoup de ce que n’importe quel livre laisse inévitablement de côté pourrait être exprimé et partagé. Ainsi, le projet a ouvert des pistes vers d’autres formes de recherche et vers de nouveaux publics. Il propose une façon originale de générer des conversations interdisciplinaires et transnationales qui lient les domaines des sciences sociales, des sciences humaines et des arts. Les discussions après les représentations ont conduit à la conception d’un «atelier transnational » original, la création d’un site Web et la réalisation un film à partir du projet. Ces discussions ont elles-mêmes été un moment fascinant dans le processus de recherche que je vais essayer d’analyser dans cette présentation.

David Napier (Social Anthropology, University College London)
Changing Borders of Selves and Others: The Implications of Symbiosis for Boundary Construction and Maintenance

Aristotle famously said that “what makes the world one will also be what makes a person’. This talk focuses on the implications of new and emerging understandings of malleable boundaries for traditional constructions of borders and borderlands. Does what biology tells us about selfhood have major implications for ancient and time-honored notions of boundaries—that is, what they are and how they are maintained? Do we actually need radical categories to make sense of life as we now think we know it, or are there meaningful subaltern spaces emerging in which constructive difference can be ameliorated through various intellectual and artistic interventions? Are we now approaching, if unknowingly, a new threshold in our understanding of the limitations in our thinking about boundaries as base-line categorical imperatives? In this talk, the meaningfulness of such questioning is (playfully) examined.

Les frontières changeantes du Soi et des Autres: Les implications de la symbiose pour la construction et l’entretien des limites

Aristote disait que «ce qui fait le monde, est aussi ce qui fait une personne». Cette conférence se concentre sur les implications des formes nouvelles et émergentes de compréhension des limites malléables dans le processus des constructions traditionnelles des frontières et des régions limitrophes. Est-ce que ce que nous dit la biologie à propos du soi remet en cause les notions anciennes et séculaires que nous avons des frontières? Avons-nous réellement besoin de catégories radicales pour donner un sens à la vie telle que nous croyons la connaître, ou y a-t-il des espaces subalternes signifiants émergents où la différence constructive peut être améliorée grâce à diverses interventions intellectuelles et artistiques? Approchons-nous maintenant, même inconsciemment, un nouveau seuil dans notre compréhension des limites dans notre réflexion sur les frontières? Dans cette présentation, j’aborderai de manière ludique le caractère significatif de ce questionnement.

Maggie O’Neill (Critical and Cultural Criminology, University of Durham)
Transgressive Imaginations: Border Spaces, Ethnography and Performance Art

This paper discusses biographical and participatory research undertaken at the borders of ethnography and performance art and the imagination and re-imagination of the borders between deviance and normality. Key themes addressed include the tension between human rights, human dignity and humiliation in the lived experiences of migrants, many of whom exist at the margins of the margins, and the possibilities for a radical democratic imaginary in our cultural criminological work in this area.

Les Imaginations Transgressives : Espaces Frontière, Ethnographie et Performance Art

Cet article traite des recherches biographiques et participatives entreprises aux frontières de l’art, de l’ethnographie, de la performance, de l’imagination et de la ré-imagination de la frontière entre la déviance et la normalité. Les principaux thèmes abordés sont la tension entre les droits de l’homme, la dignité humaine et l’humiliation dans les expériences vécues par les migrants, dont beaucoup existent en marge de la marge, et les possibilités d’un imaginaire démocratique radical dans notre travail de criminologie culturelle dans ce domaine.

Partenariat

IMéRA (Aix-Marseille Université), Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM, CNRS-AMU), Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, CNRS-AMU), Aix-Marseille Université, Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées (RFIEA), Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS

Atelier 7 : Économie de la frontière

25 et 26 avril 2013
Institut Méditerranéen de Recherches Avancées – IMéRA (AMU)
Maison des Astronomes, Marseille

Organisation: Cédric Parizot (IMéRA, IREMAM, CNRS-AMU)

Économie politique et art

Antoine Vion (Sociologue, LEST, AMU)
Échanges licites et illicites : le rôle des cartels. Synthèse des travaux de l’Observatoire économique des structures du capitalisme

Heidrun Freise (Social Anthropology, Ruhr-Universität, Bochum)
L’industrie migratoire naissante. Lampedusa et l’Etat d’exception

Georg Hobmeier (Artist, Gold extra)
Playing Politics – an attempt in serious game development

Flux de marchandises/Flows of goods

Robert Ireland (Political Analyst, Head of the Research and Strategies Unit, WCO)
New Perspectives on the Customs Supply Chain Security Paradigm from antiAtlas of Borders

Mariya Polner (Political Scientist, Research analyst, WCO Research and Strategies Unit) et Thomas Cantens (Anthropologue, Administrateur à l’Unité Recherche et Stratégies de l’OMD et membre du Centre Norbert Elias EHESS-Marseille)
Le temps et l’argent en frontière

Emmanuel Brunet-Jailly (Science politique, University of Victoria, Bristish Columbia)
Intégration économique, flux marchands et frontières en Amérique du Nord et dans l’Union européenne

Flux des personnes/ Flows of people

Swanie Potot (Sociologue, URMIS, CNRS)
Des migrants au service de l’économie monde ?

Laurence Pillant (Géographe, AMU)
Du formel à l’informel : la continuité du système de contrôle migratoire à la frontière gréco-turque from antiAtlas of Borders

Cédric Parizot (anthropologue, IMéRA, IREMAM, CNRS)
Trafiquants et gardes frontières : confusion ou synchronisation ? Le cas israélo-palestinien

Résumés / Abstracts

Antoine Vion (Sociologue, LEST, AMU)
Échanges licites et illicites : le rôle des cartels. Synthèse des travaux de l’Observatoire économique des structures du capitalisme (OPESC)

Les travaux de l’OPESC s’intéressent notamment à la structuration des cartels internationaux au XXe siècle. La présentation abordera d’abord la structuration du cartel pétrolier pour souligner son rôle dans la délimitation des activités légitimes et illégitimes en matière d’industries pétrolières. Elle prendra comme point de comparaison la structuration du cartel international de la production d’opiacées et son rôle dans la structuration de l’industrie du médicament. L’existence d’oligopoles mondiaux très structurés dessine très clairement les frontières entre les espaces d’échanges licites et illicites à travers le monde. La comparaison de ces deux cas invite à s’interroger sur l’émergence de nouveaux acteurs industriels, qui marquent peut-être la fin d’un cycle historique de contrôle occidental de ces industries. Celle-ci entrainerait une forte réorganisation des activités douanières, notamment en Asie et en Afrique.

Heidrun Freise (Social Anthropology, Ruhr-Universität, Bochum)
The Nascent Migration Industry. Lampedusa and the State of Exception

Given extensive media coverage, the island of Lampedusa became a prominent symbol of undocumented mobility in the Mediterranean. The intensification of border controls, the role of the Schengen treaty and the externalization of borders to the European ex-colonies in (North) Africa have been critically scrutinized. Similarly, the border-regimes and new forms of gouvernementalité that have fostered these processes have largely been addressed. Yet, institutionalized border economies and their massive interests have largely escaped attention. The paper therefore, addresses this nascent migration industry and various actors and stakeholders.

Georg Hobmeier (artist, Gold extra)                         
Jouer à la politique-une tentative de développement de « serious game »

Georg Hobmeier, membre du collectif artistique interdisciplinaire Gold extra, présentera Frontiers, un jeu qui conduit aux frontières de l’Europe. Ce jeu en ligne multi-joueurs présente le voyage d’un réfugié des régions subsahariennes vers l’Europe. Les joueurs peuvent aussi jouer le rôle d’un garde-frontières, dans les deux cas ils prendront connaissance des frontières et des luttes qu’implique leur traversée du Sahara, leur arrivée sur les plages du sud de l’Espagne ou dans le port de containers de Rotterdam. Le jeu repose sur des enquêtes extensives conduites en Ukraine, en Slovaquie, en Espagne et au Maroc, ainsi que sur des interviews avec des réfugiés, des organisations non-gouvernementales et avec les autorités en charge des frontières.

Robert Ireland (Political Analyst, Head of the Research and Strategies Unit, WCO)
Nouvelles perspectives sur le paradigme de la sécurité de la chaine logistique en douane

Cette présentation retrace la genèse du paradigme de la sécurité de la chaîne logistique en douane, né de la participation des administrations douanières au contre-terrorisme suite aux attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Ces  nouvelles perspectives sont le fruit d’une réflexion sur l’évolution de ce modèle, question politique de moins en moins prioritaire pour les douanes, même aux États-Unis. À la suite des attentats du 11 septembre, il s’est incarné dans un ensemble de régulations douanières nationales et de nouveaux standards internationaux élaborés par l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD). Celles-ci avaient pour but de dissuader l’utilisation des navires de fret international pour transporter des terroristes ou accomplir des actes terroristes. La communication examinera la mise en œuvre du paradigme par l’étude de deux programmes-clefs des douanes américaines, C-TPAT et CSI, puis son internationalisation par l’adoption du « WCO SAFE Framework of Standards to Secure and Facilitate Global Trade » à l’OMD et sa traduction politique dans la loi du « 100% container scanning ». Puis seront discutés les principaux thèmes politiques défendus par le gouvernement américain : la communication à l’avance des données de cargaison, la gestion du risque douanier, les équipements de contrôle non-intrusif (scanners) et les programmes d’opérateur agréé à vocation sécuritaire. Enfin, la communication s’intéressera au déclin actuel de ces dispositifs, avec l’abandon, de facto, du 100% scanning, dans un contexte de crise budgétaire qui laisse présager une réduction des moyens consacrés aux programmes en cours.

Mariya Polner  (Political Scientist, Research analyst, WCO Research and Strategies Unit) et Thomas Cantens (Anthropologue, Administrateur à l’Unité Recherche et Stratégies de l’OMD et membre du Centre Norbert Elias EHESS-Marseille)
Le temps et l’argent de la frontière : le cas des corridors de transport en Afrique de l’Ouest

A partir d’une réflexion sur les projets d’aide publique au développement et les travaux de normalisation et de régulation du commerce menés dans les institutions internationales, la communication étudiera le passage des marchandises en frontière, en particulier dans les pays en développement. Bien que souvent présentée dans le cadre contemporain de la globalisation et attachée aux paradigmes du développement, la flexibilité accordée au passage des marchandises est ancienne, liée à la circulation et l’accumulation de richesses et la représentation de l’abondance au-delà du territoire ou de la communauté.

Emmanuel Brunet-Jailly (Science politique, University of Victoria, Bristish Columbia)
Intégration économique, flux marchands et frontières en Amérique du Nord et dans l’Union européenne

La globalisation et l’intégration économique en Europe et en Amérique du Nord ont fourni aux chercheurs de nombreux éléments suggérant que ces processus devaient conduire à la fin de l’État-nation. Certains chercheurs ont défendu l’idée que les « espaces lieux » sont remplacés/déplacés par des « espaces flux ». Par exemple, Manuel Castell écrit que « dépassé par les réseaux de richesses, de pouvoir et d’information propres à la globalisation, l’État-nation a perdu une bonne part de sa souveraineté. » Cependant, des économistes, tels Loesch ou Helliwell, continuent d’insister sur le fait que les frontières accroissent les coûts et constituent des barrières au commerce. Dans ce papier, je montrerai que, compte-tenu du lien étroit entre que  les frontières établissent entre les marchés et le politique, les flux marchands jouent un rôle majeur dans la définition et la structuration des frontières ; les frontières sont ainsi pliées, tordues et remodelées par les forces et les flux marchands.

Swanie Potot (Sociologue, URMIS, CNRS)
Des migrants au service de l’économie monde ?

La frontière est rendue visible par les barrières érigées autour des Etats, pour protéger leur territoire de l’entrée d’indésirables. Cependant,  elle s’exprime au-delà en continuant à distinguer, à l’intérieur même de l’espace national, ceux dont la présence est pleinement légitime de ceux qui ne sont que tolérés, acceptés sous certaines conditions mais toujours maintenus en dehors de la communauté nationale. L’intervention proposée portera sur les travailleurs migrants contemporains.  De plus en plus mobiles, ils éprouvent cette limite au quotidien, non seulement lors de leur multiples déplacements mais également lorsqu’en France, leurs conditions de travail et les lois supposées les protéger relèvent de mesures dérogatoires, les distinguant encore du reste des travailleurs. Après être revenue sur les profondes mutations apparues dans les migrations de travail en Europe depuis une vingtaine d’années, je présenterai trois figures de travailleurs dont le statut d’étranger crée les conditions d’une exploitation particulière mise au service de l’économie mondialisée. Je m’arrêterai ainsi sur les étrangers recrutés en contrat temporaire (saisonniers, CDD, Stagiaires), les travailleurs dits sans-papiers et les salariés détachés dans le cadre de la prestation de service internationale, afin d’explorer ainsi la frontière « de l’intérieur » et ses usages par divers acteurs.

Laurence Pillant (Géographe, TELEMME, AMU)
Du formel à l’informel : la continuité du système de contrôle migratoire à la frontière gréco-turque

L’étude de l’économie frontalière s’est avérée être un outil méthodologique majeur dans l’approche et la compréhension du contrôle migratoire à la frontière gréco-turque. Mais au-delà de ce seul aspect, son analyse montre que les différentes activités formelles et informelles qui constituent le contrôle migratoire et gravitent autour, sont étroitement liées et participent ensemble de la mise à l’écart des migrants de la société locale.

Cédric Parizot (Anthropologue, IMéRA, IREMAM, CNRS/AMU)       
Trafiquants et gardes frontières : confusion ou synchronisation ? Le cas israélo-palestinien

Cette présentation propose une ethnographie des réseaux informels assurant le passage clandestin des ouvriers palestiniens de Cisjordanie vers Israël entre 2007 et 2010. Les travaux qui ont documenté ce phénomène se sont essentiellement concentrés sur le vécu et les perceptions des ouvriers condamnés à la clandestinité. Ils insistent sur leur souffrance ou, au contraire, valorisent leur capacité à résister et à survivre dans un contexte de précarité et d’injustices accrues. Sans négliger la souffrance des Palestiniens, je m’efforcerai de dépasser ces approches : comme le soulignait Lila Abu Lughod (1990), l’idée de résistance tend à surestimer le pouvoir des populations opprimées. Elle favorise, par ailleurs, une construction binaire du conflit. Opposant, terme à terme, les Israéliens aux Palestiniens, elle évacue de multiples acteurs et interactions intermédiaires jouant pourtant des rôles significatifs. Enfin, en se concentrant uniquement sur la souffrance des Palestiniens, on prend le risque de se limiter à une sociologie du pouvoir israélien. Déplaçant le regard des ouvriers vers les passeurs, je propose une ethnographie du trafic d’ouvriers prenant en compte l’ensemble de ces acteurs. Je montrerai ainsi comment des Palestiniens, des Israéliens interviennent au quotidien, formellement et informellement, pour faciliter le passage des Palestiniens de Cisjordanie vers Israël. S’étant appropriés les failles et les opportunités créées par le régime de contrôle israélien, ils entretiennent une « économie du passage » ; ils participent ainsi au fonctionnement et aux réajustements du régime de mobilité israélien aux côté des autorités israéliennes.

Partenaires

IMéRA (Aix-Marseille Université), Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM, CNRS-AMU), Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, CNRS-AMU), Aix-Marseille Université, Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées (RFIEA), Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS

Image: Heidrun Friese, Partire 2, 2009

Atelier 6b : Le temps et l’argent de la frontière

7 mars 2014
Maison méditerranéenne des sciences de l’Homme, Aix en Provence

Organisation: Cédric Parizot(IREMAM, IMéRA, CNRS, AMU)

Le temps et l’argent de la frontière

Mariya Polner (political scientist, research analyst, WCO Research and Strategies Unit) et Thomas Cantens (anthropologue, administrateur à l’Unité Recherche et Stratégies de l’OMD et membre du Centre Norbert Elias EHESS-Marseille)

A partir d’une réflexion sur les projets d’aide publique au développement et les travaux de normalisation et de régulation du commerce menés dans les institutions internationales, la communication étudiera le passage des marchandises en frontière, en particulier dans les pays en développement. Bien que présentée souvent dans le cadre contemporain de la globalisation et attachée aux paradigmes du développement, la flexibilité accordée au passage des marchandises est ancienne, liée à la circulation et l’accumulation de richesses et la représentation de l’abondance au-delà du territoire ou de la communauté.

Partenariat

IMéRA (Aix-Marseille Université), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman, Laboratoire Méditerranéen de Sociologie, Ecole supérieure d’Art,
Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées, Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS

Photo: Thomas Cantens, Limani, Cameroun, 2013

Atelier 6 : Décoder la frontière

13 et 14 février 2013,
Ecole supérieur d’art d’Aix en Provence,
Rue Emile Tavan, Aix en Provence

Organisation: Cédric Parizot (IMéRA, IREMAM, CNRS-AMU), Jean Cristofol (Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence)

Ce séminaire porte sur l’impact de l’escalade sécuritaire et technologique sur le fonctionnement et les manifestations des frontières des Etats au cours des 20 dernières années. Cette réflexion s’opérera dans un cadre transdisciplinaire associant des chercheurs en sciences humaines (historiens, sociologues, anthropologues, géographes, philosophes, politologues), des chercheurs en sciences dures (intelligence artificielle, informatique) et des artistes (webart, hypermedia, etc.). Dans le premier atelier, chercheurs, architectes et artistes discuteront des technologies de plus en plus sophistiquées (robots, drones, technoscience, biométrie) qui sont déployées le long des frontières mais aussi en deçà et au-delà de ces espaces. La perspective socio-historique adoptée dans le second atelier permettra de mieux comprendre dans quels processus s’inscrit l’émergence de ces technologies. Enfin, le troisième atelier présentera à travers deux œuvres transdisciplinaires et une intervention le caractère profondément envahissant et diffus des contrôles aux frontières. Entre biographies et codes, la frontière semble s’immiscer jusque dans les corps des individus, les images et les flux de données numériques.

Drones, robots & technoscience

Noël Sharkey (artificial intelligence, University of Sheffield)
Les robots à la frontière: nouvelles armes, nouveaux problèmes?

RYBN.ORG (collectif artistique, Paris)
Antidatamining : frontières à l’épreuve de l’économie financiarisée

Charles Heller (filmmaker and writer, Center for Research Architecture, Goldsmiths, University of London)
Forensic Oceanography: subverting surveillance, demanding accountability

Klaus-Gerd Giesen (science politique, Université d’Auvergne, Clermont Ferrand)
The biopolitical normalization of the human: a fractal regulation beyond and below borders” from antiAtlas of Borders

De l’identification à la biométrie / From Identification to Biometry

Martine Kaluszynski, (socio-historienne, PACTE, CNRS, Grenoble)
Du carnet anthropométrique au passeport biométrique : l’identification, une pratique constructrice de l’Etat (19e-21e siècle)

Hidefumi Nishiyama (politics and International Studies, University of Warwick)
« Corps frontières » dans le Japon impérial et au-delà

Gabriel Popescu (geographer, Indiana University, South Bend)
Border bodyscapes and precarious life from antiAtlas of Borders

Emmanuel Brunet-Jailly (science politique, University of Victoria, Bristish Columbia)
Frontières, théorie et sécurité: la frontière, ici, là et partout

Frontières intrusives/Pervasive borders

Joana Moll (new media artist, Barcelone)
Move and get shot: la surveillance par les réseaux sociaux le long de la frontière américano mexicaine

Nick Mai (anthropologist, London Metropolitan University)
Emborder: la biographisation de la frontière

Jean Cristofol (philosophe, Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence)
Flux, images et frontières

Résumés

Noël Sharkey (artificial intelligence, University of Sheffield)
Les robots à la frontière: nouvelles armes, nouveaux problèmes?

Les premières décennies du 21e siècle seront considérées comme l’âge des véhicules sans pilote. Depuis 2002, l’utilisation des drones dans les zones de guerre a considérablement augmenté. Beaucoup d’entre eux sont armés et contrôlés à des milliers de kilomètres de leurs zones d’action. La technologie a proliféré au point qu’ils sont utilisés dans au moins 76 pays. Les drones représentent un énorme marché international. Les développements se sont étendus aux navires, aux sous-marins sans pilote, aux voitures et aux robots terrestres, qui commencent à faire leur apparition dans le civil au sein de la police et des organismes de protection des frontières. Cette présentation examinera l’évolution de la technologie et ouvrira une discussion sur la façon dont les drones pourraient être appliqués à la surveillance future des frontières pour garder, exclure ou enfermer les populations.

RYBN.ORG (collectif artistique, Paris)
Antidatamining : frontières à l’épreuve de l’économie financiarisée

Le modèle de gouvernance de l’État-Nation est aujourd’hui mis en concurrence par les méthodes de gestion des flux issues du capitalisme financiarisé. Nombre d’événements récents en témoignent : nomination de Mario Monti en Italie, de Loukas Papadimos en Grèce, crise des dettes souveraines, etc. Ce déplacement du pouvoir nécessite de redéfinir et de retracer les cartes du conflit en cours, en réévaluant les notions d’état, de  sécurité, de frontière, de législation, de suffrage, de droit du travail, d’impôt, de marchés. Le workshop propose de répertorier les lignes de fracture entre capitalisme financiarisé et État-Nation, et de dresser l’inventaire des techniques et technologies qui participent de cette reconfiguration.

Charles Heller (filmmaker and writer, Center for Research Architecture, Goldsmiths, University of London)
Forensic Oceanography: subverting surveillance, demanding accountability

Je présenterai ici une partie du travail que nous avons développé sur les incidents touchant les migrants en mer et les outils que nous avons développés pour en rendre compte dans le projet de recherche Océanographie médico-légale. Je commencerai par contextualiser ce projet en esquissant dans les grandes lignes la tension entre la gouvernance des flux et le partitionnement des mers qui caractérise la gouvernance maritime, l’importance géopolitique de la Méditerranée et les conditions dans lesquelles sont mises en oeuvre les tentatives de contrôle des frontières maritimes de l’UE. J’aborderai ensuite plus en détail les systèmes de détection -radars, données automatisées de suivi des navires, images satellites – qui sont au cœur du “triage des mobilités” aux frontières dans les zones à forte densité de circulation. Je montrerai que, malgré leur sophistication, ces technologies de détection atteignent leurs limites lorsqu’elles sont appliquées au contrôle des flux de migrants illégaux. De fait, la militarisation et la technologisation du contrôle de la migration en mer ont été particulièrement meurtrières – plus de 13.000 cas de migrants morts ont été dénombrés par les ONG. Enfin, je décrirai notre enquête sur un incident en mer qui nous a permis d’aller au-delà du simple comptage des décès de migrants en mer pour les dénoncer et demander des comptes.

Klaus-Gerd Giesen (science politique, Université d’Auvergne, Clermont Ferrand)
The biopolitical normalization of the human: a fractal regulation beyond and below borders” from antiAtlas of Borders

La communication tente d’appréhender les tentatives de régulation, à l’échelle mondiale, de la technoscience génétique appliquée à l’humain. Partant du constat de la crise de l’humanisme dominant, elle examine le basculement dans l’ère du « tout génétique » biologisant, et ses justifications idéologiques. On observe notamment l’instrumentalisation des nombreux comités de bioéthique et d’évaluation technologique (aux niveaux nationaux, supranationaux ou internationaux) au service d’une normalisation de l’humain qui joue précisément sur les frontières pour créer de multiples réseaux institutionnels publics, agencés sous forme de configurations polymorphes, discontinues et complémentaires, se constituant ou se défaisant au gré des nécessités et des besoins concrets de légitimation politique.

Martine Kaluszynski, (socio-historienne, PACTE, CNRS, Grenoble)
Du carnet anthropométrique au passeport biométrique : l’identification, une pratique constructrice de l’Etat (19e-21e siècles) 

Les technologies du contrôle social, les instruments d’identification sont de véritables techniques de gouvernement qui vont contribuer à construire l’Etat Nation. La méthode anthropométrique permit pour la première fois d’établir scientifiquement l’identité des délinquants et de sanctionner les récidivistes. L’établissement rigoureux des signalements des prévenus, juxtaposé à une technique rationnelle de classement, aboutit à l’instauration d’un fichier judiciaire élaboré et efficace. Ces éléments forment la clef de voûte du système anthropométrique. Le cheminement de cette méthode, son application, ses résultats et ses conséquences vont nous montrer à quel point elle fut une pratique permettant d’établir dans un premier temps le maintien de l’ordre et la répression, et dans un second temps l’instauration d’une technique (et « politique ») républicaine de gouvernement fondée sur l’identité. Ce processus général de rationalisation des techniques policières d’identification des individus (Bertillonnage, dactyloscopie,…) connaît une profonde mutation en France à partir du dernier tiers du XIXe siècle. Elle aboutit notamment à l’élaboration et la proposition du projet INES (Identité nationale électronique sécurisée) par le ministère de l’Intérieur en 2005. Cette intensification des technologies traduit une réorganisation des formes d’expression de la puissance publique. Elle conduit à s’interroger sur les conséquences de sa recherche d’une nouvelle efficacité et légitimité qui la conduit à s’ancrer de plus en plus dans la société elle-même et à s’appuyer sur les développements technologiques qui brouillent les frontières, pourtant classiques, entre sécurité et liberté, entre police et justice ou entre répression et surveillance.

Hidefumi Nishiyama (politics and International Studies, University of Warwick)
« Corps frontières » dans le Japon impérial et au-delà

En 1926, des scientifiques japonais menés par Furuhata Tanemoto, un professeur de science médico-légale et plus tard le chef de l’Institut national de recherches scientifiques de police, ont commencé à classifier des groupes raciaux et ethniques à partir de leurs empreintes digitales. Cette recherche, ou ce que Furuhata appelle “l’index des empreintes digitales”, a servi de support pour établir une corrélation entre des modèles d’empreintes digitales et des groupes raciaux et ethniques catégorisés en fonction de la hiérarchie des civilisations définie par  l’Empire : de ceux assimilés à des “civilisé” et “de type japonais” aux “primitifs” considérés comme “dangereux”. A partir de cette étude de cas historique sur le traitement des empreintes digitales entre les années 1920 et les années 1930, ce papier montre que les corps sont devenus des espaces de confinement et de délimitation, où l’on distingue les individus en fonction de leurs prédispositions à la criminalité. La spatialisation du corps est double: d’une part, ils sont spatialisés parce que les attributs corporels deviennent la sphère de production d’une identité particulière; d’autre part, ils sont territorialisés dans des lieux géographiques et dans le spectre de pouvoirs politiques. En historicisant l’identification biométrique, cet article s’attache à mettre en lumière les liens entre identité et identification dans le cadre des contrôles frontaliers contemporains, au sein desquels l’in/désirabilité des corps est continuellement calculée de manière à la fois similaire et distincte.

Gabriel Popescu (geographer, Indiana University, South Bend)
Border bodyscapes and precarious life from antiAtlas of Borders

Les stratégies de gestion des risques associées à la sécurisation de la mobilité transnationale ont déclenché une course technologique favorisant un processus d’intégration des frontières dans le corps humain. La croyance dominante est que les risques mobiles peuvent être évalués et éliminés dans le processus même de mobilité afin que les flux et le trafics ne soient pas perturbés à la frontière. Ainsi, les corps sont imaginés comme des espaces d’inscription de la frontière. Cette logique du pouvoir repose sur un point de vue prédominant dans les sciences naturelles selon lequel le corps est perçu comme un objet matériel pouvant être identifié numériquement à l’aide de la technologie. Les technologies biométriques, entre autres, sont utilisées pour acquérir des connaissances complètes sur les corps mobiles avant même qu’ils ne traversent les frontières étatiques. Ces données corporelles sont utilisées pour classer les individus en termes de bonnes et de mauvaises mobilités. L’objectif est de produire des catégories qui se prêtent au calcul de risques. Cette connaissance du corps génère inévitablement de nouvelles formes de pouvoir qui agissent sur des espaces à la fois intimes et mobiles. Cette logique de contrôle spatial a tendance à imaginer l’automatisation des frontières comme une panacée permettant de concilier la mobilité sans entrave et la sécurité du territoire. Pourtant, contrairement aux affirmations selon lesquelles les technologies numériques aux frontières aideraient à la prise de décision humaine, la manière dont elles sont mises en œuvre suggère que l’automatisation des frontières cherche à générer de nouveaux automatismes dans la prise de décision qui réduiraient l’intervention humaine. Il s’agira ici de comprendre si la biométrie peut effectivement réduire l’incertitude pour rendre la vie plus sûre ou si au contraire elle crée plus d’incertitude, rendant les vies des individus encore plus précaires.

Emmanuel Brunet-Jailly (science politique, University of Victoria, Bristish Columbia)
Frontières, théorie et sécurité: la frontière, ici, là et partout

Les 18e et 19e siècles ont été des époques où les sociétés disciplinaires ont mis en place un type de pouvoir, un ensemble d’instruments, de techniques, de procédures, des niveaux d’application et des technologies qui étaient anti nomade. L’ère d’aujourd’hui est celle du contrôle. Il s’agit d’un moment où un type de pouvoir et de technique permet au corps de devenir un mot de passe dans un flux codé, permettant l’accès à la mobilité et au statut. Parallèlement, la sécurité qui a été traditionnellement conçue comme mono-sectorielle et axée sur l’armée, devient multi-sectorielle. Ceci suggère l’importance de penser clairement l’équilibre entre les secteurs, les types de menaces, les acteurs et les éléments qui, ensemble, ont des implications importantes pour les politiques de sécurité. Les politiques de sécurité sont plus complexes, car les problèmes identifiés comme des menaces sécuritaires sont également plus diversifiés: ils sont pluriels et multiformes. Les politiques de contrôle aux frontières sont aux prises avec ces nouvelles dimensions complexes de la sécurité. En effet, cette nouvelle complexité se traduit de façons diverses et inégales aux frontières des États et aux niveaux des politiques frontalières ; elle affecte d’ailleurs leurs relations de voisinage et les relations internationales. Cette complexité accrue en matière de sécurité a également des conséquences pour la définition des frontières et des régions frontalières – c’est la frontière ici, là, partout.

Joana Moll (new media artist, Barcelone)
Move and get shot: la surveillance par les réseaux sociaux le long de la frontière américano mexicaine

The Texas Border et AZ: move and get shot sont deux œuvres d’art numérique qui explorent le phénomène de la surveillance sur Internet effectué par des civils à la frontière entre le Mexique et les États-Unis à partir de plateformes mises en place par les autorités américaines. Beaucoup de ces plateformes en ligne sont apparues lors du développement des réseaux sociaux dont la structure a été adoptée comme une alternative moins chère et plus efficace pour surveiller la frontière. Ainsi, l’activité de loisir est devenue un outil pour la militarisation de la société civile. Cette présentation exposera le processus de recherche derrière les deux œuvres d’art et analysera l’évolution de certaines de ces plateformes internet depuis leur création jusqu’à nos jours.

Nick Mai (anthropologist, London Metropolitan University)
Emborders: la biographisation de la frontière

En raison des politiques plus restrictives encadrant les migrations mondiales, l’octroi de l’asile et la protection sociale des groupes de migrants vulnérables ont généré de nouvelles frontières biographiques entre l’Occident et le reste du monde. Au sein de la gouvernance humanitaire de la migration, le genre et la sexualité sont devenus des répertoires narratifs stratégiques à travers lesquels les hiérarchies d’appartenance et les obstacles à la mobilité sont renforcés. L’accent mis sur la dimension sexuelle pour construire et pour contrôler des groupes de migrants définis comme vulnérables peut être définie comme un «humanitarisme sexuel». Le projet de recherche cinématographique Emborders (l’incorporations de frontières biographiques) problématise l’efficacité et la portée de l’humanitarisme sexuel en comparant les expériences de deux groupes de migrants qui sont abordées comme de potentielles «victimes cibles »: des migrants qui travaillent dans l’industrie du sexe et des migrants appartenant à des minorités sexuelles. Emborders rassemble les récits de victimisation et d’émancipation développés par les migrants dans le cadre d’entretiens de recherche originaux et d’observations ethnographiques.

Jean Cristofol (philosophe, Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence)
Flux, images et frontières 

Les images sont des moments saisis, partagés, modifiés dans la circulation des flux d’information. De ce fait elles contribuent à constituer la matière même de notre expérience quotidienne, non seulement comme des objets que nous rencontrons et qui véhiculent du sens, mais comme la réalité mouvante de l’environnement dans lequel nous nous trouvons. La place et le lieu des images a donc changé, comme la relation des images aux lieux. Il ne s’agit plus seulement de parler de l’image du monde, ni du monde des images, mais des modes par lesquels s’effectue l’interpénétration du monde et de l’image. Cette nouvelle place de l’image est en relation avec la façon dont on peut penser l’espace des flux informationnels. Longtemps, on a pensé la relation au cyberespace comme à une sphère seconde, un autre monde dans le monde dans lequel il était devenu possible de s’immerger. Un monde sans frontière qui se déploierait au delà de l’espace géographique, ou dans lequel les formes de séparation et de clôture seraient d’une autre nature. Il faut bien constater que ce qui se passe est sensiblement différent et que l’immersion a pris une toute autre forme, celle de l’intrusion ou de ce qu’on peut appeler par emprunt à l’anglais la « pervasion ». C’est de la relation entre image, immersion et pervasion qu’il va donc être question.

Partenariats

IMéRA (Aix-Marseille Université), Ecole supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Institut de Recherche et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM, CNRS-AMU), Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, CNRS-AMU), Aix-Marseille Université, Réseau Français des Instituts d’Etudes Avancées (RFIEA), Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, CNRS

Affiche et photographies : Myriam Boyer, 2013